« Ce n'est pas aussi simple, Selina, et tu le sais très bien. Il n'y a pas de contrat avec Batman. Tu sais pourquoi j'ai dû créer ce personnage... Mes parents ont été tués par un homme, mais aussi par tout un système. Un système qui favorise la corruption et la pauvreté, un système qui a finalement conduit Joe Chill à attaquer des personnes riches, et, dans un moment de folie, à les abattre. En tant que Bruce Wayne, je n'ai aucun poids sur ce système, car j'en fais partie. Que je le veuille ou non, Bruce Wayne reste un multimilliardaire, détenteur de l'une des plus grandes sociétés de la planète. Quelle crédibilité puis-je avoir en ce sens ? »
C'était d'autant plus vrai que, en cette période de défiance, les gens super-riches comme lui étaient systématiquement mal vus. On ne comptait plus le nombre de threads sur Twitter l'accusant d'être franc-maçon, ou de diriger, à travers Wayne Enterprises, un vaste réseau de pédophilie internationale. Sa générosité, ses donations aux œuvres de bienveillance, apparaissaient toutes comme factices, comme des miettes que l'homme donnerait pour garder sa bonne conscience.
« Je ne peux pas arrêter, Selina... Je ne peux pas juste fermer les yeux, faire une croisière, et me dire que les problèmes de Gotham ne me concernent pas. Quand j'ai commencé à agir, je ovulais être le rouage hors du système qui remettrait le système sur pied. Et j'ai réussi, d'une certaine manière. Carmine Falcone, tous les parrains de la pègre... Ils sont tombés. Mais la nature a horreur du vide, et j'ai dû affronter de nouvelles menaces, sans que cette corruption endémique ne disparaisse réellement. Batman ne disparaîtra que le jour où le système n'aura plus besoin de lui. »
Il avait créé un symbole, une force impossible à identifier, venant en aide à un système à bout de souffle. Sous Bruce Wayne, il avait des failles exploitables. Sous Batman, il devenait incorruptible, un symbole au-dessus de la masse.
« Quant à prendre des vacances... C'est quelque chose qu'Alfred m'encourage parfois à faire. »
Bruce n'ajouta rien de plus là-dessus. C'était possible, mais Bruce s'y refusait. Il y avait sa mission, et les échecs qui allaient avec. Comment pouvait-il s'accorder des vacances ? Chaque année, les gens célébraient le Nouvel An. Si Bruce se livrait aussi à cette célébration, Batman, lui, utilisait les ressources du GCPD pour observer le nombre d'homicides sur l'an, et voir si le taux avait diminué par rapport à l'année dernière... Et attendait que le taux passe à zéro. Qu'il y ait un seul mort sous sa vigilance, et c'était le signe qu'il avait échoué à accomplir sa mission.
« Mais je ne peux pas, Selina... Tout comme tu ne peux t'empêcher d'être Catwoman, je ne peux m'empêcher d'être Batman. Il faut l'accepter. J'ignore quand j'arrêterai... Sans doute que, quand je ne pourrais plus tenir sur mes jambes, je donnerai le flambeau. J'aimerai ne pas avoir à le faire. J'aimerai que Batman cesse d'exister, car ce serait le signe que Gotham n'a plus besoin de lui. »
Cependant, ce n'était pas encore possible.
Sa main se déplaça alors pour attraper doucement celle, encore gantée, de Selina. Il observa les griffes qui terminaient ses doigts, et un léger sourire mélancolique orna ses lèvres.
« Et puis... Ose me dire que tu n'aimes pas quand je te poursuis sur les toits de Gotham ? Si je ne peux pas vivre sans Batman, cela ne signifie pas que je doive supporter ça seul. »
Bruce se livrait rarement. Il embrassa alors la paume de Selina avant de la relâcher.
« C'est plutôt à toi de voir, Selina... Je t'ai déjà proposé de venir chez moi, mais les chattes tiennent à leur indépendance. Ou est-ce que le mariage d'Harleen et de Pamela t'amène à reconsidérer ton point de vue ? »