The Multiversity

[Mélinda Warren]

Elle était devenue l’Impératrice Vampire. Impératrice ou Reine de l’Empire de Valachie, Carmilla Dracul se définissait comme étant officiellement la deuxième Impératrice de la Valachie, le premier des Empereurs étant son défunt mari, Lord Dracula. Après la mort de ce dernier, Carmilla avait réussi à asseoir son autorité sur les clans vampiriques, et ses armées avaient déferlé sur toute l’Europe de l’Est. Elle avait commencé par s’emparer de la principauté de la Moldavie, et avait ainsi fondé l’Empire de Valachie. Les États européens avaient contesté son influence, et avaient formé une alliance pour la combattre. Cette alliance, sous l’égide de l’Église catholique, avait permis de renforcer l’influence du Second Empire allemand, qui s’était renommé « Deuxième Saint-Empire romain germanique ».

Aujourd’hui, Carmilla avait triomphé du principal ennemi instauré par cette alliance des monarchies européennes, le royaume de Valistia. Ce royaume à la technologie avancée avait été développé par le Saint-Empire, à l’aide de technologies futuristes reposant sur la magie, pour combattre l’Empire Dracul. Au centre des efforts de guerre de Valistia, il y avait un jeune prodige, Karal, un jeune mage surpuissant qui avait été utilisé par les autorités valistiennes pour les protéger contre les vampires. Karal était tombé entre ses mains, et était depuis lors prisonnier dans la forteresse où il avait été récupéré, et où il servait de batterie pour la magitech valistienne, permettant d’alimenter leurs armures de combat, leurs canons, leurs tours électriques… Carmilla avait perdu beaucoup d’hommes pour s’emparer de ce fort autrichien, le Hohensalzburg. Ce château juché dans les montagnes était sous son contrôle, mais, après la chute de Valistia, le Pape avait décrété une nouvelle croisade religieuse contre la Valachie. Les monarchies européennes occidentales s’organisaient, et Carmilla devait aussi combattre l’Empire de Russie, ainsi que l’Empire ottoman. Une guerre sur trois fronts où elle manquait de troupes.

Karal apparaissait ainsi comme sa meilleure arme. Carmilla disposait de scientifiques et d’ingénieurs capables d’utiliser les technologies développées en Valistia pour renforcer l’arsenal des vampires. Pour cela, elle devait convaincre Karal de la suivre. Impossible de le vampiriser sans lui retirer les liens en dymérite qui l’empêchaient d’utiliser sa magie, et sa puissance était telle qu’il aurait pu dévaster toute la forteresse. Il était également trop dangereux de le déplacer, ce qui fait que le Hohensalzburg était sa demeure, et le lieu où le Saint-Empire préparait une contre-offensive majeure. La ville environnante était devenue un vaste champ de bataille, tandis que les campements militaires du Saint-Empire s’étiraient à perte de vue.

*Il est temps…*

Carmilla avait fait de cette forteresse son poste de commandement central du Front Ouest. Elle se rendit vers la chambre de Karal. Carmilla n’avait pas encore eu l’occasion de le rencontrer depuis la prise du fort, il y a environ une semaine.

« Bonjour, Karal. Je suis l’Impératrice Carmilla Dracul, Suzeraine de la Valachie, Reine des Vampires… Et celle à qui tu dois désormais allégeance. »

[Nowe]

Le silence.

C’était la première chose qu’il perçut. Pas le vacarme métallique des turbines de Valistia. Pas les cris des ingénieurs, ni les vrombissements des canalisateurs. Rien que le silence. Et cette étrange chaleur, tiède, presque enveloppante.

Karal entrouvrit les yeux, sa vision encore trouble. Le plafond au-dessus de lui était orné de moulures anciennes, richement sculptées, si différentes du béton nu et froid de son ancienne chambre. Il cligna plusieurs fois, peinant à croire ce qu’il voyait.
Les draps sous lui étaient d’un velours rouge profond, presque trop doux. Ses vêtements avaient disparu, remplacés par une tunique fine, qu’il ne reconnaissait pas. Ses bras nus, pâles, portaient encore les traces de l'épuisement. Sa magie... il ne la sentait plus affluer comme avant. Comme si quelque chose avait été rompu. Ou libéré.

Il se redressa lentement, chaque mouvement faisant protester ses muscles endoloris. Sa gorge était sèche, son esprit embrouillé. Il n’avait aucun souvenir de ce qui s’était passé après l’évacuation d’urgence… le dernier ordre du Haut-Chancelier… une explosion de lumière…
Et puis, le néant.
Karal s’adossa à l’oreiller, méfiant. Son cœur battait plus vite, une sourde inquiétude montant dans sa poitrine.

« Où suis-je… ? » murmura-t-il, presque pour lui-même.

Ses doigts se refermèrent machinalement sur le tissu des draps. Il ne portait pas ses bracelets de canalisation. Pas de gantelets. Aucun câble. Pourtant, il sentait encore en lui une sorte de vide... une absence étrange. Comme si on lui avait retiré quelque chose de fondamental.

Son regard se posa sur les murs : de lourdes tentures, des chandeliers, des meubles antiques… Ce lieu n’appartenait pas à Valistia. Ce n’était pas un laboratoire. Ce n’était pas un centre de régulation. C’était… un palais.

Et puis, elle fit éruption.
Une silhouette gracieuse, qui se tenait près des lourds rideaux, drapée dans une robe rouge, immobile, comme sculptée dans l’ombre. Un visage pale, des cheveux cendrés, et des yeux perçant. Une beauté presque irréelle. Elle irradiait une forme de calme autorité, aussi glaciale que captivante.
Elle se présenta sous le nom de Carmilla, Suzeraine de la Valachie et Reine des Vampires. Son cœur se serra suite a ce dernier mot.

Une vampire ?! Nous avons eté attaqué par des vampires ?!

« Que s’est-t-il passée, ou suis-je et pourquoi suis-je ici ?! »

Et surtout, pourquoi il était vivant ? Car si le royaume de Karal avait effectivement eté attaqué par des vampires, alors pourquoi était-il encore vivant ?!

[Mélinda Warren]

Il était beau, mais, si Carmilla avait voulu d’un mignon, elle n’aurait eu qu’à se servir dans les bordels. Elle sentait surtout sa puissance, et cela l’enivrait, l’exaltait. Malgré tout son savoir-faire, Carmilla n’était pas aussi puissante que son défunt époux, et elle savait qu’elle allait perdre la guerre. La prise du Hohensalzburg était avant tout un coup de poker, donnant l’illusion de sa puissance, alors que son Empire risquait de s’écrouler. Karal ne savait visiblement pas utiliser sa puissance, puisqu’il ne chercha pas à l’attaquer.

« Tu es au même endroit que là où je t’ai trouvé, Karal… Juste à un étage différent. Tu es dans une chambre destinée au seigneur du Hohensalzburg. Nous t’avons trouvé dans les souterrains, le corps relié par des câbles à des machines infernales qui pompaient ton énergie. Tu étais un vrai cadavre sur pattes quand on t’a décroché. »

Elle marchait lentement, pour ne pas le brusquer. Elle ignorait comment sa magie se reconstituait. Les scientifiques que Carmilla avait interrogé disaient que Karal était un véritable prodige, certains disaient même qu’il était la Réincarnation du Christ, un don de Dieu aux hommes pour combattre les vampires. Carmilla se retourna vers lui, faisant un peu virevolter sa cape rouge dans ce moment.

« De manière étonnante, ton corps s’est rétabli lui-même. Je dois admettre que c’est… Fascinant. »

Carmilla se rapprocha de lui, et se pencha vers Karal, ce qui fit que, pendant quelques instants, les lourds seins de Carmilla Dracul frottèrent le torse nu du jeune homme.

« Tu es encore en vie parce que je l’ai décidé, parce que tu es fort, parce que cette puissance qui vibre en toi m’émoustille comme jamais… Cette puissance me rappelle celle de mon défunt époux, et je pense que tu aurais pu le tuer. Les humains ont eu peur de ta puissance, ; ils t’ont muselé en te transformant en batterie. Quel gâchis ! »

L’Impératrice se redressa à nouveau.

« Je suis curieuse de savoir qui tu es, qui sont tes parents… Comment tu t’es retrouvé là. Certains des gens qui travaillaient sur toi disent que tu es la Réincarnation du Christ. La fille de l’ancien seigneur de ce château est même amoureuse de toi, on dit qu’elle te rendait visite en cachette, et qu’elle t’apprenait à lire… »

[Nowe]

Karal sentit un frisson glacé lui parcourir l’échine lorsque la vampire se pencha vers lui, sa présence aussi envoûtante qu’oppressante. La froideur de sa peau contrastait avec la chaleur étouffante de la pièce, et son parfum envoutant se fraya rapidement un chemin dans ses narines. Des vampires. Des buveurs de sang. Pourtant, malgré la terreur instinctive qui lui nouait les entrailles, une partie de lui… répondait à cette proximité. Comme si son énergie magique, longtemps contenue, reconnaissait en elle une égale.

Il serra les poings, cherchant en vain la familiarité rassurante des conduits de dymérite qui autrefois canalisait sa puissance. Rien. Seulement ce vide étrange, cette sensation d’être nu, vulnérable.
Le seigneur du Hohensalzburg ? Ce nom ne lui disait rien, mais pas la peine d’etre érudit pour savoir que ce n’était probablement pas un tendre.

"Tu étais un cadavre sur pattes."

Les mots de Carmilla résonnèrent comme un coup de poignard. Des images fugaces surgirent dans son esprit : les tubes luminescents qui lui transperçaient les bras, les cris des technomages ordonnant d’"augmenter le flux", la douleur dévorante quand son énergie était siphonnée jusqu’à l’évanouissement. On lui avait dit effectivement qu’il était la réincarnation du Christ, et comme le Christ, il se devait de se « sacrifier » pour les hommes. Karal se disait toujours que son sacrifice était volontaire et nécessaire, mais la realité était toute autre. Il se rappelait notament de cette nuit ou il avait entendu le chancelier discuter avec le Roi a propos Et cette voix douce, celle d’une jeune femme aux cheveux d’or qui lui chuchotait des contes pendant les nuits où la souffrance le tenait éveillé… La fille du seigneur ?

Il releva lentement la tête, croisant le regard rubis de Carmilla.

« La réincarnation du Christ , vous dites? Non, je n’y crois pas. Pour moi, Dieu n’existe pas. La présence de monstres telle que vous le prouve, d’ailleurs », dit-il avec une leur de défiance dans son regard. Un geste qui ne devait certainement pas plaire à la maitresse des lieux.

« Je ne sais pas qui est mon pére, je sais juste que ma mére était une pretresse devoué. Elle fut tuée par une bande d'Orcs qui avaient attaqué notre village alors que j’étais encore jeune. Elle me cacha dans le placard pour me protéger, et je fus témoin de son meurtre par ces atrocités… »

Karal fit une pause, essayant de cacher son émotion, le visage empli de désinvolture mêlée a un soupçon de stoïcisme.

« C’est la que mes pouvoirs se manifestèrent pour la première fois : Je perdis connaissance juste après, et quand je me réveilla, tout était en ruine dans un rayon de 20 kilomètres. Rien que des cadavres et des débris. Je sus tout de suite que c’était moi qui avait perpétué le massacre. C’est assez ironique, mes pouvoirs ne purent se manifester pour la protéger, elle, mais se manifestérent néanmoins pour me protéger, moi, quand ces monstres découvrirent ma cachette. »

Karal regarda ensuite a l’horizon, essayant de cacher le poids de sa douleur :

« Le gouvernement declara ensuite que je représentais un danger public, et qu’il valait mieux que je sois tenu a l’écart de la société. Ensuite, les scientifiques de la cour découvrirent un moyen d’exploiter ma Mana, et de l’utiliser pour alimenter un système de cristaux magiques qui permettait de générer une barrière protectrice autour du royaume. J’ai bien évidement accepté, car c'était pour moi le seul moyen de me repentir»

Puis, Carmilla parla de la fille du Seigneur. Karal fronça les sourcils.

« Vous parlez de Rose ?! Ou est-elle, qu’avez-vous fait d’elle ?! »

Rose avait été effectivement l’une des rares personnes à prendre soin de Karal et le traiter comme un humain ordinaire. Son amour pour lui semblait avoir été sincère.

[Mélinda Warren]

Carmilla le laissa parler. Elle savait peu de choses sur Karal, notamment sur son passé. Pendant longtemps, elle avait même cru qu’il n’existait pas, qu’il était un élément de propagande développé par l’Église pour redonner foi en la chrétienté. Elle apprit ainsi qu’il avait connu un traumatisme quand son village natal avait été assiégé par des Orcs, et que ses pouvoirs s’étaient alors développés en dévastant le village alentour. L’évocation de Rose l’amena ensuite à s’énerver, craignant qu’il ne lui soit arrivé malheur.

Souriant doucement, Carmilla se déplaça lentement.

« Elle est en vie. Tu sais, n’importe quelle armée humaine l’aurait donné en pâture à leurs hommes. Elle est plutôt jolie. Mais j’ai spécifiquement interdit qu’on la touche. Elle est enfermée dans sa chambre. »

Carmilla pouvait mentir, bien sûr, mais elle ne mentait jamais. Elle se retourna vers Karal, et croisa les bras.

« Tu dis que je suis un monstre, mais qu’en sais-tu ? Tu as étudié l’Histoire de ta race ? Les monstres, ce sont vous, les humains. Suis-je plus monstrueuse que ceux qui t’ont enfermé ? Qui ont ponctionné ton énergie jusqu’à te laisser dans un état cadavérique ? Suis-je plus meurtrière que des gens comme Tamerlan ? »

Tamerlan était un personnage historique, qui avait vécu au 15^ème siècle, et qui était connu pour être le personnage le plus meurtrier de toute l’Histoire. S’appelant « Épée de l’Islam », il était un conquérant militaire invaincu, un bâtisseur de cités, et un boucher impitoyable. Il avait fondé un Empire, l’Empire timouride, et on estimait qu’il avait tué entre 1 et 17 millions de personnes, soit 5% de la population mondiale de l’époque. Sa spécialité était d’exterminer les villes qu’il conquérait, tuant l’intégralité des habitants dans des circonstances effroyables et abominables. Ils n’épargnaient que les artisans et des intellectuels. Son massacre le plus notable était celui de la ville conquise d’Ispahan, où un soulèvement avait eu lieu contre les percepteurs d’impôts de Tamerlan. En représailles, il avait dévasté la ville, et ses hommes avaient dépecé les corps, et conçu des tours de crânes et de cadavres, s’élevant dans les hauteurs de la ville.

Elle ignorait si Karal connaissait l’histoire de Tamerlan, si Rose lui en avait parlé, mais Carmilla connaissait l’histoire de l’humanité.

« Ta religion de paix et d’amour organise des bûchers, elle condamne à mort des femmes accusées de sorcellerie, elle traque ceux qui ne croient pas pour les torturer… Je ne suis pas un monstre, Karal, je fais ce qui doit être fait pour survivre. Les États se moquent bien de leur population, vous n’êtes que des pions à sacrifier. Suis-je différente ? Moi et les miens, nous nous nourrissons de sang humain vivant. Plus nous avons d’humains, plus nous pouvons pacifier les choses. Je ne suis pas un monstre, non, je cherche juste à améliorer les choses. »

Carmilla s’assit alors sur le lit, à côté de Karal.

« Les Orcs qui ont dévasté ton village… Tu ne t’es jamais demandé comment ils étaient venus ? Nous, les vampires, nous pouvons commander aux Orcs, alors je suppose que nous étions les coupables idéaux… Je ne vais pas te mentir, il existe autant de clans vampiriques aux méthodes diverses que de royaumes humains. Certains clans sont pour des solutions extrêmes. Moi, si je vois un village d’humains, je ne songerai pas à les tuer, mais à ce qu’ils me jurent fidélité. Le massacre de ton village était un gâchis, Karal. »

Elle se tut un peu, l’observant lentement.

« Tu aurais le pouvoir d’en finir, je le sens… Je suis puissante, mais tes pouvoirs… Il est probable que je doive affronter plusieurs de mes sujets vampiriques quand ils apprendront que je t’ai épargné. Je souhaite moi aussi mettre fin à cette guerre, et tu es un élément décisif dans ce conflit, Karal. La question est donc de savoir si tu vas choisir de rester fidèle à des gens qui ne le méritent pas, ou si tu vas commencer à réfléchir par toi-même… »

[Nowe]

Karal frémit quand il sentit les seins lourds de la vampire se poser sur son torse, surtout quant cette derniére prit place a coté de lui dans le lit. Son parfum envoutant et son corps voluputeux perturbait tout ses sens.

Les mots de cette derniére frappèrent Karal comme autant de coups de poignard, chaque phrase ébranlant les fondations de ses certitudes. Il sentit son souffle se raccourcir, ses mains trembler imperceptiblement alors qu'un tourbillon de pensées contradictoires l'assaillait.
Rose est en vie... Cette première pensée lui apporta un soulagement immense, mais fut immédiatement suivie par une autre, bien plus troublante : Elle l'a épargnée... alors qu'elle aurait pu...

« Tamerlan... » murmura-t-il, le nom résonnant dans sa mémoire comme un écho douloureux. Rose lui avait effectivement parlé de ce conquérant sanguinaire lors de leurs leçons d'histoire. Les tours de crânes, les massacres systématiques, la terreur répandue au nom de la gloire et de la religion. Un humain. Pas un vampire, pas un démon... un homme.

Karal porta une main à son front, sentant une migraine naissante. Ses pensées s'entrechoquaient violemment :

Elle a raison... ils m'ont utilisé comme une batterie. Ils m'ont vidé de ma substance, jour après jour, jusqu'à me laisser mourir à petit feu...
Mais une autre voix, celle de sa loyauté conditionnée, protestait farouchement :
Non ! C'était pour le bien du royaume ! Pour protéger les innocents ! Je me sacrifiais volontairement !
Volontairement ? La question résonna dans son esprit avec une amertume croissante. Avais-je vraiment le choix ? M'a-t-on seulement demandé mon avis ?

Il se souvint soudain de cette conversation qu'il avait surprise entre le Chancelier et le Roi, tard dans la nuit. Leurs voix portaient à travers les conduits d'aération :
"Si jamais il devient incontrôlable..." "Nous avons les moyens de nous en débarrasser, Majesté. Il n'est qu'un outil, après tout."
Un outil. Pas un héros. Pas un sauveur. Un simple outil.

« Vous... vous mentez ! » s'écria-t-il soudain, mais sa voix manquait de conviction. « Les vampires sont des créatures des ténèbres ! Vous vous nourrissez de sang humain ! Comment pourriez-vous être meilleures que... »
Sa phrase s'étrangla dans sa gorge. Meilleures que quoi ? Que ceux qui m'ont enfermé ? Que ceux qui ont fait de moi leur générateur vivant ?

Karal se leva brusquement du lit, faisant quelques pas vacillants vers la fenêtre. Sa vision se troubla un instant, et il dut s'appuyer contre le mur. La proximité de Carmilla, son parfum envoûtant, la chaleur de sa présence... tout cela perturbait ses sens déjà en ébullition.
« Les Orcs... » dit-il d'une voix rauque, sans se retourner. « Vous dites qu'ils obéissent aux vampires ? Alors... quelqu'un a ordonné la mort de ma mère ? »

Cette révélation le frappa comme un coup de massue. Pendant des années, il avait accepté cette tragédie comme un simple malheur, un raid sauvage sans logique. Mais si c'était orchestré... si quelqu'un avait délibérément envoyé ces créatures...
Pourquoi ? Pourquoi tuer une simple prêtresse et son enfant ?
Une pensée encore plus terrifiante lui traversa l'esprit : Et si ce n'était pas les vampires ? Et si c'était... eux ? Le royaume ? Pour m'isoler, pour que je n'aie nulle part où aller, personne vers qui me tourner ?

« Non... » murmura-t-il, s'agrippant au rebord de la fenêtre. « Non, c'est impossible. Ils m'ont recueilli. Ils m'ont donné un but. Ils... »
Ils t'ont utilisé.

La vérité commençait à percer le voile de ses illusions, mais son esprit se rebellait contre cette réalité. Comment accepter que tout ce en quoi il avait cru, tout ce pour quoi il avait souffert, n'était que mensonge et manipulation ?
Il se retourna vers Carmilla, ses yeux brillant d'une lueur dangereuse, sa magie commençant à fluctuer autour de lui comme une aura instable.

« Que voulez-vous de moi ? » demanda-t-il, sa voix oscillant entre colère et désespoir. « Pourquoi me dire tout cela ? Pourquoi m'épargner ? Si vous aviez voulu me tuer, vous l'auriez fait depuis longtemps. Alors quoi ? Vous voulez que je rejoigne votre cause ? Que je devienne votre arme comme j'étais leur batterie ? »

Ses poings se serrèrent, et quelques objets dans la pièce commencèrent à trembler légèrement.

« Je ne sais plus... je ne sais plus qui croire. Vous me dites que vous cherchez la paix, mais vous êtes en guerre contre toute l'Europe. Vous me dites que les humains sont des monstres, mais vous vous nourrissez de leur sang ! Comment... comment puis-je faire confiance à quiconque désormais ? »

[Mélinda Warren]

Carmilla laissa Karal réfléchir. Elle le laissa peser le pour et le contre, et, quand il se demanda ce qu’elle voulait, elle répondit. Entre-temps, elle s’était déplacée pour s’asseoir sur un fauteuil, et croisa les jambes.

« Oui, nous nous nourrissons de sang, Karal. En quoi est-ce différent des humains ? Vous mangez bien de la viande, non ? Vous avez besoin de respirer, de boire de l’eau. Nous, il nous faut du sang pour revigorer nos cellules. Tu sais, l’être humain n’est pas apparu tel qu’il est du jour au lendemain, n’en déplaisent aux fanatiques qui ont abusé de toi. Ton espèce est le fruit d’une longue évolution qui a atteint son rang en détruisant l’espèce antérieure. Moi, je crois que les vampires sont l’évolution naturelle de la race humaine. L’homo sapiens est devenu ce qu’il est en exterminant l’homo neanderthalis. Une guerre est inévitable entre nos deux peuples. Pour autant, malgré ce déterminisme racial, je ne suis pas favorable à cela. Car le vampire a besoin du sang humain pour survivre. Une guerre totale provoquerait donc l’extinction mutuelle de nos deux races. »

Elle se racla doucement la gorge, avant de poursuivre :

« Je ne te mens pas, Karal. Il est possible que les Orcs ayant tué tes parents viennent d’autres seigneurs vampires, mais on ne peut pas non plus exclure l’implication de seigneurs ou de rois humains. Penses-tu vraiment que la vie de leurs sujets importe tant que ça aux nobles qui vous dirigent ? Massacrer des villages, c’est un bon moyen de réunir des troupes, d’asseoir l’autorité d’un souverain. La peur, c’est ce qui motive les humains à avancer. Sache en tout cas que je n’ai pas commandité cette attaque. Maintenant, quant à ce que j’attends de toi… »

Carmilla se releva alors. Karal put sans doute sentir la tension alors que Carmilla s’avançait vers lui. Une tension qui avait aussi un volet sexuel, car la beauté incroyable de Carmilla emplissait toute la pièce. Sa main caressa la joue du jeune homme.

« Je ne suis pas une vampire puissante, tu sais. Les autres seigneurs vampires me suivent car ils ignorent encore si Dracula est mort ou non. Mon époux, lui, était aussi fort que violent. Il m’a transformé contre mon gré. Je n’ai pas pleuré sa mort, mais je suis lucide. Quand ils réaliseront qu’il est mort, ils me tueront, et l’équilibre précaire que je souhaite instaurer s’effacera. Je compte proposer aux royaumes humains un armistice. Ils devront me reconnaître comme leur Impératrice, et leurs royaumes pourront continuer à prospérer. Mais, pour ça, j’ai besoin de toi, Karal. »

Elle sourit alors à ce dernier, tandis qu’elle s’était suffisamment rapprochée pour que ses seins s’enfoncent contre le torse de Karal.

« Je ne veux pas que tu sois ma batterie, ou même mon bras armé, non. Je veux que tu deviennes mon époux, Karal. »

[Nowe]

Le mot "époux" résonnait dans la tête de Karal comme un coup de tonnerre. Pendant un long moment, il restait figé, la bouche entrouverte, incapable de former le moindre son. Ses yeux s'écarquillaient et il la fixait comme si elle venait de lui parler dans une langue étrangère.

« Ton... ton époux ? »

Sa voix n'était qu'un souffle rauque, presque inaudible. Il reculait instinctivement, ses jambes tremblantes, jusqu'à ce que son dos heurte le mur. La proximité des seins de Carmilla contre son torse, sa main sur sa joue, sa beauté troublante... tout cela prenait soudain une dimension vertigineuse que son esprit refusait d'accepter.

« Je... tu... »

Les mots se bousculaient dans sa gorge sans parvenir à sortir. Sa respiration devenait erratique, saccadée. C'était comme si tout l'air avait été aspiré de la pièce.

« Mais... mais tu es... et moi je suis... »

Il passait une main tremblante dans ses cheveux, ses yeux fuyant le regard perçant de Carmilla pour se perdre dans le vide. Comment était-ce possible ? Comment une créature comme elle, une Impératrice vampire, pouvait-elle... ? Et lui, qui était-il pour qu'elle...?

« Je ne comprends pas. »

Ces quatre mots sortaient dans un murmure brisé. Il glissait lentement le long du mur jusqu'à se retrouver assis par terre, la tête entre les mains, complètement dépassé par ce qu'il venait d'entendre.
Il secouait la tête, incapable de finir sa phrase, le rouge lui montant aux joues malgré lui.

« Comment est-ce que je peux... comment est-ce que je peux même envisager de répondre à ça ? »

Cependant, dans la foulée, Karal ne put s’empecher de remarquer la beauté infernale de Carmilla, en particulier ses seins volumineux qui étaient collé à son torse, et qui faisait qu’un afflux sanguin était entrain d’affluer vers une partie spécifique de son anatomie…