The Multiversity

[Le Lys]

Le flash lumineux de la Porte du Lys s’éteignit, laissant Sakura seule sur une plage immaculée. Elle cligna des yeux derrière ses lunettes rondes surdimensionnées, ajustant son masque à gaz futuriste qui sifflait doucement à chaque respiration. La brise salée et chaude s’écrasait sur elle, mais heureusement, le filtre de son masque l’isolait de l’air saturé de particules aux propriétés douteuses.

Le sable blanc s’étendait à perte de vue, bordé par une jungle dense et vibrante de vie végétale. Sakura resserra les sangles de son sac à dos rempli de ses outils et gadgets, tandis que Cortex, son drone sphérique flottant à proximité, émettait un léger bip d’analyse.

« B-bien... Euh... Cortex, on... on y est » murmura-t-elle, sa voix étouffée par le masque, trahissant son anxiété naturelle. Elle passa une main nerveuse dans ses cheveux roux, qu’elle avait gardé relâché pour plus de praticité.

Elle consulta rapidement sa tablette, confirmant les coordonnées des modules repérés depuis ses analyses préliminaires. Ils n’étaient pas loin, mais il lui fallait traverser cette jungle qui semblait à la fois magnifique et inquiétante. Cortex projetait un chemin sûr, et elle se mit en marche en suivant son compagnon mécanique.

« R-rappelle-toi, on... on analyse juste. Pas d’ennuis, pas de surprises » marmonna-t-elle pour elle-même. La jungle qu’elle traversait était dense et opulente. Des fleurs luminescentes dégageaient des parfums sucrés que même son masque peinait à filtrer complètement. Elle se força à ne pas paniquer en notant chaque détail dans son carnet de bord numérique.

Les effluves... aphrodisiaques, comme elle s’y attendait. Cortex semblait les détecter aussi, confirmant leur présence en projetant des alertes holographiques. Sakura déglutit nerveusement.

« T-tout va bien... O-on est protégés... » tenta-t-elle de se rassurer en appuyant légèrement sur les bretelles de son sac.

Au bout de quelques dizaines de minutes de marche, elle finit par atteindre une clairière. Là, devant elle, se dressaient les fameux modules, parfaitement alignés autour du cratère rempli d’eau douce. Le site semblait avoir été figé dans le temps, presque irréel dans son architecture moderne et épurée. Chaque module, équipé de baies vitrées et de panneaux solaires, renvoyait un éclat métallique sous le soleil tropical.
Sakura resta un instant immobile, intimidée par cette vision.

« C-c’est... P-presque intact. »

Elle s’approcha lentement de l’un des modules, ses bottes crissant légèrement sur le sol sablonneux. Cortex flotta jusqu’à la porte principale, scannant l’entrée automatique. Après quelques secondes, le drone émit un bip rassurant : aucun danger immédiat détecté. La porte, légèrement entrouverte, laissait entrevoir l’intérieur.

Sakura inspira profondément, puis hocha timidement la tête.

« A-alors... j-je suppose qu’on entre » dit-elle en baissant les yeux vers Cortex comme pour chercher son approbation.

Elle franchit l’entrée avec une hésitation palpable, son cœur battant à tout rompre sous l’effet d’une nervosité naturelle. Une fois à l’intérieur, elle s’arrêta pour observer les lieux.

L’intérieur du module ressemblait à une maison humaine moderne, avec une technologie qui allait avec, cela ne dépassait pas tout ce qu’elle avait vu jusque-là. Un salon spacieux occupait un endroit, avec un canapé moelleux et une télévision. Des étagères contenaient divers objets oubliés, probablement laissés par les précédents occupants. Sur un autre côté, une cuisine ouverte montrait des ustensiles et des appareils. Il y avait aussi d’autres pièces dont un avec un grand lit, par exemple.

Sakura s’avança dans la pièce, sa curiosité prenant le pas sur sa timidité.

« Q-quelque chose d’aussi b-bien... laissé... abandonné ? C-c’est étrange... »

Cortex, pendant ce temps, explorait le module, projetant des scans sur les murs et inspectant chaque recoin. Sakura posa son sac sur le canapé, sortant sa tablette pour commencer à analyser les interfaces encore actives.

Elle connecta un câble depuis sa tablette jusqu’à la télévision, espérant accéder à des informations ou aux fichiers encore disponibles. Cependant, avant qu’elle ne puisse obtenir des résultats concrets, un bip aigu retentit depuis Cortex.

Sakura releva brusquement la tête, sursautant légèrement.

« Q-qu’est-ce que... ? » balbutia-t-elle, sa main tremblant un peu en consultant les données envoyées par le drone.

Sur l’écran de sa tablette, un radar simplifié affichait une silhouette qui s’approchait lentement du module depuis la jungle. Une présence humaine, ou quelque chose qui y ressemblait.

« Q-quelqu’un... ? I-ici ? » murmura-t-elle, le cœur battant plus vite.

Elle se mordilla la lèvre inférieure, luttant contre son instinct naturel qui lui hurlait de s’enfermer dans un placard. Ses doigts tapotèrent nerveusement sur l’écran, tentant d’obtenir plus de détails, mais Cortex n’arrivait pas à fournir une analyse précise. Impossible de savoir à quoi ressemblait l’inconnu, ni même s’il était hostile.

« J-je... j-je ne suis pas p-prête pour ça... » souffla-t-elle, jetant un coup d’œil rapide vers la porte. La tension monta d’un cran tandis que la silhouette continuait de s’approcher, encore invisible à travers les larges baies vitrées du module. Sakura serra légèrement sa tablette contre elle, sentant une goutte de sueur perler sous son masque.

Elle sentit son estomac se nouer et ses doigts tremblants tapotèrent, de nouveau, l’écran pour tenter d’obtenir plus d’informations. Mais Cortex ne pouvait fournir qu’une analyse basique : l’individu était humain ou humanoïde, mais aucun détail supplémentaire ne pouvait être confirmé.
L’adrénaline monta en flèche alors que Sakura jetait un regard autour d’elle, cherchant frénétiquement une cachette. Ses yeux tombèrent sur une porte légèrement entrebâillée, qui semblait mener à une petite pièce adjacente.

« C-Cortex, cache-toi... e-et surveille... » chuchota-t-elle d’une voix tremblante, avant d’attraper ses affaires et de se précipiter à l’intérieur de ce qui se révéla être une salle de bain. Elle referma doucement la porte derrière elle, essayant de ne pas faire de bruit. Elle se tassa dans un coin, respirant avec difficulté à travers son masque alors qu’elle écoutait attentivement les sons provenant de l’extérieur.

De l’autre côté de la porte, Cortex était caché et continuait ses scans, surveillant silencieusement le salon. La silhouette détectée semblait se rapprocher encore, jusqu’à ce que le radar indique qu’elle n’était plus qu’à quelques mètres du module.
Sakura, blottie dans la salle de bain, serra sa tablette contre elle, son esprit embrouillé par l’anxiété et la peur de l’inconnu. Ses mains tremblaient tandis qu’elle tentait de réfléchir à un plan.

« Q-qu’est-ce que je fais là ? Q-qui... q-qui ça peut être ? » murmura-t-elle faiblement, son souffle saccadé résonnant dans le masque.

Dehors, Cortex signala, sur la tablette, que l’inconnu était désormais à la porte du module.

[Makana]

La vie sur cette île paradisiaque et isolée n’était pas si terrible que cela pour Makana. Certes, l’absence de liens sociaux et le désir dévorant de relations intimes avec autrui pouvait rendre dingo n’importe quelle nymphomane, mais heureusement pour la jeune fille qu’elle était restée, la lycéenne ne percevait plus le temps tel qu’il se déroulait réellement. Autrement dit, quatre mois sans sexe de son point de vue, c’était pas non plus la mort, juste que si une occasion se présente un jour, elle plongera dessus tête la première, tel un athlète olympique.

Sans les habitacles, sa survie n’aurait sans doute pas durée aussi longtemps faut dire. Un véritable miracle dans ce trou perdu de l’océan. Un matelas tout moelleux, une télévision fonctionnelle, une cuisine toute équipée, une salle de bain chauffée… que demander de plus ? La lycéenne avait pour ainsi dire la sensation d’être d’avantage en vacances que de devoir survivre en milieu hostile. La bouffe ? Aucun problème. Les modules étaient tous équipés d’un fabricateur moléculaire, pour recréer n’importe quel aliment comestible. La seule contrainte était qu’il fallait cuisiner ces derniers, ils apparaissent pas tout prêts. Fallait pas en demander trop non plus.

La seule chose que les modules ne pouvaient pas produire, c’était les fruits qui poussaient sur l’île. Makana avait déjà essayé d’en mettre dans l’appareil, s’attendant à ce qu’il fasse un genre de photocopie, mais nan, ça semblait pas marcher comme ça. Donc si elle en voulait, pas le choix, il fallait sortir pour en cueillir, deux ou trois, pour pas avoir à faire ça tout les jours, mais pas plus, sinon certains finiraient par pourrir. Donc elle sortait, avec un panier, et se baladais dans la jungle. Certes, cette dernière dégageait des effluves particulièrement aphrodisiaques, mais en quatre ans, son organisme s’était acclimaté. Peu importe l’endroit où elle se trouvait sur l’île, cela ne changeait plus rien pour elle.

Cueillir des fruits mûrs ne lui prit qu’une petite heure, avant de revenir au lac, qui formait naturellement une clairière dans la végétation. Les modules étaient installés en cercle autour, la terrasse fasse au lac et l’entrée côté jungle. Le lac en lui même n’était pas complètement fermé non plus, une petite cascade le quittait et formait une petite rivière jusqu’à l’océan. Comme il ne se vidait pas, la basanée soupçonnait que le lac était connecté à une nappe phréatique. Sans doute l’ancienne chambre magmatique du volcan éteint.

Makana se rendit naturellement au module dans lequel elle s’était installée depuis son arrivée, sans se douter un seul instant qu’une intruse se trouvait dedans elle aussi. Elle passa la porte dans sa plus simple nudité et posa le panier de fruits sur la table, les disposant dans un saladier, puis se vautra sur son lit en allumant la télévision, sans remarquer la présence dans la salle de bain.

– Pfiouuu… Enfin rentrée… Bon, y’a quoi aujourd’hui sur la 69 ?

La 69 était une chaîne porno du câble sur cette planète. Outre des films et des émissions dédiées au sexe, on y trouvait aussi des séries télévisées, qui mêlaient habilement intrigues et actions avec sauteries. Étonnamment, il ne semblait y avoir que des femmes et des Futanari. En effet, depuis qu’elle était sur l’île, elle n’avait pas vue un seul homme à la télé ou sur internet. Makana regarda donc le programme du jour, ses doigts trouvant progressivement leur chemin vers son intimité… pour doucement la trifouiller.

[Le Lys]

Sakura était blottie dans un coin, ses jambes tremblantes et ses bras serrés autour de sa tablette. La salle de bain était silencieuse, à l'exception de sa respiration saccadée, qui se faisait plus forte à mesure que sa nervosité grandissait. Cortex, son fidèle drone, revint vers elle et flottait près d'elle en mode furtif, invisible et silencieux. Pourtant, Sakura ne pouvait s'empêcher de lancer des regards inquiets vers la porte, redoutant qu'à tout moment l'inconnue dans le module ne découvre sa présence.

« C-C'est pas vrai… C'était censé être vide... Pourquoi faut-il que ça m’arrive à moi ? » murmura-t-elle, sa voix étouffée par la peur. Elle inspira profondément, essayant de se donner du courage. « D'accord… tu peux le faire… juste sortir doucement et… partir… sans attirer l'attention. »

Alors qu'elle se redressait sur ses jambes encore hésitantes, un faible bruit grésillant retentit soudainement. Son sang se glaça. Cortex, malgré son mode furtif, venait d'émettre un son. Avant qu'elle ne puisse réagir, le drone, dans un mouvement maladroit, heurta l'étagère à côté d'elle. Un objet chuta et s'écrasa sur le sol en faisant du bruit.

« Non, non, non… Cortex ! » souffla-t-elle, ses mains tremblantes essayant en vain de rattraper la situation.

Les pas dans la pièce principale s'arrêtèrent brusquement. Puis, avec une lenteur qui lui sembla interminable, Sakura entendit des pas légers se diriger vers la salle de bain. La poignée de la porte tourna doucement, et la porte s’entrouvrit.

« Oh non, elle arrive ! » pensa-t-elle, paniquée. Elle se tassa derrière la porte, priant pour que l’inconnue ne la remarque pas.

Le bruit de pas se rapprochait. Sakura ferma les yeux, son cœur battant à tout rompre. Lorsque la silhouette de l’inconnue entra dans la salle de bain, Sakura, dans un élan désespéré, bondit hors de sa cachette. Mais son pied glissa sur le sol et elle perdit l’équilibre.

Tout se passa en un éclair. Elle tomba lourdement sur l’inconnue, l’entraînant avec elle. Elles s’écrasèrent au sol dans un chaos de membres emmêlés. Sakura sentit ses lèvres heurter quelque chose de doux et chaud. Ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’elle réalisa qu’elle venait d’embrasser la jeune femme sans le vouloir.

« A-Aaahh ! » balbutia-t-elle en se redressant précipitamment, ses joues devenant écarlates. Mais ce n’était pas tout. Sa main droite, dans la confusion de la chute, s’était posée sur la poitrine de l’inconnue et pas seulement posée. Elle avait involontairement peloté la peau douce et ferme.

Alors qu’elle relevait légèrement les yeux, Sakura ne put s’empêcher de remarquer l'apparence frappante de la jeune femme. Elle était petite et frêle, mais sa silhouette dégageait une étrange harmonie. Sa peau basanée semblait presque lumineuse sous les néons de la salle de bain, et ses cheveux d’un brun soyeux coulaient comme une cascade fluide jusqu’au bas de son dos. Ses grands yeux verts, encadrés par des traits doux et juvéniles, étaient captivants. Bien que sa poitrine fût modeste, Sakura sentit un frisson de gêne en réalisant qu’elle avait inconsciemment noté leur texture.

Ce n’était pourtant pas la première fois que Sakura voyait une femme nue. Au Lys, la maison close saphique où elle travaillait parfois comme ingénieure, il n’était pas rare de croiser des femmes ou des futas dans leur plus simple appareil. Pourtant, chaque fois, cela la rendait incroyablement gênée. Elle n’arrivait pas à s’habituer à cette exposition naturelle et décomplexée, et ce moment-ci ne faisait pas exception.

Elle tenta d’éviter de remarquer davantage, mais son regard se posa un instant de trop sur les courbes délicates et bien proportionnées de l'inconnue. La ligne de ses hanches, son ventre plat et ses jambes longues et fuselées ajoutaient à une beauté naturelle qu’il était impossible d’ignorer.

« J-Je… je suis désolée ! » bredouilla Sakura, retirant immédiatement sa main comme si elle venait de toucher une flamme. Mais dans le fond, une partie d’elle n’oubliait pas la sensation surprenante qu’elle venait de ressentir. « C-C’était un accident, vraiment ! J-Je ne voulais pas… toucher… enfin, je veux dire… je ne savais pas que… vous étiez là… et que… vous étiez… comme ça… »

Ses mots se mêlaient dans un flot chaotique alors qu’elle reculait à quatre pattes, les yeux fixés au sol, trop honteuse pour relever la tête. Elle mordilla sa lèvre, tentant de calmer les tremblements de ses mains.

« J-Je pensais que le module était vide ! Je ne voulais pas m’introduire ici, c-c’était une erreur ! » balbutia-t-elle, sa voix montant dans les aigus à cause de sa panique. Cortex, flottant près d’elle, émit un faible bip d’excuse, comme s’il partageait sa culpabilité.

Sakura, toujours rouge de honte, serra ses bras autour d’elle-même, évitant autant que possible de croiser le regard de l’inconnue. Mais malgré sa gêne, elle ne pouvait s’empêcher de se remémorer brièvement la douceur de la peau qu’elle avait touchée et la beauté qu’elle avait accidentellement contemplée, un détail qui fit monter encore plus sa confusion.