Yoake est "La Nouvelle Aube" du Japon. Symbole du renouveau économique nippon, Yoake est une commune maritime de premier plan dans la politique du Japon.
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Arrivée de Ranni sur Terre : Sous les néons de la « Nouvel Aube ». [Selene]

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Ranni
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Demande de RP
Le ciel de ce monde n’avait ni l’odeur du vide ni la voix des étoiles mortes. Il bruissait d’ondes invisibles, de pulsations mécaniques et de lumières artificielles. Des milliers d’éclats néon découpaient les rues d’Atarashï Yoake, comme si les hommes de ce monde cherchaient à rivaliser avec la voûte céleste en la refaisant à leur image, pixel par pixel.

Un souffle léger fit frissonner l’air à la croisée de deux ruelles, un entrelacs d’ombres où l’œil humain n’aurait perçu qu’un courant d’air ou un mirage de fatigue. Mais quelque chose naissait là, entre deux battements de réalité. Un scintillement, une vibration cosmique, puis le voile de l’espace se fendit comme un rideau de soie.

Et elle surgit.

Ranni la Sorcière, Reine des Astres et marcheuse de mondes, foula pour la première fois la surface de la Terre. Ses quatre bras gracieux s’étaient croisés devant elle comme un manteau de nuit, et son regard glacial scrutait les lumières de la ville avec une curiosité presque enfantine. Elle n’était pas venue ici en projection, ni par rêve ou échos de grâce. Elle avait choisi, pour une fois, de descendre réellement. De vivre la matière.

Ce monde ne portait pas de grâce supérieure, pas de rune originelle ni de trône divin. Mais il vibrait. De chaos, d’ordre, de luttes intérieures silencieuses. Les humains d’ici ne connaissaient pas les Destinées liantes, mais forgeaient chaque jour la leur à coups de choix et d’abandons. Cela suffisait à éveiller son intérêt.

Elle marcha un moment, dans les ruelles discrètes, enveloppée dans sa robe d’un bleu d’abîme. Aucun regard ne la frôlait — non par enchantement, mais par aveuglement. Les habitants étaient absorbés dans leurs écrans, leurs courses, leurs vies étroites. Et pourtant, elle sentait peser sur elle une tension. Une étrangeté. Cette forme-ci — ses quatre bras, sa peau bleu pâle, son aura — la désignait déjà comme autre. Trop autre.

Elle comprit rapidement : dans ce monde-ci, la différence était une chose que l’on masquait, que l’on tolérait à peine dans les marges. Pour parcourir ce territoire en paix, il lui faudrait un masque.

Alors, dans l’ombre d’un torii oublié, elle transforma lentement son corps. Deux bras se replièrent dans son être comme des ailes sous une cape. Sa peau pâlit, s’adaptant à la carnation des habitants. Elle conserva ses cheveux d’un argent bleuté, cascade lunaire qui dansait dans le vent, et ses yeux, reflets d’un cosmos lointain. Elle avait l’apparence d’une jeune femme à la grâce irréelle, mais humaine.

Elle émergea ensuite sur l’avenue principale, baignée de lumière. Des enseignes clignotaient sur les façades, criant en kanji lumineux des promesses de plaisirs fugaces. Les passants ne la remarquaient plus. Ou plutôt, ils la regardaient d’un œil distrait, comme on remarque une étrangère un peu belle dans la foule, sans s’arrêter sur elle.

Ranni se fondit dans la ville, comme un secret bien gardé.

Atarashï Yoake — “Nouvel Aube”. Le nom chantait dans son esprit comme une prophétie discrète. Il y avait ici quelque chose à comprendre. Une pulsation d’avenir. Elle sentait des nœuds d’énergie, des existences aux seuils de basculements. C’était cela qu’elle cherchait. Non des batailles ou des dieux à renverser, mais… des âmes. Des chemins croisés. Des vérités enfouies.

Au coin d’une librairie ouverte tard, elle s’arrêta. Le parfum du papier et de l’encre l’enveloppa. Elle entra, effleurant les rayons du bout des doigts. Des histoires. Des pensées humaines cristallisées. Des fragments d’espoir et de douleur, enfermés dans des reliures colorées.

Une voix faible la sortit de ses rêveries :

— Puis-je vous aider ?

Un jeune homme, visiblement employé du lieu, la fixait avec un mélange de gêne et de fascination. Il n’était pas insensible à son aura, même voilée.

Ranni inclina légèrement la tête.
— Je cherche à comprendre ce monde. Peut-être que vos livres pourront m’y aider.

Le vendeur cligna des yeux, croyant à une plaisanterie, avant de sourire timidement.
— Alors vous êtes au bon endroit.

Elle hocha la tête, prit un petit volume sur la mythologie japonaise, puis un autre sur l’histoire contemporaine. Et alors qu’elle s’apprêtait à passer la porte, elle sentit un frisson.

Quelqu’un l’observait. Pas avec les yeux d’un passant. Non. Avec conscience. Avec intensité.

Elle sortit dans la nuit, le regard légèrement levé vers les toits. L’air vibrait de promesses. Une nouvelle voie venait peut-être de s’ouvrir.

Elle était venue par curiosité. Elle resterait… pour comprendre.



[Ouverture RP]
Ranni se trouve à Atarashï Yoake, une ville futuriste du Japon, où elle tente de comprendre les habitants et les forces invisibles de la Terre. Sa présence est discrète, mais son aura peut être perçue par les êtres sensibles, mystiques ou simplement curieux. Elle cherche à rencontrer, observer, peut-être lier contact… Qui croisera son chemin ?
Modifié en dernier par Ranni le 26 mai 2025 17:56, modifié 1 fois.

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Selene
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Il y eut une perturbation dans la Force. En fait, non, ou peut-être si, ça, Selene n'en savait rien, mais elle avait quand même senti une perturbation, une manifestation d'énergie. Elle ne fut intense qu'un court instant, avant de vite devenir plus discrète. En général, c'était le signe d'une apparition ou d'une entrée, intense avant de s'estomper.

En tout cas, cela attira l'attention de Selene, alors qu'elle observait le candidat d'un jeu télé manger des frelons vivants pour limiter les choix de réponses à deux au lieu de quatre. Un divertissement de fin de soirée classique pour la télé japonaise. Ca ne manqua en tout cas pas de piquer la curiosité de la mutante, et malgré le plaisir malsain qu'il y avait à voir ce que quelqu'un était prêt à s'infliger pour quelques billets, elle se décida à aller voir. Après tout, quelle que soit la raison de cette incursion, elle était probablement concernée. Si la ville devait être dévastée, elle aurait tout intérêt à revendre sa propre résidence avant que sa valeur ne dégringole.

Même si elle arriva presque instantanément, Selene arriva trop tard. D'une certaine manière, ça l'était déjà dès que la manifestation énergique s'était estompée, mais quoi qu'il soit apparu, ce n'était pas resté en place. Dommage, parce que ça aurait été nettement plus pratique. La mutante dut donc faire un effort pour retrouver ce qu'elle avait laissé filer, et ce n'était pas facile, dans cette ville qui attirait pas mal de sources de bruit parasite. La sorcière ne chercha pas forcément la source d'énergie la plus forte, mais plutôt celle qui ressemblait le plus à celle qu'elle avait sentie. C'était difficile à définir comment elle l'identifiait, pour une perception que tout le monde ne possédait pas, mais si on la comparaît à la vue, elle cherchait plus la lumière de la bonne couleur que la plus intense. Et elle la trouva. Enfin, peut-être, comme pour la vue, même si chaque couleur pouvait être quantifiée précisément, la perception humaine ne permettait pas forcément d'en différencier deux presque identiques. Mais ça ressemblait quand même assez à ce qu'elle avait perçu, donc autant partir du principe que c'était ça.

Selene trouva facilement la rue, plus précisément l'avenue, et c'était précisément là que ça se compliquait. Même si elle pouvait pointer une direction, la fréquentation des lieux n'aidaient pas à déterminer vers qui elle pointait. Mais ça venait d'une librairie. C'était plutôt inhabituel, toute cette perturbation pour acheter quelques magazine, ça semblait plutôt excessif, même pour la mutante qui pouvait faire dans l'excès par simple caprice. En tout cas, elle finit par trouver ce qu'elle cherchait. Au fond, ce n'était pas tant en précisant de plus en plus sa perception qu'elle la remarqua, mais simplement par la vue. Cette personne, même si elle pouvait sembler humaine, avait une manière de se mouvoir un peu différente, avec une plus grande aise, sans doute. Et surtout, elle réagit.

Ça pouvait sembler anodin, d'une manière générale, mais ce n'était pas si facile de remarquer qu'on était observé par Selene, mais elle l'avait fait. Malgré tout, elle ne sembla non plus changer son comportement. Après ses achats, elle sortit de la librairie, continuant sa route, en observant en l'air. Ce n'était pas le meilleur moyen pour éviter de percuter les passants, mais elle y arrivait, et ce n'était pas juste parce que ceux-ci étaient plus attentifs à où ils allaient. La mutante pourrait sans doute se vexer d'être ainsi ignorée, mais elle savait se contrôler, et emboîta simplement le pas à la demoiselle.


"Bon, tu sais que je t'ai remarquée et je sais que tu m'as remarquée. On va juste se regarder en chien de faïence?"


Selene savait être subtil et diplomate quand elle voulait. Mais elle voulait plus souvent être directe, surtout quand il n'y avait pas réellement de raison de faire dans le mystère et les sous-entendus.

"Ou regarder vers le ciel dans ton cas. Quelque chose doit atterrir? Ou décoller?"


Souvent, il suffisait qu'une personne regarde dans une direction, pour que les personnes aux alentours l'imitent, comme pour savoir si il y avait quelque chose à voir, par là. Ca ne marchait pas réellement avec Selene, surtout que, là, elle semblait plus perdue dans ses pensées que focalisée sur ce qu'elle regardait. La mutante ne levait donc même pas les yeux, tout comme elle savait bien que rien n'allait réellement se passer en l'air.

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Elle n’avait pas fait trois pas au sortir de la librairie que la présence se précisa. Non plus un frisson dans l’éther, mais une ligne de tension, vibrante et fine, tendue entre deux êtres comme un fil invisible. Cela arrivait parfois — rarement — que quelqu’un la voie vraiment. Non pas seulement avec les yeux, mais avec quelque chose de plus ancien, plus viscéral. Une perception née d’un lien au monde que peu d’humains osaient cultiver.

Ranni ne se retourna pas. Pas encore. Elle marcha un peu, laissant le tissu de la nuit urbaine l’envelopper à nouveau. Les néons dessinaient sur sa peau pâle des reflets changeants, comme des tatouages de lumière vivants. Mais même ces éclats ne parvenaient pas à masquer l’anomalie. Celle qui l’avait suivie n’était pas un éclat de ce monde. Elle était… autre.

Quand enfin la voix s’éleva derrière elle — claire, directe, presque insolente — la sorcière s’arrêta.

« Bon, tu sais que je t’ai remarquée et je sais que tu m’as remarquée. On va juste se regarder en chien de faïence ? »

Un sourire imperceptible effleura les lèvres de Ranni. Il n’atteignit pas ses yeux, mais s’installa dans l’angle de son regard. Le ton, l’attitude, tout trahissait une nature inhabituelle. Pas seulement étrangère aux conventions — hors du jeu, totalement. Il y avait chez cette créature une lucidité presque gênante. Comme un miroir trop poli. Et une désinvolture qui rappelait à Ranni certaines lunes de jadis, indomptées, qui préféraient tourner à rebours plutôt que de suivre les lois célestes.

Elle se retourna lentement.

Le visage qu’elle découvrit était inconnu — mais chargé d’une signature. Une énergie difficile à nommer, instable, plus proche du chaos que de l’ordre. Vivante, oui. Trop vivante, même. Un feu qui se tordait dans ses propres reflets. Pas humaine. Pas divine. Un entre-deux, ou peut-être un au-dessus. Ranni ne savait pas encore.

— « Rien ne doit atterrir, ni décoller. » répondit-elle d’une voix douce, cristalline, presque ironique. « Sauf les regards. Et les masques. »

Elle inclina légèrement la tête, comme pour mieux observer cette femme. Elle ne portait pas l’odeur des étoiles mortes, ni la marque d’un trône ancien. Mais elle pulsait d’un pouvoir qu’on ne lui avait pas donné — qu’elle semblait avoir arraché elle-même, morceau par morceau.

Autour d’elles, la ville continuait de fourmiller. Des grappes de passants, des drones bourdonnant au-dessus des toits, des écrans criards vendant une réalité manufacturée à coups d’images et de jingles. Mais ici, dans cette bulle ténue entre deux souffles, le monde semblait retenir sa respiration.

— « Tu m’as sentie. Moi aussi. Une vieille habitude, sans doute. Repérer ce qui dérange les lignes. »

Elle tourna brièvement les yeux vers le ciel. Non pour y chercher quelque chose — mais pour le rappeler à l’autre. Ce regard qu’elle avait lancé plus tôt, elle l’avait fait par instinct. Par mémoire. Par espoir, peut-être, qu’une étoile ose encore parler dans ce ciel muselé.

— « Dis-moi… » reprit-elle, en revenant vers les prunelles de l’inconnue. « Dans ce monde, les êtres comme toi sont-ils chassés ? Craints ? Ou simplement ignorés jusqu’à disparaître ? »

Il n’y avait pas de défi dans sa voix, seulement une vraie curiosité. Une soif de comprendre ce que ce monde faisait de ses étrangetés.

Ranni ne se méfiait pas encore. Elle ne faisait jamais cela tout de suite. Elle regardait. Elle apprenait. Elle s’imprégnait. Et déjà, quelque chose en Selene éveillait en elle une forme rare d’intérêt.

Re: Arrivée de Ranni sur Terre : Sous les néons de la « Nouvel Aube ». [Selene]

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Selene
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L'approche directe donnait toujours un résultat. Rarement un bon, rarement un souhaité, mais ça permettait toujours d'avancer, plutôt que de tourner en rond, par exemple en s'observant, comme Selene l'avait dit, en chiens de faïence. Et en fait, cette fois, le résultat fut plutôt bon, puisque l'apparition se contenta de lui répondre.

Bon, la réponse en soit ne pouvait pas réellement être considérée comme bon. Elle restait libre d'interprétation, bien sûr, si les masques ne pouvaient que tomber, métaphore de la vérité révélée, les regards pouvaient autant se lever que se baisser, et chacune de ses deux options pouvaient avoir plusieurs significations. Et certaines pouvaient être vues comme des menaces. Mais Selene n'allait pas se formaliser de la manière dont elle pouvait interpréter ou non les propos, si la demoiselle voulait se faire comprendre, c'était à elle d'être compréhensive.


"Ça dépend de ce que tu appelles les êtres comme moi."


Selene connaissait beaucoup de gens qui répondrait "Il n'y en a pas d'autres comme moi", elle-même pouvait le faire, il y avait bien des critères pour qu'elle puisse affirmer qu'elle était unique. Mais, contrairement à ce que la plupart des gens pensent, être unique, ce n'était pas n'entrer dans aucune case, mais au contraire pouvoir entrer dans le plus grand nombre. Ne pouvoir être défini par rien, c'était n'être rien, mais chaque fois qu'on pouvait être défini par quelque chose, ça précisait qui on était et, plutôt que de regroupé les gens apparentés, ces précisions les différenciaient des autres. Mais pour la question de l'apparition, Selene voyait deux cases qu'elle pourrait considérer, "mutante" et "sorcière". D'une certaine manière, sa réponse pourrait s'appliquer aux deux, avec juste un décalage dans le temps.

"En ce qui me concerne, on peut dire que je suis trop crainte pour être pourchassée."


Bien sûr, parfois des gens combattaient ce qu'elle faisait, mais Selene pouvait dire qu'on la laissait tranquille. Personne ne la pourchassait, personne ne voulait se lancer là-dedans, ou en tout cas personne ne le faisait très longtemps. Mais c'était justement parce que Selene était bien des choses, et la seule dans certains cas, plutôt que parce qu'elle était une chose.

"Quant aux gens comme moi, je dirais que c'est parce qu'ils sont craints qu'ils sont pourchassés. Et sentent l'être dans l'indifférence de certains."


Bien sûr, la crainte n'était pas la seule raison de pourchasser. La subsistance et le plaisir en étaient, la colère une autre et, en dehors de la première, Selene pourrait dire qu'elles étaient aussi une cause de cette persécution, mais elles naissaient de la crainte, dans ce cas-là en tout cas. Et pour l'indifférence, c'était une toute autre question, qu'elle laissait dans le domaine de la perception de chacun. C'était toujours facile de se dire que les autres n'en faisaient pas assez, tout comme il était facile de se dire qu'on était pas concerné. C'était un débat inutile, qui ne changeait que rarement l'avis de quelqu'un.

"C'est ce qui t'intéresse? Les gens comme moi? Parce que ça me paraît être un long voyage pour un petit documentaire."


Impossible pour Selene de réellement déterminer la longueur du voyage. En fait, il avait dû être court, en temps et en distance parcourus, par la manière dont le déplacement s'était fait, mais c'était le déplacement lui-même qui sortait assez de l'ordinaire pour se dire qu'il avait une finalité allant au-delà de quelques questions

Re: Arrivée de Ranni sur Terre : Sous les néons de la « Nouvel Aube ». [Selene]

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Ranni resta silencieuse un moment, après que les mots eurent quitté les lèvres de l’étrangère. Elle n’était pas de celles qui répondaient trop vite — non par lenteur, mais par goût de l’écho. Chaque phrase, chaque inflexion, vibrait encore dans l’air autour d’elles, et elle les goûtait comme on goûte un vin rare : avec lenteur, et une pointe de méfiance amusée.

« Trop crainte pour être pourchassée », disait-elle.

Il y avait dans cette réponse un mélange délicieux d’orgueil et de lucidité, qui ne choquait pas Ranni — bien au contraire. Elle y reconnaissait une voix qui avait appris à naviguer entre les noms, les jugements, les flèches voilées. Une voix qui avait appris à survivre en devenant insaisissable.

— « Alors tu es une anomalie que le monde préfère ignorer… tout en espérant qu’elle ne le dévore pas. » souffla-t-elle enfin, d’un ton où perçait une étincelle d’admiration narquoise.

Elle fit un pas de côté, pour mieux observer l’allure de Selene sous la lumière tamisée d’une enseigne tremblotante. Cette lumière-là, capricieuse, semblait hésiter entre la montrer et la dissimuler — comme si même les néons ne savaient sur quel pied danser avec elle.

— « Non, je ne fais pas un documentaire. » répondit-elle avec un sourire fin. « Et ce voyage… il est moins long que juste. »

Un instant, l’air vibra autour d’elle, presque imperceptiblement. Non comme un vent, mais comme un souffle d’existence plus dense que la matière. Ranni ne venait pas de loin. Elle venait d’ailleurs. Et la distance entre les mondes n’était pas une question de kilomètres, mais d’alignement.

— « J’écoute les mondes respirer. Celui-ci… a retenu le sien. Trop longtemps. Il est au bord d’un soupir, ou d’un cri. »

Elle se tut, l’œil rivé un instant à une silhouette de passant qui s’éloignait, comme happée par ses propres urgences. Puis elle revint à Selene.

— « Et dans ces moments-là, je cherche les points de rupture. Les âmes qui ne respirent plus comme les autres. »

Elle n’avait pas encore dit ce qu’elle était. Et ne le ferait sans doute pas. Pas maintenant. Les masques, comme elle l’avait dit, devaient tomber — mais ils ne tombaient pas toujours d’un coup. Certains s’effritaient. Se fissuraient sous les bonnes questions.

— « Alors oui… peut-être que ce sont les gens comme toi qui m’intéressent. »

Son regard, limpide et abyssal à la fois, plongea un peu plus dans celui de Selene. Il n’y avait pas de menace. Juste une intensité calme, comme celle d’un astre lointain qui observe sans juger — mais qui voit tout.

— « Pas pour ce que vous faites. Mais pour ce que vous portez. »
Elle pencha la tête, rêveuse.
— « Car il y a chez vous une manière de brûler qui ignore le ciel. »

Elle parlait d’elle, aussi. Un peu. D’un reflet. D’un parallèle.
Puis, se redressant légèrement, elle ajouta d’un ton presque léger :

— « Mais je suis peut-être venue trop tôt. Ou trop tard. Les mondes n’aiment pas qu’on les observe avant qu’ils ne soient prêts à se montrer. »

Un soupir très léger, presque un rire étouffé.

— « Et toi, Selene… tu es plutôt de celles qui soufflent sur les braises, ou de celles qui les laissent s’éteindre ? »

Elle l’avait appelée par son nom sans qu’il n’ait été prononcé. Non par magie — mais par écoute. Elle avait entendu dans l’énergie, dans la structure du monde autour d’elle, dans les interstices du réel, l’empreinte du nom.

Les noms résonnent, pour qui sait écouter.

Re: Arrivée de Ranni sur Terre : Sous les néons de la « Nouvel Aube ». [Selene]

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Selene
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À la manière dont Selene lui avait répondu, la voyageuse en vint à la considérer comme une anomalie. Le terme, bien que péjoratif, lui allait bien, et si le monde ne l'ignorait pas tant que ça, qu'il craigne qu'il la dévore était presque juste. Même si son langage imagé la rendait difficile à suivre, ce qu'elle disait était en partie amusant, à défaut de totalement compréhensible.

Quant à la raison de sa venue, ses objectifs, car c'était pour savoir ça que Selene s'était déplacée, ça restait plutôt obscur. Visiblement, quelque chose dans la manière dont le monde tournait, ou justement ne tournait pas, avait attiré son attention. Difficile de savoir quoi, il faudrait comprendre ce qu'elle entendait par "respirer", et elle cherchait alors des personnes "différentes", sans qu'il ne soit clair si elles faisaient partie du problème ou de la solution. Et le fait que la mutante pourrait être une de ces personnes voulait sans doute dire qu'elle devait se sentir concernée. Et sans doute que ces personnes faisaient partie du problème. Il valait sans doute mieux partir sur ce principe, tant que les intentions de la voyageuse n'étaient pas claires, ce qui risquait de durer, si elle continuait de parler aussi vaguement.


"Ca dépend des braises."


Selene n'était pas sûre que cette nouvelle métaphore était liée à celle selon laquelle elle brûlait en ignorant le ciel, qui était assez bizarre en soi. La mutante imaginait plutôt qu'il s'agissait de choisir de précipiter ou non les événements, voire de les provoquer, auquel cas, à défaut de claire, sa réponse pouvait être sûre. Seuls les idiots n'adoptaient qu'un seul comportement, chaque action devait se décider en fonction de la situation, afin d'être utile et productive.

"On gagne à attiser certaines braises, tandis que ça ne sert à rien de s'inquiéter d'autres. Et il vaut parfois mieux jeter de l'eau sur d'autres encore."


Selene n'excluait pas la troisième solution, même si il était dur de dire laquelle était la positive et laquelle était la négative, tandis que l'indifférence n'était peut-être pas aussi neutre au point de vue de la voyageuse. Il n'y avait déjà aucune certitude sur ce qu'elle sous-entendait avec ses images.

"Par contre, je ne vais pas me demander comment tu sais mon nom, mais ne serait-il pas plus juste d'égaliser les choses sur ce point?"


Pour le moment, le nom de la voyageuse n'intéressait pas tant que ça Selene, pas plus que ça ne l'inquiétait qu'elle connaisse le sien. Après tout des gens qui ne valaient même pas la peine qu'elle les connaisse sachent qui elle était, c'était ainsi, mais si la conversation devait la poursuivre, ce serait sans doute mieux que la mutante sache comment elle s'appelle, même si elle ne se servirait sans doute jamais de cette information.
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