Cela va bientôt faire deux mois que Jin Tanaka est rentré chez lui au Japon. Donner de son temps et de son énergie aux autres ne lui a pas permis d'amasser assez d'argent pour entrer dans la catégorie des gens possédant de bons revenus. De toute manière l'argent n'a jamais été un objectif important du moment qu'il a un toit sur la tête et de quoi s'acheter suffisamment à manger pour tenir le mois. Si jamais il lui reste un peu de sous de côté pour s'amuser cela n'est que du bonus.
Sauf que son rapport avec l'argent va drastiquement changer deux jours après son retour au Japon. Faute de logement, Jin s'est d'abord arrêté chez ses parents le temps de s'acclimater, de trouver un emploi d'enseignant et un endroit où s'installer sur le long terme. Ses parents, en particulier sa mère Saeko, était ravie de retrouver son bébé après des années de séparation. Internet à ses avantages lorsqu'il s'agit de garder le contact. Mais rien ne vaut un véritable contact physique avec une personne à qui on tient beaucoup. Son père, Tatsuhiko, est un homme bourru et très peu bavard qui n'exprime que rarement ses sentiments. Cela ne l'empêche pas d'être bon et généreux de nature avec sa famille et son entourage proche. Très travailleur, c'est lui qui a inculqué cette valeur à son fils aîné. Son plus grand regret reste de ne pas avoir eu autant de réussite avec leur second enfant, Haruto.
Le jeune homme âgé de 20 ans a passé son enfance à fréquenter les mauvaises personnes. Entre les allez et retours réguliers en cellule pour des délits mineurs et les exclusions dans les différentes écoles où il est passé, ses parents ne savent plus quoi faire pour le remettre dans le droit chemin.
Pour une fois depuis bien longtemps, la petite famille est réunie et s'amuse dans leur modeste maison de la banlieue de Saitama. Saeko avait déjà cuisiné durant des heures pour l'occasion et la table était garnie d'une dizaine de plats préparés avec soin et amour. Même le chef de famille qui est généralement inexpressif s'en va à sourire dans de rares occasions. Le salon est animé par les rires, les anecdotes des uns et des autres remontants à des dizaines d'années pour ressasser le bon vieux temps.
*BOM* *BOM *BOM*
Soudain quelqu'un se mit à tambouriner dans relâche à leur porte. A cet instant Haruto devient blanc comme un linge et se met à paniquer. Les quelques mots qui sortent de se bouche pour demander à sa famille de faire comme si ils n'étaient pas là peinent à s'enchaîner. Il bafouille de manière presque exagérée.
- Je le savais... Tu as bien joué la comédie tout ce temps. lâche le père en regardant son fils avec une rage certaine.
- Chéri, arrête. lui demande sa femme paniquée.
De l'autre côté de la porte on peut entendre un groupe d'hommes s'impatienter et se demander si ils ne devraient pas l'enfoncer. Un débat de courte durée vu que la délicate porte en bois ouvragée avec soin par un artisan ébéniste ami d'enfance du père est explosée en morceaux par les multiples coups de pieds qu'elle a encaissée.
Un groupe de 6 hommes qui ressemblent fortement à des yakuzas entrent dans le salon avec à leur tête un bonhomme au visage défiguré par une cicatrice au niveau de l'oeil gauche. Ses lunettes de soleil ont beau masquer l'état de son faciès, sa blessure facilement visible derrière les verres teintés.
- Alors, Haruto, tu veux nous faire faux-bon ? lâche le chef au jeune homme. Avant de reprendre en se tournant vers son père. - Toutes mes excuses monsieur. J'aurais préféré éviter toute cette malheureuse situation.
D'un geste de la tête il fait signe à un de ses hommes de main qui dépose une coquette somme d'argent sur un meuble.
- Voyez ceci comme un dédommagement pour la porte et notre présence soudaine. annonce le chef sur un ton presque doux.
Il explique ensuite au reste de la famille que le plus jeune fils à des millions de dettes à rembourser. Jeux d'argents, compagnie de prostituées, usage de drogues diverses. Cet idiot est même allé jusqu'à consommer le produit qu'il devait vendre lorsqu'il a été recruté. Le genre de connerie à ne surtout pas faire.
En quelques secondes ce sont les cris et les insultes d'un père déçu envers son fils qui remplacent les rires chaleureux. Accompagnés des pleurs d'une mère anéantie par la tristesse et la honte.
C'est une fois leur message passé que le groupe de truand s'en va. Sans oublier de mettre en garde le jeune adulte du sort qui l'attend si il ne paye pas sa dette dans les 12 mois à venir. Aujourd'hui c'est le travail forcé qui attend les personnes dans son cas. Voir le trafic d'organes pour les cas les plus extrêmes.
~ Une semaine plus tard. ~
Désormais considéré comme persona non grata chez lui, Haruto doit retrouver son frère en ville quand les deux hommes veulent se voir. Attablé dans un petit restaurant familiale, les deux frères ont une vive conversation qui va jusqu'à attirer leurs voisins de table.
- Allez, s'te plaît ! implore Haruto à son frère.
- Non ! J'ai juré de ne plus jamais tremper là-dedans.
- Tu sais que je te demanderai pas ça si c'était pas important.
- C'est facile à dire pour toi. Combien il te reste à rembourser ?
- Trop.. Beaucoup trop. Mais je fais des efforts, je te le jure.
Jin n'est pas du genre à s'emporter facilement pourtant. Mais cette discussion semble le mettre dans un état de nervosité évident.
- J'ai même trouvé l'endroit idéal pour ça.
- T'es fort pour trouver du boulot aux autres.
- Regarde ! dit-il en lui montrant son portable. - Cette ville s'appelle Yoake. Il ont même un lycée. Je m'suis renseigné et ils recrutent des profs.
~ 10 jours plus tard. ~
Le ciel est dégagé, la température se veut douce alors qu'un grand soleil orne haut entre les quelques nuages qui égayent ce paysage idyllique. De nombreuses jeunes filles discutent entre elle au milieu de ce qui semble être une cour.- T'es au courant ? demande la première à ses deux copines.
- Ouais, on a un nouveau prof.
- Vous l'avez vu ?
- Non ! Pas encore...
Habillé d'un pantalon en toile et d'une chemise blanche remontée jusqu'aux coudes avec pour seul ornement une cravate d'un ton gris fade, Jin a la parfaite panoplie du cliché de l'employé de bureau classique. A partir d'aujourd'hui il va enseigner l'histoire aux lycéens en soif de savoir et d'expériences.
Ses deux premières heures de cours se veulent logiquement chahutées par les habituelles question déplacées des élèves qui veulent en apprendre plus sur leur professeur tout en essayant de le déstabiliser au maximum pour vérifier jusqu'où ils peuvent aller. Une sorte de bizutage en règle que chaque professeur se doit de passer lorsqu'il arrive en cours d'année quelque part.
~ Le même jour, à l'heure de la cantine ~
Il est environ 12h30 quand le nouvel enseignant plein de doutes se met en tête de rejoindre le réfectoire pour déjeuner avec une partie de ses nouveaux collègues. En passant derrière un banc situé sous un arbre pour s'abriter temporairement du soleil il surprend un ahurissant échange entre deux élèves.- T'as vu la vidéo qu'il a posté hier ?
- M'en parle pas... J'ai eu du mal à dormir après l'avoir regardée.
- Toi aussi ? Ce mec est juste hallucinant.
- Trop ! Je sais pas ce que je ferais si on se croisait.
- Moi je sais ! Ah ah !
- T'abuses ! Même si t'as raison. Hé hé...
La conversation semble somme toute banale à première vue. Sauf que son coeur rate un battement et ses pieds s'arrêtent nets lorsqu'il entend l'une d'elle ajouter : - Dekai-kun me fait mouiller comme une fontaine.
Ce que les gens ignorent c'est que derrière ce masque d'homme bon, compatissant, généreux et toujours prêt à aider son prochain se cache un acteur amateur de vidéos pour adultes. Une carrière à laquelle il a mit un terme il y a des années de cela en terminant ses études qu'il finançait grâce aux dons récoltés sur les diverses plateformes dont il se servait pour commercialiser ses créations.
La nouvelle de son retour a fait un grand buzz dans le milieu. C'était d'ailleurs à ce sujet qu'il s'était disputé avec son frère qui le poussait à relancer cette activité qu'il n'assume pas le moins du monde.
L'homme plein d'assurance qui apparaît dans ses vidéos n'est qu'un rôle qu'il joue pour satisfaire celles et ceux qui le regardent. Cette timidité est une des raisons qui l'ont poussé à ne jamais montrer son visage à l'écran, de masquer sa voix et de demander à ses partenaires qu'il puisse porter un bandeau ou un masque quand il tourne.
Sa courte chevelure noire qui trône au-dessus de son crâne à l'ossature carrée et parfaitement symétrique n'est jamais visible à l'écran. Ni sa barbe de 3 jours ou ses larges sourcils qui pourraient le rendre facilement reconnaissable par les personnes de son entourage. Même un homme avec un visage des plus banal comme lui peut être remarqué dans certaines circonstances.
Une simple chemise blanche, une cravate et un pantalon en lin bas de gamme semblent suffire à masquer la dense et solide musculature de chacun de ses membres. Jin n'est pas né avec des épaules larges. Ce dernier prend soin de lui et tient à rester en bonne santé en faisant du sport régulièrement tout en surveillant son alimentation. Tout ces voyages à l'étranger étaient éprouvants physiquement. Entre ça et son hobby de l'époque, posséder un physique musclé était presque une nécessité. Un seul de ses biceps fait largement la taille du crâne d'un de ses élèves.
Idem pour ses cuisses massives qui n'ont rien à envier aux lutteurs et catcheurs les plus costauds qu'on pourrait voir sur les rings.
Il possède également un grain de beauté derrière son tibia gauche. Du coup il ne peut pas porter de short avec des inconnus dans le coin par peur d'être démasqué. Pas qu'il soit non plus une star immense. Mais rien que d'imaginer qu'on pourrait découvrir sa double identité l'angoisse.
Mais dans un lieu où les tentations sont si nombreuses et les moyens de gagner plus d'argent et plus facilement se trouvent à chaque virage, comment va-t'il se débrouiller ?
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