Takagi Tendo était l’un des associés majoritaires du prestigieux cabinet Dowell, un cabinet international dont le siège social se situait ici, à Atarashï Yoake. C’était un puissant cabinet, mais Alexandre Dowell, le grand patron, n’allait pas se déplacer pour une simple assistante documentaliste. Titulaire d’une licence en droit, la jeune femme avait réussi à décrocher cet emploi. Elle se retrouvait toutefois dans les étages inférieurs du cabinet, ayant pour mission... De se plonger dans les archives. Étant bilingue, sa mission consistait, outre à travailler au service d’archivages, à assurer la traduction des décisions de justice, à la fois en japonais et en anglais. Ce n’était pas forcément le métier le plus gratifiant, mais elle disposait d’un bons alaire, supérieur à la norme, avec une bonne mutuelle, et la possibilité de pouvoir évoluer au sein du cabinet, ce que Tendo-sama lui avait assuré.
Calme et posé, l’Asiatique était un avocat connu pour sa grande discrétion, intervenant surtout en droit du travail, en droit des affaires, et, de manière générale, dans tout ce qui avait trait au monde des affaires. Il côtoyait de grandes entreprises internationales, les aidant à développer des projets de fusion-acquisition, étudiant le marché financier et boursier pour réaliser des OPA, tout en gérant également des patrimoines sociétaux conséquents.
« Quand vous commencerez à vous y faire, vous pourrez traduire des actes de société. Les statuts, les baux, les contrats... Il y a beaucoup de choses à faire pour une femme de talents et ambitieuse... Ce que vous êtes, je suppose ? »
Difficile, pour une gaijin, de trouver du travail au Japon. Même Yoake, qui était une ville assez cosmopolite, était façonnée dans le moule nippon.
« Outre cela, comme vous le voyez, le service d’archivages commence à devenir préoccupant. Légalement, nous ne sommes pas tenus par la conservation de toutes les archives dans nos dossiers. L’une de vos activités principales sera donc de vous occuper des dossiers archivés, et d’envoyer au brouilleur tout ce qui n’est pas utile. »
Une tâche fastidieuse, mais qu’elle n’était heureusement pas seule à remplir. Takagi continua pendant une heure à lui expliquer son quotidien, tout en lui donnant un badge, une carte magnétique d’accès, ainsi que ses identifiants pour accéder à l’Intranet local, et en lui spécifiant clairement ses horaires. Le cabinet Dowell fonctionnait de manière assez stricte, et, comme elle ne partageait pas ses locaux avec les avocats, elle devait toujours s’assurer, si elle était la dernière à quitter le travail, de bien fermer à clef derrière elle. Évitant les poncifs japonais sur la paresse occidentale, Takagi se montrait très professionnel, ne jetant aucun regard malvenu à cette femme au look très strict. Chignon serré, tailleur étouffant, lunettes écailleuses... Il termina en lui souhaitant de faire du bon travail, et la laissa faire.
Les jours passèrent donc, jusqu’à ce que, un soir, alors qu’elle était la seule au travail, Elizabeth n’ouvre un carton sur un étrange dossier impliquant des accusations de sorcellerie et de plagiat littéraire. Une sorte de procès ubuesque où l’employeur d’une petite entreprise locale avait licencié sa salariée en l’accusant de se livrer à des invocations sataniques à l’aide d’un étrange rituel démoniaque. Le livre en question faisait partie des pièces du dossier. Il n’avait aucune couverture, aucun signe extérieur... Un livre intrigant.
Elizabeth était loin de pouvoir imaginer ce qui se passerait si jamais elle commettait l’erreur d’ouvrir ce livre et de lire les phrases qui s’afficheraient...