Petit haussement de sourcil. Oswald connaissait son identité, ce qui laissait déjà penser que l’homme venait de Terra et non d’un autre univers étrange. N’ayant nullement envie de faire inquiéter davantage ce bonhomme en lui affirmant qu’il se tenait bien en présence du terrible souverain de Mijak, il se contenta de laisser un demi-sourire éclairer ses traits.
Plus il l’écoutait raconter sa vie et plus une sensation de méfiance s’imbibait dans son être. Oswald Mandus parlait de ses origines, de citoyen de Lumen, d’un abattoir très lucratif ... En ressassant le nom du mystérieux étranger dans sa tête, Wismerhill se rappela soudain un des rapports de ses espions qui pullulaient dans les quartiers et châteaux de Lumen. Un incident magique dont les répercussions s’étaient faite sentir sur toute Terra. Si une chose était à retenir, outre l’origine douteuse et controversée des pratiques occultes d’Oswald dans son abattoir et son implication dans une série d’émeutes meurtrières, était qu’il avait été déclaré mort dans l’explosion.
Ainsi donc, il était un autre fantôme, lui-aussi empêtré dans son propre purgatoire. Peut-être que la quête de ses enfants était son épreuve, son châtiment.
Dans les rues dévastées de Silent Hill, la brume épaisse s’enroulait autour des formes sombres, étouffant la lumière lunaire qui peinait à percer l’obscurité. L’air était saturé de l’odeur de décomposition, une puanteur qui collait à la peau, même à l’âme. C’est en gardant méfiance et en concentrant son esprit sur la menace et sa détermination brûlante de vengeance et de justice qu’il sentit soudain que sa ceinture s’était alourdie de la présence d’une épée. C’était la lame même qu’il avait transporté durant ses années d’aventures solitaires, quand il n’était qu’un sans-nom. Un poids familier et bienvenue, ses doigts venant caresser le pommeau avec une certaine nostalgie.
À ses côtés, Oswald Mandus, l'ingénieur tordu par ses propres créations, marchait dans une obscurité de son propre cru, les yeux cernés, la peau grise sous l'éclat blafard de sa lampe,. Le bruit sourd de ses pas semblait se perdre dans le tourbillon de cette ville étrange, à la fois morte et vivante, comme si les rues elles-mêmes se dérobaient sous eux.
Ils étaient si proches. L’auberge, un abri fragile, se dessinait à l’horizon, une silhouette chancelante dans cette mer d’horreurs. Mais alors que l’espoir effleurait l’esprit du duo, un cri d’agonie, brut et bestial, déchira l’air, suivit du son intense et bruyant de cloches qui résonnaient. De tous côtés, des formes grotesques surgirent, rampant des égouts comme des vers de chair, bondissant des toits en ruine avec une grâce bestiale tandis que le décor même de la ville se métamorphosait en une orgie de bâtiments en ruine et de destruction qui défiait l’imaginaire. Des humanoïdes aux traits de porc, leur peau en lambeaux, leurs yeux injectés de sang, leurs crocs effilés et leur haleine fétide, les encerclaient. Une horde, une marée de violence et de soif de sang.
Wismerhill s’arrêta un instant, un sourire sinistre étirant ses lèvres. Il n’y avait pas de place pour la peur, juste une soif insatiable de destruction. D’un geste souverain, il brandit son épée, se sentant enfin dans son élément malgré le danger. Il avait affronté bien pire. Au reflet de la lame, les ombres des créatures se tordirent, comme si la mort elle-même les attendait. Il tourna son regard vers Mandus, qui, pâle comme la mort, l’exhortait de fuir avec lui vers l’auberge, mais Wismerhill savait qu’il n’y avait de salut que dans l’acier.
Les porcs bondirent, hurlant et rugissant, leurs crocs claquant dans l’air, prêts à déchirer la chair du conquérant ressuscité. Le premier, un monstre à la peau grisâtre et à la bouche écumante, plongea sur lui, armé d’une faux rouillée. Mais Wismerhill n’était qu’une ombre mouvante, esquivant d’un pas fluide, avant de trancher la créature en deux d’un coup si net qu’il sembla n’être qu’une illusion. Le sang gicla, noir et épais, éclaboussant les pavés, mais il n’avait pas le temps de s’attarder. D’autres venaient, des masses informes de peau et de poils, surgissant des fissures comme des spectres hurlants.
Il frappa encore et encore, son épée traçant une ligne rouge sang dans l’air, fendant la chair, brisant les os. Un autre porc arriva, portant dans sa main une massue en fer, son corps trop gros pour une telle vitesse, mais sa rage infinie le propulsant au-delà des limites de son corps. Wismerhill se baissa, évitant l’impact de la masse, et d’un coup latéral, il coucha le monstre sur le sol, ses entrailles éclatant dans une explosion grotesque.
Mais les créatures étaient trop nombreuses, trop folles, et leur appétit semblait insatiable. Un autre porc, plus grand, plus résistant, sauta depuis un toit pour se jeter sur Wismerhill. L’Empereur se retourna, la lame traversant l’air dans une danse de fureur. Le porc heurta l’épée de plein fouet, un cri de douleur s’échappant de sa gorge alors que la lame perforait sa peau, mais la bête ne s’effondra pas. Elle tenta de saisir Wismerhill par les épaules, mais celui-ci la repoussa d’un coup de genou dans son ventre, avant de la trancher d’un coup horizontal. La créature s’effondra dans une pluie de sang, et ses confrères se rassemblèrent autour des corps de leurs morts pour les dévorer. Un hideux spectacle.
“Cours, Oswald, ne te retournes pas !”
Démembrant une autre bestiole qui s’était rapprochée d’eux, il tourna le dos à la marre de porcs enragés et poussa d’une main Mandus, l’entraînant avec lui dans la ruelle. Une course folle, Wis’ sentant presque l’haleine des monstres derrière sa nuque, l’odeur de leur épouvantable sueur ...