The Multiversity

[Korë Grémorya]

Provinces Libres - sur les terres arables de Blelor :

Le ciel, pourtant si bleu au matin, avait été lentement englouti par une marée de nuages grisâtres. La pluie n'avait pas cessé de tomber depuis. Sous les bottes des aventuriers, la terre meuble était gonflée d'humidité, rendant leur avancée particulièrement pénible et éreintante. Partis précipitamment de la ville fortifiée de Blelor, les membres du groupuscule de confiance dont faisait partie Korë Grémorya n'avaient emporté aucune monture avec eux...
Au vu des circonstances, cela n'avait pas été la meilleure de leurs décisions.

- Nous allons couper à travers champs, leur avait imposé leur protégée juste avant le départ. Avec un peu de chance, nous gagnerons - sans nous faire remarquer - le village voisin avant la nuit tombée.

Là bas, quelqu'un les y attendait. Quelqu'un d'important, pour une discussion de la plus haute importance dont ils ne savaient que trop peu de choses. Le tout à l'image de cette jeune femme, belle comme une princesse, qui avait payé cher pour obtenir cette escorte de dernière minute.
Mais contrairement aux autres aventuriers, la Wyvérienne avait reconnu Mérileya, la fille du Baron Prestàr en personne.



Tout comme son père, Korë Grémorya ne la connaissait que de nom et de visage. Dans chaque ville où la bardesse était amenée à s'aventurer, elle prenait toujours la peine de se tenir un minimum au courant des évènements qui y avaient cours. La plupart du temps, on y mettait en avant les hautes figures de la noblesse que l'on détaillait toujours sous des termes fort élogieux. En l'occurrence, dans cette histoire, la grâce et la beauté de Mérileya n'était pas du tout volées. Ce malgré son accoutrement - cette longue robe bordeaux - qui ne la mettait pas du tout en valeur, et dont la gadoue avait copieusement taché les pans.

- Vous pensez pouvoir supporter cette cadence infernale ? Non parce que je peux toujours vous porter si vous le désirez~

Le plaisantin - qui n'en était pas tout à fait un, étant donné les regards presque énamourés qu'il avait lancés à Mérileya dans son dos - était du genre costaud. Un pugiliste bien entraîné, certes, mais qui mourrait d'envie de se faire remarquer à chacune de ses frasques. En bref : un homme au physique remarquable doté d'un intellect plus que moyen.
Korë n'avait pas cherché à retenir son nom. Pas plus que la fille du baron, imaginait-elle.

- Non merci. Je ne suis pas en sucre ; je peux me débrouiller.

- D'accord, d'accord ! Mais laissez-moi vous dire que vous ne savez pas ce que vous manquez.

Il eut donc vite fait de basculer son attention sur la Wyvérienne, la seconde et dernière fille de l'équipe, à qui il adressa une œillade.

- Ma proposition vaut également pour toi, bel ange.

D'une secousse de la tête, Korë déclina son offre.

- Désolée. Je m'en passerai pour des raisons purement pratiques, précisa-t-elle.

- Qui sont... ?

- La protection de notre cliente, avant toute chose. Perchée sur vos solides épaules, j'obtiendrais probablement une bonne vue sur l'horizon. Malheureusement, dans ces conditions, mes mouvements dépendront des vôtres. Et ça, aucun de nous ne peut se le permettre au risque de nuire à la cohésion du groupe.

- Elle a raison, intervint Tybalt, cet homme brave et cordial qui occupait la fonction de chevalier. Ne les ennuie plus avec tes avances voilées, Rolhan. Si nous devons compter sur une paire d'yeux, celle de ce bon vieux Josh fera parfaitement l'affaire.

Si Tybalt avait toute confiance en cet archer, c'était parce qu'ensemble ils avaient mené à bien bon nombre de requêtes.
Et peut-être aussi parce que Josh, d'un naturel silencieux, que l'on surnommait à juste titre le Silencieux, n'essayait pas de flamber comme ce gai luron de Rolhan.
L'archer leva soudainement les yeux vers les nuages pluvieux.

- Un battement d'ailes, annonça-t-il à mi-voix.

Pas suffisamment fort pour que tout le monde puisse l'entendre, ceci dit. Tybalt y parvint tout de même, mais essentiellement parce qu'il se trouvait juste à côté de lui. Korë, à l'opposé du duo, perçut le son avant que l'archer ne leur répétasse son avertissement.

- En formation ! rugit le chevalier en dégainant son épée.

A cet instant fatidique, Korë vit une silhouette reptilienne - et familière - crever le ciel encombré. Le monstre s'abattit comme la foudre si soudainement et avec une telle force que le sol, pourtant mou et humide, trembla sous leurs pieds.
Inexplicablement, inopinément, c'était un... dragon noir qui leur faisait face !



Tandis que Korë et Mérileya reculaient dans la boue, Josh, une flèche encochée à son arc, visait la gueule de la créature. L'éclat ferreux de son projectile aimanta aussitôt l'attention de sa cible monumentale. Une gerbe de flammes pourpres jaillit de sa gorge, menaçant d'avaler le tireur. Si celui-ci ne connut pas cette horrible fin qui consistait à brûler vif sur place, ce fut grâce à l'intervention de Tybalt. Le bouclier du chevalier, presque aussi haut que lui, les protégea efficacement.

- Rolhan, avec moi ! C'est le moment de briller avec autre chose que ta queue.

Chargé à bloc, le pugiliste entrechoqua ses poings avant de se mettre en garde à côté de son frère d'armes.

- On va lui tordre le cou, à ce maudit reptile !

Dans son dos, Korë, qui veillait sur leur dernière ligne de défense, entendit Mérileya murmurer avec angoisse :

- Malheur... ils nous ont trouvés.

"Ils" ? Mais de qui parlait-elle donc ?
La réponse, jusqu'alors muette et invisible, descendit souverainement du dos de leur principal assaillant aux écailles de jais. Deux chevaliers, tout de noir vêtus, que les ailes déployées de leur incroyable monture encadraient avec splendeur.

- Vous pensiez sérieusement pouvoir nous échapper ? demanda le ténébreux, au visage à la fois si sombre et séduisant.



- Dommage pour vous, enchaîna sa compagnonne, qui semblait être son reflet féminin. Le père de cette noble petite cachotière était au courant de vos petites manigances.



Elle avait beau s'exprimer calmement que son aura, associée à la fine ligne malicieuse de ses lèvres pleines, était à glacer les sangs.
Tybalt brava la peur qui lui étreignait le cœur pour leur demander :

- Qui diable êtes-vous ?

- A quoi bon donner mon nom à quelqu'un qui s'apprête à mourir ?

- Pure perte de temps, lâcha sentencieusement son homologue masculin. Maudissez-vous pour vous être mêlés d'une affaire qui vous dépasse. Aujourd'hui, vous voilà condamnés.

Rolhan et Tybalt, bien sûr, ne l'entendirent pas de cette oreille. Epaulés par Josh, ils mirent tout en œuvre pour se débarrasser de la menace. Ils auraient peut-être eu une chance face au dragon noir, qui n'avait visiblement pas encore achevé sa croissance. Mais les chevaliers noirs, eux, étaient d'un tout autre niveau. Aussi, parmi les trois courageux aventuriers, l'archer fut le premier à rendre l'âme.
De quelle manière ? Oh ! Laissons le soin à une autre plume de s'en charger~

[Ashka Velaryon]

Je l'avais vu dans le ciel quand j'étais sur le dos de Jordy. Nous traversions tous les deux un passage assez escarpé pour nous rendre dans une ville du nom de Bledor, un chemin qui n'était pas le plus facile d'accès. Mais c'est là qu'un dragon noir est sorti de derrière une colline à proximité. Il s'est dirigé droit vers un groupe qui courait dans une plaine au loin, tout en contrebas de là d'où j'étais. Au début, je me suis dis que c'était peut-être normal. Comme les dragons sont tous tellement familiers pour moi, je ne pense pas qu'ils vont forcément ne pas toujours être sympas. Et pendant que je regarde la scène, le dragon atterrit brutalement au sol juste devant groupe qui court. Sa manœuvre qui n'avait pas l'air d'être très amicale, l'était encore moins quand il s'est rapidement mis à cracher des flammes violettes sur l'un d'eux, alors qu'ils semblaient avoir échanger quelques mots juste avant.

- (Ashka) Tu as vu ça Jordy? Mais qu'est-ce qu'il se passe ici?...

- (Jordy le destrier blanc) *Reste sur tes gardes Ashka. Cela pourrait être dangereux d'essayer d'intervenir de là d'où nous sommes...*

Pendant que je continue de regarder attentivement, deux autres personnes que je n'avais pas vu tout de suite vu à cause de leurs armures noires, se tiennent sur le dos du grand dragon. Et c'est là que ça dégénère complètement. Trois de l'autre groupe apparemment composés d'un paladin comme moi, d'un archer et d'un troisième un peu plus étrange que les deux autres, foncent sur le grand dragon noir sans attendre. Quand celui qui semble être l'archer a voulu faire une manœuvre en se déplaçant sur l'un des côtés, les deux sortes de chevaliers noirs se sont mis à sauter au sol en même temps. C'est à ce moment là que le dragon a subitement pris de la hauteur et s'est mis de nouveau à cracher encore une énorme gerbe de flamme violettes. L'archer qui n'a rien vu venir, s'est mis à brûler de façon horrible. A ce moment-là, j'ai crié de peur et de surprise en voyant ça. Cette fois, je comprenais qu'il fallait que j'intervienne par tous les moyens possibles, parce qu'il y avait vraiment urgence.

- Jordy reste là! Je vais aller les aider... ça a l'air grave...

- *Idiot, tu vas te faire tuer! En plus ils vont te voir arriver par le ciel à cette distance! Ashka reviens... Je vais faire quoi tout seul sans toi si tu meurs?...*

C'est sous la pluie battante, que je déploie mes ailes pour voler et surtout pour planer dans leur direction. Pendant que je me rapprochais comme je le pouvais, j'invoque en même temps tout mon équipement de paladin grâce à la pensée, révélant ainsi mon armure d'or complète, tout comme mon diadème sur le front qui est redevenu visible. Mais aussi épée de jade et grand bouclier à tête de dragon d'or qui apparaissent et que je tenais bien fermement dans chacune de mes mains protégées par mes lourds gantelets. Ce n'était pas vraiment discret pour approcher, mais au moins ça me permettrait de pouvoir parer une éventuelle attaque. Mais j'étais encore assez loin du combat et je ne pouvais pas non plus aller très vite, surtout que le vent était contre moi, ce qui me ralentissait vraiment beaucoup. Puis malheureusement, ce que je craignais pour le groupe en détresse arriva. Les deux chevaliers noirs se sont chacun précipités en même temps vers le paladin et le type robuste avec ses gros poings. Je ne sais pas ce qu'il s'est exactement passé, mais ce sont surtout leurs lames qui se se mises à s'enflammer d'un feu noir. Quand leurs cibles se sont faites touchées en réagissant à peine, il se sont écroulées directement au sol.

- Mais... Mais c'est vraiment horrible! Comment on peut faire un truc pareil? Quelle bande de sales lâches!

Pendant que j'essayais toujours de me rapprocher, le dragon noir a tourné sa tête dans ma direction et a aussitôt craché sur moi les mêmes flammes violettes que tout à l'heure. C'est aidé de mon puissant bouclier qui pare tout, que j'ai entièrement arrêté la vague de chaleur particulièrement inquiétante qui m'est arrivée en plein dessus.

- Ha! Mais on est collègues toi et moi. Pourquoi tu fais ça?

- (Yaven le dragon noir) Quitte cet endroit espèce de crétin. Ce qu'il se passe ici ne te regarde pas.

De la télépathie. Le dragon noir qui a vu que nous étions proches, a usé de la communication mentale pour me parler. C'était une méthode très répandue chez nous. Mais seuls les dragons qui étaient considérés comme capables de se transformer à volonté de manière complète, pouvaient arriver à faire ça. Refusant d'écouter ce que ce foutu dragon noir me dit, il entreprend de voler vers moi et me bousculer. Je perds aussitôt l'équilibre et je commence à tomber depuis les airs. J'ai juste le temps de me rééquilibrer au niveau du sol pour ne pas m'écraser ou me faire mal. De là d'où j'étais maintenant, il restait bien encore un peu plus de cent mètres à faire pour espérer rejoindre ce qui semblait être deux filles en difficulté et particulièrement mises à mal par ces deux fichus chevaliers noirs. C'est alors que le dragon noir qui ne voulait vraiment pas me lâcher une seule de mes propres pattes draconiennes, me fixe et prend encore plus son temps, préparant visiblement une nouvelle attaque encore plus destructrice que la précédente.

- Espèce d'abruti. J'aurai pu faire un effort pour toi mais comme tu refuses de m'écouter, je vais devoir être obligé de te tuer une bonne fois pour toute! Va donc rejoindre tes ancêtres de lumière!

Tout en me mettant à courir vers le groupe qui semble être prêt à combattre, notamment la fille avec ses cheveux blancs, le foutu dragon concentre une grande boule d'énergie dans sa gueule. C'est avec difficulté que j'utilise encore une fois mon bouclier pour tenter parer au moment où celle-ci part rapidement dans ma direction. Mais la garde me demande beaucoup plus de force et de concentration pour arriver à tenir face à l'impact qui me touche de plein fouet. Le choc est si violent, que je me retrouve propulsé sur plus de dix mètres. Je sentais alors tout à coup une très désagréable chaleur qui s'est mise rapidement à me brûler d'un peu partout. Je fais alors immédiatement appel à la magie de l'eau pour tenter de stopper les effets particulièrement douloureux, tout en serrant les dents.

- ... Va te faire voir...

Tandis qu'il continue de me voler autour et que je me prépare encore à subir une nouvelle attaque de ce foutu écailleux qui n'avait rien à voir avec moi, il s'arrête et il regarde vers le groupe. C'est là que j'entends une voix de femme qui se met à lui parler fort.

- (Sélèce la paladine noire) Laisse-le moi, Yaven. Va donc plutôt jouer avec la fille du baron à la place.

- ... Je gère très bien la situation Sélèce...

- Fais ce que je dis Yaven! Eloigne la petite "protégée" d'ici. Si tu veux, tu peux la violer en attendant qu'on termine de régler les comptes avec eux.

- ... Très bien Sélèce. L'échange me semble être équitable.

C'est en profitant de leur échange de paroles pas vraiment très sympa au passage, que j'ai pu en profiter pour régénérer à peu près entièrement des douloureuses blessures que j'ai subis juste avant. Le vilain dragon noir s'envole vers l'autre groupe, là où la fille avec ses cheveux blancs avait maintenant commencé à combattre l'autre chevalier noir. C'est en soufflant l'air un grand coup à travers mon museau, que je marche en direction de cette fille qui se rapproche de moi avec un air tendu et agacé, épée à la main. Mon cœur battait vite. Je sentais qu'il y avait un mélange de peur, mais aussi de colère qui s'entremêlaient à l'intérieur de moi en voyant tout ça. Et le pire, c'était que je n'avais pas les moyens de pouvoir aider les deux filles en danger, à cause de l'autre qui terminait de se rapprocher tranquillement de moi. C'était comme si cette espèce de folle avait l'habitude de faire ça...

[Korë Grémorya]

Korë eut à peine le temps de porter Cëol - son ocarina - à ses lèvres que Josh fut rattrapé par son destin. Le dragon noir s'était élevé dans les airs avant de lui vomir dessus une nouvelle gerbe de flammes maléfiques ! Cette fois-ci, Tybalt, qui chargeait le trio ennemi suivant une formation en tête de flèche, ne put recourir à son bouclier pour protéger son brûlant camarade.

- Merde, Josh !! s'écria le pugiliste, que le drame de la torche humaine avait coupé dans son élan. Kkkh... enfoiré de sac à main volant !

- Reste concentré, imbécile ! lui ordonna le chevalier.

Les chevaliers noirs se mouvèrent à l'unisson. Une synchronisation parfaite, pour ainsi dire ! Leurs lames s'entrechoquèrent avec celles des deux aventuriers, les empêchant de s'en prendre au dragon. Hélas pour eux, ce ne fut pas tout car l'acier noir et effilé s'embrasa lui aussi. Le feu noir, cependant, avait des propriétés purement maléfiques. Trop denses pour Rolhan et Tybalt qui, malgré leurs équipements, s'effondrèrent comme des châteaux de cartes.

- Vous qualifier de piétaille serait faire insulte à la profession, railla le ténébreux.

Au lieu de les incinérer directement, le feu noir tournait en langues acides autour de leurs silhouettes prostrées. Les aventuriers ne pouvaient que se recroqueviller sur eux-mêmes en hurlant de souffrance.

- Qu'ils sont pathétiques ! jubila Sélèce, la chevalière impie. Faibles comme des enfants...

L'impuissance des membres de son escorte pétrifia Mérileya. Aucun mot ne franchit le palier de ses lèvres entrouvertes. C'est tout juste si sa main droite, toute tremblante d'horreur, avait commencé à se lever devant sa bouche.
Korë, qui lui servait de dernier rempart, était prête à renoncer à son ocarina pour le troquer contre son archet aussi tranchant qu'un kodashi quand elle surprit le nouveau venu. Ce dernier - un hybride draconique - s'attira aussitôt les foudres du prédateur noir. Plus mobile et plus vif, le jeune reptile cracha son feu maudit dans sa direction. Le bouclier du paladin fit son office, neutralisant l'infâme gerbe.
La discussion télépathique qui s'ensuivit entre les deux êtres à écailles, la Wyvérienne en saisit quelques bribes...

- Tu ne défends pas tes moribonds de compagnons ?

Le chevalier noir pointa sa lame vers la nuque de Rolhan.
Korë fut dès lors bien incapable de suivre du regard le duel entre dragons.
Ses yeux rouges étaient rivés sur l'exécuteur en devenir.

- Arrêtez cette barbarie ! Vous l'avez vaincu ; il ne peut plus vous opposer la moindre résistance. Lui ôter la vie ne vous fera que vous enfoncer un peu plus dans les ténèbres...

Sélèce gloussa à cette remarque.

- Mais nous leur sommes intimement liées, ma pauvre !

Erésyal, son frère, se joignit à son hilarité contenue.

- Celle-là est d'une naïveté presque touchante.

- Je peux te laisser t'amuser un peu avec elle, si tu y tiens.

- Pourquoi pas, sourit le mauvais en enfonçant sa lame noire dans le cou du pugiliste.

Cet acte ignoble arracha Mérileya à sa tétanie :

- NON !! E-espèce d-de monstres !

D'un coup de pied, le chevalier noir dégagea sa lame souillée.

- Au suivant, fit calmement Erésyal en s'approchant de Tybalt.

Le brave chevalier eut toutefois le mérite de le surprendre car, alors même qu'il était sous l'emprise du feu noir, il trouva la force de se relever et de foncer dans ses jambières. Erésyal ne parut pas déséquilibré pour autant. Il encaissa cette charge haineuse avant de se saisir de son épée des deux mains et de l'enfoncer dans le dos de Tybalt.
Ainsi, le rideau était définitivement tombé sur cette bonne âme.

- Imbécile. Tu aurais dû ramasser ta lame et me pourfendre avec au lieu de faire le pitre.

Sous le choc, Mérileya recula de deux pas pour finalement choir sur les fesses.

- Un peu de tenue, voyons ! lui lança mielleusement Sélèce. Vous allez vraiment finir par vous salir.

Pour Korë, c'en était trop ! Elle fit un pas en avant, le manche de son archet serré dans son poing droit.

- Je ne vous laisserai pas poser vos sales pattes sur elle !

- Dans ce cas, prouve moi que tu vaux mieux que ces déchets.

Forte d'une grande vélocité, la Wyvérienne engagea le combat avec Erésyal. Ayant pris le soin d'étudier le style brutal du chevalier noir, elle se garda d'entreprendre des parades, privilégiant les esquives acrobatiques, les voltes et les quartes rapides. L'ennemi fut agréablement surpris par le spectacle de son corps menu en mouvement. Des gestes grâcieux, élégants, mais non moins dangereux ! Reste qu'Erésyal n'avait rien d'un amateur : il était même un spécialiste du combat rapproché. Ce fait se fit ressentir lors de leur échange, car plus d'une fois il manqua désarmer la bardesse.

- Tu es déjà bien plus habile que les deux autres, estima-t-il, le regard luisant d'intérêt. Je m'en réjouirais presque !

Korë ne commit pas l'erreur de lui répondre. Les mâchoires serrées, elle était concentrée sur ce duel mais s'efforçait quand même de conserver un œil sur Sélèce... qui se contentait de les observer.
Ils ne craignent visiblement pas d'essuyer une défaite de ma part. C'est tout juste si je les divertis... comme si je n'étais qu'une sauterelle à leurs yeux.
Comme lasse de ses gesticulations, la guerrière se détourna de leur combat pour héler le dragon noir qui avait tenu son moitié congénère en respect. Elle avait décidé d'intervertir les rôles, donnant pour mission à Yaven de capturer la fille du baron pendant qu'elle infligerait une correction au paladin.
En entendant cela, l'esprit de la Wyvérienne s'enflamma.

- Courez ! fit-elle à l'attention de Mérileya.

Mais la pauvresse, terrifiée par l'ombre du dragon noir, tenait à peine sur ses guiboles...
Je n'ai plus le choix.
Korë fit alors appel à sa magie. Le chevalier noir n'ayant pas bougé, elle se fendit d'un geste en direction de Yaven. De longues aiguilles sombres foncèrent à sa rencontre. Plutôt que de cracher dessus, le reptile se dévia in extremis, les esquivant toutes avant de fondre en représailles sur sa proie toute désignée.

- Ne te mêle pas de ça, Yaven ! intervint Erésyal. Elle est à moi.

La Wyvérienne grogna sa désapprobation. Elle n'appartenait à personne. Et il était grand temps qu'elle le leur fasse rentrer dans le crâne.
Korë inspira un grand coup et...

- Allez-vous en !

Son hurlement était comparable à celui d'une banshee. Cette rafale sonore cingla les tympans surdéveloppés de Yaven, le faisant atterrir en catastrophe. Erésyal se courba sous la pression, une main pressée contre son oreille droite. Lorsqu'il examina ses doigts, il y découvrit du sang. Son sang.
Un sinistre sourire s'ourla sur son visage.

- Impressionnant.

Elle était parvenue à le blesser. Ses oreilles lui sifflaient encore. Incroyable mais vrai !
Yaven, de retour sur le plancher des vaches, rugit de frustration.
Envers lui, Erésyal eut un geste d'autorité.

- Sélèce t'a donné un ordre. Alors ne te détourne pas de ton objectif, si tu tiens à déflorer la baronette !

- Il me semble vous avoir pourtant dit que vous ne la toucherez pas, fit la bardesse.

Le chevalier noir la fusilla du regard.

- Ne prends pas la grosse tête, nymphette.

Une pression monstrueuse s'abattit sur les épaules de la Wyvérienne ! L'aura magique Erésyal était si puissante qu'elle suffit, à elle seule, à lui couper le souffle. Victime de son sort de soumission, Korë laissa tomber son archet dans la boue.

- Iiighnn... !

Mérileya avait retrouvé du courage au bon moment. Elle s'était retournée avant que le sort fasse effet. Sans avoir croisé le regard du chevalier noir, elle ne fut pas restreinte dans ses mouvements et put donc prendre ses jambes à son cou.
Du moins, c'était sans compter la réactivité de Yaven !
Au grand dam de la bardesse, le jeune dragon noir la rattrapa une trentaine de mètres plus loin.
Korë fit de son mieux pour soutenir le regard du chevalier noir alors que celui-ci, l'arme à la main, dévorait tranquillement la distance qui les séparait.

- Il n'y a pas de raison à ce que Yaven soit le seul à s'amuser.

Elle ne peut rien faire lorsqu'il leva son épée pour la frapper... d'un coup de pommeau.
Tandis que les hurlements de détresse de Mérileya résonnaient en arrière plan, les ténèbres accueillirent le bardesse à bras ouverts.

[Ashka Velaryon]

- Malheureusement tu arrives un peu trop tard pour les sauver, petite dragonne. Tu as été trop lente. Une chance que je n'ai pas laissé Yaven te réduire en morceau.

C'est en tremblant intérieurement, que je me mets en garde, fixant avec grande attention la foutue paladine des ténèbres qui me faisait face. Des combats compliqués, j'en avais déjà menés quelques-uns mais... celui-là avait quelque chose de particulièrement malaisant. En attendant, leur maudit ami volant s'est rapproché des deux filles sans attendre. Il se passe alors quelque chose là-bas que j'ai du mal à comprendre, n'ayant pas assez recul pour pouvoir analyser correctement la situation...

- Et alors? Tu as perdu ta langue? Tu sais que plus le temps passe, plus c'est toi et tes amis qui allez vous retrouver en vilaine posture? Déjà que les autres n'ont pas fait un pli. Qu'ils sont pathétiques, tous ces héros à toujours vouloir se mêler de tout et de n'importe-quoi pour toujours vouloir sauver à tout prix la veuve et l'orphelin. C'est votre naïveté qui perdra ce monde.

Ne pas lui parler... rester concentré. Ne pas répondre à cette espèce de folle qui attend certainement que je baisse la garde pour que finisse exactement comme les autres... Bon sang, si je m'attendais à être aussi rapidement en difficulté en si peu de temps... En attendant, le combat avec la fille aux cheveux blanc s'est largement engagé. Heureusement pour elle, elle semble être un peu plus forte. Sans doute est elle la cheffe de ce petit groupe. Ou du moins ce qu'il en reste... Mais bien qu'elle paraisse agile et habile, combien de temps le sera t-elle encore?

- Trêves de plaisanteries petite chose en armure d'or. Je n'ai pas que ça à faire. Le pourquoi du comment tu es là et si tu es avec eux ne m'intéresse pas. Ce que je suis venu chercher, c'est simplement un bon combat. Un vrai duel avec quelqu'un digne d'être à ma hauteur. Et quand je t'ai vu face à Yaven, je me suis dis que tu avais l'air de savoir plutôt te débrouiller. Tu sembles être particulier. Plutôt inhabituel je dirais. Du moins je l'espère pour toi.

- Laissez ces filles tranquilles, espèces de sales pourritures! Ce que vous avez fait juste avant est inacceptable! Je... Je déteste les gens comme vous!

- Ho... Tu as donc décidé d'ouvrir ta jolie petite gueule de dragonnet pour m'envoyer des fleurs? Tu sembles avoir une voix mélodieuse, bien que légèrement mal ajustée avec ton étonnante apparence, mais c'est amusant.

Elle essai de me faire perdre du temps... De toutes manières, ça ne servait à rien que je discute avec elle. Cette fille était intérieurement aussi noire que son armure et il n'y avait rien à tirer d'elle. Aussi tout en dressant bien mon bouclier, j'avance dans sa direction, prêt à l'attaquer à la moindre opportunité.

- Je m'attendais à un peu plus de réparties. Mais visiblement tu préfères ne pas discuter et passer directement à l'action. Soit. Dans ce cas, je t'attends. Vas-y. Montre-moi de quoi tu es capable. Mets y tout ton cœur et toute ta puissance si tu veux espérer sauver ces deux jeunes femmes, paladin de lumière.

Terminant de me rapprocher, je suis sur le point de l'attaquer lorsque j'entends un cri horriblement strident. Bien que je sois surpris, la fille en face de moi semble l'être tout autant. Je profite de l'occasion inespéré pour lever mon épée et la frapper. Si je manque de peu de la toucher, j'avais néanmoins réussi à la surprendre. C'est sans aucune pitié que je vais pour enchainer un second coup d'épée dans la foulée, quand elle me repousse d'un violent coup de pied inattendu, suivi d'un coup de sa propre épée que je... pare? Non en fait, quelque chose de désagréable me brûle la peau. Ça ressemble un peu à ce que j'avais ressenti juste avant, avec le dragon noir, mais c'était un peu différent. Immédiatement, la foutue paladine avec son armure aussi sombre qu'un trou noir ou un portail magique démoniaque, m'envoie un autre coup d'épée qui passe cette fois-ci à travers mon armure. La douleur, nette, me fait écarter les yeux de stupeur. J'ai tout juste le temps de parer la suite, pour ressentir encore une vague brûlante sur moi.

- Bien tenté le nabot. Mais c'est insuffisant. Il va falloir faire mieux que ça pour espérer sauver ces petites dames en détresse.

Tout en haletant, je remarque son épée. Elle était toujours entourée de flammes noires. Il y avait ainsi bien quelque chose d'anormal autour de celle-ci... Sans perdre plus de temps que nécessaire, tandis que cette espèce de folle me sourit comme une idiote, j'utilise encore une fois la magie de l'eau pour tenter de me régénérer. Mais étrangement ça ne semblait pas fonctionner.

- Et merde... C'est quoi ces... flammes?...

- Ha? Tu parles de ça? Toi qui voue ta vie à combattre les vilaines ténèbres, ne les as-tu donc pas reconnues? Elles sont si belles quand elles dansent. Tellement subtiles à travers leur silence fait comme le vide. Aussi sombres qu'une nuit sans lune mais surtout, tellement insidieusement destructrices. Même ton armure ne peut les arrêter.

Tout en parlant avec sa voix aussi arrogante que provocante, elle regarde sa lame comme si son épée était l'objet le plus précieux de toute sa vie. Et alors que je jette un nouveau coup d’œil vers les deux filles, je vois que le combat n'avance malheureusement pas en leur faveur. Aussi je décide d'arrêter de perdre du temps pour rien avec elle et d'être plus réactif, malgré le risque encouru. C'est donc en me reconcentrant, malgré la sensation de brûlure et surtout cette douleur que j'avais reçu au niveau du flanc, que je renforce encore plus mes défenses en utilisant la magie de la terre. Faisant ainsi apparaître un puissant bouclier de poussière de pierres qui me tourne autour en lévitation. Un amas de toutes petites pierres qui gravitent rapidement en rotation continu. Ajoutées à mon armure, elles constituaient maintenant mes plus solides défenses.

- Écarte-toi de mon chemin, espèce de sale sorcière dégénérée!

C'est blindé à bloc, que je la charge sans attendre. Alors que je sens son épée qui s'entrechoque contre mon bouclier de pierre en guise de réponse, le reste de ses flammes qui parviennent en partie à le traverser, sont finalement absorbées par mon armure qui termine le travail. J'en profite pour lui envoyer un coup d'épée dans la jambe, mais elle esquive avec une rapidité plus que déconcertante. A cet instant, elle fait une manœuvre pour reculer tout en concentrant quelque chose de noir à travers l'une de ses mains, pensant que cette folle semble comme s'amuser de la situation. Cette fille était complètement malade.

- Pas mal. Une défense impénétrable. Une posture de garde plutôt solide. Tu sembles avoir de l'expérience pour un dragonnet qui a certainement encore beaucoup à apprendre. Tu ferais un concurrent potentiel à Yaven.

Profitant qu'elle parle pour ne rien dire, j'allais prendre de l'élan avec mes ailes pour la surprendre, quand elle fait apparaitre des piques de ténèbres au niveau du sol, juste au moment où elle tend sa main après y avoir concentré quelque chose. Celles-ci me transpercent douloureusement les pieds et les jambes et m'immobilisent en prime. Bien que l'armure de terre avait partiellement réussi à stopper son sort, j'affiche une expression horrifiée lorsque je vois qu'elle concentre son épée et que les flammes de celles-ci qui dansent tout autour deviennent encore plus sombres. Pire encore, moi qui croyais qu'elle allait avancer vers moi pour couvrir le reste de distance, profite de mon immobilité pour... allonger son épée avec ses immenses flammes???

- Haaaaaaa.... Haaaaaaa!!!

- Hahahahah! Oui! Crie petit dragon! Souffre à travers cette danse nocturne mortuaire. Vois maintenant les flammes te consumer! Hahahahah!

Alors que j'ai pris entièrement son attaque qui s'est abattue sur moi avec une violence incroyable, mon armure de terre a cédé sous l'impact brutal des flammes. Le coup m'a fait si mal, que je me suis enflammé dans la seconde comme une torche. La douleur, la sensation de brûlure atroce. Je n'arrivais à plus rien contrôler. Moi, Ashka Velaryon, dragon de la terre de mes ancêtres, j'étais totalement dépassé...

- C'est terminé pour toi petit.

Incapable de pouvoir faire quoi que ce soit d'autre, je pose un genoux au sol, pendant que les immenses flammes noires continuent de me consumer jusqu'à l'intérieur de mon être avec une rapidité démesurée. Le brûlures devenaient de plus en plus violentes à chaque seconde. Parfois je criais, tellement ça me faisait mal. Il y avait aussi les piques qui s'étaient plantées et accrochées dans mes jambes. La douleur au flanc qui n'aidait pas au reste. Je n'avais jamais eu aussi mal de toute ma vie entière.

- Quelle déception. Tu n'as même pas réussi à me distraire une seule seconde. Si impressionnant en apparence pour si peu de puissance à l'arrivée. Ainsi s'achève notre pitoyable combat.

Pendant que ma vison se trouble et que je commence à flancher, que les flammes ténébreuses m'embrasent comme une torche draconienne vivante, je vois à travers celles-ci la paladine qui se tourne de moi et qui commence à s'en aller, rangeant son épée à son fourreau, ses cheveux aussi noirs que son âme flottant dans les airs... J'étais totalement devenu incapable d'agir. Je ne pouvais plus rien faire.

[Korë Grémorya]

Dans son "sommeil", Korë se sentait bouger. Elle n'avait pas encore ouvert les yeux, ses sens encore engourdis pas le vilain coup qu'elle avait essuyé à la tempe. Autour d'elle, le vent et la pluie ne soufflaient plus. Pourtant, elle percevait le bruit de ces éléments en arrière plan. Un souffle, ponctué par des sons bizarrement saccadés et répétitifs. Les sensations avaient commencé à lui revenir, et avec elles plusieurs indices de ce qu'il était en train de se passer... ou plutôt de lui arriver. Notamment cette douleur ténue au niveau de son entrejambe, qui lui était familière. Elle était devenue de plus en plus forte, et semblait liée de très près aux bousculades qui la faisaient remuer sur place.

- Hmmnff... ?

Quelque chose lui couvrait les lèvres, l'empêchant de s'exprimer. Du tissu ? Une bande de tissu, oui, que l'on avait nouée derrière sa tête en un bâillon de fortune. Tandis que son corps menu lui paraissait de plus en plus chaud, la Wyvérienne souleva une paupière. Elle entraperçut le visage d'un homme - un humain séduisant aux cheveux mi-longs d'un noir d'encre - encadré par des branches feuillues.

- Hmnggh ?... Hmphh !

- Te voilà réveillée ? Tu auras pris ton temps.

C'était le chevalier noir ! Sa voix était étrangement rauque. Comme s'il était en train de produire quelques efforts.
Le sourire qu'il arborait luisait de sadisme. Ligne de dents blanches rendues un peu plus éclatantes par la salive.

- Tu me pardonneras cette faiblesse ? (Il soupira.) Devant un corps comme le tien, je n'ai pas pu me résoudre... aaah... à patienter.

Korë rouvrit les yeux en grand pour constater qu'Erésyal était en train d'abuser d'elle. Il l'avait débarrassée de sa culotte, qu'il lui avait ensuite roulé en boule dans la bouche, avant de lui lever les jambes et d'entamer sa déshonorable besogne.
Tout cela alors qu'elle n'avait conscience de rien !
La bardesse grimaça d'indignation.

- Hgnnrrh !

Elle voulut bouger les mains mais ne parvint pas à les séparer. Des fourmilles courraient dans ses doigts gourds. Doigts qu'elle ne voyait pas puisqu'ils étaient écrasés contre le bas de son dos. Erésyal avait pris soin de lui ligoter les poignets, et ces derniers roulaient douloureusement contre ses vertèbres inférieures alors que ce monstre impudique remuait généreusement en elle.

- Tu es drôlement serrée, dis-moi... ça t'arrive souvent de te faire prendre de cette manière ?

La Wyvérienne eut un mouvement d'humeur. Un signe de rébellion qui ne plut pas à son violeur dans la mesure où il se montra d'autant plus rustre avec elle. Agitant presque convulsivement la tête, Korë gémit dans son bâillon alors qu'il appuyait les bourrades dans son antre trempée.

- Ne cherche pas à résister, misérable faiblarde ! Tu as perdu ; tu dois maintenant accepter ton sort.

En tournant la tête de côté pour fuir le regard haineux qu'il lui lançait, la Wyvérienne remarqua qu'une autre scène de ce genre se jouait à quelques pas de leur position, non loin de sous ce grand arbre qui les protégeait des intempéries. Privée elle aussi du droit de parole, Mérileya avait été mise complètement à nue. Son tourmenteur lui avait ficelé les bras le long du corps. Yaven, dans sa forme humaine, était couché sur son dos et descendait fréquemment ses fesses dégagées.



Le visage inondé de larmes, la fille du baron accusait les coups de reins avec une flagrante difficulté.

- Hmmuuh... hnnnuhuhu...

Cela excitait le dragon noir.
Abattue, Korë détourna une nouvelle fois les yeux.
Tous autant que nous sommes, nous avons lamentablement échoué.
Profitant du fait qu'il lui avait présenté sa joue, Erésyal la gifla.
Vexée par son geste, la bardesse le foudroya du regard.

- Je préfère ça, grogna le chevalier noir. Tâche de ne plus m'ignorer si tu ne veux pas en prendre une autre.

Faisant de son mieux pour retenir ses larmes qui menaçaient de perler, Korë ne lui répondit rien. Sa joue la picotait affreusement. Le salaud n'avait pas jugé indispensable d'ôter ses gants avant de la frapper.

- Je t'autorise à jouer les dures, petite salope, parce que m'incendier du regard, c'est là tout ce que tu peux faire.

Il se trompait. Même si Korë n'était pas en état de recourir à sa magie pour lui nuire, elle avait, auprès de brutaux compagnons de chambrée, entraîné son corps à encaisser. Ainsi, de cet accouplement forcé, la Wyvérienne Crépusculaire en conçut elle aussi un certain plaisir. Tout juste de quoi atténuer son sentiment de frustration et lui permettre de ne pas sombrer dans le désespoir le plus total.
Il va vouloir jouir en moi : c'est une évidence.
Avec son bassin, elle s'aligna sur ses mouvements, épousant ce rythme qu'il lui avait de toute manière imposé.
Erésyal libéra un souffle chaud qui voyagea jusqu'à son visage aux joues légèrement rosies.

- Intéressant... Tu n'es pas prête à lâcher le morceau, pas vrai ?

Yaven, qui avait profité de l'immobilité de sa proie pour les observer, eut un rire déplacé.

- Dommage que la mienne n'en réclame pas autant qu'elle.

Sous lui, la pauvre Mérileya s'était affaissée. Son regard ne s'était pas encore éteint bien qu'il n'en fût pas vraiment loin...

- Occupe toi du cul que tu dois remplir, imbécile ! postillonna-t-il. Parce que je l'ai gagnée... Hmmm!... la danseuse m'appartient jusqu'à nouvel ordre.

Le "calvaire" de la belle Mélodia dura plusieurs bonnes minutes. Erésyal ne chercha point à varier les positions. Quand il en eut assez, le chevalier noir s'enfonça profondément en elle et, comme escompté, se déchargea directement dans sa poche à œufs.
Korë, bien malgré son vœu de conserver un maximum le silence, évacua un gémissement exquis.

- Hin hin ! Te voilà ensemencée...

Se retirant de la Wyvérienne, Erésyal jeta un regard oblique à son associé.
Le dragon noir aussi s'était purgé. Inerte, Mérileya reposait sur le ventre, un mince filet de bave figé au coin des lèvres. Entre ses cuisses souillées, l'essence de son violeur s'écoulait doucement.

- Elles ont eut leur compte.

Il se redressa. Yaven le regarda reboutonner son pantalon.

- On ne les tue pas ?

- Quel intérêt y aurait-il à cela ?

La dragon noir grommela quelque chose dans sa barbe.

- Aurais-tu peur des représailles ?

Le concerné secoua la tête.

- Tu crains qu'elles se mettent à parler sur notre dos ?

Yaven ne dit rien mais n'en pensait pas moins.

- Pfeuh ! Grand bien leur fasse, à ces catins.

Son épée en main, il toisa les deux femmes - notamment Korë, sur laquelle il s'attarda bien volontiers.

- Qu'elles bavent si cela leur chante ! En ville, nul n'aura l'audace de croire à leurs fables obscènes. Elles ne feraient que se ridiculiser davantage vis-à-vis de la plèbe.

Il esquissa un sourire mauvais.

- Pour elles, le simple fait de vivre fera office de torture prolongée.

D'un mouvement de bras, il fit signe à son jeune compagnon de lui emboîter le pas.

- Vois plutôt : Sélèce en a terminé avec son jouet.

Les oreilles de Yaven se dressèrent à cette nouvelle. Des deux, il fut le premier à rejoindre la dangereuse sadique.
Jetant un dernier regard acrimonieux à la bardesse, le chevalier noir s'éloigna d'un pas serein avec, sous le bras, la fille souillée du baron.


Couchée sur le dos et les mains, la Wyvérienne se focalisait sur sa respiration. Ces ébats avaient rongé une bonne partie de son endurance. Toute en sueur, les fesses plongées dans l'herbe, elle n'était pas au mieux de sa forme. Malgré tout, elle s'estimait plutôt chanceuse de ne pas avoir été éliminée après avoir servi d'exutoire sexuel à ce diable de chevalier noir.
Le pire est à venir...
Il finirait tôt ou tard par prendre forme dans sa matrice. Un monstre en devenir, sans aucun doute possible. Une créature dont n'avait pas la moindre idée son violeur.
Le mal est fait. Pensons présent.
Un instant songeuse, la bardesse attarda son regard sur les branchages mouillés avant de fermer les yeux. En les rouvrant, la beauté pâle se redressa lentement, en position assise. Un soupir plus tard, elle se mit à tirer sur ses liens. Trop solides, il n'allaient pas céder si facilement. Alors la Wyvérienne patienta encore un chouïa de façon à ce qu'elle puisse à nouveau recourir à ses pouvoirs. Entre ses doigts se matérialisa un cristal aussi coloré qu'effilé. En cassant les poignets, Korë s'en servit pour scier ses entraves. Elle en fut soulagée, et put facilement se défaire de son bâillon qui renfermait sa petite culotte blanche.
Au moins était-elle en sécurité là où il l'avait fourrée...
La bardesse n'attendit pas pour l'enfiler. Elle était collante et humide de salive mais peu lui importait.

- Mérileya...

La fille du baron avait été enlevée.
Korë rampa jusqu'au tronc de l'arbre contre lequel elle s'adossa. Grand et unique témoin de tout ce qu'elle avait subi entre les mains de leurs ennemis, qui lui avaient ravi celle qui avait partagé son supplice.
Il va sans doute lui falloir du temps pour s'en remettre... pour ne serait-ce qu'oublier. Si tant est qu'ils lui en laissent l'occasion.
La Wyvérienne essaya de s'installer un peu plus confortablement - sans grand succès . Ses pensées se tournèrent vers les morts. Ses compagnons de mission que le ténébreux trio avait occis sans difficulté aucune...

- Je suis désolée.

Elle laissa tomber son visage entre ses genoux, s'autorisant enfin à pleurer le peu de larmes qu'il lui restait.

[Ashka Velaryon]

C'était devenu complètement insoutenable. J'avais l'impression que les brûlures étaient en train de disloquer toute ma peau et mon corps entier, jusque dans mes propres os. Ça me faisait si mal que j'en pleurais. Les mains et les genoux posés au sol, je continue de voir et de sentir les flammes grimper sur moi et qui ne voulaient pas me lâcher. J'avais l'impression de me transformer en volcan allumé, à travers ce typhon de flammes incontrôlables qui me léchait tout le corps entier. Arrivé à bout de croire en tout espoir possible de m'en sortir vivant, je repense d'abord à Jordy, mon fidèle ami à quatre pattes. Je ne savais même pas ce qu'il allait faire tout seul sans moi. Il a été celui qui m'a toujours fait confiance, jusque lors de notre fuite depuis chez nous. Et aujourd'hui, je sais que l'ai trahi. Puis d'autres visages me reviennent en mémoire, notamment ceux de mes amis. Moi qui voulait vivre en donnant de l'amour et en faisant des câlins, on pouvait dire que c'était surtout de la souffrance que je recevais à travers la mort...

- J'ai mal... J'ai si mal... Ça me brûle partout...

Pendant que je regarde le sol en arrivant à peine à parler, la voix coupée nette à cause de la douleur incessante qui me brûlait jusque dans les entrailles, je vois de la neige qui commence à tomber. Elle s'épaissit très vite, jusqu'à ce que quelque chose de lumineux se mette à tomber lentement avec elle. Fin, léger, brillant, ça ressemblait à de la poussière d'or. Mais surtout, j'entends maintenant quelqu'un qui me parle.

- (La mamie de Ashka) Mon petit Ashka. Mon tout petit.

D'abord surpris, je reconnais presque tout de suite la voix de celle qui m'appelle par mon prénom. Mais ça faisait tellement longtemps dans mes souvenirs... Je quitte les yeux du sol pour relever la tête et voir d'où est-ce que ça venait. Directement, je constate surtout que je n'étais plus du tout au même endroit qu'avant. J'étais au milieu d'une immense plaine remplie de neige. Tout autour de moi, à perte de vue se trouvait l'horizon. Le chemine escarpé d'où j'étais venu avant, avec la grande montagne, les lointaines les collines et la forêt juste à côté, tout ça avait bizarrement disparu... Puis c'est ensuite une ombre qui apparait de plus en plus près de moi. Immense, elle me passe juste au-dessus en cachant un instant la lumière du soleil qui ressemblait presque à une gigantesque boule de glace luminescente. Rapidement, l'immense créature volante se pose près de moi. J'ai tout de suite reconnu qui c'était.

- Mamie? C'est toi?...

- Ashka mon pauvre enfant. Te voila en bien mauvaise posture.

Pendant que je la regarde en me sentant de plus en plus souffrant et fatigué, je ressentais sa bienveillance et sa douceur à travers sa voix et son regard. C'en aurait été vraiment apaisant si je n'étais pas dans l'état où j'étais maintenant... Mamie posée dans la neige et qui irradie comme si elle était revenue parmi les morts, continue de me regarder. J'en étais intérieurement bouleversé de la revoir. Immédiatement, des larmes mêlées à la souffrance viennent se rajouter dans mes yeux draconiques, alors que je me faisais de plus en plus dévorer par ces maudites flammes noires.

- Pardon mamie. Je n'ai pas été à la hauteur. Je suis tellement désolé. Je suis parti parce que je voulais...

- Tu n'as pas à t'excuser d'avoir quitté les tiens Ashka. Tu as fait tes choix, simplement parce que tu savais qu'ils étaient nécessaires dans ta quête de vie. Bien que tu ais embrassé une destinée que tu as initialement choisie en devenant récemment paladin de manière officielle, tes parents ont toujours cherché prendre le contrôle sur ton existence. Mais sache Aska qu'elle t'appartient à toi et à toi seule. Personne n'a le droit de décider pour toi.

- Tu ne comprends pas mamie... Je suis parti sans écouter les autres. Et puis je suis arrivé là et j'ai voulu aider comme d'habitude, mais j'ai lamentablement échoué. Et maintenant, je sais que vais mourir... J'ai mal... je sens que je ne vais plus pouvoir tenir encore très longtemps comme ça. Je ne sais même pas comment j'y arrive déjà...

Ma gorge me faisait horriblement mal. J'avais de plus de mal à respirer. La fumée qui consumait ma peau me rentrait maintenant dans le museau. J'étais vraiment à bout de tout, autant physiquement que moralement.

- Je vois bien que ta souffrance est grande. D'abord tu réalises que tu n'as pas été soutenu par tous ceux envers qui tu croyais, mais qui semblent en plus t'avoir abandonné lorsque tu as décidé de partir, tandis que d'autres que tu aurais voulu aider à contrario, n'ont pu être sauvés à temps de leur funeste destin. Mais saches Ashka que tout comme toi avant, j'ai vécu et ressentis ces même souffrances. Elles se sont d'abord transformées en souvenirs amers qui m'ont certainement fait autant de mal, que ces flammes destructrices qui sont en train de te consumer. Mais avec le temps, j'ai appris à cautériser ces plaies et c'est à tour d'apprendre à faire de même.

Tout en essayant du mieux que je pouvais de suivre ce que disais mamie, je n'arrivais pas à comprendre le sens de ses mots. J'allais mourir et elle me parlait de cautériser mes plaies... Mais derrière ces faits, je ne pouvais que ressentir l'émotion de la revoir.

- Tu me manques tellement mamie... Il n'y pas eu un jour où je n'ai pas pensé à toi depuis que tu es morte. La vie est vraiment injuste...

- Mais la vie n'est pas faite pour être toujours juste Ashka. L'existence est faite de lumière et de ténèbre. Aujourd'hui, tu es toi-même cet éclat qui s'apprête à s'éteindre à travers la nuit éternelle. Oui, tu as été imprudent. Oui, tu n'écoutes sans doute pas toujours ce que l'on te dit et ceci est tout aussi valable envers ton ami Jordy qui te parle bien plus souvent que tu ne le crois. Mais ce sont aussi nos erreurs qui nous permettent d'avancer et de grandir. Ce sont nos expériences de vie, qui nous rendent chaque jour un peu plus forts et un peu plus justes pour pouvoir affronter la réalité. Aska, regarde moi mon petit.

Essayant de faire un effort sur-draconien pour regarder mamie qui me parle avec sa bienveillance éternelle derrière sa majestueuse forme de dragon d'or, j'essayais avec grande difficulté de l'écouter, ayant l'impression que ma vision elle-même commençait à vaciller.

- Notre espèce a connu un nombre infini de combats. Tant de souffrances immuables qui auraient certainement parfois pu être évitées. Notre sang a toujours coulé, parce que nous faisons peur à la plupart des autres espèces qui parviennent rarement à nous accepter tels que nous sommes. Leurs légendes veulent que nous soyons la majorité du temps hostiles envers tous ceux qui ne sont pas comme nous. Mais la vérité est tout autre et toi Ashka, à travers ton petit cœur, tu l'as déjà bien compris.

Mon "petit coeur" comme mamie dit, se serre quand j'entends ses mots quand elle commence à parler de l'histoire à la fois réelle et tellement si tragique de notre peuple.

Mais nous sommes toujours restés debout. Nous les dragons, quelque soit l'espèce, sommes nés avec un but commun, celui de protéger tout ce qui nous est cher, au prix du sang et de la souffrance éternelle. Toi qui a en plus choisi d'embrasser la voie courageuse et noble des paladins, tu as volontairement emprunté le concept jusque dans la légende qui habite et qui fait vivre les dragons. Tu es courageux, tu te bats pour défendre ce en quoi tu crois, ta destinée n'en sera que plus grande et plus riche. Mais pour cela, tu dois aussi apprendre à traverser des épreuves, aussi terribles et douloureuses soit-elles. C'est la souffrance qui te fera accéder à la véritable puissance, mais plus encore, c'est cette même puissance qui t'aidera aussi à protéger tous ceux que tu aimes et qui comptent pour toi. Le chemin sera long et difficile pour toi Ashka. Et c'est exactement à partir de maintenant, que tu viens d'atteindre un carrefour majeur dans ta vie et qui te laisse à présent face à deux choix possibles : vivre avec tes croyances en cherchant continuellement à te surpasser ou bien périr à travers le chagrin et le désespoir.

Pendant que j'écoute mamie et que je commençais à un peu moins ressentir les flammes me lécher, ce qui ne devait certainement ne pas être bon signe du tout, elle se rapproche lentement de moi.

- Maintenant Ashka, il est temps pour toi de te relever. Prouve-moi que tu es resté une lumière parmi les ténèbres. Que même au plus profond du gouffre, que l'étincelle que tu es ne peux s'éteindre. Prends tes armes mon enfant. Lève-toi comme un seul homme. Remets-toi debout, après être tombé au sol.

Ce que me demandait mamie au vu de l'état où j'étais maintenant, me bouleversa. J'étais aux portes de la mort et en plus d'être devenu presque aveugle et elle continuait de me regarder me consumer comme une torche de manière impassible, parlant toujours avec une profonde bienveillance et une douceur hors du commun. En un instant, je repensais à tout ce qu'elle venait de me dire au sujet des choix à faire, de l'équilibre des situations entre la vie et la mort, les ténèbres, la lumière, le bien et le mal unis ensemble, malgré leur éternelle adversité. Presque inconsciemment, j'ai commencé à attraper avec difficulté mon épée. A peine l'ai-je pris en main, qu'elle s'est mis à briller d'une lueur verte que je n'avais jamais vue avant et avec le peu que j'arrivais encore à voir. Tout en étant empli d'une douleur immuable à cause des flammes qui refusaient de s'éteindre, j'attrape ensuite mon bouclier qui fit exactement de même. Et à travers une difficulté sans nom, comme si la gravité du monde tout entier se concentrait sur moi, j'essayais de me relever. L'effort était si intense, qu'il me fallut m'y reprendre à plusieurs fois. Et puis, comme par un miracle qui m'a moi-même totalement dépassé, j'ai réussi à me remettre debout sur les jambes et qui me faisaient atrocement mal.

A cet instant, mamie me regarde et elle me sourit. Puis je la vois ensuite qu'elle commence doucement à battre des ailes, quittant doucement le sol.

- Tu as tant changé depuis notre dernière rencontre, mon tout petit. Je suis tellement fière de toi Ashka. Même loin des nôtres, je sais que tu sauras poursuivre ta voie. Peu importe où tu te trouveras, je sais que ton cœur te suivra. Continue de grandir et de soutenir tous ceux qui croiseront ta route et qui sauront se montrer juste et bienveillants envers toi. Mais même si certains ne survivront probablement pas malgré toute ta meilleure volonté, ne t'arrête pas et continue de tracer ta route. La meilleure façon pour toi d'honorer tous ceux que tu aimes, vivants comme morts, c'est de savoir rester toujours toi-même.

Bouleversé par le discours de mamie, je remarque maintenant qu'il n'y avait pas seulement que mes armes qui brillaient à travers cette étrange aura verte, pendant qu'elle me parlait. Il y avait aussi mon armure et même ma peau toute entière. Des centaines, peut-être des milliers de résidus verts luminescents flottaient tout autour moi. C'était la première fois que je voyais ça. Je trouvais ça fascinant...

- Continue ta route Ashka. Suis-là sans jamais te retourner vers les regrets. Sois toujours fort, même lorsque tu fais face à la mort et que tu pense que tout est perdu. Mais accorde-toi aussi des moments de repos. Car n'oublie pas mon tout petit, que la force n'est pas seulement que solitaire, mais qu'elle fait aussi parti du nombre. C'est ce qui défini non seulement notre peuple, mais aussi tous ceux qui ont choisis de croire en la vie. A la fois l'unité et l'ensemble, nous sommes...

A cet instant, mamie s'envole encore plus haut dans les airs et s'éloigne très rapidement.

- Mamie! Ne t'en va pas! S'il-te-plait reste avec moi! Je t'en prie... Ne me laisse pas encore!

Je sens que de nouvelles larmes se remettent à couler. Lentement, celles-ci dévalent mes joues et tombent par terre, pendant que je vois mamie continuer de prendre de la hauteur, jusqu'à n'être plus qu'un minuscule point dans le ciel et qui finit ensuite par disparaitre définitivement comme elle est arrivée.

C'est les yeux grands ouverts, face à un ciel en parti nuageux et qui a doucement laissé place au soleil, que je me relève avec difficulté du sol où j'étais allongé. Quand je me redresse, je vois une ombre familière qui vient immédiatement m’accueillir.

- *Ho mon dieu Ashka! Tu es vivant!*

Jordy hennit tout en se cabrant sur deux pattes en me voyant me relever. Quand il me retombe dessus, je l'intercepte pour le prendre très fort dans mes petits bras.

- Jordy! Mon gros Jordy! Pardon... pardon d'être parti sans toi et de t'avoir laissé comme ça derrière-moi!

- *Je te déteste Ashka! Mais c'est aussi pour ça que je t'adore!*

Je reste ainsi plaqué contre mon beau Jordy pendant que je pleure encore, oubliant absolument presque tout, hormis le fait que je venais de revoir mamie qui avait disparu quand j'étais tout petit et qui était revenue me voir le temps d'un instant. Sans comprendre ce qu'il s'est vraiment passé, elle m'avait aidé en me sauvant la vie.

[Korë Grémorya]

Alors qu'elle se vidangeait paresseusement de sa tristesse, Yllanova Iarraleï Ravawynn Eilsys, de son nom de Wyvérienne, perçut soudain un singulier éclat près de cet endroit dégagé qui avait connu un abominable affrontement à sens unique.
La bardesse sortit le nez d'entre ses genoux, essuyant ses joues humides d'un faible revers de poignet.

- ...?

Elle projeta son regard encore embué sur ces mille et unes étoiles d'émeraude scintillantes qui flottaient tout autour d'une silhouette parée d'or en plaques. Ce spectacle, déjà sublime en lui-même, était rehaussé par un rayon solaire parvenu à crever l'étouffante nappe nuageuse. On eût dit une scène de théâtre au milieu de laquelle émergeait un être voué à une existence épique.
En y assistant - même de loin -, la barde sentit son cœur de poétesse s'emballer. Le feu de vie s'était comme rallumé au fond de son âme, pourtant écorchée par un tout récent viol. Cette saisissante sensation l'incita à se relever, puis à évoluer lentement en direction de cet être hors du commun...

Korë n'avait pas eu l'occasion de voir le paladin aux cheveux longs se faire dévorer par les flammes ténébreuses. En revanche, son nez sensible en captait les reliquats âcres et mystiques. L'atmosphère, égayé par un renaissant soleil, en était comme imprégné ; il allait falloir du temps à la verdure pour repousser là où la torche draconique s'était mise à flamber. Au centre de ce rond calciné se dressaient un hybride et sa monture à la robe d'un blanc éclatant. De réjouissantes retrouvailles, constatait la Wyvérienne tout en s'approchant péniblement, par petits pas, de ce duo insolite.

- Qui... ?

Sa voix n'était pas celle - douce, cristalline et suave - de la délicieuse Mélodia ; enrouée et triste, elle donnait l'impression d'avoir perdu autant en âge qu'en vitalité. C'était la tonalité d'une victime rendue ahurie par ce qui s'apparentait à une apparition - à un miracle !
En cet instant, la Wyvérienne était bien trop faible pour exposer son émerveillement.
Elle s'effondra sur les genoux, précisément à la frontière de ce cercle noirâtre.
Ses yeux rouges se levèrent dans l'effort, survolant le magnifique équidé, pour aller se poser sur le visage gris clair d'un dragonnet à la longue toison d'or.

- ...Qui êtes vous ?

Les armes que transportait le furry n'effrayaient guère la bardesse. Resplendissantes, elles appartenaient à un être lié à la lumière, qui plus est pourvu d'un sang draconique. A un héros particulier qui, tout comme elle, l'avait échappé belle. Mais un héros dont elle ignorait absolument tout - jusqu'à son nom.
En l'attente d'une réponse, la Wyvérienne Crépusculaire demeurait plantée là. Incapable de se relever par ses propres moyens.

[Ashka Velaryon]

Pendant que je suis toujours en train de serrer très fort le buste de beau et grand Jordy dans mes bras, avec ses grandes pattes posées sur mes épaules et que j'avais la tête posée contre son cou, j'entends une voix. Comme toujours, c'est Jordy qui est le premier à à m'avertir.

- *Ashka? Je crois qu'il y a une princesse pour toi au sol qui a urgemment besoin de ton aide.*

Arrêtant d'enlacer mon gros Jordy, je me retourne pour voir qui c'est.

- Haaaan! Mais c'est la fille aux cheveux blancs? Regarde Jordy. C'est elle!

Sans attendre, je cours vers elle pour la prendre en dessous des bras. Là, je la relève sans attendre et ensuite, je la prends aussi fort dans mes propres bras, exactement comme que je venais de faire avec jordy.

- Je... Je suis tellement content que tu sois vivante!

Tout en serrant très très fort la belle fille qui sentait bon, je la dodeline affectueusement. Mon petit cœur comme dit mamie, se serre encore une fois et c'est directement suffisant pour que je me remette encore à pleurer.

- *Sigh* Pardon... Je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu vous aider, toi et tes amis. Je n'ai rien pu faire... *Sigh*...

Je passe mon museau dans son cou et je reste comme ça encore un petit moment, avec toute l'émotion que je ressentais. Quand je recule ensuite doucement d'elle pour la regarder et pour savoir si elle allait bien, c'est encore tout mon petit cœur entier qui fond sur place. Elle était incroyablement belle. Et en plus, elle avait l'air d'être toute mignonne et adorable, même avec ses yeux rouges de dangereux être maléfique. C'est donc là que j'enchaine la suite de tout ce qui m'est arrivé, pour lui expliquer ce qu'il s'était passé en détail.

- Je... Je vous avais vu en traversant la colline tout en haut. Il y a eu cet horrible dragon noir qui est apparu dans le ciel, puis ces deux vilains chevaliers qui l'accompagnaient. Je n'ai pas réussi à voir tout ce qu'il s'est passé, parce que l'horrible paladine noire est venue droit sur moi pour m’empêcher de vous aider, après que leur ami ait commencé à m'embêter. J'ai tout fait pour essayer de venir, mais elle a été trop forte pour mioi. Et alors, c'est là qu'elle m'a brûlé sur place tout en entier avec son épée remplie de ténèbres et de mal absolu. Quand elle m'a touché avec ses super flammes, ça a fait "boum!" et après "Splash" et c'est là que je me suis ensuite embrasé comme une torche draconienne vivante! Et ensuite, j'ai perdu connaissance. Je croyais vraiment que j'étais mort.

Je lui explique comment ça s'est passé pour moi, tout en faisant des grands gestes dans tous les sens pour bien qu'elle comprenne. C'est alors que je remarque encore les drôles de résidus verts qui m'entouraient encore. Bien que ça semblait être devenu beaucoup moins fort qu'avant, je ressentais surtout que je ne semblais ne plus du tout avoir mal. Plus de brûlures sur moi, nul part non plus... on aurait dit qu'il n'y avait plus rien. C'était comme si j'étais sorti d'un rêve. Je...

- Mamie... *Sigh* *Snif*...

- *Oh non... je crois que je vais moi aussi pleurer à voir tout ça...*

C'est là que toute la scène me revient avec mamie, pendant que je parle à la fille. La souffrance, avec les flammes qui me brûlaient sans arrêt. L'incroyable apparition de mamie sous sa forme de dragon d'or et qui m'a parlé juste avant de me sauver la vie, pour ensuite s'envoler dans le ciel et repartir de là d'où elle était venue.

- Pardon. Il... il s'est passé quelque chose de bizarre avec ma mamie, quand j'ai perdu connaissance après. Mais c'est elle qui m'a aidé et je ne sais pas pourquoi je brille comme ça maintenant... *Pfffffft!*

Je me mouche ensuite dans le petit drap qui recouvre la selle de mon Jordy qui se tient juste à côté, essuyant mes yeux tellement humides. Puis je me retourne ensuite vers la belle fille aux cheveux blancs dont je ne connaissais même pas le nom.

- Au fait, je m'appelle Ashka et toi? En tout cas, je suis bien content que tu sois toujours vivante.

A cet instant, Jordy s'avance vers elle et pose sa grande joue contre la sienne pour lui faire lui aussi un gros câlin bien mérité.

- *Moi c'est Jordy ma belle. Je suis désolé pour ce qu'il t'est arrivé.*

- Et lui c'est Jordy. C'est mon destrier blanc. C'est le seul ami qui a accepté de bien vouloir me suivre quand j'ai quitté ma terre natale il y a quelques semaines à peine. Ho et d'ailleurs, je crois que Jordy t'aime déjà bien, ce qui veut dire qu'on est deux. <3

[Korë Grémorya]

L'étreinte du vaillant survivant lui coupa le souffle. Soulevée de terre avec la légèreté d'une plume, le furry en armure l'avait prise dans ses bras. Des membres pourvus d'imposants gantelets, lesquels étant encore habités par la chaleur d'un feu de nature magique. Heureusement, la Wyvérienne n'en conçut aucune forme de souffrance.

- ...Vivante...

Un constat qui l'avait ravi ; il n'avait pas été le seul à s'en sortir.
En comparaison, Korë avait l'air apathique, vidée de ses forces. Ce qu'elle était bel et bien après avoir parcouru cette maigre distance, depuis l'endroit où on l'avait, d'une certaine manière, torturée.
Le solide dragonnet - à en juger par sa voix, il était plutôt question d'un mâle - la serrait comme une poupée.

- ... ?

Dans leur position, elle entendit ses sanglots plus qu'elle ne les vit. La voix du héros s'était brisée sur ces quelques phrases chargées de culpabilité. La bardesse ne put rester indifférente et insensible à tout cela. Sa main droite remonta lentement le long de son échine armurée dans l'espoir de lui apporter un peu de réconfort. Korë, malheureusement, n'était pas vraiment en mesure de lui fournir mieux que ça.

- Souffrance... partagée.

Elle s'était connue plus bavarde. Hélas, les conditions n'étaient pas toutes remplies pour qu'elle puisse jouer de poésie.
Sans pour autant la lâcher, le héros se recula d'elle et lui fit part de son expérience.
Contrairement à son vis-à-vis, il en avait, des choses à raconter !
Korë, qui n'éprouvait plus du tout cette sensation de froid à cause de sa culotte imbibée de sa propre salive, trouva la force mentale d'assimiler tout ce qui devait l'être dans son récit.

- Je... les ai vues, murmura-t-elle, toutes ces... lumières... autour de vous.

Néanmoins, elle n'avait pas vu l'apparition spectrale qui les avait précédées.
Quand il la relâcha pour agrémenter son récit par de grands gestes théâtraux, la bardesse ne chut pas. Quoiqu'un peu chancelante, elle avait récupéré un peu de son équilibre mis à mal par son entrejambe brutalisé.
Un voile de tristesse s'abattit alors sur le visage du paladin.
La raison, il la lui donna d'une façon bizarrement "convaincante".

- Votre... mamie ?

Son ancêtre lui avait rendu une petite visite, et avec cette dernière un pouvoir qu'il ne comprenait pas tout à fait.
Déclaration qui corroborait avec l'image que la Wyvérienne se faisait d'un héros en herbe.
Le chevalier dragon était en train de vivre sa phase d'ascension.
Ashka se moucha pour épancher son trop plein d'émotion. Nom que la bardesse apprit aussitôt son museau soulagé de sa charge.

- Mélodia, répondit-elle.

Empruntant alors son nom de scène plutôt que celui, plus personnel et "humain", que la Wyvérienne n'employait qu'à de plus rares occasions.
Elle opina de la tête.

- Nous avons eu de la chance.

A la fin de leur malheur. Le chevalier noir aurait pu lui trancher la gorge avant de se retirer. Il ne l'avait pas fait, espérant plutôt l'abandonner à son déshonneur et à ses noires pensées dans doute jusqu'à ce qu'elle mette fin à sa propre vie.
Mais Korë n'était pas aussi faible d'esprit. Elle s'était forgé une carapace. Il en fallait plus pour la détruire psychologiquement.
Face à Ashka, le guerrier dragon à la cuirasse dorée, la lumière commençait tout juste à lui être restituée.
La monture du juste, aussi aimante que lui, vint frotter son museau contre la joue de la bardesse. Si cette dernière ne comprenait pas mot pour mot le langage des chevaux, il n'empêche qu'elle percevait très nettement sa sympathie.

- Je m'en remettrai... merci à toi.

Pas sauvage pour un sou, elle lui tapota gentiment l'encolure avant que le héros leur fasse les présentations.

- Jordy, répéta-t-elle comme pour mieux l'imprimer dans sa mémoire. C'est un joli nom.

Un maigre sourire illumina ses traits si délicats.

- Il lui va bien... tout comme le vôtre, jeune héros.

A cet instant, le lien entre les deux personnages avait doucement pris forme. Encore fin et fragile, il ne demandait plus qu'à être entretenu par les deux partis. Mais même si ce choix leur appartenait, qu'il était le leur, des éléments extérieurs - perturbateurs - s'acharneraient tout du long à en éprouver l'élasticité.
Korë, d'abord en tant que bardesse, était prête à vivre cette aventure.
Cela dit, elle ne pouvait se lancer qu'à travers un objectif commun.
Toussotant dans son poing, la Wyvérienne s'éclaircit la voix avant d'en venir aux faits :

- Je vous remercie pour votre bienveillance mais... il y a plus urgent. (Elle dut se râcler la gorge une seconde fois - qu'elle espérait être suffisante.) Écoutez moi...

Elle lui narra le déroulement sa propre aventure ; de son recrutement auprès de la fille du baron, en passant par la rencontre de ses alliés morts, pour finir par le viol et l'enlèvement de la première. Korë ne versa aucune larme. Elle se montra objective, ne cherchant pas à se mettre en valeur par rapport aux autres. A aucun moment elle ne mentionna son propre supplice. Ni l'œuf qui, sans doute, était en train de se former dans son ventre.

- Nous devons sauver Mérileya, l'implora-t-elle. La leur ravir à tout prix ! Sans quoi les habitants de Blelor vivront à jamais dans la tourmente.

Le baron avait fait enlever sa fille avec la ferme intention de la museler aussi longtemps que possible. Elle en savait trop et n'était pas du tout d'accord avec lui. Forte de caractère et sacrément entêtée, Mérileya ne voulait pas vendre l'âme de son peuple au démon qui opérait dans l'ombre.
Aujourd'hui, elle avait commencé à payer le tribut de sa résistance.

[Ashka Velaryon]

- *C'est un super prénom que Ashka m'a donné le jour de notre première rencontre. C'est classe, mais pas autant que le tien, très chère.*

Après que nous ayons terminé de faire les présentations et qu'elle s'est mise à caresser mon grand et beau Jordy tout doux, j'ai rapidement vu qu'elle avait l'air d'être plutôt timide. La fille aux cheveux blancs et qui se nomme Mélodia, avait bien là un très joli prénom certainement remplis par plein de mélodies composées de chansons d'amours, Quand je lui explique tout ce qu'il s'est passé à partir du début, en passant ensuite par la rencontre avec mamie qui m'a sauvé d'une mort affreuse, jusqu'à cette étrange aura verte qui gravitait encore faiblement autour de moi, je vois que Mélodia avait l'air d'être comme fatiguée. Mais heureusement pour elle, Mélodia me répond qu'elle allait bien et elle me remercie de toute la bienveillance et du soutien que j'essayais de lui apporter, ce qui était quand même normal.

Puis c'est quand j'allais lui parler encore, Mélodia s'est mise à tousser et me demande de l'écouter. Ouvrant un peu plus grand les yeux, très curieux et étonné parce qu'elle allait bien pouvoir me dire, mes membranes draconiques gigotent un instant, prêtes à recevoir tout ce qui sortirait de sa jolie bouche. C'est là qu'elle me parle de l'autre fille qui se nomme Mérileya, et que son père, un très méchant baron aurait cherché à la récupérer de force, aidé par le grand dragon et les vilains paladins noirs que nous avons vus. M'expliquant qu'elle était là pour l'aider à rencontrer quelqu'un d'important, parce qu'elle en savait beaucoup sur ce qu'il se passait chez elle, je suis encore plus horrifié, quand elle me dit qu'elle s'est faite violer juste avant d'avoir été enlevée. Sans parler de tous ses pauvres amis à elle, tués sans la moindre pitié... Quand Mélodia finit de me raconter son histoire tellement triste, c'est là qu'elle me dit que nous devons tout faire pour essayer de la sauver des griffes de tous ces affreux vilains pas beaux.

- Ah oui! Je suis bien d'accord avec toi. On ne va pas laisser des gentilles filles comme elle, finir entre les mains de tous ces sales types. Même si ton histoire a l'air un peu compliquée, Jordy et moi allons tout faire pour t'aider et te soutenir dans ta quête. Ou plutôt vous aider toutes les deux. Pas vrai Jordy?

Je me retourne vers Jordy, bien motivé de ne pas laisser ma nouvelle amie toute seule face à ces horribles brigands sans aucun état d'âme.

- *Je suis bien d'accord. Pas question de laisser ta nouvelle copine se faire bouffer toute crue, surtout par l'autre dragon totalement fou.*

Je souris à Mélodia, lui montrant que nous étions déjà plus que prêts à nous mettre tout de suite en route.

- Comme ma mamie me l'a si bien dit, peu importe où je me trouverai, mon petit cœur me suivra. Au fait, comment elle sait que mon cœur est petit et pas grand?...

C'est en prenant mon épée que je tire encore une fois de mon fourreau et que je lève vers le ciel redevenu presque tout bleu, voyant que la pluie avait définitivement laissé place au soleil, que j'avance en direction de la forêt. Lorsque je me retourne quelques instants après, je vois Mélodia et Jordy qui me regardent sans bouger...

- Bon alors? Qu'est-ce que vous faites? Vous ne venez pas? On a une fille, un royaume entier et peut-être même le monde à sauver.

- *Reviens idiot. Elle ne nous a même pas dit où il fallait se rendre.*

C'est à ce moment-là que je me rappelle que je ne savais même pas où est-ce qu'il fallait aller. J'étais tellement motivé de l'aider et de partir dans cette fabuleuse aventure où nous allons certainement sauver le monde entier, que j'en avais oublié tout le reste.

- Euh?... Ton amie, elle t'a dit où elle se rendait? Remarque, je crois bien que vous passiez vers là-bas non?

C'est en montrant la direction de là où elles se rendaient avant d'être attaquées, que ma gorge se serre en voyant au loin les cadavres de ses amis.

- Je... est-ce qu'on va laisser ces pauvres gens comme ça par terre? Eux aussi méritent d'être vengés! Je te jure que si jamais on les revoit, qu'on ne va pas leur faire de cadeaux. Les câlins, ça n'est certainement pas pour les vilains.

Les pauvres avaient l'air d'être dans un sale état. Le plus horrible dans tout ça, c'est qu'ils ont fini comme j'aurai normalement dus mourir aussi, tout calcinés.

- Mamie disait que ça faisait partie de la vie... Je ne sais pas... Peut-être qu'elle a raison, mais moi je continue de dire que tout ça est injuste. Tes amis n'avaient pas le droit de finir comme ça. Personne ne devrait mourir en souffrant. Mais contrairement à eux, j'ai eu plus de chances...

- *C'est tellement triste, mais pourtant elle dit vrai. J'espère qu'un jour, tu comprendras Ashka.*

Quand on arrive près des corps sans vie de ses anciens amis, je pose la tête contre l'épaule de ma toute nouvelle amie.

- Qu'est-ce que tu en penses Mélodia? Toi aussi, tu penses que c'est injuste et que tout ça ne devrait jamais arriver? Ou bien, tu crois aussi que c'est ma mamie qui a raison?

[Korë Grémorya]

Son histoire - ou plutôt les déboires de son équipe déchue - avait touché le cœur de son auditoire. Ashka et sa monture envisageaient sérieusement de poursuivre cette quête périlleuse qui avait déjà fait trois morts et une enlevée. Malgré son viol, Korë s'estimait chanceuse dans la mesure où, en tant que témoin, il lui avait été possible de raconter tout ce qu'elle savait à une oreille réceptive.
En retour, la Wyvérienne s'inclina autant que le lui permettait sa santé.

- Pour ce qu'ils valent, je vous accorde mes remerciements les plus sincères et profonds.

Ce dernier mot lui soutira un léger frisson. Ashka ne le perçut sans doute pas, et même si cela avait été le cas, il n'aurait sans doute rien pu en tirer puisque la bardesse s'était abstenue de lui faire part de son propre calvaire...
Nostalgique au sujet d'une thèse émise par sa grand mère, le dragonnet armuré eut une réflexion pour lui-même avant de se mettre directement en route. Effectivement, ils furent deux à le regarder s'en aller, lui et son "petit cœur" débordant d'entrain.
Le cheval renâcla, tandis que Mélodia...

- ...J'ai comme le sentiment de vous avoir induit en erreur.

Plus expressive de corps que de visage, elle se fendit d'une nouvelle courbette.

- Vous m'en voyez navrée.

La raison de son désarroi, Ashka la comprit rapidement. Le regard de la Wyvérienne avait voyagé silencieusement jusqu'aux corps des défunts. Un homme égorgé pour deux grands brûlés. Avec le héros à la lame de jade en tête de peloton, le groupe rejoignit ceux-là. Korë imprima leurs images sur sa rétine. Elle se garda bien d'exprimer ses sentiments lorsque Ashka lui parla de vengeance.
Nous sommes en droit d'arrêter leurs meurtriers. Mais la vengeance, elle, ne ramena pas ces gens à la vie...
Mélodia n'y trouverait aucun réconfort. Elle n'imaginait pas non plus que les morts, une fois l'acte vindicatif accompli, trouveraient la paix dans l'au-delà.

- ...

Le miraculé se remit à songer à la philosophie de sa grand-mère. En plus d'avoir les pieds sur terre, cette dernière paraissait pleine de sagesse alors que le dragonnet, lui, avaient l'air de vivre - et de se complaire - dans un conte de fées. Ce que la Wyvérienne se refusait de lui reprocher. L'innocence de cet héros en herbe était bien trop rare et précieuse pour qu'elle vienne la souiller avec de vilaines pensées teintées d'un froid réalisme. La bardesse ne lui répondit pas tout de suite. Comme perdue dans ses pensées, à la limite de ce que l'on pourrait qualifier d'apathique, elle n'avait pas non plus chercher à repousser la tête d'Ashka ayant trouvé reposoir sur son épaule.

- Je...

Elle avait ouvert la bouche pour finalement ne rien en faire. Un blocage ? Non : plutôt une phase transitoire qui ne s'éternisa guère, car ce n'était pas le drame qui la muselait ; en cet instant, Korë essayait de se remémorer le chant que les membres de son peuple insulaire chantaient lorsque la Mort s'emparait d'une de leurs âmes bienveillantes.

- Je pense... qu'aucun d'entre vous n'a tort ou raison, finit-elle par déclarer. Le Mal ne meurt jamais. En adoptant différentes formes, il blesse des gens ou fauche des vies. On peut le tuer, mais il finit toujours par se matérialiser sous un nouvel aspect.

Cette main qu'elle avait de posé sur le cœur descendit jusqu'à son ventre. Il n'avait rien d'anodin à cela...
Elle soupira.

- Le monde en porte les graines. En tout temps, il a été marqué par ses stigmates. Nous en sommes les hôtes.

Aucune autre larme ne lui vint. Les yeux rouges de la bardesse, baissés sur feu ses compagnons, exprimaient la mélancolie. Mais cela s'arrêtait là. A cette sècheresse profonde et muette.

- Il ne tient qu'à nous de ne pas nous laisser corrompre par les mauvais sentiments. Ceux qui sont en mesure d'écorcher autrui.

Son cas était pourtant beaucoup plus complexe. Le fruit de ses entrailles ne répondait pas favorable à ses réflexions. Jeté dans un monde qui lui était inconnu, il vivait d'hostilité. Se protégeant de son entourage en fondant le premier vers les ennuis qu'il aura lui-même créés sans en avoir conscience.
Un monstre ne le devient pas toujours intentionnellement.
La bardesse poussa un énième soupir.

- Enterrons ce qu'il reste de ces braves aventuriers, décida-t-elle. Je chanterai quelque chose en leur mémoire.

C'est ce qu'ils firent. Trois trous qu'ils creusèrent sous un soleil renaissant, et qui devinrent monticules de terre dès qu'ils eussent été remplis.

Yllanova Iarraleï Ravawynn Eilsys donna ensuite de la voix. Celle d'une Wyvérienne Crépusculaire que les anciens, dits de l'Aube, n'avaient pas pour autant négligée. Ce chant était intraduisible pour Ashka, car la langue utilisée était inconnue auprès de son peuple. Il n'en comprendrait pas un traitre mot. En revanche, il en percevrait le sens. Celui d'un hommage à ceux que la vie a quitté.

Après quoi le héros draconique, sa monture blanche et la bardesse quitteraient les lieux en direction de leur destination prochaine.
Une marche qui leur prendrait au moins une nuit et un jour.

[Ashka Velaryon]

- La vengeance ne ramène pas les gentils à la vie des méchants qui les ont tué?...

Bien qu'on m'avait beaucoup appris de choses quand j'étais chez moi, il y avait des mots que je ne comprenais vraiment pas bien... Moi non plus, je ne voulais pas me venger, mais je ne voulais pas non plus faire du mal aux autres. Et puis, c'est après que Mélodia me raconte ce qu''elle pensait par rapport à ce que mamie disait sur la mort et le mal, que je m'y perdais encore plus. Mélodia me disant que ni moi, ni mamie n'avions tous les deux raison ou tort à propos de toute cette histoire. Alors je l'écoute. Sans comprendre, mais simplement me trouver près d'elle, la tête collée contre son épaule, rien que ça, ça me faisait déjà beaucoup de bien. Peut-être que c'était ça le plus important? Arriver à sentir ce qu'on ne peut pas forcément arriver à expliquer à l'intérieur de soi?

- Je ne sais pas non plus. Mais si c'est mamie qui le dit, c'est que c'est surement vrai. Seulement, elle m'a aussi dit que j'étais libre de choisir ma propre voie.

Quand elle a terminé de parler pour répondre à toutes mes questions, Mélodia propose que nos enterrions ses amis morts et qu'elle chantera pour eux, en leur mémoire. C'est donc ce que nous faisons, enfin surtout moi qui essayait de creuser la terre comme je pouvais, Jordy nous regardant faire comme il n'avait pas de mains pour nous aider. Après avoir bien soufflés et tirés la langue, nous avons fini par faire trois grands trous pour y mettre ses trois anciens camarades directement dedans. Puis c'est là que l'incroyable Mélodia s'est mise à chanter avec une voix extraordinaire, une fois que nous les avions tous recouverts sous la terre molle. Quand elle chantait, je l'ai regardé tout ébahi. Sa voix était tellement incroyable, tellement magique à entendre, que même mes oreilles en frissonnaient. En fait, elle était aussi belle, qu'elle en était triste. C'était si puissant, que ça m'a encore fait pleurer. Au point que pendant que j'imaginais leurs âmes quitter leurs corps pour remonter au le ciel, que je revoyais en même temps les derniers instants avec mamie qui s'envolait vers les cieux, avant de disparaitre...

- *Sigh*... *Sigh*... C'est tellement triste...

- *Moi, ça m'empoigne jusqu'au tréfonds des entrailles.*

C'était bizarre de se dire que des sons, ça pouvait toucher le cœur et l'esprit sans forcément en comprendre les paroles. Mais j'imagine que c'est aussi parce qu'elle savait vraiment bien chanter? Et puis, quand la cérémonie pour rendre hommage aux trois courageux héros morts au combat se termine, j'essuie mes dernières larmes draconiques.

- *Snif*... C'était si beau et si triste en même temps. Ta voix est tellement incroyable Mélodia.

Après quelques instants de plus à garder le silence, ma nouvelle amie qui devait certainement avoir un cœur aussi gros que sa sublime voix, nous donne une direction à prendre, tout en nous précisant que ça allait durer au moins une nuit et un jour. C'est comme ça que nous faisons route vers la forêt, d'abord sans rien nous dire, jusqu'à ce que je décide de reparler au bout d'un moment, tellement je trouvais que c'était devenu trop calme.

- Mélodia? Ça va peut-être te paraitre un peu bizarre ce que je vais te dire, mais tu crois que c'est toujours vraiment triste comme ça, les grandes histoires d'aventures où il faut sauver le monde des méchants?

Pendant que nous suivions un chemin où le soleil semblait comme parfois vraiment beaucoup de mal à percer les feuillages des arbres, je la regarde, tout en continuant de lui dire ce que moi je savais sur tout ça.

- A chaque fois que j'ai entendu ou même lu des récits provenant de chez moi sur l'histoire des dragons, elles étaient toujours tristes. Au final, presque tout le monde meurt pour nous sauver. Ça veut dire quoi? Qu'on doit toujours tous mourir pour que le monde arrête de souffrir pour qu'il soit enfin en paix? Je... En vérité je suis parti parce que je voulais voir le monde. Trouver tout plein d'amis comme toi à aimer et bien sûr, aider le monde à le rendre meilleur. Mais je ne veux pas que tous ceux que j'aime ou que j'ai juste envie d'aider, doivent toujours devoir souffrir, juste parce que c'est la vie. Parce que c'est l'histoire du monde et que c'est écrit comme ça...

[Korë Grémorya]

Elle avait fait plus que le nécessaire. Une autre que la Wyvérienne n'aurait sans doute pas pu aller au bout de cette chanson. Pas après avoir tant subi. Certainement pas aussi tôt. Mais Korë Grémorya était à part. Les larmes d'Ashka, renouvelées à l'écoute de sa voix angélique, en attestaient. Jordy aussi paraissait ému. Les âmes des aventuriers pouvaient s'envoler en paix.
Mélodia ne trouva rien à redire au commentaire du paladin. Elle avait conscience de ses talents, éprouvés depuis sa plus tendre jeunesse sur les iles. Malgré ses dispositions naturelles pour la musique, la poésie et le chant, Korë avait travaillé dur pour parvenir à ce niveau.

- Je vous remercie, Ashka.

Il était quelqu'un de bien. Quelqu'un de sensible, assez pour pouvoir la comprendre.
Ils prirent donc la route. Côte à côte. Sans hâte aucune.


Sous le couvert des arbres, le silence s'était installé entre eux. Rien qui ne dérangeait la bardesse dans la mesure où, loin de la civilisation, silence comme nature faisaient partie de son quotidien. A la fois solitaire et solidaire, Korë n'était pas une femme difficile. Une aventurière de bonne compagnie qui ne répugnait pas à se familiariser avec les méritants. Le contact, tout comme les différents arts, honorait également sa culture. Celle d'un peuple tranquille qui, malgré sa part d'ombre, n'avait pas cherché à la mettre de côté.
Ce fut le paladin qui creva cette fragile bulle de silence dans laquelle ils s'étaient cloisonnés.
Elle comprit qu'Ashka avait besoin d'être rassuré sur la vie et les nombreuses péripéties qui lui étaient attachées. Aussi le laissa-t-elle terminer avant d'envisager de lui livrer une réponse dûment réfléchie.

- Le monde n'est ni noir ni blanc, entonna-t-elle. Les vilains engagent les récits là où les bons se battent pour y mettre un terme. La victoire a un prix - souvent très cher payé - et inspire les bardes, qui l'embellissent avec leurs propres mots. La guerre et la paix forment un cycle parmi les mortels et leurs civilisations. C'est un tout particulièrement complexe dans lequel marmitent les bons et les mauvais évènements, les épreuves périlleuses et les fêtes animées. Ce coûteux mélange contribue à l'équilibre du monde, aussi instable que précaire. Pour le meilleur et pour le pire, nous ne sommes personne pour en décider autrement...

Ils étaient les pions des divinités invisibles. La vie était leur terrain de jeu où leurs créations éphémères bataillaient, de père en fils, de mère en fille, sur le très long terme. De nombreuses parties, égrainées dans le temps, excitées par les sentiments des vivants.
A son échelle, la bardesse contribuait à la préservation de ce chaos à peine voilé, intempestif...
Je donne naissance à des fléaux qui nourrissent la réputation des héros. Leurs prouesses parviennent à mes oreilles ainsi qu'à celles de mes confrères. Nous les propageons, les sublimons, de sorte à ce qu'ils gonflent les cœurs, galvanisent les peuples et inspirent les générations suivantes. Des vies s'achèvent là où d'autres germent sous l'éclat poignant de légendes immortelles.
Korë tourna son regard vers Ashka.
Contrairement au chevalier noir, le dragonnet était quelqu'un de vertueux et de juste.
Alors peut-être qu'avec un peu de chance, si elle osait faire le premier pas...
Elle se souvint de son étroite proximité, face aux corps calcinés des aventuriers. Le contact de sa tête chevelue contre son épaule douillette.
Peut-être qu'en mélangeant son essence à celle de ce monstre cru...
Dans un coin de sa tête, son enfant à venir lui torturait l'esprit.
Mais l'espoir n'était pas tout à fait perdu. Elle voyait sa lumière ténue briller en la personne de cet héros, ce miraculé que les flammes sombres n'avaient pas su consumer.
La Wyvérienne le prit par la main. Ses gantelets étaient énormes en comparaison, mais ça ne l'empêchait pas de s'y glisser avec délicatesse.

- Rien ne nous interdit de profiter des moments d'accalmie. De mettre nos soucis de côté, pour nous rétablir en vue des prochaines épreuves que la vie nous imposera.

Elle sourit. Moins tristement qu'elle ne l'aurait cru possible.

- Votre grand-mère a dit que vous êtes libre de choisir.

Elle approuvait cette façon de penser. Comme en témoignait sa poigne de princesse, devenue modérément plus insistante.
Dans son humeur actuelle, le paladin n'était pas apte à briller pendant cette aventure. Il avait besoin d'un remontant. D'une alliée de poids, avec qui œuvrer pour le moindre mal.
Ce qui tombait bien parce que la nuit était sur le point de tomber.
Korë retira doucement ses doigts.

- Le soleil se couche, lui fit-elle remarquer. Nous allons devoir trouver un endroit sûr où bivouaquer jusqu'à l'aube prochaine.

Ensuite... alors ensuite, elle pourrait limiter les dégâts à sa manière.

[Ashka Velaryon]

Encore une fois, même si tout ça n'était vraiment pas du tout simple à comprendre pour moi, j'arrivais à ressentir ce que ma gentille amie essayait de me dire. En vérité, ses mots étaient très proches de ceux de mamie. Au point que j'avais même l'impression que c'était elle qui me parlait encore. L'histoire du monde, puis ce qu'elle disait sur l'équilibre du noir et du blanc, de la guerre et de la paix, tout ça, tout ça... Tout était exactement comme mamie me l'avait dit juste avant de repartir. Et pendant que je l'écoute en continuant de regarder la belle nature qui ressemblait vraiment à celle de chez moi, c'est là que Mélodia me dit être une conteuse d'histoire. Qu'elle est comme toutes celles qu'on peut trouver dans les villes et qui chantent et qui dansent dans les tavernes. Elle est comme un grand livre d'histoires sur pattes. Et même plus que ça encore...

- Oui c'est ça. Je dirais même que tu es celle qui entretient la flamme du jardin du monde. Celle qui brille pour ne jamais s'éteindre.

Quand je regarde Mélodia avec plein d'envie de la prendre dans mes bras, elle se colle à moi pour me prendre la main. Tout de suite, je la serre fort, mais pas trop non plus car je ne voulais pas lui faire mal à la main, comme j'avais toujours mes gros gantelets sur moi. Et là, quand je la regarde avec mes grands yeux draconiens et tellement si proches des siens, mon amie aux oreilles pointues me dit que nous avons le droit de nous reposer. Que les épreuves de la vie, ça ne doit pas nous empêcher de prendre du bon temps, même quand les événements sont vraiment horribles. Ma gorge se serre quand je l'entends me dire toutes ces belles choses. Mélodia, elle était comme un livre de poésie ouvert entre la terre et le ciel. En fait, elle avait l'air comme d'être connectée entre les deux.

- Oui. Tu aurais sûrement adoré rencontrer ma mamie. Je trouve que tu parles comme elle. Tu as l'air de savoir plein de choses sur la vie et le monde. Je suis sûr que vous-vous seriez très bien entendus. Que vous auriez beaucoup discutés, mais aussi beaucoup chantés ensemble peut-être? Et tout ça, pendant que moi je vous regarderai et que je vous écouterai, avec Jordy à côté de moi.

- *Nul doute que les graines de vos mots sauraient porter jusqu'au cimetière des chevaux pour y faire pousser des fleurs.*

Je réponds à ma douce amie et je regarde ensuite Jordy, quand elle reprend les mots de mamie en me disant que j'étais libre de choisir ma propre destinée.

- Dans ce cas, je protègerai le monde. Je continuerai d'embrasser et d'aimer tous ceux que j'aime. Je n'ai jamais eu besoin de chercher à tout comprendre, pour savoir ce que voulais au plus profond de moi. Et même si je devais vraiment mourir un jour pour de bon, je regretterais rien du tout à l'arrivée. Et si je devais le refaire, et bien je le referais encore! Encore et encore!

- *Bravo Ashka. Les mots me manqueront toujours pour te dire comme je suis fier de vivre cette incroyable destinée à tes côtés. Aussi chaotique pourrait-elle bien être.*

Mélodia et moi, nous-nous serrons encore plus fort la main après ça. Je regrettais juste d'avoir toujours les gantelets, mais c'était pas grave. Parce qu'elle savait ce que je savais. Elle sentait ce que je sentais. Et elle entendait tout ce que j'entendais. On était tous les deux ensemble, avec Jordy. Grâce à eux et à ma mamie, je savais vraiment que c'était le chemin que je devais prendre. Je le savais, parce que c'était la route de mon petit cœur. Alors je regarde mon adorable amie que j'aime déjà tellement fort et je la remercie tout plein.

- Merci Mélodia. Tu sais, c'est pas facile de tout comprendre, mais tu m'aides vraiment beaucoup. Avec toi à mes côtés, je sais que mamie peut continuer de se reposer en paix, où qu'elle soit par delà les nuages. Je suis même sûr qu'elle t'a entendue chanter tout à l'heure. Que ta douce et belle voix qui traverse toutes les terres et les océans du monde, la même qui serait capable d'aller jusque dans la voie lactée où elle se trouve, elle t'entendrait même de là-bas. Je...

Encore une fois, ma voix tressaute. Je n'arrive pas à tout dire tout ce que j'aurai voulu. Avoir entendu tout ça et puis revoir encore et encore l'instant où mamie me pale et qui s'envole après pour repartir quelque part très loin, ça me fait tellement du mal...

- *Snif*... *Sigh*... Je... J'espère juste que les océans du monde ne sont pas seulement remplis que de larmes d'humains, de filles comme toi et de dragons comme moi...

- *Elle avait raison ta mamie, quand elle disait que tu avais un petit cœur. Seulement, je crains que ce soit devenu contagieux depuis un bon moment...*

Pendant que je pleure encore, Jordy vient coller sa tête contre moi pour me faire un câlin. Alors, je colle la mienne contre la sienne, en laissant tout couler sans rien retenir.

[Korë Grémorya]

Il lui était sensible. En plus de l'entendre, la bardesse le sentait. Cette impression la fit frémir intérieurement.
La flamme du jardin du monde. Celle qui brille pour ne jamais s'éteindre.
La poésie d'Ashka semblait beaucoup lui plaire. Korë ne chercha pas à museler ses émotions - d'où son radieux petit sourire.
Le furry se mit à fantasmer sur sa voix, l'imaginant la mêler au chant de sa mamie disparue. Personne à laquelle il tenait beaucoup, qu'il respectait grandement. Une estime qu'il avait tendance à éprouver envers la Wyvérienne. Qu'il était en train de développer sous son regard absorbé.

Le paladin avait déjà choisi sa voie. Et, au grand soulagement de Korë, elle s'avérait être tout le contraire de celle des chevaliers noirs.
Jordy semblait apprécier cet échange. La bardesse lui sourit également.
Ashka n'ayant pas fini de s'ouvrir à elle, Korë le dévisagea de plus belle et le laissa faire... jusqu'à ce que les larmes refassent surface.
Il est très émotif.
Korë ne le blâmait pas pour cela - bien au contraire. Son nouveau camarade était attachant, malgré ses airs de reptile volant. La Wyvérienne n'avait rien contre les dragons. Elle avait beau avoir engendré plus d'une monstruosité en tant que Génitryx, son affinité avec les bêtes au sang froid restait identique au tout premier jour.

Après avoir assisté à cette accolade entre le paladin et sa monture, la bardesse se joignit à eux. Elle les engloba tous les deux, comme de vieux camarades. Instant de complicité qui ne lui fit pas pour autant oublier ces mots qu'elle avait soigneusement préparés :

- Les larmes sont universelles. Elles retranscrivent la joie par moments, la tristesse à d'autres occasions. Elles hydratent le monde en lui apportant cette douceur qu'il mérite. Elles ne sont pas que douleur.

Elle regarda Ashka avant de tendre une main vers sa joue, lui essuyant une larme.

- Et je souhaite de tout cœur à ce qu'on lui apporte notre contribution.

Nouveau sourire. La bardesse s'en retourna les cajoler. Parce qu'elle avait tout autant besoin de cette affection. Même si ses larmes à elle demeuraient sèches, et tournées vers l'intérieur.

[Ashka Velaryon]

Pendant que je suis en train de pleurer avec Jordy qui est arrivé pour me consoler, ma si belle et si adorable nouvelle amie Mélodia, est venue nous rejoindre tous les deux. Elle a passé avec amour et tendresse, son bras entre la tête de Jordy et de moi. Un gros câlin à trois et qui me faisait encore une fois vraiment beaucoup de bien. C'est là que Mélodia dit quelque chose de très beau, à propos des larmes. Qu'elles hydrataient le monde entier et que malgré la joie et la tristesse, qu'elles n'étaient pas toutes faites dans la douleur. C'était tellement beau, que ça me faisait frémir tout en entier.

- *Snif*, merci Mélodia. Merci d'être si gentille avec moi... *Pleure*

- *Je n'ai ni besoin de la parole, ni des larmes, pour que mon cœur se gorge d'une pluie de tendresse lorsque meurt le voile du chagrin.*

Je pleurais encore tellement, que mes larmes coulaient jusque sur l'herbe, tellement j'étais bouleversé tout plein avec tout ce qu'il s'était passé. Je ressens la douce main de Mélodia qui passe sur mes joues toutes mouillées pour essuyer mes larmes draconiennes, pendant qu'elle disait qu'on ferait tout pour rendre hommage à mamie. Puis elle me sourit encore avec toute sa gentillesse, avant de me prendre encore tout tendrement dans ses bras.

- Oui... Et je sais que c'est aussi grâce à elle qu'on s'est rencontré aujourd'hui. Tu es le cadeau que mamie m'a laissée, avant qu'elle retourne vivre dans les étoiles.

Entendre tous les mots tellement encourageants de Mélodia et savoir que Jordy était toujours à côté de moi pour me soutenir, ça me redonnait de la force et du courage. J'étais vraiment content qu'ils soient tous les deux là. Et rien que pour ça, je ne devais décevoir personne. Continuer et avancer, même quand c'est dur.

- Allez. Le soleil est presque couché et on a peut-être une future princesse et un monde à sauver des griffes de vilains méchants chevaliers noirs.

Quand j'ai arrêté de pleurer et que j'ai essuyé les dernières larmes et tout ce qui coulait de mon museau, je monte sur Jordy. Puis après, je tends la main à Mélodia, la fille aux oreilles pointues tellement trop adorable tout plein.

- Allez. Monte avec moi sur Jordy. Je t'emmène à l'aventure sur le plus beau et le plus grand destrier du monde tout entier. Celui qui a parcouru avec moi déjà plein d'endroits magiques et incroyables. Des supers lieux, qui sont peut-être déjà contés par des bardes déguisées en gentilles fées des forêts et qui cajolent les gentils dragons en armure d'or.

- *Et qui cajolent surtout les chevaux qui doivent supporter autant le poids, que les bêtises constantes de leurs jeunes petits maîtres aussi fougueux, qu'ils sont inconscients face au danger du quotidien.*

Quand Mélodia prend ma main pour monter avec moi sur le dos de mon Jordy, j'utilise la lanière pour nous guider sur le chemin qui allait presque tout droit vers le soleil couchant. Même si la forêt était sombre par moment, c'était comme si un diamant orange et tout lumineux ressortait entre les arbres, pour parfois nous éclairer de toute sa belle lumière flamboyante. C'était tellement beau. En chemin, pendant qu'on était toujours en train de chercher un endroit où pouvoir passer la nuit, je pose des questions à mon amie qui était maintenant toute collée à moi.

- Dis Mélodia? C'est parce que tu es une elfe, que tu as des oreilles pointues? Chez nous, beaucoup de dragons ont des apparences comme toi et ils peuvent se transformer. D'ailleurs, je me souviens très bien que quand j'étais petit, que mamie avait des oreilles pointues comme les tiennes et aussi des longs cheveux qui étaient un peu comme les miens. Sauf que les siens ils étaient tout en or, comme mon armure. Si tu savais comme elle était tellement incroyable. Mamie, c'est une légende vivante à elle toute seule.

Je repense alors à comment mes parents me traitaient par rapport à elle, avant de continuer.

- ... Puis elle a toujours été gentille avec moi. A chaque fois qu'elle revenait de quelque part, elle me rapportait toujours des cadeaux. Des cristaux, des cartes, des petits objets magiques et même des peluches de dragons. Jamais elle ne m'a jugé, comme l'ont fait mes parents. Elle était aussi gentille avec moi, que eux étaient parfois vraiment méchants. C'est d'ailleurs parce qu'ils ont voulu me forcer à faire des choses que je ne voulais pas, que je suis parti de chez moi. Et je me dis toujours que je ne regrette rien. Même mamie me l'a dit dans ce rêve bizarre. D'ailleurs, je ne sais toujours pas ce qu'il s'est vraiment passé...

Quand je regarde mes mains, je vois que l'aura verte bizarre avec toutes les lucioles qui volaient autour de moi, avaient complètement disparu. Mais qu'est-ce qu'il s'était vraiment passé, pour pas que je meurs et que je sois sauvé par mamie qui était pourtant morte depuis longtemps?

[Korë Grémorya]

Un cadeau de sa mamie pour lui ? Elle ? Vraiment ?
L'annonce était flatteuse. Mélodia ne trouva rien à lui redire. Elle n'avait pas envie de briser ce songe. Pas envie de faire pleurer davantage le rêveur. Si cela pouvait lui rendre service, elle était prête à accepter d'endosser ce rôle. A partager cette bulle onirique avec lui. Et à l'entretenir si besoin. Pour une durée indéterminée. Cela ne la dérangeait pas de contribuer à autre chose que de sombres pontes.
De bien meilleure humeur après avoir reçu tant d'affection, Ashka monta sur le dos de Jordy et, une main tendue vers elle, l'invita à faire de même.
Elle regarda le brave équidé, source des éloges du paladin, puis accepta.

- Je vous remercie. Tous les deux.

Il était bienvenu de le préciser. Jordy était une monture intelligente. Ashka le lui avait fait comprendre avec ses mots teintés d'une chaude poésie.

Tandis que, nimbés par la lumière d'un soleil mourant, ils évoluaient à travers bois, le dragonnet en armure d'or interrogea la bardesse sur son espèce qui n'avait rien d'anodine. Bien entendu, Korë s'était attendue à ce qu'il lui pose, à un moment donné, cette question...

- Je ne suis pas une elfe, répondit-elle. Je ne suis pas non plus capable de me transformer en dragon. Je suis née avec ce corps et j'ai grandi avec, tout simplement.

Rien d'extraordinaire en soit.
Mélodia ne voulait pas trop en dire sur elle. Sauf qu'elle ne pouvait pas non plus se contenter du minimum syndical.
N'était-elle pas une bardesse ? Le genre de profession susceptible d'embellir tout et n'importe quoi ?

- Je suis une Wyvérienne, finit-elle par avouer. Un peuple insulaire, à l'origine, mais d'un naturel curieux. Nous voyageons beaucoup, et pendant longtemps. Nous vivons essentiellement des beaux arts, en veillant toujours à respecter notre environnement. Les êtres vivants dépendent de lui ; nous en faisons partie.

Quoi d'autre ? Korë préférait ne rien lui confier au sujet de leur descendance. Des wyvernes qu'elles pondaient en se mélangeant aux autres races. Des Wyvériennes et des Wyvériens, dans le cas d'une union interraciale. Une option sécuritaire mais qui muselait tout de même l'évolution magique des parents et sapait du même coup leur immortalité.

- Nous possédons une certaine... affinité avec les wyvernes. Ces dernières ont également tendance à le ressentir.

Ashka était intarissable au sujet de sa grand-mère. Il avait écouté ce qu'elle lui avait révélé sur son espèce, bien entendu, mais cela ne l'avait pas empêché de continuer à s'épancher sur sa vertueuse tutrice. A l'entendre, cette dernière était tout le contraire de ses parents.

- Vous me faites regretter de ne pas avoir pu rencontrer une personne aussi extraordinaire.

Elle pourrait toujours l'immortaliser en chanson. Avec, bien sûr, la permission d'Ashka. Sans doute que le concerné ne lui refuserait pas cette option. Korë, toutefois, ne voulait pas trop s'avancer. Pas aussi rapidement. Pas sans avoir été copieusement abreuvée d'histoires à son sujet par le vaillant dragonnet.
Celui-ci paraissait circonspect vis-à-vis de ses propres facultés.
Ce feu vert qui l'entourait...
Une magie curieuse qui était, pour ainsi dire, sortie de nulle part.
Elle avait pourtant sauvé la vie de son hôte.
Une capacité salvatrice, en un certain sens.

- La coïncidence est troublante, déclara doucement la bardesse. En un moment critique, l'esprit de votre grand-mère vous a rendu visite et c'est alors que la lumière verte vous a englobé de pied en cape.

Elle lui avait rendu sa vitalité ainsi que sa liberté de mouvements, et puis... plus rien ?
Selon toute vraisemblance, Ashka n'avait pas encore eu le temps d'apprendre à domestiquer ce pouvoir.
La Génitryx en comprenait le principe, elle qu'il développait immanquablement de nouveaux pouvoirs en lien avec ses partenaires à la suite d'une ponte.

- N'y songez pas trop, lui suggéra-t-elle. Le mystère demeure intact. Donnons-nous le temps d'appréhender ce pouvoir étrange afin de mieux le comprendre lorsque l'occasion se présentera. Ensuite, nous aviserons ensemble.

Après un petit blanc sonore, elle ajouta :

- Pour le bien commun.

Leur priorité à tous les deux.

[Ashka Velaryon]

Pendant que nous avançons pour aller euuuuuuh... quelque part, mon amie me dit qu'elle est une wyvérienne. Un peuple apparemment curieux, qui aime voyager et qui semble beaucoup aimer la nature. Bien que je trouvais ça chouette, je me perds encore un peu quand elle parle ensuite des "wyvernes". Pourtant, j'avais l'impression que je connaissais déjà... Peut-être que j'en ai déjà vu en vrai?... Puis quand je lui parle de souvenirs où j'étais enfant et qui étaient étroitement liés à mamie avant qu'elle ne disparaisse pour toujours, Mélodia me dit qu'elle regrette de ne pas avoir pu la rencontrer. J'étais vraiment d'accord avec elle, parce que je savais qu'elle aurait beaucoup aimé la rencontrer.

- Oui. Tu aurais adoré rencontrer ma mamie et tu l'aurais sûrement prise dans tes petits bras. Moi aussi je regrette qu'elle ne soit plus là pour m'aider, me conseiller et m'aimer comme elle savait si bien le faire. Je crois bien sûr qu'elle le fait encore de là d'où elle est, mais ce ne sera plus jamais pareil...

Quant à ce qu'il s'était vraiment passé juste avant, Mélodia aussi trouvait ça vraiment très bizarre. Et même s'il ne semble plus rien n'y avoir du tout autour de moi et que les lucioles sont parties, elle pense que ça pourrait encore revenir... En entendant ça, je ne savais vraiment pas trop si ça me rassurait en même temps...

- Biiiiin... Si ça doit revenir à chaque fois que suis sur le point de mourir, j'ai pas trop envie non plus. Si je suis content d'avoir revu mamie même un tout petit instant, je ne crois vraiment pas qu'elle ait envie que je souffre comme j'ai souffert en brûlant, pour qu'elle revienne encore une fois pour me sauver dans ce drôle de rêve. Puis s'il le faut, il n'y a rien qui dit qu'elle reviendrait encore. Peut-être que j'ai été sauvé qu'une seule fois et qu'il n'y aura plus rien du tout après ça?

Brrrr. Ça me faisait peur rien que d'imaginer que ce serait vraiment la fin de tout pour de bon. Imaginer un trou aussi noir que celui des flammes de l'horrible paladine qui a faillit me tuer... Et alors qu'on continue d'avancer, on croise parfois des petits animaux qui nous regardent un peu plus loin juste avant de s'enfuir ou de retourner se cacher dans leur terrier. Et par chance, quand on finit par arriver près d'une rivière qui semble couler vraiment pas très loin d'ici, je crois voir quelque chose qui ressemble à une grotte, située dans un gros rocher, situé un peu plus haut dans les hauteurs d'une falaise. Je pointe l'endroit à ma gentille amie qui est toujours collée derrière moi.

- Regarde là haut sur la falaise Mélodia, on dirait une grotte.

En cherchant un peu, j'arrive à trouver un chemin qui semble monter vers l'endroit. Par prudence, pour pas que ma nouvelle amie et Jordy se fassent mal, on descend tous les deux de son dos. Puis on commence ensuite à monter doucement sur le chemin, aussi raide que vraiment étroit. De temps en temps, je devais couper des vilains buissons tout piquants avec mon épée, pour pas qu'on se fasse mal avec les épines, même si moi je ne risquais pas vraiment grand chose avec mon armure. Et au bout d'un petit moment, alors qu'on passait entre les buissons, les rochers parfois instables ou encore des troncs d'arbres avec leurs très grosses racines qui sortaient du sol, on réussit à arriver sur la falaise. Mais à cause du soleil qui était assez bas et parce que je n'avais rien du tout pour éclairer, je demande à Mélodia si elle n'avait pas quelque chose pour nous aider à mieux voir ce qu'il y avait à l'intérieur de ce grand trou qui était juste en face de nous.

- On dirait l'entrée d'une grande caverne. Le problème, c'est que j'ai vraiment rien pour y voir dedans.

- *Encore une fois, tu as plus pensé à ramasser toute ta garde-robe personnelle avant de partir, qu'à prendre de quoi t'éclairer. Même réincarné en âne, je resterai encore plus intelligent que toi...*

[Korë Grémorya]

Ashka paraissait mal à l'aise à l'idée de recourir à nouveau à cette mystérieuse capacité. Et même s'il adorait sa grand-mère, il n'avait pas envie d'abuser de ses apparitions. Apparitions qui n'avaient rien de garanties, par ailleurs.

- Vous avez raison, répondit la jeune femme. N'allez surtout pas vous mettre en danger en espérant la revoir de sitôt. Votre grand-mère vous a légué quelque chose depuis l'au-delà. Ses espoirs reposent donc sur vous. Malgré sa gentillesse et sa noblesse d'esprit, elle ne considérerait sûrement pas l'inverse d'un très bon œil.

Si Korë n'était pas en mesure de le rencarder sur son don, elle n'en demeurait pas moins capable de l'aiguiller sur certaines choses qui relèvent essentiellement du bon sens. En cela, elle était toujours plus mature que cet héros en herbe qui venait tout juste de quitter son foyer.
Nous avons tous commencé quelque part.
Pas de la même manière, certes. La Wyvérienne se sentait presque privilégiée par rapport à son compagnon au passé quelque peu tumultueux. Elle ne pouvait pas le juger pour si peu, et n'en éprouvait pas non plus l'envie.

Ensemble, donc, ils redécouvrirent la faune et la flore que leur approche intriguaient. Les animaux ne traînaient guère longtemps sur leur trajectoire. Ils s'éclipsaient rapidement à travers les bois, les buissons ou les hautes herbes. Par le biais de sa voix ou de ses instruments, la bardesse avait les capacités de les charmer. Bien plus soucieuse de leur propre avancée, elle ne souhaitait rien en faire. D'autant plus qu'Ashka aussi aurait été affecté par son art. Korë envisageait de se rapprocher de lui en employant des moyens plus traditionnels. Même si le temps n'était pas leur meilleur ami...
Non loin d'une douce rivière, les aventuriers aperçurent un potentiel lieu de repos. Une cachette naturelle, creusée à même la roche d'une falaise escarpée mais non moins accessible avec un peu de bonne volonté.

- Allons voir ça de plus près, le motiva la bardesse.

En tant que guerrier de lumière, le dragonnet leur ouvrit la voie. Avec son épée, il découpa les ronces et les diverses extensions pointues qui jonchaient les chemins étriqués. La Wyvérienne, fine et pas très grande, s'y faufila plus facilement que Jordy, sur lequel elle veilla en fermant la marche d'un pas à la fois serré et prudent.
Cela leur permit de rejoindre l'entrée de la cavité sans accrocs ni éraflures.

- En cet endroit, l'air devrait logiquement se faire plus frais.

Sauf qu'on y voyait goutte ! La pénombre, déjà, avait colonisé les lieux, rendant leur exploration tout de suite plus compliqué.
Malheureusement, Ashka n'avait pas emporté le nécessaire pour faire une torche. Il comptait donc sur sa compagne pour palier à cet oubli.

- Il va nous falloir trouver de quoi faire un feu.

La Wyvérienne ne possédait pas de pouvoir lié à cet élément. En revanche, elle disposait d'une alternative sécurisante.
Alors avant de ramasser du bois sec pour constituer un bon feu de camp...

- Reculez, je vous prie.

Jordy et Ashka durent se plier à sa volonté. Une fois qu'on lui eût obéi, Korë écarta doucement les mains, invoquant entre ces dernières plusieurs Éclats oniriques à l'intérieur desquelles elle injecta de sa mana. Les cristaux colorés se mirent rapidement à luire, leur prodiguant de la luminosité à la manière de boules à facettes. Phénomène qui dérangea les quelques habitants de la caverne.
La bardesse les entendit avant de les voir. De nombreux petits cliquetis contre la roche dure. Ceux-là appartenaient à une multitude de paires de pattes d'invertébrés.

- Des scolopendromorphes, déclara l'aventurière en se reculant prudemment sur deux pas.



Les gros mille-pattes n'étaient pas légion, certes, mais leurs mandibules représentaient une arme fiable, idéale pour démembrer des proies plus imposantes qu'eux.

- Maintenant qu'ils nous ont sentis, ces nuisibles ne nous laisseront jamais en paix.

Ils se devaient donc les éliminer : opération regrettable mais absolument nécessaire à leur propre survie.

- Attendez un peu avant d'attaquer, suggéra Korë à son brave compagnon.

En agitant les mains vers le bas, la Wyvérienne planta ses cristaux dans le sol meuble. Ils s'y logèrent comme des pieux, formant une ligne parfaite que les monstres allaient devoir franchir pour espérer les attendre.
Ce qu'ils ne tardèrent pas à faire... ou du moins essayer.
La magie soporifique opéra à leur contact, les rendant beaucoup plus lents et susceptibles de tomber de sommeil à chaque instant.

- Ne retenez pas vos coups, Ashka.;.

Elle se servait de son archet pour décapiter les monstres les plus proches.

- Sauf si vous êtes enclin à dormir à côté de ces dévoreurs de chair.

Au mépris de son existence et de celle de Jordy !
Sachant bien sûr que les Eclats oniriques ne diffuseraient pas leur épuisante magie éternellement.

[Ashka Velaryon]

Alors qu'on avait continué de discuter et que Mélodia savait vraiment me donner des supers bons conseils, c'est quand on s'est retrouvés devant la grotte toute sombre, qu'elle a commencé à faire un truc vraiment génial avec ses mains. Elle a fait apparaitre des grands cristaux tout lumineux et colorés. C'était vraiment trop beau... Et alors que Jordy et moi on la regardait faire, quelque chose de un peu moins beau est éclairé à l'intérieur. CA s'est ensuite mis à nous courir dessus. C'est là que Mélodia prononce un nom bizarre.

- Des scolo quoi?...

- *Des scolopendromorphes! Je crois que j'ai entendu parlé de ça... Dans tous les cas, il ne faut pas rester là.*

Et alors que je devais retenir Jordy qui commençait à avoir peur, tellement le pauvre il ne pouvait pas se défendre contre eux, Mélodia qui ne bouge toujours pas, plante soudainement ses cristaux dans le sol. Pendant que les escrololo... enfin les mille-pattes géants, nous courent dessus, j'étais prêt à les attaquer pour soutenir mes amis face à ces horribles choses, quand les grosses bêbêtes se sont comme ralenties lorsqu'elles passent sur la ligne. C'est alors que ma vaillante amie aussi forte et courageuse, elle nous dit d'attaquer. Avec mon épée et mon gros bouclier à tête de dragon, je commence à aller vers les bestioles toutes vilaines, quand mon amie en tue une à toute vitesse. Elle lui découpe la tête avec ce qui lui sert à jouer de son violon. Ce n'était pas très très beau à voir, mais ça restait quand même vraiment surprenant.

- Wouah! Je ne savais pas que les barrettes des violons, ça pouvait servir aussi à découper comme des épées.

- Attention Ashka! L'heure n'est pas à la discussion. Concentre-toi, si tu ne veux pas que ton fidèle ami à quatre pattes serve de garde-manger à ces chose...*

J'ai tout juste le temps de commenter, que l'une d'elle m'avait déjà pincé en plein dans l'armure. Par chance, ça m'avait rien fait du tout. Mais comme Mélodia avait dit de ne pas retenir ses coups, je plante alors directement la pointe de mon épée dans celle qui était en train de me faire face et qui a essayé de me pincer comme la chose méchante qu'elle est. Voila que ça fait un "scrrrrch" quand la pointe de ma lame la traverse et juste avant que je tue la vilaine bestiole toute pas belle, juste après avoir rabattu mon arme sur elle encore une fois. Bien que ça avait l'air d'être résistant, ma nouvelle épée elle réussissait à tout découper et à tout percer facilement. Je cours vers une autre qui se était en train de se diriger vers mon gentil Jordy, quand je me retrouve en plein sur les cristaux magiques plantés dans le sol.

- Ahhhhhh... Qu'est-ce qu'il se passe?... Je me sens bizarre tout d'un coup...

- *Mais quel empoté tu es! Pourquoi il faut toujours que tu n'écoutes jamais ce qu'on te dit?*

Pendant que Ashka était en train de piquer dangereusement du nez dut à un manque d'inattention, son courageux et fidèle ami Jordy s'élance sans prévenir, au péril de sa vie chevaline. Ses sabots, claquant sur la terre plate et relativement dure à cet endroit, baisse la tête pour faire front, tout en regardant les ennemis avec détermination. Au dernier moment, Jordy tourne sur lui-même, se cabre et lance un redoutable coup de sabot en plein sur le scolopendromorphe qui allait attaquer Ashka. La bestiole est alors propulsée sur plusieurs mètres en arrière. Malgré sa prouesse, cet acte noble n'allait pas suffire à sauver le petit écailleux en armure d'or et en train de roupiller debout. Il ne restait plus qu'une dernière noble petite âme remplie de courage et de grâce, pour lui venir en aide.