La succession de la Faërie était en cours depuis plusieurs années, et elle était complexe. Le Roi avait un pouvoir de préférence, mais ce n’était pas lui qui décidait qui devenait Roi, ou Reine. Il y avait une dizaine de candidats, et tous devaient s’illustrer dans des campagnes et dans des quêtes. Eärendil était l’un des favoris, et avait juré de ramener la tête du chef Orc, le redoutable Bosboss. Un Orc très puissant qui avait su fédérer cette puissante horde. Un Orc qui manipulait la magie noire, ce qui amenait les Elfes à croire qu’il était dirigé par un mage noir appartenant aux Taethes, les Elfes Noirs, des ennemis héréditaires des Faes. Eärendil avait réuni un puissant ost, et avait mené une bataille redoutable. La campagne avait duré plus d’une année. Il avait réussi à réorganiser les défenses, et à stopper l’invasion orc, puis avait contre-attaqué, s’enfonçant dans les montagnes et les régions glacées de l’Ouest sauvage. Eärendil s’était enfin illustré par un combat colossal contre Bosboss. Il avait réussi à le tuer au cours d’un combat très impressionnant, qui avait duré plusieurs heures, de la citadelle de Bosboss aux profondeurs de la montagne où l’Orc avait élu domicile, puis à son sommet. Finalement, les Faës avaient retrouvé le corps inanimé d’Eärendil. L’elfe avait failli mourir, et il avait fallu un bon mois pour le soigner. De fait, des informations contradictoires avaient émané vers la capitale, annonçant même la mort du Prince, avant qu’il ne revienne finalement d’entre les morts.
Quand elles avaient appris la nouvelle de sa mort, Aëlle & Änwen, ses deux sœurs, avaient bien cru mourir de chagrin. Elles avaient prié toutes les deux pour que ces nouvelles soient fausses. Vierges toutes les deux, Aëlle & Änwen étaient profondément amoureuses de leur frère aîné, un amour réciproque, et mal vu. Le Roi avait essayé de les séparer, de marier ses filles à d’autres elfes, mais elles avaient refusé, et, quand le Roi avait insisté, Eärendil s’était prodigieusement énervé. Il n’appartenait pas au Roi de choisir les époux de ses filles sans leur consentement ! Sa position lui avait valu de perdre à ce moment des points dans la succession. Änwen, elle, était la fille du père et de la mère d’Eärendil, tandis qu’Aëlle était issue d’une union entre le Roi et une Princesse taethe. Son union aurait dû permettre d’instaurer la paix entre les deux peuples, mais cela avait échoué. Initialement otage politique, Aëlle avait été élevée comme une Princesse. Elle et Änwen étaient inséparables, et avaient longtemps joué avec Eärendil, dormant avec lui. Tous les serviteurs et les gardes savaient que le trio s’aimait d’un amour sincère. L’inceste n’était pas quelque chose de bien vu au sein de la Faërie, mais, les elfes étant éternels, ne subissant point les affres du temps, les relations incestueuses étaient connues.
La résurrection d’Eärendil et la mort de Bosboss furent accueillies par les deux Princesses avec un immense soulagement.
« Il est vivant !
- Il ne pouvait en être autrement… »
La nuit précédant son départ, Eärendil avait demandé à ses sœurs de rester vierges. Elles étaient venues le voir, inquiètes, car on disait que les hommes en campagne avaient tendance à se rendre dans des maisons closes. Or, ils s’étaient juré de perdre leur virginité ensemble. Eärendil avait donc juré qu’il reviendrait, qu’elles seraient sa première fois, et les trois s’étaient jurées de rester vierges, passant ensemble un serment aux yeux des Dieux.
Le soulagement se répandit à travers toute la nation. Eärendil revint en héros, accompagné par une foule immense. Bosboss avait commis bon nombre de massacres, et fait quantité de prisonniers. Le Prince les avait libérés, et le Conseil des Faës ne pouvait que faire de lui le Roi. Les récits héroïques de son combat contre Bosboss en faisaient déjà un personnage presque mythologique. Toutefois, en le voyant revenir, les Princesses ne purent le voir, car il se rendit directement à une session extraordinaire du Conseil des Faës, qui lui annonça leur volonté de le couronner. Le Prince devait en profiter pour imposer sa seule condition : épouser ses sœurs.
De leur côté, les deux jeunes femmes attendaient dans leurs fines robes blanches dans le Jardin d’Ysa, un jardin royal privé réservé aux membres royaux. Elles attendaient avec nervosité de voir si le Conseil allait accepter la requête de leur aimé, et s’ils allaient pouvoir se marier…