The Multiversity

[Cesar Flickerman]

CÉSAR FLICKERMAN (tapant dans ses mains avec entrain, comme s’il venait d’assister à une pièce de théâtre grandiose) :

— Eh bien, eh bien, eh bien ! Chères téléspectatrices et chers Trans dimensionnés, quel début d’émission ! Entre éclats cosmiques et frictions démoniaques, je crois que notre plateau a frôlé la combustion spontanée !

L'animateur lisse sa veste, puis se penche vers la caméra avec un sourire complice.

— Mais ne partez pas trop loin : après cette courte pause publicitaire sponsorisée par Les Éléments du Chaos™ – pour une magie plus instable mais tellement plus stylée, nous continuerons notre conversation avec Ryanne Hilaris… et qui sait, peut-être percerons-nous un nouveau mystère sous ses voiles étoilés.

Il claque des doigts, et le logo animé de l’émission tourbillonne autour de lui

— Restez branchés, Multivers ! On revient juste après ça.

(Générique de pub)
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SCÈNE : SALLE DE PAUSE

La lumière change. L’ambiance devient plus feutrée, tamisée, presque intime. On quitte le tumulte du plateau pour une salle chic mais excentrique, mélange de salon victorien et de jardin interstellaire. Canapés en velours flottant, machine à thé quantique, et... une litière en obsidienne. Oui, c’est bien une salle de pause du Multiverse Talkshow.

Ryanne entre dans la pièce, escortée par un assistant-stagiaire, qui disparaît dès qu’elle franchit la porte.

Elle n’a pas le temps de souffler qu’une voix narquoise retentit :

??? (du haut d’un coussin moiré) :

— Ah, enfin... l’envahisseuse cosmique descend de son trône d’étoiles pour se mêler au commun des mortels ? J’espère que ta majesté appréciera la modestie de ces lieux.

Perché avec une dignité impériale sur l’accoudoir d’un canapé, un chat noir au pelage soyeux — visiblement doté de cordes vocales et d’un ego gigantesque — la fixe de ses yeux ambrés.
Griffon (en se léchant nonchalamment la patte avant) :

— Griffon. Roi incontesté du Multivers, consultant en élégance, et mascotte non-officielle de cette émission. J’étais là avant les hologrammes, avant les sponsors, et surtout avant les fées tape-à-l’œil qui balancent des sorts au premier regard mal tourné.

Griffon n’était en réalité d’autre que le chat de l’observateur, le Roi comme on le surnommait. Fixant Ryanne avec arrogance, notre félin finit par sauter du canapé et s’approche d’elle avec l’elegance d’un roi en inspection.

__Alors, c’est toi qui léche les bottes a ce gros glandeur d’Alicounet ?

[Ryanne Hilaris]

Face à cette impasse, Cesar Flickerman, qui n'avait rien perdu de sa verve, annonça la "pause publicités". Par conséquent, Ryanne fut conviée à rejoindre une pièce plus calme. Un endroit chic et tape-à-l'œil, aménagé de telle sorte que les invités puissent se sentir chez eux... ou mieux encore ! La Xéno-faë, donc, trouva ces lieux par l'intermédiaire d'un jeune homme débauché juste pour cela ; il disparut comme il était apparu une fois qu'elle en eut franchi le seuil.
Merci et au revoir, je suppose ?
Jugeant inutile de s'appesantir sur cette phase de son aventure, Ryanne s'intéressa aussitôt à son nouvel environnement. Analyse qu'un chat noir aux yeux ambrés, bien installé dans un coussin, interrompit de ses intrigantes remarques de "bienvenue".
Moi ? Une envahisseuse cosmique ?
"Sa majesté" haussa un sourcil mauve, feignant l'incompréhension face à un interlocuteur à fortiori bien différent du commun des félins.
Elle n'était pas tant dépaysée que ça par ce phénomène de foire. En compagnie de Mana Yami, la Magicienne des Ténèbres, Ryanne avait été transformée en neko avant d'adopter la forme d'une chatte au pelage mystique et aux multiples paires d'ailes féeriques.

- Ma foi, la décoration me sied à merveille, monsieur... ?

Griffon. L'auto-proclamé Roi incontesté du Multivers, consultant en élégance, et mascotte non-officielle du Multivers Talkshow !
Plutôt pédant, comme interlocuteur.
Ryanne était sur le point de choisir le canapé qui allait accueillir son grâcieux popotin quand le chat doué de parole descendit de son coussin pour venir l'inspecter de plus près.
Droite devant la "noble" créature, elle choisit de ne relever aucune de ses insultes.

- Vous n'avez pas votre langue dans votre poche, sire Griffon ! Il est fascinant de constater qu'elle ne vous sert pas qu'à vous lécher les parties.

Finalement, elle en avait bien relevé quelques-unes, de ses remarques désobligeantes...
Le tout en conservant un sourire impeccable !

- Prenez garde à ce que vous feulez, Roi contesté de cette modeste salle de pause. Ici comme partout ailleurs, les murs ont des oreilles ! Et les paroles, tout comme les flèches, ne reviennent pas... sans l'appui de la magie~

Elle lui décocha une œillade complice. Il fallait que sa velue majesté comprenne par là qu'il ne gagnerait rien à lui souffler au visage sans préavis.

- Plutôt que de me poser des questions abjectes, que diriez-vous, monsieur Griffon, de me révéler, sans ambages, ce que vous attendez de votre humble serviteresse ?

Interrogation sensée qu'elle ponctua d'une élégante inclinaison du buste.
En se redressant, on vit briller, l'espace d'un instant, un éclat malicieux dans l'une de ses prunelles d'améthyste.
Avec elle, le chat culotté n'était pas au bout de ses surprises !

[Cesar Flickerman]

Griffon s’interrompit net.
Ses oreilles se dressèrent comme des antennes au moment où les mots de Ryanne tombèrent avec la légèreté d’une plume... et la netteté d’une dague bien affûtée.

Pendant un instant suspendu, le chat ne dit rien. Il la fixait, ses prunelles ambrées transpercées d’un éclat que seuls ceux qui connaissaient les félins savaient décoder : ni colère, ni surprise... mais ce curieux mélange de respect et d’irritation que seuls provoquent les esprits aussi affûtés que les siens.
Finalement, ses moustaches frémirent, et un ronronnement grave s’échappa de sa gorge.

— Touché… miaula-t-il d’un ton presque amusé.
Il fit lentement le tour d’un pot de fleurs flottant, que l’apesanteur contenait à peine, puis reprit, sans se presser :
— Vous avez plus de piquant qu’un cactus astral, ma chère Ryanne. Et votre langue... ah, un vrai fouet de soie. Cela me plaît.
Il bondit sans effort sur le dossier du canapé qu’elle s’apprêtait à investir, et y resta perché, queue pendante, comme une ombre vivante.
— Ce que j’attends de toi? Que tu ne fouttes pas le bordel dans cette émission. Quoi que tu fasses, je t’ai a l’œil, gamine.
Il sauta à terre, ses coussinets effleurant le sol dans un silence irréel.
— Tu vois, ma belle… ce plateau, ce talkshow, ce cirque du Multivers : c’est un théâtre. Et moi, je suis le souffleur qui guette les faux pas. Tu m’intrigues. Tu es un risque. Une énigme en robe étoilée. Et j’adore les énigmes.
Il esquissa un sourire félin — si tant est qu’un chat puisse sourire — puis pencha légèrement la tête.
— Et maintenant, prenez place. La pause s’achève bientôt, et César va avoir besoin de vous… plus que vous ne le croyez.
Derrière eux, une lumière verte pulsa doucement dans le mur. L’émission s’apprêtait à reprendre.

**********

Un petit jingle entêtant résonna dans la pièce. Les murs scintillèrent de lumières dorées tandis qu’un hologramme flottant annonçait d’une voix suave :

« Et nous revoilà… dans Le Multivers Talkshow ! »

À peine le temps de souffler que les caméras tournaient de nouveau. Ryanne, réinstallée sur le canapé principal, retrouva l’arène tapissée de velours, de néons mouvants et de miroirs truqués. César Flickerman, toujours aussi impeccable dans sa veste à paillettes interdimensionnelles, souriait à pleines dents comme si de rien n’était.

— Mes chers spectateurs d’ici et d’ailleurs, l’entracte est terminée… et quel retour ! Nous retrouvons la sensation du moment, l’énigmatique et sublime Ryanne Hilaris !

Le public applaudit, et les applaudissements de la foule furent accompagnés d’un feu d’artifice miniature jaillissant au-dessus de leurs têtes.

— Mais ce n’est pas tout, mes petits fragments d’étoiles ! Ce soir, pour la toute première fois, j’ai l’immense honneur — et la légère inquiétude — d’accueillir officiellement un chroniqueur pas comme les autres. Il a des griffes affûtées, une langue plus coupante que la lame de Gladio la Rouge, et un ego aussi vaste que la galaxie d’Asphodel. Voici Griffon !

Un projecteur miniature balaya la scène pour éclairer le coussin royal du chat, désormais hissé sur un promontoire digne d’un trône. Griffon, perché avec grâce, inclina lentement la tête vers l’audience.

— J’observe. Je commente. Je griffe.

César étouffa un rire nerveux avant de reprendre :
— Et donc, sans plus attendre, une petite série de questions douces comme des piques empoisonnées : La Chronique de Griffon !

La lumière se tamisa légèrement. Une musique de suspense, façon talkshow antique, vibra dans l’air.
Griffon croisa lentement ses pattes et fixa Ryanne de son regard d’or.

— Ryanne Hilaris, j’aimerais que vous soyez sincére : ne pensez-vous pas que ce forum souffre d’un probléme structurel, avec une centaine de comptes détenus par une seule personne, qui exercice un monopole absolu sur le forum ? Hum ? Vous savez très bien de qui je parle

Le silence sur le plateau était total, et même César, d’ordinaire si bavard, semblait suspendu aux lèvres de Ryanne.
Les caméras zoomèrent lentement sur elle.
Le public, qu’il soit composé de créatures stellaires, de nobles vampires ou d’androïdes rêvant de poésie, retenait son souffle.
Allait-elle répondre avec grâce ? Contre-attaquer ? Ou... glisser un sortilège sous la nappe ?

[Ryanne Hilaris]

L'arrogant félin ne l'était peut-être pas autant qu'elle l'eût cru. Il avait accepté les remarques de la magicienne sans chercher à contre-attaquer. Et les termes qu'il employait vis-à-vis d'elle étaient plutôt élogieux.
Il n'empêche qu'il me considère comme un danger.
Pour avoir ainsi attiré son attention - son "œil" -, il ne pouvait en être autrement.
Sans mot dire, Ryanne le regarda descendre élégamment de son perchoir flottant.
Moi, une gamine ? Hmm... je me demande à quel point cette drôle de peluche est âgée.
Probablement bien plus qu'il en faisait ! Un peu comme elle. Ryanne ne connaissait même pas sa date d'anniversaire, d'ailleurs !
Il va peut-être falloir que je songe à m'en inviter une ?
Plus tard !
En cet instant, Sire Griffon lui décrivait sa scène de théâtre préférée : le plateau du Talkshow. Outre la méfiance qu'elle lui inspirait - ce qu'il lui confirma en une déclaration exhaustive -, Ryanne comprit de sa bouche que César Flickerman bossait pour ses élégantes moustaches.

- Ça me plait, conclut-elle avec son indéfectible sourire. L'intérêt que vous me portez. Votre drôle d'émission. Sans oublier cette espèce de défi que vous m'avez lancé... j'ai de plus en plus le sentiment d'avoir à fait à un grand maître en matière de divertissements~

Elle se tourna vers ce mur marqué d'un scintillement vert comme l'est le fond d'un certain accessoire de montage.
Au-delà de celui-ci, les fidèles spectateurs trépignaient d'impatience.
Qu'est-ce qu'allait bien pouvoir leur réserver cette deuxième partie du show ?
Ryanne était censée le découvrir avec eux !

Et la revoilà installée sur ce canapé de velours que les regards curieux avaient criblé. L'animateur avait bien entendu retrouvé son poste. Il ne pouvait y avoir de personnage plus prêt que lui à passer à l'action ! L'homme ne faisait plus qu'un avec son job. Une seconde peau certainement aussi serrée que l'était son costume chatoyant.
La Xéno-faë accueillit les applaudissements avec autant de bonhomie que de modestie.

- Tout l'honneur est pour moi !

Et les voilà repartis pour un tour !
César Flickerman enchaîna tout de suite en annonçant l'entrée de ...Griffon, en chair et en poils.
On dirait bien que Gloria est retournée dans son placard à balais.
Cette pensée la fit discrètement rigoler.
Elle n'allait peut-être pas pouvoir jubiler longtemps : le chroniqueur Griffon était sur le point de s'occuper de son interroga... interview, pardon !
Ryanne capta son regard doré, en supportant toute l'intensité alors qu'il lui demandait son avis sur un "problème structurel" lié à une "centaine de comptes appartenant à une seule et unique personne".
Cette question n'est point objective, chère mascotte ! Le culot, ce n'est définitivement pas ce qui vous fait défaut.
Surprise par le silence qui s'était subitement installé sur la plateau, la Mystique promena son regard sur l'assistance avant d'en revenir au félin souverain.

- Et que craignez-vous que provoque ce soi-disant déséquilibre, exactement ? Un effondrement de la structure tout entière ?

Ce n'était pas faux. Mais pas tout à fait vrai non plus !
Ryanen n'avait pas l'air désarçonnée parce ce qu'elle venait d'entendre.

- Si cette seule personne est aussi compétente que vous l'êtes, brave Griffon, et que ses doigts sont assez musclés pour assurer pareille charge de travail, m'est avis qu'il n'y a pas à tortiller !

L'Observateur n'était peut-être pas très tendre avec lui-même, mais son entrain et son sérieux assuraient sans conteste la pérennité du forum. Ajoutez à cela un moral d'acier et un sang-froid à toute épreuve et la boucle est bouclée !

- Bien sûr : il est à prévoir qu'un jour sa disparition entraîne la fin de toute chose - y compris celle de ce charmant plateau - mais je pense être bien placée pour dire qu'aucune monde n'est éternel.

Pas même Faëlya.
La grande optimiste qu'elle était avait depuis longtemps pris conscience de tout cela : elle n'était qu'un pion - un peu turbulent, oui - sur un immense échiquier entretenu par la main leste d'un individu à cent visages.

- Nous sommes tous là pour profiter de ce à quoi son acharnement a donné naissance ! Ces univers infinis qui abritent des milliers et des milliers d'idées. Dont certaines qui, hélas, n'auront fait qu'éclore sans jamais vraiment parvenir à briller...

Elle secoua doucement la tête avant d'en revenir aux réjouissances :

- Heureusement, parmi elles il y en a beaucoup d'autres qui se sont mélangées à de fabuleux concepts à compatibilité élevée ! De ces étroites collaborations sont nées des péripéties hautes en couleur. Ces collisions passionnées - ces céphéides - auront su braver le temps et les épreuves de la vie au point de laisser de belles traces dans l'esprit même de nos fins créateurs ! Elles ont poussé avec autant de force que de délicatesse, telles des graines sur le grand terreau que représente la séduisante toile du Multivers~

[Cesar Flickerman]

Un soupir dramatique — presque félin — s’échappa de Griffon. Il la regarda longuement, comme on observe un papillon discourant sur l’éphémère alors que la forêt brûle.

— Très joli, vraiment. Vous parlez comme une prêtresse sous LSD astral.

Il étira une patte avec lenteur et lança, la voix acide, mais toujours feutrée :

— Dites-moi, chère Ryanne, combien l’Observateur vous paie pour débiter de pareilles débilités ? Parce qu’entre nous… personne ne parle comme ça sans soit un cachet, soit une vocation de gourou intergalactique. Alors ? Une prime pour chaque métaphore végétale ? Ou c’est par strophe que vous êtes rémunérée ?

Un éclat de rire parcourut une partie du public — le genre de rire un peu gêné, à mi-chemin entre le malaise et l’admiration.

César, lui, avait les yeux ronds comme des lunes jumelles.

Mais Griffon ne s’arrêta pas là. Il se redressa légèrement, son regard brûlant d’une malice toute neuve :

— Mais puisque nous parlons de rémunération, parlons talents. Car il y a une rumeur qui me fait ronronner de curiosité : est-il vrai que vous avez été refusée trois fois à l’Académie des Manipulations Magiques de Faëlya ? Et que la quatrième fois… vous n’avez été acceptée qu’à cause d’un "petit accident" ayant frappé les trois membres du jury précédents ?

Il leva un sourcil invisible :

— Faut-il en conclure que vous n’avez pas seulement le don de la rhétorique… mais aussi celui de la malédiction sélective ?

César étouffa un rire nerveux en se retournant vers les caméras

[Ryanne Hilaris]

Tout d'abord, Ryanne choisit scrupuleusement de ne pas prêter la moindre attention à l'ironie cinglante du désagréable matou.

- Tout le plaisir est à votre humble servante~

Cela n'empêcha point le vilain de continuer à lui chercher des noises. Il remettait en cause ses belles paroles qui, elle était prête à l'admettre, étaient chargées en sucre. Il la faisait passer pour une sorte de fanatique aux yeux du public. Ce qui les faisait passablement rire, et les gênait en même temps.
En voilà, un adversaire intéressant !
Un défi qui, au lieu de l'irriter par rabaissement, l'amusait dans une certaine mesure.
Elle laissa le noooooble et surtout rusé Griffon cracher son fiel.
L'Académie des Manipulations Magiques de Faëlya ? Qu'est-ce donc que cette organisation obscure ?
L'Envoûteuse affichait son incompréhension. Elle ne chercha pas à répondre tout de suite à ces accusation totalement infondées. Pour elle qui ne conservait quasiment aucun souvenir de son passé et de ses anciennes vies, ce n'était clairement pas idéal comme situation...
Elle regarda César, qui avait l'air encore plus mal à l'aise que sa propre personne.

- Je suis curieuse de l'entendre... ces pseudos informations figurent également dans votre tablette ?

Oh, elle s'imaginait bien que non ! Dans le cas contraire, l'animateur ne se serait sans doute pas gêné pour les lui balancer à la figure, tout à l'heure, lors de sa confrontation avec la séduisante chroniqueuse à la langue bien pendue.
D'un geste de la main, elle interrompit le présentateur.

- Ne vous embêtez pas à me fournir réponse. Je crois savoir ce qu'il en est, et cela me suffit amplement~

Elle souriait à nouveau. La plupart du temps, c'est bon signe. Mais dans ce cas en particulier... peut-être pas pour tout le monde ?
Quoi qu'il en fût, la Xéno-faë était fin prête à donner la réplique.

- Monsieur Griffon.

Ses prunelles d'améthyste l'observaient avec grand intérêt. Telles deux pointes de flèches scintillantes braquées sur une cible immobile.

- "Roi" autoproclamé du Multivers. Grand champion de la digression. Maître manipulateur des foules à la langue râpeuse. Mascotte à l'élégance trompeuse dont la simple présence - la seule aura - suffit à faire trembler ses subalternes jusqu'à la pointe des cheveux...

Tout en secouant doucement la tête d'un air désabusé, elle s'accorda un léger soupir.

- Si vous avez déjà la réponse à toutes vos questions qui, ma foi, débordent d'imagination, pourquoi faites-vous l'effort de me les miauler ?

Cette fois-ci, elle se permit un rire - délicat, pas trop forcé.

- Pour vous attacher l'avis du public, tout simplement ! Spectateurs avides qui s'en seront déjà fait une idée, quoi que je puisse en dire. (Elle haussa calmement les épaules.) Ce n'est pas bien grave. Ils sont tout à fait libres de penser ce qu'ils veulent de moi. Cela ne me dérange pas ! Je ne suis pas venue sur ce plateau pour les bouder sous un quelconque prétexte - aussi fallacieux puisse-t-il être.

D'un mouvement évasif, elle éluda sciemment la fausse question de Griffon.

- De ce que j'en sais, la magie - l'Imagina - est innée chez les Xéno-faës. Sans elle, pas de lien possible avec l'Arbre de Vie. Sans ce lien primaire, nous sommes amenées à dépérir lentement mais sûrement avec notre monde, qui s'est avéré incapable de s'auto-alimenter au grand dam de l'Evocatrice. Ainsi, dans les faits, même si les Xéno-faës n'emploient pas toutes la magie à un même niveau, je puis vous assurer qu'il n'existe aucune Académie des Manipulations Magiques en Faëlya.

Ryanne avait développé ses compétences au cours de ses diverses aventures. En risquant sa vie pour elle-même comme pour autrui. D'ailleurs, sa puissance dépendait principalement de sa proximité avec ses compagnons. La qualité de ses relations influait beaucoup sur l'efficacité de ses sorts.
Même si elle n'en conservait pas d'innombrables souvenirs, la bonne fée avait conscience de son mode de fonctionnement ; il était imprimé dans ses chairs.
Son sourire se fit plus incisif.

- Monsieur Griffon, reprit-elle. Depuis combien de temps n'avez vous pas changé votre litière par vos propres moyens ?

Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?
Presque suavement, elle enchaîna :

- Et quid de votre gamelle d'eau ? Savez-vous qu'il est d'usage de la renouveler au moins une fois par jour ?

Nouveau petit sourire.

- Prenez soin de votre hygiène bucco-dentaire, monsieur Griffon. L'on raconte que les mensonges et la désinformation donnent mauvaise haleine~

Ne l'avait-il pas cherché ?