Oui, le Multivers semblait vraiment l’intriguer. Peut-être la magicienne y cherchait une satisfaction qu’elle n’était plus en mesure de trouver dans son monde d’origine ? Face à ces questions, Mélinda se leva alors.
«
Suis-moi, Séléné. Je vais te montrer quelque chose qui m’aidera à répondre à tes questions. »
Alice se releva à son tour, et sa main fila dans celle de Mélinda. Un geste innocent, mais qui pouvait exprimer à Séléné un message clair : elle avait beau être la magicienne d’Alice, et la dominer, au fond, Alice obéissait instinctivement davantage à Mélinda qu’à Séléné. Ceci étant dit, il aurait sans doute été réducteur de réduire Alice à un simple trophée entre les deux femmes. Elle voyait aussi Mélinda comme sa meilleure amie, sa mère de substitution, et sa « co-épouse », si tant est que ce terme puisse avoir la moindre signification. Mélinda se dirigea ensuite vers une double porte, et les trois femmes rejoignirent un couloir. Par rapport au château de Sylvandell, le Palais Impérial était bien plus vaste, avec de grands couloirs et de grands escaliers dopnnant sur une sorte de structure centrale qui s’étalait sur plusieurs niveaux.
Le sommet du donjon correspondait aux quartiers privés de l’Empereur. Au rez-de-chaussée de secteur, il y avait une grande place, et, ensuite, les autres étages s’organisaient autour d’une mezzanine centrale avec une verrière au sommet menant aux Jardins Impériaux. C’était à la fois joli et surtout militaire, car les mezzanines formaient comme autant de points de défense pour les soldats de l’Empereur. Signe de la magie omniprésente sur Terra, cette ouverture centrale ressemblait un peu à la Grande Salle de
Harry Potter : des objets divers volaient régulièrement en suivant des lignes bien définies par les mages. Des corbeaux et des hiboux convoyaient des messages, et les messages volaient ensuite tout seul vers les différents secteurs, passant à travers des tuyaux. Les quartiers de l’Empereur comprenaient beaucoup de mondes, notamment des femmes qui saluaient les épouses, et observaient Séléné en se demandant qui elle était.
Mélinda fila par l’une des mezzanines, et ouvrit une porte qui donnait sur un escalier plus étroit. Cet escalier menait à une zone un peu reculée. Mélinda ouvrit la porte à l’aide d’une clef, et elles pénétrèrent dans une sorte de grand laboratoire. Le plafond était d’une couleur violette et étoilée, et semblait animée. Des lignes arrondies. Il y avait une grande table centrale avec des instruments représentant des étoiles, des planètes, et, enfin, le long des murs, à l’exception de deux fenêtres offrant un éclairage, des rangées de bibliothèques.
«
La Cosmogonie n’est pas la seule référence concernant le Multivers. Je sais que, sur Terre, il y a eu un procès avec un certain chercheur, Galilée, qui avait contesté que la Terre était au centre de son système solaire. L’histoire de Terra est différente de la vôtre… Plus simple, et aussi plus complexe.
-
Ce laboratoire sert à étudier le Multivers. Ce n’est pas le seul, et on l’utilise surtout pour compiler nos données scientifiques, et déterminer de nouveaux itinéraires. »
Ce n’était pas qu’un laboratoire magique, mais aussi alchimique, à en juger par les fioles qui se trouvaient sur la grande table. Mélinda commença alors ses explications en répandant la fiole dans une bassine, ce qui fit apparaître au milieu de la table une sorte de grande sphère.
«
Ceci est une représentation du Multivers. Une sorte de grande sphère à l’intérieur de laquelle d’autres sphères se trouvent. »
L’intérieur de la sphère s’élargit, et s’ouvrit, montrant effectivement des sphères qui flottaient, comme des petites boules.
«
Le chaos apparent qui règne ne s’explique que par notre incompréhension à percevoir les lignes qui régissent le Multivers. Mais il existe un ordre. Si tu en as la curiosité, tu verras dans les essais et traités qui se trouvent dans cette pièce des théories sur l’idée qu’il existe plusieurs formes de multivers… Étant d’un esprit simple et binaire, je réduis cela à deux catégories : le multivers horizontal, et le multivers vertical. »
Tandis qu’elle parlait, les sphères à l’intérieur de la grande sphère remuèrent. Beaucoup s’alignèrent, tandis que d’autres, moins nombreuses, se relevèrent et s’abaissèrent, formant ainsi une sorte de double structure : une série de sphères alignées sur une même ligne, et d’autres qui s’alignaient sur d’autres niveaux. Alice renchérit alors. Elle était cette fois restée proche de Séléné, et, peut-être pour ne pas la vexer, lui caressa affectueusement le dos.
«
Toi, tu viens du même plan que nous. Les Limbes, l’Enfer, le Paradis, le Warp… Ce sont d’autres dimensions, mais qui existent sur d’autres plans. Même pour toi qui arrives à voyager d’une dimension à l’autre, on ne peut pas voyager aussi simplement vers les autres plans.
-
Tous ces mondes, tous ces possibles, sont comme les branches infinies d’un arbre sans fin… Un Yggdrasil colossal. Il existe toutefois des structures qui relient ces mondes… Des structures qui font que ces dimensions étanches échangent entre elles, et que ce qui est de la fiction dans une dimension soit une réalité dans l’autre. Les Dieux eux-mêmes sont incapables de comprendre le fonctionnement de tout ceci, mais les Dieux savent quelles sont ces lignes qui relient entre eux les univers…
-
Tu en as peut-être entendu parler, Séléné, ce sont les ley lines. »
Alice récupéra dans un sachet des espèces de graines dorées, et souffla dessus. Les graines rejoignirent l’image de Mélinda, et formèrent alors des lignes brillantes, dorées, qui serpentaient entre les différentes dimensions, comme les branches d’un arbre qu’il serait difficile de comprendre.
«
Ces lignes magiques existent sur chaque planète, y compris la tienne, ma chère magicienne. Tu connais peut-être cette anecdote, mais on dit que le continent européen est traversé par une ligne magique. Si on relie huit sanctuaires religieux dédiés à Saint-Michel, cela forme une ligne qui part de l’Angleterre à Israël. »
Mélinda se retourna vers les fameux ouvrages, et en sortit un. Il était assez gros, et se composait en réalité de cartes. Elle le posa sur la table, et montra à Séléné
une carte qui confirmait cela.
«
Les recherches qui ont été menées par les savants eldois confirment que toutes ces ley lines sont reliées entre elles. Elles forment une espèce d’immense réseau qui se développe partout où se trouve la vie. Ce sont ces lignes qui nous permettent de voyager dans le Multivers, ces canaux. Et tu devines sûrement la corollaire de ce raisonnement… Dis-lui, Alice. »
Alice se retourna vers Séléné, se pinça brièvement les lèvres, et poursuivit :
«
Si on remonte la source des ley lines, on arrive à une sorte de cœur, de point de regroupement de toutes ces lignes. Elles se regroupent autour de plusieurs planètes qui s’articulent elles-mêmes autour d’une planète centrale. Quatorze planètes qui sont reliées chacune entre elles par un Rayon, et, au centre des Sept Rayons, on trouve Terra, et la Tour. »
Est-ce que Séléné savait tout cela ? Mélinda en doutait. Est-ce que cela pouvait susciter son intérêt, et l’amener à trouver ce qu’elle avait tant cherché ?
Peut-être.
«
Je n’ai pas encore répondu précisément à ta question, ma chérie, mais il fallait quand même que je te pose le contexte. Si tu souhaites savoir d’où ces connaissances nous viennent, ces livres et ouvrages appartenaient aux Eldois. Il existe sans doute quantité d’autres ouvrages au royaume de l’Eld, mais, si cela t’intéresse, je t’en parlerai après. Maintenant, avant de poursuivre mon exposé, je souhaite savoir si, au cours de tes voyages, tu as pu entendre parler des Grands Anciens, du Mythe de Cthulhu, ou de la Monarchie de la Rose ? »