The Multiversity

[Reine Elsa]

Beaucoup de choses avaient changé à Arendell.

La Reine Elsa était enfin revenue, et avait accepté son héritage. Elle avait été intronisée Reine d’Arendell, et avait utilisé ses pouvoirs pour mettre fin à la malédiction qui pesait sur le royaume. La neige éternelle qui s’était abattue était partie, et Arendell prospérait à nouveau. Au bord de la mer, le royaume était idéalement situé pour permettre aux navires marchands de rejoindre Lumen. Elsa avait également annoncé son mariage avec sa sœur, Anna. On aurait pu craindre des réactions très hostiles, au vu de ce mariage incestueux, mais il avait fait suite à la tentative du Prince Hans de s’emparer d’Arendell. La Reine avait révélé au public que le Prince Hans avait ourdi un coup d’État, souhaitant épouser Anna pour s’emparer d’Arendell, et l’annexer à l’Empire de Mijak. Le Prince Hans appartenait à une famille qui régnait sur un archipel, la Principauté de Waselton, et son père avait conclu un pacte avec Mijak. Cette nouvelle avait donc légitimé la volonté d’Elsa de se marier avec sa sœur, même si, malgré cet état de fait, il y avait des voix dissidentes à Arendell pour contester ce mariage, ou pour assimiler la tempête de neige qui avait frappé Arendell à une punition divine liée à cette relation incestueuse.

Toutefois, la paix était de courte durée. Hans était revenu bredouille auprès de son père, et ce dernier avait alors opté pour une nouvelle approche. Son pacte avec Mijak s’était conclu, offrant à ce dernier beaucoup d’or, tandis qu’une flotte militaire avait commencé à mener un blocus maritime autour d’Arendell. Une force d’attaque mijakienne menée par un redoutable Maréchal, Ketheric Thorm. Un guerrier âgé, expérimenté, sur qui Elsa avait peu d’informations, si ce n’est qu’il était très dangereux, et à qui on prêtait une maîtrise accrue de la magie noire. Elsa avait sollicité de l’aide auprès de Lumen, mais les forces luméennes étaient assez éloignées, et la flotte luméenne avait été fortement endommagée par Poséidon.

« Thorm et les Waseltoniens comptent très certainement sur cela pour nous assiéger. »

Cette voix appartenait au chambellan du Palais, et au plus proche conseiller d’Elsa, Kai. Les navires mijakiens étaient dans la baie, et avaient envoyé un message. Ils estimaient que le mariage entre Hans et Anna devait être célébré car ils s’étaient épousés, ils considéraient que Elsa n’était pas la souveraine légitime d’Arendell, qu’elle avait maudit son propre royaume, et réclamaient son arrestation pour la juger pour sorcellerie. Des propositions évidemment inacceptables. Elsa, de son côté, hésitait à utiliser ses pouvoirs. Elle pouvait geler l’eau et attaquer les navires, mais elle n’était pas sûre d’y arriver. Elle avait encore peur d’utiliser trop de ses pouvoirs. De plus, il fallait sûrement s’attendre à ce que les Mijakiens ne se contentent pas que d’un simple blocus.

Tandis qu’Elsa menait ce conseil, on toqua soudain à la porte. Des gardes entrèrent, surprenant Elsa et ses conseillers.

« Mais enfin, que signifie cette intrusion ? Nous sommes en plein conseil de guerre !
- Majesté, Majesté, une magicienne demande à vous voir ! s’exclama l’un des gardes. Elle venait depuis la Forêt Enchantée, Sa Majesté avait expressément demandé à ce qu’on l’informe de tout mouvement venant de cette forêt… »

Elsa rebondit sur cette phrase.

« C’est exact, faites-là entrer ! »

Située à la frontière d’Arendell, la Forêt Enchantée était une forêt magique. Elle était relativement grande, mystérieuse, et Elsa s’y intéressait, car on disait qu’un peuple antique s’y trouvait, proche de la magie, et qui aurait été en mesure de l’aider à maîtriser ses pouvoirs.

[Merlin]

Un petit oiseau coloré venait de se poser sur la margelle en pierre de la plus haute fenêtre de la Tour. Il observa l'intérieur de l'édifice, assez peu inquiet, sachant que l'endroit était un havre de sécurité pour les créatures aussi fragiles que lui. Ici, le Mal n'était pas toléré et la propriétaire des lieux veillait à ce que cette règle soit scrupuleusement respectée. Et personne ne venait remettre en question les lois de Merlin concernant sa demeure et son environnement. Le dernier démon s'y étant essayé avait vu son âme divisée en fragments scellés et éparpillés dans les confins de l'univers. Son corps, lui, pétrifié, servait dorénavant de perchoir pour les volatiles dans le ravissant jardin au pied de la Tour.

L'oiseau sifflota rapidement pour attirer l'attention de la maitresse des lieux, assise à son bureau, plongée dans un antique grimoire traitant d'histoires oubliées. Merlin l'ignora, joueuse. Cette petite boule de plume qu'elle connaissait bien s'irritait facilement et la sorcière trouvait cela amusant. L'oiseau voleta jusqu'à elle puis sautilla sur le plateau de bois sombre. Il lança un trille perçant pour qu'elle le regarde enfin et il put ainsi pépier son rapport.

La sorcière pourpre haussa un sourcil. Un groupe d'inconnus en armes occupant les ruines de la Forteresse du Corbeau? Située au sud de la Vallée de Merlin, sur les contreforts naturels des hautes montagnes protégeant sa quiétude, la vieille forteresse était désertée depuis longtemps. Son apparence était toujours spectaculaire mais tout y était pourri, humide et abandonné. Ses sous-sols abritaient des créatures qu'il valait mieux ne pas déranger. Les hordes de brigands et autres exilés de la région le savaient et ne prenaient pas le risque de s'y aventurer. Si un groupe s'y installait, c'est qu'il n'était pas originaire des terres du Nord. Et puis ... personne non plus ne prendrait le risque de s'approcher de la légendaire vallée de la sombre sorcière dont on disait tellement d'horreurs ...

Merlin remercia le petit oiseau et fit quelques pas pour s'approcher de l'arc vouté de la fenêtre. Le paysage était superbe, et loin au sud, derrière les sommets enneigés de pics acérés, la vieille citadelle méritait son attention.

OoOoOoOoO

L'assassin terminait d'aiguiser une dague qui n'en avait nul besoin tant son fil était tranchant. L'homme, basané, le village balafré d'une vilaine cicatrice blafarde, rangea son arme et jeta un coup d’œil aux autres membres de son groupe rassemblés autour d'un feu. Il resserra sur ses épaules sa cape épaisse. Il faisait froid dans cette maudite région, loin de Mijak, et plus encore entre les murs de cette citadelle abandonnée, balayée par les vents glacés du Nord. L'homme était un vétéran, un spécialiste de l'élimination, tout comme ses hommes. La raison de sa présence si proche des frontières d'Arendell était simple: Mijak ordonnait le meurtre de la reine Elsa, principal obstacle aux projets expansionnistes de l'empire. Les ordres avaient été donnés par un haut responsable proche de l'empereur, oralement, mais un intermédiaire, lors d'un halte à Sylvandell, avait donné au tueur un nouvel ordre écrit modifiant certains points initiaux. Le cachet de cire validait toute authentification. Le chef du groupe gardait ce parchemin sur lui au cas où il faudrait justifier plus tard certaines décisions. Il haussa les épaules. La reine Elsa était condamnée, trahie, et quelqu'un allait mettre la main sur le royaume des glaces, comme on l'appelait dans le Sud. La Citadelle du Corbeau, proche de la frontière d'Arendell avait été choisie comme base logistique pour cette mission risquée.

Personne ne réalisa avant quelques secondes que le groupe n'était plus seul. Une forme sombre, apparemment humaine, drapée dans une cape pourpre, encapuchonnée, se tenait à la limite du cercle lumineux diffusé par les flammes du feu de camp. Aucun risque, aucune discussion n'était à prendre. Sans un mot, le groupe d'assassins bondit rechercher la discrétion des ombres. Des lames fusèrent pour se heurter à un bouclier vibrant d'énergie pure. En réponse, un mot claqua, lourd d’agressivité et de magie meurtrière. Un des tueurs grésilla, enfla puis explosa en une pluie de chair et de sang. Le chef du groupe grimaça: un maudit magicien ... non ... une rafale de vent venait de soulever la cape de l'adversaire ... une maudite sorcière. LA sorcière! On les avait prévenu plus tôt; lors d'un arrêt dans une auberge des anciennes baronnies de l'Eld. Il y avait des légendes, des récits terrifiants, mais qui avaient tout l'air de contes pour effrayer les enfants. Mais non, ces légendes étaient réelles et le pouvoir de la sorcière aussi.

OoOoOoOoO

Merlin fit quelques pas vers le feu. Le sol était jonché d'éclats d'os, de restes de corps broyés et de matières autrefois bien vivantes. Le groupe d'hommes n'était plus. Ils avaient attaqué, elle avait pulvérisé ces microbes. Son observation lui avait permis de constater qu'ils n'étaient ni d'ici, ni amicaux. Elle n'avait aucun remord. Une fouille rapide de leurs affaires l'éclaira sur la raison de leur présence. Merlin replia le parchemin ordonnant la mise à mort de sa voisine, Elsa, la reine d'Arendell, et le rangea soigneusement dans les plis de sa cape.
Elle disparut et l'instant d'après, réintégrait son bureau dans sa Tour. Ainsi donc, Mijak décidait de soutenir le prétendant au trône d'Arendell en expédiant ses tueurs éliminer la souveraine en place ... Minable! Sordide! ... et particulièrement lâche.

Merlin ne connaissait pas Elsa personnellement. D'ailleurs elle ne connaissait personne à Arendell, préférant sa solitude actuelle à la socialisation. Pour autant, par des réseaux biens à elle, elle se tenait au courant de l'actualité du petit royaume nordique. Elsa pouvait avoir ses torts et ses travers, mais elle avait pour elle sa légitimité et une certaine forme de culpabilité qui la poussait à vouloir mieux faire pour son peuple.
La sorcière pourpre ne se mêlait pas des affaires des états mais, outre le fait qu'elle avait été au service du Bien et qu'Elsa penchait de ce côté, elle ne voulait pas avoir le chaos aux frontières de sa vallée.

OoOoOoOoO

Il n'avait fallu qu'une petite journée à Merlin pour atteindre Arendell et sa capitale. Franchir les différents corps de garde avait été un jeu d'enfant jusqu'à ce qu'elle atteigne les bureaux de l'intendance principale du palais royal. Elle aurait pu paraitre directement devant la reine mais préféra s'annoncer ... par courtoisie. L'homme qui la reçut se liquéfia bien qu'elle se présenta comme elle l'était vraiment: la sorcière pourpre, en provenance de la vallée voisine pour une visite amicale. Malgré le ton aimable qu'elle employa, l'homme avait uriné dans ses braies, conscient d'être en face de l'horrible légende des contes affreux de son enfance. Alors oui, Merlin dégageait naturellement une aura déconcertante. Certains diraient qu'elle est sombre et effrayante, d'autres la dirait tout simplement puissante. Un détachement de garde la guida, personne n'ayant eu le courage de lui dire tout simplement: non, la reine est occupée ... ou encore : nous vous prions de patienter madame...

Le palais royal d'Arendell était modeste, comparé à d'autres. Très vite, on ouvrit une porte à Merlin; pas la porte menant à une salle du trône mais celle dévoilant une salle de réunion sans fioritures. Arendell ne croulait pas non pus sous l'or ... Merlin s'avança. Elsa était bien là et on ne pouvait pas manquer la reine des glaces. Elle n'était cependant ni glaciale, ni acérée, ni mordante. Elle était simplement une toute jeune fille perdue dans la complexité de ses pouvoirs. Cela merlin le voyait comme si elle lisait la livre. La magie était toute sa vie et celle de la reine Elsa ne demandait qu'à être canalisée pour une utilisation sage.

"Je suis Merlin, porteuse de l'un des sept péchés capitaux, sorcière pourpre et conseillère à mes heures."

Elle toisa l'assemblée.

"Et bien? Qu'y a t'il? Vous vous attendiez à une liche ou à une banshee?"

Elle savait très bien ce que son apparition pouvait provoquer. Les gens racontaient n'importe quoi à son sujet, tout comme à celui de sa vallée. Mais c'était mieux ainsi, la désinformation était plus utile qu'un garde à ses frontières.

Merlin ne s'inclina pas devant Elsa, elle ne s'inclinait devant personne d'ailleurs.

"Jeune Reine Elsa, ma petite vallée inoffensive à reçu la visite d' individus peu recommandables mais à qui il a fallu que je m'adresse. L'un d'eux portait ceci."

Elle tendit à Elsa le parchemin trouvé sur les restes du chef des assassins. Devant ce geste, un garde osa quand même lever la main pour l'intercepter. Le pauvre fut instantanément téléporté à l'autre bout de la salle, accroché par le col à la ramure d'un cerf des neiges ornant un mur.

"Je précise pour vous rassurer que je ne m'ingère d'habitude pas dans les affaires d'état mais j'ai un fond relativement bon et de plus, j'aime que mes frontières soient calmes. Donc je me suis dit que je pouvais être utile ici. J'ai quelques connaissances en magie ... et vous reine Elsa, vous n'en avez aucunes..."

Quel contraste entre son ton joueur et son apparence inquiétante, voilée dans sa cape refermée!

[Reine Elsa]

Elsa avait entendu parler de cette sorcière, et, quand elle se présenta, on murmura autour d’elle. La Sorcière-Pourpre, Merlin… Une légende, un folklore local ! Les parents disaient à leurs enfants que, s’ils n’étaient pas sages, la Sorcière-Pourpre viendrait les chercher pour les transformer en cochons, ou en hommes-pierres ! On disait qu’elle régnait sur la Forêt Enchantée, et qu’elle était proche de la tribu des Northuldras. Elsa tâcha de garder contenance. La Forêt Enchantée faisait partie des pistes qu’elle souhaitait explorer pour maîtriser au mieux ses pouvoirs, même si elle pouvait toujours compter sur l’aide de la sorceleuse Cirilla, qui était également une magicienne, et une Source.

« Eh bien, sorcière Merlin, je vous souhaite la bienvenue. »

Merlin lui expliqua avoir surpris des espions et des assassins dans sa vallée, et lui lança une lettre cachetée. Quand un soldat tenta de s’en emparer, il fut projeté contre un mur, ce qui déclencha l’hostilité des autres soldats.

« Soldats, repos ! Ne froissez pas notre invitée ! »

Ceux-ci restèrent sur la défensive. Elsa observa l’enveloppe, et fronça les sourcils en reconnaissant le sceau doré de Sylvandell.

*Voilà qui est curieux, on dit que la Reine de Sylvandell est plutôt pacifiste…*

Elsa envisageait même de se rapprocher d’elle. Elle ouvrit donc l’enveloppe, et vit le cachet royal de Sylvandell dessus, puis en fit un résumé à voix haute :

« Nous,

Alice Korvander,

Reine de Sylvandell,
Impératrice consort par alliance,

Vu la lettre de réclamation de la Principauté de Waselton concernant la rupture des fiançailles entre le Prince Hans et la Princesse Anna,

MOTIFS :

Considérant que la Princesse Anna a librement consenti à une union avec le Prince Hans,
Considérant que le Prince Hans a librement consenti à une union avec le Prince Hans,

Étant rappelé que dot a été proposé par la proposition d’acquisition d’un galion dénommé « Neptune »,

Dit que c’est sans motif légitime que les fiançailles ont été rompues,

EN CONSÉQUENCE,

DÉCIDE QUE :

Rejette la légitimité de Dame Elsa en qualité de souveraine du royaume d’Arendell,

Ordonne l’élimination de la dénommée Elsa,

Dit que l’Empire de Mijak apportera son soutien aux revendications du Prince Hans, Roi légitime d’Arendell,

Mande et ordonne à cet effet au Maréchal Ketheric Thorm de déployer sa flotte en vue de parvenir à la neutralisation de l’usurpatrice Elsa,


Reine Alice Korvander »

La lettre circula entre les mains des conseillers, qui étaient occis.

« Mais c’est une déclaration de guerre, c’est un scandale !
- Nous devons immédiatement transmettre cette missive aux Luméens, qu’ils nous viennent en aide ! »

Elsa les laissa s’égosiller pendant un temps, avant de tendre la main. Sa paume s’illumina, et généra des poussières de glace cristallines, amenant les conseillers à se taire.

« Je souhaite procéder à des investigations complémentaires. Notre royaume se remet d’une longue période de glaciation. Si ce que vous dites est vrai, magicienne, vous devez savoir que nous avons reçu une proposition de pourparlers du Maréchal Thorm. Celui-ci souhaite une rencontre en un lieu neutre, sur l’île sacrée d’Ahtohallan.
- C’est un piège, Majesté !
- C’est précisément la raison pour laquelle je souhaite m’adjoindre les services de la Sorcière-Pourpre. Les Mijakiens s’empareront de la Forêt Enchantée et de votre vallée s’ils viennent ici, et nous ne pouvons pas courir ce risque. Et, si vous êtes venue jusqu’ici, sorcière Merlin, c’est parce que vous en avez très certainement conscience. Sachez toutefois que j’ai d’importantes prédispositions à la magie, qui me valent la réputation d’être maudite… Et cela, je pense aussi que vous le saviez… »

[Merlin]

Le monde ne changeait pas. Le monde ne changera jamais. L'exercice du Pouvoir passait par la diplomatie mais surtout par la ruse, par la traitrise et par des manoeuvres subtiles destinées à tromper leur monde.
Merlin ne connaissait pas personnellement Alice Korvander, reine de Sylvandell, mais il fallait être idiot pour croire que cette lettre avec son sceau émanait réellement d'elle. Et si c'était le cas, il y avait tromperie ou abus et mensonges. La reine des dragons était connue pour ses penchants pacifiques et ses stratégies prônant la paix par des résolutions intelligentes dispensant les recours à la guerre. Le contenu du parchemin était donc grossier mais apportait néanmoins une justification officielle à l'assaut d'Arendell. Avec cela, Mijak pouvait avoir recours à des méthodes brutales et déployer ses armées dans le but de rétablir l'ordre et le droit dans le petit royaume du Nord.

Merlin laissa la reine gérer ses conseillers. Encore une fois, elle ne se mêlait pas des affaires des royaumes. La manière dont Elsa dirigeait sa Cour ne regardait qu'elle et en plus, cela permettait à la sorcière d'observer la jeune reine dans l'exercice de ses fonctions. Elsa semblait avoir la carrure pour diriger: ses conseillers l'écoutaient, elle s'exprimait clairement, réfléchissait vite. L'histoire récente d'Arendell pouvait être entendue de toutes les parties concernées, chacune avançant ses arguments. Merlin estimait qu'Elsa était à la bonne place et qu'elle était courageuse. Et 'autant plus brave que contrairement aux dirigeants de Lumen ou Mijak, elle était seule, sans véritable appui d'une grande force armée fidèle ou du soutien de puissants magiciens.

Vu ainsi, le petit royaume avait peu de chance de résister bien longtemps à l'appétit de Mijak et du prince Hans.

Cependant, Elsa se trompait sur un point. Si Mijak tentait d'enter dans la vallée de la Sorcière, aucune de ses troupes n'en reviendrait. Merlin ne craignait rien, ni personne. Cela pouvait paraitre présomptueux ou arrogant mais ce n'était pas le cas. Elle vivait sa puissance et avait livré tellement de combats que détruire et réduire en poussière n'était plus qu'un détail de son existence. Sa terrible réputation ne s'était pas forgée sur une utilisation pacifique de la magie ... De la même manière, aucun utilisateur de l'art sacré ne l'inquiétait. Sa magie soutenue par son don d'infinité lui procurait une immunité digne d'une déesse.
Cet étalage de puissance restait pourtant assez secret. Merlin n'était plus une conquérante, ni une adepte des batailles magiques. Elle se plaisait plus dorénavant dans les arts de la création ou dans des jeux de stratégie.

Merlin s’avança en retirant son capuchon.

"Non, reine Elsa, vous n'avez pas d'importantes prédispositions à la magie. Vous ne savez pas ce que cela signifie tout comme vous ne savez pas ce qu'est la magie. Vous ne faites qu'effleurez les frontières des arts sacrés et vous n'avez aucune idée de ce qui sommeille en vous. Ne vous offusquez pas de mes propos, la vérité est un premier pas vers l'ouverture d'esprit qui vous permettra de commencer à maitriser votre don. Et, je vous contredis encore, vous n'êtes pas maudite, vous êtes incomprise. Les gens ont peur de ce qu'ils ne comprennent pas et plus le temps passe, plus ils deviennent bêtes et sensibles aux discours haineux qu'on vous oppose."

La sorcière vint aux côtés de la reine et l'invita à se lever en lui prenant la main. Elle unit ses doigts aux siens et tendit leur bras devant les conseillers. Un cliquetis se fit entendre tandis qu'une superbe rose de cristal glacée à la pureté absolue apparaissait au bout des doigts des deux femmes, émanant directement de la magie de Merlin mêlée à l'embryon arcanique d'Elsa.

"Je ne vois là rien de terrifiant ... N'est ce pas magnifique? Votre reine doit juste apprendre, tout comme vos enfants la première fois qu'ils ouvrent un livre. C'est ce que nous rappellerons au peuple. Tout le monde a été jeune, même moi ...."

La rose tomba en poussière qui s'évapora dès qu'elle toucha la table.

"Si vous le voulez bien, jeune reine, je vous apprendrais les arts. Et plus encore, je pourrais vous créer un artefact qui correspondra à ce que vous voudrez définir. Vous seule pourrez l'utiliser car croyez moi, aucun humain ne peut maitriser la magie quand on atteint des degrés divins. Je sais de quoi je parle et je vous le dis car la magie est aussi bénéfique que destructrice pour son utilisateur. Et la vôtre est très particulière."

Un garde apporta un fauteuil et Merlin s'y assis confortablement.

"Pour revenir à notre histoire, je pense que la reine de Sylvandell ne souhaite absolument pas votre mort. S'il s'avère le contraire, je la tuerai. Les conséquences seront les miennes mais Mijak a plus à perdre qu'à gagner à devoir m'affronter. Ensuite, il faut connaitre ses ennemis pour pouvoir mieux les éliminer. Vous devriez effectivement rencontrer le maréchal Thorn, faites le savoir à tous, jouer sur la communication, tromper la vigilance de l'ennemi, faites croire ce que vous voulez, gagnez du temps ... Si Thorn peut éviter des pertes inutiles, il le fera. Vous faire tomber pourrait élever des mouvements de résistance qui seront une plaie à réduire pour le futur dirigeant pro-mijakien. Laisser entendre que vous pourriez abdiquer les inciterait à évaluer une situation qu'ils n'attendent pas. Vous êtes la fourmi et eux l'oliphant. Usez des mêmes méthodes qu'eux, ils seront surpris. Je vous accompagnerais à ces pourparlers, il ne vous arrivera rien."

[Reine Elsa]

L’orgueil de cette magicienne n’échappa pas à Elsa. La jeune Reine avait tendance à être plus humble, a fortiori face aux Mijakiens. Croire qu’elle serait capable de repousser leurs mages et leurs armées, c’était faire preuve d’une présomption à laquelle Elsa se refusait. Elle se montra en revancher agacée, voire franchement irritée, quand Merlin la remit publiquement en place, et la traita comme si elle était une bleusaille. Elsa s’efforça de rester calme. Lui dire qu’elle n’avait aucune prédisposition importante à la magie, c’était tout de même un peu osé. Avec ses pouvoirs, elle avait pu générer des golems de glace, geler une mer, concevoir un Palais de glace… Et plonger Arendell dans un enfer de glace.

Sarcastique, Elsa répondit rapidement sur ce point :

« Il est regrettable que vous n’étiez pas là pour convaincre mes parents de la futilité de circonscrire mes pouvoirs, ou pour mettre fin à la tempête hivernale qui a ravagé le royaume pendant si longtemps. Sans doute étiez-vous très occupée dans votre vallée… »

Elsa ignorait tout de cette femme, mais elle était vantarde… Un peu trop à ses yeux.

« Je ne désire par ailleurs aucun artefact quelconque susceptible de contrôler, de tempérer, ou de cacher mes pouvoirs. Mes parents avaient confectionné des gants magiques, sans doute sur les conseils d’une autre personne très érudite, qui pensaient que ces gants me permettraient de mieux contrôler mes pouvoirs. Le résultat a été que mes pouvoirs ont échappé à mon contrôle, et ont endommagé mon royaume. Mais, pour vous répondre clairement, Madame Merlin, je n’ai jamais vu mes pouvoirs comme une malédiction, contrairement à mes parents. »

Pour Elsa, ces pouvoirs faisaient partie de son identité. Les conseillers royaux, quant à eux, se raclaient la gorge. Ils savaient combien le sujet des pouvoirs de la Reine étaient glissants. Kai intervint alors :

« Ceci étant dit, Majesté, Dame Merlin a raison, cette lettre ne ressemble pas à ce qu’on dit de la Reine de Sylvandell.
- Mais c’est bien le sceau de Sylvandell… Si on peut utiliser son sceau, c’est qu’elle n’est pas fiable.
- Il y a une confusion, le Maréchal Thorm est un vétéran endurci, je suis sûr que nous pourrons envisager des pourparlers. Il faudrait écrire à la Reine de Sylvandell.
- Comment nous assurer qu’elle recevra notre message ? Ceux qui subtilisent son sceau peuvent aussi subtiliser ces lettres. »

Un autre conseiller intervint :

« Nous pourrions demander à cette sorceleuse, celle qui vous a ramené auprès de nous, Majesté. »

Elsa acquiesça.

« C’est une bonne idée. Pendant ce temps, nous demanderons au Maréchal Thorm un moratoire. »

Elle se retourna ensuite vers Merlin, qui, dans ses conseils avisés, l’avait comparé à une fourmi… Elsa serra sa main sur son accoudoir, qui se cristallisa le long de ses doigts, signe évident d’une colère contenue.

« Quant à vous, Dame Merlin, je vous remercie de votre déplacement, mais j’ai passé l’âge de me faire materner. Si vous envisagez de me parler comme si j’étais une novice, vous pouvez retourner dans votre précieuse vallée, Arendell n’a pas eu besoin de vous et de vos talents si uniques pour repousser les prétentions du Prince Hans, et, toute aussi incompétente et médiocre que je sois, je n’ai pas non plus eu besoin de vos artefacts ou de vos conseils pour reprendre le contrôle sur mes pouvoirs. »

Le ton était clairement cassant. L’honneur d’une Reine, voilà une chose qu’il ne fallait pas sous-estimer !

[Merlin]

Merlin balaya tout commentaires d'un geste de la main.

"Vous avez raison. Je materne assez mal aussi je ne me serais pas déplacée pour cela. En revanche, j'ai conseillé assez de rois et reines pour m'épargner des ambiguïtés de langage. Maitrisez votre colère, je suis une alliée et je veux savoir qui vous êtes. Si vous perdez votre sang-froid avec moi, comment ferez vous devant Thorne et les officiers de Mijak, soutenus par les sbires du prince Hans quand ils vous traiteront de monstres incestueux, vous et votre sœur? Comment réagirez vous quand ils se moqueront de votre inexpérience, de votre âge et de vos origines familiales? Vous gèlerez tout le monde et entérinerez une guerre dont votre peuple paiera le prix?"

La sorcière désigna son propre corps.

"Ce corps ne correspond pas à mon âge réel. Je ne suis pas vieille, je n'aime pas ce mot pour me décrire, je suis juste très ... résistante au temps et aux siècles qui passent. J'ai accompagné des royaumes devenus poussière. J'en ai créé d'autres et anéantis certains. Je pourrais être célèbre et pourtant, qui me connait vraiment? Ma vallée? Grands dieux, jeune reine; vous n'imaginez pas ce qui y réside ni quels pouvoirs elle abrite. Mesurez donc vos paroles et jouez mon jeu. J'ai construit ma magie grâce et après avoir causé la mort de la totalité de mon peuple. Je suis la dernière des miens et je porte une extinction sur mes épaules. Je ne vous souhaite pas d'en arriver là. J'ai eu votre âge et mes certitudes, et si une Merlin était venue pour m'aider , cela aurait faciliter beaucoup de choses."

Un des conseillers se racla la gorge pour attirer l'attention.

"Hum ... Vous ... vous vous adressez à la reine d'Arendell. Un peu de sens de la diplomatie serait préférable à votre approche plus ... démonstrative. Vous ... vous inspirez quand même un peu de ... de crainte?"

D'autres approuvèrent discrètement, préférant laisser le premier à avoir osé s'exprimer subir les foudres de la sorcière. Merlin le regarda, interloquée, puis ... "POUF", dans un petit nuage d'énergie magique, prit l'apparence d'une petite fille pas commode.

"Et maintenant? Tu sais où tu peux te la carrer ta crainte?"

Debout sur le fauteuil, elle s'agitait, remuant ses petits bras et braillant comme une sale môme.

"Première leçon de la sorcière: Les gens ont tendance à tenir pour vrai ce qu'ils souhaitent être la vérité ou ce qu'ils redoutent être la vérité!!"

La petite fille énervée s'évapora dans son nuage magique enfantin pour laisser la place à nouveau à sa version adulte.

"Aurais-je été plus crédible ainsi ou me présentant toute vénérable forte de mes milliers d'années d'existence? Allons ..."

Elle fusilla le pauvre conseiller du regard, se promettant d'aller le rassurer plus tard, puis reporta son attention sur Elsa.

"Je ré-affirme que vous n'avez pas de prédispositions pour la magie. Vous êtes la magie, brute, à peine ciselée, aux prémices de vos capacités. Ce n'est pas une critique. Je le savais ... même depuis mon insignifiante petite vallée."

Le ton employé sur cette dernière phrase gela l'atmosphère. De minuscules cristaux de glace chargèrent l'air respirable et les parois de la pièce, meubles et objets, se couvrirent d'une fine couche de givre. Merlin reproduisait à la perfection la magie d'Elsa.
Ce fut très court et tout redevint normal quand elle continua.

"Vous venez de naitre, votre magie est en pleine éclosion. Maitriser est une chose, savoir comprendre et concevoir en est une autre. Vous pourriez ne plus avoir à vous inquiéter de rien d'autre que votre royaume, et de vous, si vous acceptiez mes conseils. La reine du Nord n'aurait pas d'égale. Aujourd'hui, je sers le Bien et je suis au bon endroit. Acceptez mon offre et Mijak sera le dernier de vos problèmes. Au contraire, votre puissance pourra être le premier des leurs."

Le courageux conseiller, voulant assurer sa survie, intervint.

"C'est ... c'est vrai que revue sous cet angle, c'est une opportunité qui pourrait s'avérer intéressante. Une union de vos magies serait bénéfique au royaume..."

Merlin haussa les yeux au plafond.

"Ce ne serait en rien une union. Ce serait un apprentissage basé sur des règles; car la magie sans les règles s'appelle le Chaos. Je vous ai donné la première règle, la première leçon de la sorcière, à vous de méditer dessus messieurs. Cela vous concerne aussi."

Et c'est là qu'un homme plus renfermé que les autres se leva en bout de table et harangua la sorcière, usant d'un ton moins poli que le précédent conseiller."

"Et si vous êtes si forte, pourquoi ne vous en débarrassez vous pas, vous, des forces de Mijak?"

Silence de mort ...

"Mais ... tout simplement parce que je le pourrais ..."

Réponse très énigmatique, génératrice de positionnement éthique et de réflexion qui ferait l'objet d'une autre leçon.

[Reine Elsa]

Merlin avait sans doute du mal à discuter avec des nobles. C’était somme tout un art de pouvoir converser avec des personnes comme Elsa. Les dirigeants étaient souvent assez susceptibles, et cela était en tout cas particulièrement vrai pour Elsa. Remettre en cause ses capacités, et aller jusqu’à insinuer que, si Merlin le voulait, elle pourrait défaire une armée entière…

« Hmmm… En tout cas, vous n’avez pas appris l’humilité, magicienne. Il est dommage que vous ne vous soyez pas manifestée plus tôt, par exemple quand mes regrettés parents ont tenté de restreindre mes pouvoirs à l’aide de gants. Je dois vous admettre que, suite à cela, j’ai développé une certaine allergie à l’idée de porter le moindre artefact supposé canaliser mes pouvoirs. »

Cache tes pouvoirs, n’en parle pas… Elle se souvenait encore de la maxime utilisée par son père pour justifier le fait qu’Elsa tente de refréner ses pouvoirs. Évidemment, cela avait été une catastrophe.

Kai intervint alors :

« Ceci étant dit, Majesté, si notre invitée est à la hauteur de ce qu’elle prétend, on ne peut pas non plus négliger son aide. »

Une petite moue traversa les lèvres d’Elsa. Elle laissa planer quelques secondes, avant de poursuivre :

« Quand je me suis réfugiée dans mon Palais de Glace, et que ma sœur Anna m’a retrouvé, nous avons été attaquées par un mage noir… »

Sleoghorn… Le mage noir avait détruit le Palais, et Elsa l’avait encore affronté à Arendell, avant de réussir à le vaincre. Un mage noir qui était toutefois le disciple de Haazhel Thorn.

« Le Prince Hans n’est qu’un pantin, qui est manipulé par une force supérieure. Votre venue coïncide davantage avec l’attaque de ce mage qu’autre chose. Je pense que, si vous êtes aussi puissante que vous le dites, et que vous vous décidez à venir nous voir, c’est parce que vous avez senti en vous, peut-être inconsciemment, un danger majeur… Ketheric Thorm est un mage noir puissant, on dit que c’est le fils de Haazhel Thorn. Sleoghorn était l’un de leurs disciples, et tout porte à croire qu’il en a après moi. »

Elsa se tut pendant quelques instants, avant de le dire, curieuse de voir si Merlin savait ce que cela voudrait dire :

« Je suis une Immortelle. »

[Merlin]

Merlin reprit juste après Elsa.

"Bien sûr que vous êtes une Immortelle. Et l'une des plus puissantes. Votre rôle dans la lutte contre les ennemis de l'humanité sera primordial et votre avenir est synonyme de grandeur et de reconnaissance. Mais pour atteindre cela reine Elsa, il vous faudra supporter d'avoir à vos côtés une personne franche qui ne se perd pas en futilités, si vous le voulez bien sûr. Encore une fois, je ne critique pas votre jeunesse ni votre pouvoir naissant. Comprenez juste que je ne suis pas là pour vous ménagez et encore moins pour faire mes preuves."

Elle regarda ensuite les conseillers présents uns à uns.

"Les temps qui s'annoncent vont être durs pour Terra, plus que ce que vous pourriez imaginer, et Arendell ne sera pas épargné. Pour que votre royaume prospère afin de survivre , il faut que votre reine se dédie totalement à cette tâche. Elle aura besoin de toute votre énergie pour la gestion des affaires courantes car elle n'aura aucune minute pour elle. Cela commence maintenant."

Elle appesantit son regard sur l'homme qui l'avait déjà harangué une fois.

"Ne cherchez pas de desseins à mes actions. Je suis là où il est nécessaire que je sois. Reine Elsa, je me porte à votre service, vous découvrirez quand vous m'apprécierez que je vous serais utile. Je n'ai jamais mentionné le fait que vous deviez canaliser votre magie, ce serait voué à l'échec et d'expérience personnelle, je sais que c'est la plus stupide des choses à faire. Votre magie, c'est une partie de votre âme; quand vous serez totalement en paix avec vous-même et que votre colère cessera, vous serez en mesure d'assurer votre destinée."

Elle fit une petite pause, ne voulant pas accaparer l'assistance en longs monologues et laisser à chacun le choix de s'exprimer.

"Votre raisonnement est juste. Hans n'a pas le jugement nécessaire pour manœuvrer les forces qui s'en prennent à Arendell. Si j'étais à la place d' Haazhel Thorne, c'est à vous que je m'en prendrais car vous êtes ici isolée. Vous ne pouvez compter que sur vous-même et sur une vieille sorcière arrogante. Je suis sûre que le sud du royaume est tenue et que des renforts seraient repoussés. Et pour défaire Arendell, j'imagine que Thorne fera diversion ailleurs pour mobiliser les seules personnes capables de vous aider."

[Reine Elsa]

Cette femme était décidément bien mystérieuse ! En son for intérieur, Elsa se demandait s’il n’y avait pas un peu de sénilité à envisager… Mais, d’un autre côté, Merlin était bien conservée, et elle était suffisamment agaçante à entendre pour se dire qu’elle avait toutes ses facultés. La Reine l’écouta donc parler. Elle lui confirma avoir entendu parler de la légende des Immortels, et, si elle se refusa à expliciter ses intentions, elle signala malgré tout qu’elle était là pour l’aider, pour la former, tout en dédaignant aussi le reste de ses activités. Pour Elsa, qui venait de retrouver la liberté, le ton paternaliste et assez suffisant de cette femme était tout de même assez désagréable à entendre. Certes, Merlin disposait d’une très belle plastique, mais cela ne justifiait pas tout non plus.

« Alors, déjà, je n’ai pas précisé que je souhaitais vous avoir comme conseillère magique, et encore moins comme perceptrice. »

Une précision indispensable, Elsa ne comptait pas s’entourer de proches ou de conseillers à la loyauté douteuse. Anna en avait fait l’erreur avec Hans, et Elsa ne comptait donc pas réitérer cette erreur. Elle avait déjà eu des liens avec Cirillia, et elle avait davantage confiance en la sorceleuse qui l’avait aidé à retrouver sa sœur et à accepter ses pouvoirs, plutôt qu’en une magicienne hirsute qui la prenait de haut et qui la traitait comme une petite-fille à qui on devrait changer les couches. Merlin évoqua ensuite la stratégie de Thorn, et Elsa l’écouta donc. Merlin supposa que les assaillants risquaient de tenter une diversion par le sud pour forcer les forces d’Arendell à se regrouper au sud.

Elsa resta silencieuse pendant quelques instants, mais ce fut l’un de ses conseillers qui répondit :

« Nous avons déjà envisagé ce scénario. Arendell est entourée de montagnes, des sentiers impraticables pour une armée. Si une armée devait attaquer par le sud, elle devrait faire un détour considérable, et se retrouverait entre nos fortifications au sud et les renforts de la Confédération. »

Des éclaireurs, des assassins… Ils pouvaient contourner Arendell, ce qui expliquait sans doute qu’ils aient pu débarquer dans la vallée de Merlin.

« Mener un blocus est la meilleure manière de nous épuiser. Ils ne prennent aucun risque, et, comme nos réserves alimentaires sont faibles, ils veulent nous affamer. »

C’était la manière classique de mener un siège : isoler l’assiégé, le laisser s’affamer, puis pouvoir ainsi s’emparer de la cible. En disposant d’Arendell, les Mijakiens disposeraient d’une tête de pont avancée vers Lumen, mais cet intérêt stratégique était presque secondaire.

« Je ne suis pas encore disposée à vous faire totalement confiance, Merlin. J’ignore quelles sont vos intentions, mais il serait idiot de se priver de vos talents. Comme je vous l’ai indiqué, je compte rencontrer Ketheric Thorm pour discuter officiellement du retrait de ses troupes. Si vous arrivez à me convaincre que vous ne cherchez pas à me trahir, je souhaiterai votre compagnie lors de cette entrevue. »

De toute évidence, Elsa prenait un risque… Mais quelque chose lui disait qu’elle pouvait faire confiance à Merlin. C’était sans doute son instinct, et Elsa avait appris à s’y fier.