Ce qui se passait ici ne pouvait être
que de la télépathie. Pas à ce niveau-là. Pour Scott, ils étaient tous les deux face à un pouvoir qui altérait la réalité. Un pouvoir similaire à celui de Wanda, à sa magie du Chaos, et à sa capacité à modifier la réalité. Ce n’était pas que de simples visions qu’ils voyaient, mais une réalité qui se modifiait, qui s’altérait en fonction de ce que la personne à l’origine de ces modifications, le fameux Alep, souhaitait. Et, face à eux, l’agglomérat d’âmes et d’esprits brisés qui formaient l’entité « Alep » se matérialisa. Alep n’était pas un être vivant unique, mais un regroupement de pensées diverses, d’esprits brisés, d’âmes qui n’avaient pas encore eu droit au repos éternel, et qui avaient fusionné pour former une créature monstrueuse et difforme. Alep n’avait aucune forme physique tangible, et se matérialisa à eux sous la forme d’un vortex, une déchirure noirâtre d’où des corps meurtris s’échappaient. Des mains, des visages grimaçants et hurlants… Des tentacules noirs jaillirent également, tandis qu’Alep cherchait à les aspirer. Emma s’interposa alors, et puisa dans ses pouvoirs psychiques, intimant à Scott de rester derrière elle.
«
Fais attention, Emma ! »
Scott entendit des cris autour d’eux. Il se retourna, et vit une silhouette émerger au fond du couloir. C’était un fantôme, un soldat japonais datant de l’époque de la Seconde Guerre Mondiale. Équipé d’un
Arisaka Type 99, il se rapprochait du duo, et pointa son arme en leur hurlant dessus. Scott se concentra, et ses yeux s’illuminèrent. Ses rayons optiques fusèrent, et, quand son tir toucha le soldat, celui-ci s’évapora en une volute de poussière.
Pas le temps de siffler, toutefois, car, émanant de la salle de classe qu’ils venaient de quitter, d’autres soldats émergèrent. L’un d’eux passa à travers le mur, et la crosse de son fusil heurta Scott au visage. Sonné et blessé, le mutant heurta le mur, et tira encore, vaporisant l’ennemi. Un autre soldat, depuis la salle de classe, lui tira dessus. Aucune balle ne sortit vraiment, mais Scott sentit une vive douleur à l’endroit où il aurait dû être touché, et cracha même un peu de sang de ses lèvres.
Le sol trembla alors, tout comme les murs et le plafond. Les lattes sur le plancher se déchirèrent, des fissures se mirent à lézarder les murs et le plafond, tandis qu’Alep rugit.
« Scott ! Scott ! Viens la voir !
- LA TORTUE DANSE SUR LES RIVÈRES DE SANNG DES ENFANTS ! MORT À LA VIEILLE PUTE !
- Viens flotter avec moi, Scott, nous flottons tous en bas ! »
Emma avait aussi droit à des messages télépathiques de ce genre. Furieux, moqueurs, ironiques, ils se gaussaient de ces mortels, de ces mutants pensant pouvoir rivaliser avec eux. Alep hurla encore, mais Emma rugit à son tour. Elle lança une vague psychique particulièrement forte, et Alep implosa. Le vortex se déchira, et la forme s’évapora en un mugissement de douleur ténu, se recroquevillant à toute allure pour laisser apparaître un corps enfantin calciné recroquevillé sur le sol.
Autour d’eux, les silhouettes des fantômes furibonds avait disparu. Scott se releva péniblement. Il posa ses doigts sur ses lèvres, et constata qu’il avait bel et bien saigné. Le mutant éternua légèrement, et rejoignit Emma. Elle dodelinait, et, quand elle bascula en arrière, il la rattrapa.
«
Emma ! Réveille-toi, Emma ! »
Scott entreprit de lui faire du bouche-à-bouche. Elle respirait encore, mais semblait sonnée. Une ligne de sang s’échappa de ses narines, lui rappelant des souvenirs… Lointains. Quand Jean forçait trop sur ses pouvoirs mentaux lorsqu’elle était adolescente, elle avait des migraines épouvantables, et finissait aussi par saigner du nez. Xavier leur avait expliqué que c’était normal, car la télépathie était avant tout une activité cérébrale intense, et il ne fallait pas trop demander au cerveau de fonctionner à un tel régime.
L’enfant remua encore sur place, et hurla à nouveau, des tentacules noirâtres jaillissant de son dos. Il se retourna vers Scott. Ses yeux étaient devenus d’un blanc immaculé, et sa silhouette n’avait d’enfantine que l’apparence. Scott lui tira dessus, mais le monstre bondit sur le mur… Et, tandis que ses pattes se posaient sur le mur, la gravité le suivit. Scott se sentit attiré par le mur, et tomba dessus, comme si le couloir tout entier pivotait sur place. Il passa à travers un panneau, retournant dans la salle de classe, et heurta le mur au fond de la salle de classe. Emma allait basculer également, mais un tentacule s’enroula autour de sa taille.
«
Lâche-là ! »
Scott tira avec ses rafales optiques, tranchant le tentacule, et Emma tomba sur lui, tandis que le monstre rugissait furieusement.
La bestiole bondit encore, rentrant dans la salle de classe, et, tandis qu’elle ricanait, Scott entendit des bruits sourds tout autour de lui. Le plafond se mit à trembler, tout comme les murs, résonnant de coups sourds. Des trous apparurent ici et là, des brèches, comme si, à l’extérieur de cette salle, deux mains gigantesques tentaient de s’y enfoncer, de glisser leurs épais doigts à l’intérieur.
«
Qui es-tu ?! »
Et la bête répondit, par des mots qui lui vrillèrent le crâne.
*
Ïa ! Ïa ! Cthulhu Fhtagn !*
Le mur s’éventra derrière eux, et Scott et Emma tombèrent. Ils tombèrent dans un puits noirâtre, un abîme sans fond. Scott heurta une plateforme rocheuse, et lâcha Emma, avant de basculer dans une rivière. Le courant se mit à l’emporter, accélérant encore…
…Puis il tomba à travers une cascade qui le ramena à
Rook Island. Une chute d’une quinzaine de mètres qui le ramena dans l’eau, et l’amena à la dérive, jusqu’à ce que des mains l’extirpent de l’eau, le posant sur une barque. Sonné, Scott ne vit pas l’homme qui le regardait. Fumant une cigarette,
Vaas Montenegro observa sa proie, qui éternuait péniblement en recrachant de ses poumons l’eau qui s’y était infiltrée.
«
Attachez-le bien, les gars… Et bandez ses yeux. Tu es venu pour voir tes copains, le mutant ? Et bien, il n’y avait pas besoin de tant de cirque. Il suffisait de demander, tu n’auras même pas à payer d’impôts pour ça ! »
Emma, de son côté, allait se réveiller ailleurs, dans une grotte sombre, éclairée par quelques champignons phosphorescents. Et, tandis qu’elle émergeait, une femme bondit devant elle.
«
Et bien, si je m’attendais à ça… La Reine Blanche en personne. Utopia manque à ce point de personnel pour que la grande Emma Frost en personne aille salir ses vêtements sur ce maudit caillou ? »
Cette voix rocailleuse et goguenarde était celle d’un des membres de la X-Force,
Feral.