The Multiversity

De toutes les régions hostiles et austères de Terra, Tonnefoudre était assurément l’un de ces endroits terrifiants qui déclenchaient chez les jeunes enfants des cauchemars sinistres. Tonnefoudre était l’une des régions des Malterres de la Discorde, une vaste ancienne province mijakienne qui avait été détachée dans des circonstances opaques de l’Empire. Elle était le domaine de l’infâme Roi Cramoisi, et Tonnefoudre était l’une des régions limitrophes des Malterres. Cette région se caractérisait par un phénomène magico-climatique qui entraînait la formation perpétuelle d’épais nuages noirs, et d’une tempête perpétuelle. Il pleuvait tout le temps à Tonnefoudre, la tempête s’accompagnant de nombreux éclairs, ce qui rendait ainsi impossible de se rendre aux Maltyerres par la voie des airs. Tonnefoudre était au sol un vaste désert rocailleux, aride, peuplée de montagnes sinistres et édentées, taillées par les pluies incessantes qui s’abattaient sur la région. On disait que cette tempête sans fin était liée à de multiples tours magiques qui avaient été édifiées le long des montagnes de Tonnefoudre. Que cela soit vrai ou non, Tonnefoudre abritait aussi le terrible Devar-Toi, une forteresse maléfique faisant office de prison.

Tonnefoudre abritait également dans ses montagnes quantité de forteresses, fortins et autres prisons taillés dans la roche. C’était justement vers l’une de ces structures qu’une silhouette solitaire, encapuchonnée, marchait. Elle portait une robe verte avec un manteau vert à capuche, remontant ce sentier désolé qui menait vers un petit fortin. Son bâton poussiéreux remuait sur le sol pour accompagner ses mouvements. La silhouette s’arrêta devant la forteresse. À travers le bruit de la pluie et des éclairs, on pouvait entendre le croassement d’un corbeau qui tournoyait en l’air, et qui se posa sur un rocher. Qu’une personne ait pu arriver jusqu’ici tenait en soi du miracle, car la région de Tonnefoudre comprenait de redoutables monstres, ainsi que des Élémentaires de Foudre. Il fallut attendre un certain temps avant que des gardes n’émergent sur la plateforme située au-dessus du corps de garde.

« Qui va là ?! »

La silhouette encapuchonnée ne tarda pas à répondre :

« Il y a longtemps, j’ai commis une erreur… Ma jalousie m’a amené à donner une femme à votre maître, et celui-ci l’a enfermé aussi, et a construit cette forteresse par-dessus. Je viens aujourd’hui réparer cette erreur. Livrez-moi la sorcière, et je m’en irai. »

Le garde émit un grimacement.

« Les magiciens ne nous font pas peur, sorcière. »

Des archers s’étaient positionnés. Leurs flèches redoutables étaient chargées d’une mana noire, comme toute cette forteresse. Ce n’était pas de simples gardes. Leurs flèches maléfiques fusèrent vers la sorcière, et se brisèrent contre un dôme magique.

« Je ne suis pas une sorcière. »

La femme abaissa alors sa capuche, et son bâton décrépi se matérialisa alors en un puissant sceptre doré. Les yeux de la femme s’illuminèrent, son sceptre vibra également, et, perçant le ciel, un terrible éclair s’abattit violemment sur la forteresse. Un éclair digne de ceux de Zeus, qui perça les défenses magiques du fort, et fissura ce dernier de partout. Héra se manifesta alors, et tendit sa main vers le corps de garde, qui se tordit sur place, et explosa ensuite. Le corbeau croassa alors, et s’envola ,vers le corps de garde, où il changea de forme, révélant une femme nue à la peau d’ébène, portant à la main une interminable épée noire hérissée de pointes.

« De toute façon, je vous aurai tous tué. »

L’épée de Sha frappa violemment les gardes qui se ruèrent vers elle, les projetant contre le mur. Elle avait débarqué dans un hall avec des mezzanines où des arbalétriers lui tirèrent dessus. Son épée s’illumina, et projeta des éclairs noirâtres qui zébrèrent l’espace, fauchant les arbalétriers ennemis et explosant les supports de l’une des mezzanines, qui s’effondra sur le sol. Skavens et Orcs se ruèrent vers Sha, qui les repoussa en générant avec sa main des ondes de choc, avant de tailler dans le vif avec son épée. Des magiciens ripostèrent, et une bataille féroce s’engagea. Sha, qui avait récupéré l’essentiel de ses souvenirs et pouvoirs depuis l’Olympomachie, grimaça malgré tout quand des éclairs noirs la frappèrent, la faisant reculer. Héra apparut alors, et projeta elle aussi sa puissante magie, s’aidant de son redoutable sceptre, envoyant une énorme boule magique dans le large couloir menant au hall, et d’où une flopée de monstres et de soldats jaillissaient avec fureur. La boule explosa avec force, enflammant tout le couloir, faisant hurler Skavens, Orcs, et autres immondices, dont les corps éclatèrent, répandant viscères, entrailles, et gerbes de sang sur les murs.

Sha déploya avec sa main des nuées de corbeaux qui fondirent sur les ennemis, s’enfonçant dans leurs bouches, avant d’imploser à l’intérieur. Leur mâchoire se déchirait tout comme leurs yeux, quand ce n’était pas leur ventre qui gonflait comme un ballon de baudruche avant de violemment exploser de l’intérieur.

« Ils sont nombreux ! »

Les deux Déesses combinaient leurs forces pour repousser le comité d’accueil. Les rares Skavens ou Orcs qui avaient la lucidité de se rendre se faisaient rapidement embrocher par son épée. Sha avait prévenu : elle ne comptait épargner personne. Toute cette forteresse avait été conçue pour enfermer une seule personne, et, maintenant qu’elle était à l’intérieur, Sha pouvait ressentir sa présence… Et Mélisandre, cette sorcière dont elle était amoureuse, devait également le ressentir aussi. D’épais Orcs en armure de platyes intégrale se rapprochèrent, et l’un d’eux abattit sa lourde épée sur Sha, qui para avec sa lame.

« Rrrraaaahh !! » hurla le monstre.

Le sceptre d’Héra s’illumina encore, et projeta un rayon divin, aussi éblouissant qu’une étoile, qui fit fondre l’Orc, créant un trou béant au milieu de son corps, tout en perçant le mur. Héra projeta encore son terrifiant rayon divin, similaire à la magie sacrée des Anges. Les deux Déesses purent ainsi quitter le hall d’entrée, traversèrent le grand couloir, qui menait à un second hall. D’autres monstres les accueillirent, une flèche transperça Héra, qu’elle retira à mains nues. Des Skavens décochèrent des flèches supplémentaires. Sha déploya avec sa paume des tentacules acérés qui frappèrent les Skavens depuis la plateforme en bois où ils se trouvaient. Elle projeta ensuite leurs corps comme des poupées, et les enflamma, transformant leurs carcasses puantes en bombes incendiaires qu’elle projeta sur d’autres monstres venant de galeries souterraines.

Au centre de la forteresse, là où elles étaient, il y avait une grande tour menant en hauteur, avec des escaliers latéraux descendant dans les profondeurs, vers des galeries sinueuses d’où les ennemis affluaient sans cesse. Sha se concentra néanmoins sur l’énorme porte face à elle, qui était recouverte de puissantes runes et glyphes. Héra lui donna alors son sceptre, consciente que seul cet artefact pourrait détruire ce sceau.

« Flagg a utilisé ma magie pour concevoir ce sceau…
- Alors, c’est ta magie qui brisera le sceau. »

Sha se concentra ensuite, et les runes s’illuminèrent les unes après les autres, avant d’exploser, jusqu’à ce qu’une intense explosion ne signe la mort du sceau. Pendant que Sha brisait les glyphes, Héra se chargeait de repousser les ennemis grimpant depuis les caliers, générant pour cela des hoplites.

Finalement, Sha brisa le sceau, et arracha la porte de ses gonds. Celle-ci tomba, et elle s’aventura dans la prison. Elle grimaça en voyant un squelette de petite taille, et une silhouette attachée à des chaînes situées au fond de la grotte.

« Mélisandre ! »

Toute la fureur de Sha se transforma en une profonde tristesse. Elle se dirigea vers elle, et l’enlaça.

« Mélisandre, tu es là ! »

Combien de temps s'était-il écoulé depuis son emprisonnement dans ce lieu maudit, froid, et sombre ? Mélisandre ne le savait pas, et à ce stade, tout devenait pour le moins flou dans son esprit. Elle vivotait à peine, les seules sensations qu'elle ressentait étant la faim, la soif et la fatigue qui la harcelaient depuis des années. Combien ? Des dizaines ? Des centaines ? privée de tout contact avec le monde extérieur et de tout repère, tout devenait flou, et si la malédiction d'Héra n'était pas là pour lui interdire la mort, il y aurait bien longtemps qu'elle s'y serait abandonnée. Pour une sorcière, la mort n'était que la fin d'un cycle, pour ensuite pouvoir revenir sous une autre forme, mais Héra en était bien consciente quand elle avait infligée à Mélisandre cette punition, afin qu'elle ne puisse se soustraire à sa colère.
Après tout ce temps, et après avoir vu sa propre fille mourir de soif devant ses yeux, sans qu'elle ne puisse rien y faire, la colère de Mélisandre s'était progressivement transformée en une apathie complète, dont elle semblait ne jamais devoir sortir. Elle n'avait jamais abandonnée le faible espoir qu'un jour, Sha revienne pour elle, mais elle savait aussi que cela prendrait du temps...beaucoup plus de temps que ce qu'un esprit d'humaine pourrait vraiment supporter. Elle était faible, liée par ses poignets et ses chevilles à d'antiques chaînes qui l'empêchaient de se déplacer, et dans le noir absolu de sa cellule, elle avait attendue.
Des années...des décennies...puis des siècles.

Hnn...

Un bref soupir sortit de ses lèvres décharnées lorsqu'elle sembla percevoir, au travers de la brume qui flottait dans son esprit, une faible aura qui devait lui être familière. Cela faisait si longtemps toutefois qu'elle ne la reconnaissait pas, mais quelque chose semblait se passer. Elle n'avait toutefois pas de force dans ses muscles, qui étaient atrophiés. La malédiction d'Héra l'empêchait de mourir, mais certainement pas de subir les autres effets de la famine. Pour autant, cette présence, qui semblait s'approcher, et qui était telle un écho dans la brume, entreprit de légèrement la sortir de la torpeur dans laquelle elle se trouvait. Tant et si bien, que lorsque les portes de sa prison furent détruites, la sorcière parvint avec difficulté à lever la tête et à ouvrir les yeux.
Devant elle, une silhouette, une femme mais...faite d'ombres, noire comme la nuit sans étoiles et sans lune...l'Ombre. Était-elle en train d'halluciner encore une fois ? Ce ne serait pas la première fois qu'un délirium la prenait, mais ces bruits qui lui parvenaient au loin ne semblaient pas être l'oeuvre de son esprit malade, pas plus que la vision de cette femme. Depuis le temps, elle aurait presque pu l'oublier...

Sh...Sh-Sha ?

Le corps et l'esprit étaient tous deux endommagés après des siècles d'isolement, mais même ça ne pouvait désormais l'empêcher de ressentir pour la première fois depuis des éons, la douce chaleur de ce contact contre elle. Sha, c'était bien elle, elle aurait pu la reconnaître entre des milliers. Sa voix, la caresse de sa peau, son odeur, toutes ces sensations dont elle avait été privée déclenchèrent chez elle assez d'énergie pour se "réveiller".

Sha...Tu...tu as pris ton temps...

Une tentative d'humour, mais qui était somme toute bien faible, comme à la façon qu'elle avait de parler qui n'était guère plus qu'un murmure. Sha pourrait le sentir, Mélisandre n'avait guère plus que de la peau sur les os, et serait bien trop faible pour pouvoir faire quoi que ce soit pendant un long moment. Toutefois, au sein de son âme, la présence de sa déesse résonnait merveilleusement, et ses tatouages dansaient en s'animant sur sa peau à ce contact.

Mélisandre était méconnaissable. Elle n’avait plus que la peau sur les os, de longs cheveux blancs, poussiéreux… Quand Sha approcha sa main, elle vit des toiles d’araignée dessus. Mélisandre puait aussi atrocement. Son corps était noirci, et elle semblait à ce stade plus morte que vivante. Ce qui surprenait surtout Sha, c’était le cadavre à côté, le squelette de sa fille. Héra n’avait maudit que Mélisandre… Sha ignorait alors à ce stade si la Mère de l’Olympe avait oblitéré ou non ce détail. Elle se focalisa sur Mélissandre, qui tenta de parler… Sha n’entendit rien. Les cordes vocales de Mélisandre étaient usées, rompues, mais elle sentit sa magie s’illuminer. Sha comprit alors ce qu’elle disait en se reliant à ses pensées. Elle soupira lentement.

« C’est une longue histoire, mon amour… Je suis tellement désolée d’avoir mis tant de temps, Mélisandre… »

Sha se releva alors, et inspecta les chaînes. Elle tenta de les briser avec sa magie, mais, quand son éclair frappa la chaîne, il rebondit. Surprise, elle attrapa sa lame, et allait l’abattre quand la voix d’Héra retentit alors :

« Ne t’y risque pas ! Ces chaînes viennent de l’Olympe, elles ont été forgées par Hephaïstos. »

Sha se retourna vers Héra, et désigna le squelette.

« Qu’est-ce que c’est que ça, Héra ? Tu as oublié de mentionner ce détail ?[/color] »

Héra tourna la tête vers le squelette de la fillette, et Sha put lire la surprise dans son regard.

« Je… C’est ta fille ?
- Qu’est-ce qu’elle faitr là ?!
- Je n’y suis pour rien, se défendit Héra. J’ignorais que toi et elle aviez une fille. La Monarchie a dû la capturer…
- Je te déconseille de me mentir ! Ma femme a regardé notre fille mourir de soif !
- Je suis la Déesse de la fécondité, je ne m’en suis jamais prise à des enfants autrement que pour m’assurer qu’ils n’étaient pas maudits par mon idiot de mari ! »

Sha souffla lentement. Héra se rapprocha des chaînes.

« Seul ce sceptre peut briser facilement ses chaînes. »

Le sceptre d’Héra s’illumina. En contrebas, Sha entendit des hurlements supplémentaires. Le sceptre effleura les chaînes, et les brisa instantanément. Sha retourna vers Mélisandre, qui était à ce stade bien trop faible pour marcher, et la porta dans ses bras.

« Ce n’est pas un rêve, Mélisandre, je suis revenue… »

Héra inspecta encore le cadavre de leur fille, et tendit sa main dessus. Les os s’illuminèrent alors. Des Orcs jaillirent alors, tandis que Mélisandre commençait à défaillir. Sans les entraves magiques des chaînes, son organisme était en train de lâcher. Héra tendit son autre main, et projeta des pointes lumineuses qui transpercèrent les monstres.

« Héra ! Elle est en train de mourir ! »

Héra se retourna vers elle, et son sceptre s’illumina encore, puis toucha le corps de Mélisandre, qui se mit à émettre des spasmes nerveux.

« Il faut l’amener en Olympe, seul le caducée d’Hermès peut la sauver. Je reste encore ici, je pense savoir pourquoi ils ont emmené votre fille ici.
- Si tu me joues un sale tour, Héra…
- Ma stupidité et ma jalousie ont indirectement causé la mort de ta fille et l’agonie de ton épouse. J’entends faire ce que je peux pour réparer cela. Mais tu dois l’amener rapidement en Olympe. »

Sha pesta, mais elle n’avait pas le temps de discuter. Héra généra un Portail, et Sha l’emprunta ensuite.

*
* *

Plusieurs semaines après
Mont-Olympe

Sha n’aimait pas l’idée de ramener Mélisandre dans le lieu où elle avait été trahie. Cependant, l’Olympe avait bien changé. Il n’y avait plus de palais, pour commencer. Ce dernier avait été totalement détruit lors de l’Olympomachie, ne laissant plus que des temples autour d’une grande aire centrale qui était pour l’heure aménagée en grand jardin avec un e structure centrale en forme de large cercle, abritant en son centre un plus petit temple, où le Conseil de l’Olympe avait l’habitude de se réunir.

Mélisandre émergea dans un lit, et put constater qu’elle avait repris des formes. Elle ne ressemblait plus à un cadavre sur pattes, elle avait retrouvé de la chair, des muscles. Une statue de Sha se trouvait à côté de son lit, et Sha lui faisait face, dans sa forme humaine.

« Tu émerges enfin pour de bon, ma chérie ? »

Sha la rejoignit, et s’assit à côté d’elle, puis attrapa l’une de ses mains, qu’elle embrassa tendrement.

« Je suppose que tu dois avoir beaucoup de questions et de reproches, mon amour… Mais, avant tout, dis-moi comment tu vas. »

Il ne restait plus grand chose de la fière et puissante sorcière que Mélisandre avait jadis été. Désormais plus proche d'une coquille vide maintenue de force dans un semblant de "vie", c'était un miracle qu'elle dispose encore d'assez de santé mentale pour pouvoir reconnaître Sha et réagir à sa présence, même si c'était plutôt le témoin d'à quel point elle avait été par le passé une forte tête, et que ce n'était pas pour rien que Sha en avait fait son avatar. Mais toute personne avait ses limites, Mélisandre était faible, aussi bien physiquement que mentalement, et ses réactions faisaient d'avantage penser à des échos qu'à de véritables actes conscients qu'elle serait capable de faire. Tout lui parvenait comme distant, dissimulé sous un épais voile de brume qui était l'expression de ces siècles d'isolement. Pourtant, alors qu'elle avait bien du mal à comprendre réellement ce qui était en train de se passer, elle ressentit autant un semblant de sensation de joie à entendre la voix de Sha dans son esprit, qu'à ressentir une pointe de colère noire monter en elle à l'approche d'une deuxième présence. Mélisandre était incapable de véritablement se rendre compte de la présence d'Héra, mais le traumatisme dont elle avait été directement responsable était assez fort pour créer chez Mélisandre un réflexe de défense, même dans son état aussi affaibli...et puis elle se sentit partir.
Les chaînes qui la retenaient étaient aussi des catalyseurs pour la malédiction qui l'empêchait de mourir, et une fois détruites, ces dernières cessèrent de faire effet. Mélisandre ne tarda donc pas, une fois de plus, à sombrer dans l'inconscience, en se demandant si cette fois ne serait pas la dernière...

Et puis, elle se réveilla.

La "jeune" sorcière commença à émerger de sa torpeur lorsque, à travers ses paupières fermées, elle perçu de la lumière naturelle du Soleil. S'éveillant peu à peu, elle prit alors conscience de son corps.

Hnnn...

Elle remua quelque peu, sentant qu'elle se trouvait sur un lit, qu'elle n'avait plus faim ni soif, que ses muscles, et par extension ses membres, lui répondaient à nouveau. Doucement, elle ouvrit alors les yeux, son regard de rubis se portant sur un plafond richement orné...mais dont le style lui rappela instantanément le dernier mauvais souvenir qu'il lui restait de son ancienne vie. Elle reconnu l'Olympe, ce lieu maudit où sa vie avait basculée, et par réflexe, elle chercha à se lever promptement de son lit, avant de réaliser deux choses. De l'une, son corps, quoi qu'on lui aie fait, n'était pas encore complètement guéri, et ses muscles demeuraient encore assez atrophiés pour que les mouvements soient difficiles et douloureux. Et puis de l'autre, elle nota une présence à ses côtés. Une belle femme, aux longs cheveux noirs, dont l'apparence ne lui disait rien, mais dont l'aura était pour elle impossible à confondre avec qui que ce soit.

Sha ? C'est...c'est bien toi ?

Il fallait dire qu'avec sa réincarnation, la forme humaine que Sha utilisait actuellement n'était pas celle avec laquelle Mélisandre l'avait connue, près de six siècles auparavant. Elle était aussi encore confuse, émergeant tout juste de ce qui avait été un long coma de plusieurs semaines, à l'issue duquel elle venait juste de se rendre compte qu'elle était dans l'Olympe, alors voir Sha en ce lieu, elle ne s'y était pas attendue. Mélisandre parvint néanmoins à reprendre assez vite ses esprits, le fait que Sha se rapproche encore d'elle en venant s'asseoir sur le rebord du lit, à ses côtés, puis ce baiser sur sa main qu'elle avait pris dans la sienne, la convainquirent qu'elle n'avait pas affaire à une illusion ou à un rêve.

Je...bien, je crois, mais...

Par tous les Dieux, même réfléchir lui demandait des efforts. Elle ferma les yeux en fronçant les sourcils, secouant sa tête de droite à gauche. Des questions ? Des reproches ? Les deux étaient tellement nombreux qu'elle avait du mal à savoir par où commencer, alors elle décida que le mieux était probablement par ce qui l'avait marquée en premier au cours de son réveil.

Qu'est-ce qu'on fait en Olympe ? Pourquoi m'avoir amenée ici ? Aurais-tu oubliée au cours de ta réincarnation que ce sont ces Dieux qui t'ont bannie, et m'ont enfermée en me forçant à voir Hélène dépérir sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit ?

Sha la contempla lentement. Elle était magnifique, sa Mélisandre. Sha avait toujours aimé Kiriko, bien sûr, mais l’amour d’une Déesse était immense, et elle avait plusieurs amantes très proches. Mélisandre en faisait partie, à tel point que Sha lui avait confié son bien le plus précieux : une partie d’elle-même, une infusion de son essence sur son corps, sur ses tatouages magiques. Elle sentit vite le désarroi de Mélisandre, qui ne comprenait pas ce qu’elle faisait là. Sha se leva bien vite pour apaiser les choses :

« Du calme, Mélisandre, du calme… Tu ne crains rien ici. J’ai beaucoup de choses à te dire, mon amour. Mais, avant ça… »

Sha se pencha alors vers elle, et l’embrassa… Un premier baiser timide, qui s’accompagna rapidement d’un second baiser plus intense, qui dura de nombreuses secondes. Elle ne chercha nullement à glisser sa langue, mais simplement à profiter des doucereuses lèvres de sa femme.

« Voilà… Ceci pour te convaincre que tu ne rêves pas, mon aimée. Maintenant, je vais tout te raconter, mais, avant ça, tu as besoin de prendre des forces. »

Elle claqua des doigts, et un jeune homme androgyne entra. Mélisandre pouvait sans doute sentir en lui sa nature divine. Il n’était toutefois pas dangereux. Hermaphrodite amena un plat rempli de victuailles, un plateau en argent qu’il posa sur le lit, avant de s’éclipser rapidement. Sha pouvait sentir l’incompréhension de Mélisandre. Imaginer l’Ombre chez les Olympiens, voilà qui était assurément inattendu !

Sha se racla donc la gorge, et se rassit, avant de commencer ses (longues) explications.

« Toi et moi, nous avons été bannies, Mélisandre, par Héra. C’est Héra qui m’a libéré il y a quelques années, et j’ai appris à cette occasion que mon âme avait été fragmentée en plusieurs morceaux. Si j’ai mis autant de temps à te retrouver, c’est parce que mes souvenirs de toi, mon amour, étaient enfermés dans l’un de ces artefacts. Héra… Héra m’a expliqué qu’elle avait été dupée par le mage à qui elle avait fait confiance. »

L’Ombre se tut un peu, le temps de reprendre son souffle, et poursuivit :

« Tout ça va sans doute être très décousu pour toi, ma chérie, mais Héra avait fait appel à nous parce qu’elle était convaincue que Zeus était maudit. C’est un point sur lequel elle n’avait pas tort. Elle avait découvert depuis longtemps que Zeus avait hérité d’une malédiction familiale, que son père tenait lui-même de son propre père. Pour te l’expliquer autrement, le grand-père de Zeus, Ouranos, l’un des premiers Dieux, portait en lui l’essence de l’entité Chaos. Cette essence maléfique a corrompu le cœur d’Ouranos, et l’a amené à voir en ses enfants ceux qui causeraient sa perte. Il choisit donc de les tuer, et fut finalement tué par son propre fils, Cronos, qui, en tuant Ouranos, hérita lui aussi de cette malédiction.
La boucle s’est poursuivie quand Cronos, atteint du même mal qu’Ouranos, s’est convaincu que ses enfants allaient le tuer. Il les emprisonna donc, et ne manqua que Zeus, qui réussit à les libérer, et tua son père. La malédiction de Cronos toucha aussi Zeus, et, pour le purger, Héra et d’autres divinités réalisèrent un rituel consistant à utiliser l’âme de Pandore pour sceller les maux de Zeus dans une boîte magique, la Boîte de Pandore.
Cependant, la Boîte n’a pas permis de sceller tous les maux de Zeus. Je me suis souvent demandée pourquoi lui et Héra n’avaient jamais eu de descendance légitime. On a mis sur le compte de la jalousie d’Héra les sorts terribles que les enfants adultérins de Zeus avaient engendré, mais la réalité est encore plus nocive. Héra a volontairement accepté de jouer le rôle de la Déesse acariâtre pour dissimuler aux yeux des fidèles que la semence de Zeus était maudite, et qu’elle pouvait engendrer des êtres également maudits. C’est avec Héraclès que Héra a finalement décidé d’agir. Les conteurs affirment que c’est Héra qui ensorcela Héraclès, au point qu’il massacra sa propre famille et ses enfants, mais c’est faux. Il l’a fait tout seul. »

Sha s’était relevée tout en parlant, tournant autour du lit de Mélisandre.

« Quand Héra a fait appel à moi, et que j’ai demandé ton aide, elle avait aussi fait appel à une autre personne… Le Magicien Marten Largecape. Elle n’avait aucune raison de se méfier de lui, car Largecape était le mage du royaume de l’Eld, et était le disciple du grand mage Maerlyn, qui avait façonné l’artefact de l’Arc-En-Ciel. Largecape a bénéficié de ses instructions, et a su convaincre Héra que nous faisions, toi et moi, partie d’une machination visant à aggraver le mal de Zeus, et à s’emparer de l’Olympe. Alors, elle m’a scellé, et elle t’a scellé aussi, mon amour. »

La Déesse soupira lentement, et retourna s’asseoir à côté de Mélisandre.

« Elle a compris bien trop tard que Marten Largecape était en réalité Randall Flagg, ou quel que soit son nom. Il a profité de la confiance d’Héra pour ouvrir la Boîte de Pandore, ce qui a déclenché la folie des Dieux. Héra a fini par s’exiler de l’Olympe, et a commencé par me libérer de ma prison. Elle m’a ensuite retrouvé, et m’a expliqué que, pour me sceller, Flagg avait disséminé mon âme dans des artefacts. Ces artefacts ont été retrouvés, assemblés, et, quand la mémoire m’est revenue, je me suis rappelée de toi, mon amour…
Héra ignorait cependant où tu te trouvais. Il nous a fallu l’aide d’un autre Dieu pour percer les sorts de Flagg, et retrouver ta cellule. Dès que nous avons su, j’ai immédiatement volé à ton secours. Mais je ne m’attendais pas à ce que notre pauvre Hélène… »

Sha soupira alors en fermant les yeux, sentant ceux-ci s’embuer.

« Héra m’a juré qu’elle n’y était pour rien… J’ignore si je peux la croire ou non, mais je ne vois pas quel intérêt elle aurait eu à s’en prendre à notre fille. La logique aurait plutôt voulu qu’elle la prenne, qu’elle l’éduque, ou l’envoie à ses Amazones. Quant aux Olympiens, je vais te la faire courte, mais ils ont récolté ce qu’ils ont semé. Zeus, Poséidon, Hadès, Apollon, et Arès sont morts, pour ne citer qu’eux. Démeter a été possédée par Nyx, et l’Olympe est désormais sous la tutelle des autres panthéons. La magie est déréglée un peu partout. »

Un résumé rapide, mais simple. Sha attrapa encore la main de Mélisandre.

« Je suis tellement désolée, mon amour. Ce que tu as vécu a dû être… Je n’ai pas de mots… Si seulement j’avais su, je serais venue plus vite, Mélisandre… »

Voir Sha se mettre à pleurer était un spectacle rare, mais qui témoignait aussi de sa gêne. Elle avait été incapable de protéger celle qu’elle aimait.

« Pourras-tu me pardonner un jour, Mélisandre, d’avoir été si faible envers toi ? »

Il était évident qu'après tous ces siècles d'isolement, et loin d'avoir des nouvelles de ce qui se passait dans le monde, que Mélisandre aurait droit à un certain nombre de surprises. Mais que Sha et elle se retrouvent à nouveau dans l'Olympe semblait quelque chose d'inenvisageable au vu de leur histoire commune, et dont elle peinait pour le coup à comprendre les raisons. Autant dire qu'il lui manquait encore plus de pièces du puzzle que ce à quoi elle aurait pu s'attendre, ce qui la mit sur la défensive. Sha le ressentit bien sûr, et lui intima de se calmer, et ce de la plus belle des manières. Redressée avec ses bras tendus derrière elle pour se maintenir ainsi, Mélisandre vit le visage de Sha se rapprocher du sien, et ses lèvres se coller aux siennes. En silence, Mélisandre ferma les yeux, et savoura un premier contact bref, puis un deuxième plus appuyé et plus long des lèvres de la Déesse contre les siennes. Oh par tous les Dieux...le contact était différent de ce dont elle se rappelait, car forcément, l'enveloppe charnelle qu'elle prenait là était différente, mais c'était bien "sa" Sha, et ce contact la fit frissonner sur place. Elle se retira toutefois assez rapidement, laissant à Mélisandre une impression de chaleur diffuse mais persistante sur ses lèvres, tandis que depuis une porte un des résidents de l'Olympe entra brièvement pour porter à son lit un plateau comprenant divers aliments.

Soit...je ne peux qu'imaginer la suite d'évènements qui font qu'on se retrouve ici, je dois avoir loupé plus que ce que je pensais.

Mélisandre ne se sentait pas rassurée pour autant, c'était plus fort qu'elle, tous ses instincts de survie et de fuite étaient en pleine alerte rouge, et il n'y avait bien que Sha qui pourrait la convaincre de rester d'avantage de temps dans ce lieu maudit. Elle hésita même à prendre de la nourriture sur ce plateau, mais devait s'y résigner, son corps faible avait besoin de nutriments pour reprendre des forces, alors elle grignota avec suspicion du blanc de poulet, accompagné de légumes secs, tandis que Sha entreprit un...long récit. Mélisandre comprit rapidement que même ce monologue n'était qu'une version condensée, destinée surtout à lui transmettre rapidement l'essentiel de ce qui s'était passé.
Si Sha lui apporta quelques réponses, Mélisandre vit apparaître bon nombre d'autres questions qu'elle du se retenir de poser dans l'immédiat, pour ne pas l'interrompre. Ce que Sha lui raconta, durant ces longues minutes, fut lourd à encaisser, surtout lorsque le sujet de leur fille fut abordée et la prétendue responsabilité d'Héra, qui pour Mélisandre ne faisait aucun doute. Sha semblait hésiter, et Mélisandre était à deux doigts de lui demander comment elle pouvait croire un seul mot de ce que cette vipère disait, mais quand elle revint s'asseoir à ses côtés et commença à pleurer...Mélisandre fut sous le choc pendant un moment. Voir sa Déesse dans un authentique moment de faiblesse, ça n'était pour ainsi dire jamais arrivé, et elle s'en voulait de l'avoir laissée ainsi pendant autant de temps.

Sha...

Elle serra sa main dans celle de sa Déesse, puis remua de façon à apposer son autre à l'arrière de sa nuque, glissant dans ses longs cheveux noirs, afin de l'approcher d'elle. Mélisandre vint doucement plaquer le visage de Sha contre son torse, juste au dessus de ses seins, et déposa un baiser sur le sommet de son crâne, un long baiser où elle s'attarda pendant plusieurs secondes. L'Ombre pourrait sentir quelques larmes perler dans ses cheveux.

Il n'y a rien à pardonner mon amour. Tu es venue, je savais que tu devrais passer par le cycle des réincarnations, et retrouver ta mémoire avant même d'espérer quoi que ce soit. Quand à Hélène...elle est restée forte jusqu'au bout...plus forte que moi, c'est elle qui m'a dit avant de mourir de ne pas abandonner, et elle avait raison.

Elle desserra alors sa prise, puis redressa la visage de Sha pour qu'elle lui fasse face.

Je t'interdis de ressentir de la culpabilité à l'encontre de ce qui s'est passé Sha. Tu es autant une victime que moi et Hélène, et si quelqu'un doit payer, ce ne sera certainement pas toi. En revanche...cette sale pute d'Héra...

Bien qu'affaiblie, la haine qui émana de Mélisandre à la simple évocation de ce nom était palpable.

J'ignore ce qui a pu te pousser à travailler à nouveau avec elle, et je ne mettrai pas en doute tes décisions...mais quand bien même n'aurait-elle pas ordonnée directement ce qui est arrivé à Hélène, elle n'en est pas moins responsable, et je la tuerai pour ça...

Mélisandre ne lui en voulait pas, mais elle était incapable de pardonner à Héra. Et, quand elle la qualifia de « sale pute », Sha sourit doucement. C’était bien sa Mélisandre, rebelle, imperturbable, et toujours aussi peu diplomate. Son naturel revenait lentement à elle.

« Eh bien, tu sais, il y a un vieux dicton qui dit que l’ennemie de notre ennemi est notre amie… Je…
- Cette sale pute d’Héra est ta seule chance de retrouver ta fille, sorcière ! »

La voix d’Héra se mit à gronder alors qu’elle venait d’entrer. Sha sentit immédiatement sa femme se tendre, ses muscles se hérisser, tandis que les meubles dans la pièce se mirent à trembler. Héra venait d’entrer dans la pièce, tenant toujours son sceptre.

« Je n’ai pas tué ta fille, Mélisandre. J’avais demandé à ce serpent vicieux de Largecape de me l’amener, afin que je la garde sous mon aile. Il m’a dit qu’elle était morte. »

Difficile de raisonner Mélisandre quand elle s’énervait. Son corps avait beau être très affaibli, sa magie était toujours aussi puissante. Une boule noirâtre jaillit alors de la main de Mélisandre, qui la projeta sur Héra. Celle-ci la dévia du doigt, et la boule explosa à côté d’elle, vaporisant le mur et une partie du toit. L’onde de choc de l’explosion les engloba. Des boucliers divins empêchèrent le lit de Mélisandre de s’enflammer, et, au milieu de la fumée ambiante, les yeux étincelants d’Héra apparurent.

« Hum… Toujours aussi volcanique, à ce que je vois. Mon but initial n’était pas de t’enfermer pendant six siècles, mais de t’avoir comme otage pour faire parler ta Déesse. Les choses ne se sont pas passées comme je l’avais prévu… Mais, s’il y a une chose dont je suis sûre, c’est que ta fille n’est pas morte. »

Mélisandre était encore prête à attaquer, mais Sha posa sa main sur son poignet.

« Écoute-là, Mélisandre… »

Héra se déplaça un peu. Avec la moitié de la pièce détruite, Mélisandre pouvait mieux voir l’Olympe, et constater que le massif Palais de l’Olympe n’existait plus. Il n’y avait plus que quelques solitaires ruines, témoins funestes du carnage qui avait eu lieu ici.

« Toute personne qui meure voie son âme revenir à la grande Rivière de la Vie. Cette âme prend la forme d’une petite sphère d’énergie… On l’appelle une Lumière-Vive. Tu t’en souviens, n’est-ce pas ? »

Héra se rapprocha un peu de Mélisandre.

« Quand ta fille est morte, sa Lumière-Vive s’est échappée de son corps, mais Flagg l’a empêché de rejoindre la Rivière. C’est ce dont je me suis assurée en inspectant ses ossements. Il faut un coffre très spécial pour enfermer une âme. Je n’ai pas encore été en mesure de l’identifier, mais je compte y employer mes ressources. Quand nous l’aurons retrouvé, ton Hélène pourra revivre. »

La Déesse se tut ensuite. Ce fut l’occasion pour Sha d’embrayer :

« Nous n’avons qu’un seul véritable ennemi, Mélisandre… C’est ce maudit magicien et son infâme roi puant. Je t’ai retrouvé, mon amour, et j’entends bien passer tout ce temps que nous avons perdu ensemble avec toi et notre fille.
- Je soupçonne d’ailleurs que, si tu n’es pas devenue complètement folle, c’est peut-être parce que, inconsciemment, tu percevais toujours l’âme de ta fille. »

Insulter ainsi Héra au sein même de l'Olympe, c'était quasiment s'assurer de sa venue, et sur le coup de la colère, c'était précisément ce que Mélisandre avait voulu. Il ne faisait pour elle aucun doute que tous les maux qui avaient touché sa famille étaient la responsabilité de Héra, et même si elle était encore faible, la confronter ne pouvait pas attendre.
"L'ennemi de mon ennemi est mon ami". Évidemment qu'elle connaissait ce vieux dicton, mais elle ne voulait pas l'entendre, et pour être tout à fait honnête, si Héra ne s'était pas manifestée pile à ce moment pour interrompre Sha, ça aurait été contre elle que Mélisandre se serait énervée. Ses yeux rouges se détachèrent de ceux de Sha pour se poser sur la silhouette haïe de l'ancienne épouse de Zeus.

Toi...

N'importe quel observateur extérieur aurait pris Mélisandre pour une véritable folle, à ainsi parler à l'une des divinités les plus anciennes et puissantes de tout le panthéon olympien, mais il fallait aussi se rappeler que Mélisandre était elle même, très partiellement, imbibée d'énergie divine. Sha en avait fait il y a très longtemps son avatar, ce qui était symbolisé sur elle par ses tatouages, presque vivants, faits d'ombre solide, qui augmentait considérablement la puissance de sa magie...assez pour pouvoir blesser ou tuer une divinité.
Mélisandre aurait peut-être pu, éventuellement, se calmer si on lui en avait laissé le temps, mais Héra déboula comme une tempête dans leur chambre pour interrompre leurs retrouvailles. Et surtout, surtout, elle commit l'erreur de mentionner Hélène, en osant suggérer qu'elle n'avait jamais voulu de sa mort. C'en fût beaucoup trop pour la sorcière, qui se mit alors à agir presque uniquement par instinct. Si elle était encore faible physiquement, ce n'était pas le cas de sa magie, dont elle sentait le "fluide" parcourir son corps comme jamais. Les Ombres lui obéissaient, et elle les concentra dans une orbe dans la paume de sa main, composée d'une magie pure qu'elle lança alors en direction de la Déesse.

TU MENS !

C'était...stupide, évidemment stupide, mais pour Mélisandre, la trahison, l'emprisonnement, la mort d'Hélène, étaient des blessures encore bien vives, et qu'Héra cherche à s'en dédouaner ne pouvait que la sortir de ses gonds. Oh si elle avait pu la tuer, elle l'aurait fait, mais toute aussi puissante une sorcière soit-elle, il s'agissait d'Héra en face. Cette dernière dévia sans problèmes son sort, qui alla se fracasser contre un mur de la chambre qui s'ouvrit alors presque en deux, provoquant un épais nuage de poussière, et des débris qui volèrent un peu partout. Héra parlait encore à l'issue de cet échange, ce qui allait déclencher une deuxième tentative d'attaque de la part de Mélisandre, jusqu'à ce que Sha ne pose sa main sur son poignet et ne lui somme de l'écouter. La chose fut...difficile à accepter pour Mélisandre, qui ne comprenait vraiment pas comment Sha pouvait prendre son parti après tout ce qu'elle leur avait fait, mais elle savait aussi mieux que quiconque que pour que Sha se mette ainsi sur le chemin d'une vengeance qui devait leur être acquise...il devait y avoir une raison. A contrecœur, elle abaissa sa main, mais menaçait de se tendre à chaque fois qu'Héra faisait un pas dans sa direction.
Il fut toutefois question de l'âme d'Hélène, qui était...supposément prisonnière des séides de Flagg et du Roi Cramoisi, et que Héra semblait vouloir les aider à la localiser.
La croire ou non...très sincèrement, Mélisandre n'accordait aucune confiance à cette langue de vipère qu'était Héra, mais Sha semblait arrêtée sur sa décision de...collaborer avec elle. Mélisandre réfléchit un moment, en silence, puis ferma les yeux en poussant un long soupir de lassitude, avant de s'asseoir à nouveau sur le lit.

Soit...il y a plus important que mon désir de vengeance, si l'âme d'Hélène est prisonnière.

Sans doute était-ce le même raisonnement qui avait poussée Sha à collaborer avec Héra pour la retrouver elle, et si l'âme de leur fille pesait dans la balance, alors elle se montrerait...raisonnable.

Ne t'attends pas à ce que j'oublie, ou à ce que je pardonne, ce que tu as fait à moi et ma famille Héra. Toi et moi avons un point en commun, c'est une rancune tenace...mais je serais sage, pour le salut de ma fille.
Maintenant, à moins que tu n'aie d'autres nouvelles importantes à m'annoncer, je te demanderai de t'en aller, car j'aimerai être seule avec ma femme.

Héra n’allait pas se faire prier pour partir. Mais, avant ça, elle avait encore quelque chose à dire.

« Quand tu iras mieux, toi et Sha, vous pourrez aller voir Fulron, c’est lui qui nous a permis de remonter ta trace, et c’est également lui qui pourra retrouver l’âme de votre fille. Cependant, le rituel magique que Fulron pratique est assez… Éprouvant. Donc, d’ici là, il faut que tu sois en pleine forme. »

Sur ce, Héra se retourna, et utilisa encore de son sceptre. La partie du temple détruite par Mélisandre se reconstruisit alors, les blocs de pierre se remettant en place. Elle sortit ensuite, et la porte se referma derrière elle.

Il y eut un léger moment de flottement, avant que Sha ne sourie doucement.

« Au moins, ta colère t’a remis d’aplomb… Tu as toujours été très sensible, Mélisandre, ça fait partie de ton charme. »

Sensible… Un véritable euphémisme pour résumer la tempête émotionnelle et passionnelle qu’était Mélisandre. Une femme au tempérament volcanique, qui n’hésitait pas à blasphémer, y compris sa propre Déesse. Il était difficile de croire que plusieurs siècles d’isolation totale avec la carcasse d’Hélène n’avait pas affecté son métabolisme, et provoqué des séquelles psychologiques. Pour l’heure, Sha n’en avait pas vu, mais elle savait aussi que ce genre de choses pouvait se révéler plus tard.

Néanmoins, elle songeait aussi à ce que Héra avait dit, sur le fait que la conscience d’Hélène avait pu rester, et imprimer inconsciemment l’esprit de sa femme. Cela semblait parfaitement délirant, mais, avec la magie, tout était par définition délirant. Sha y songeait silencieusement. Une âme qui ne retournait pas proprement à la Rivière provoquait généralement des fantômes, des fragments d’êtres vivants qui erraient sur cette terre, jusqu’à ce qu’on les renvoie dans l’au-delà. Si l’âme d’Hélène n’avait pas rejoint la Rivière, son esprit avait tout à fait pu se rattacher au seul être vivant proche d’elle lors de sa mort. Hélène était après tout la fille de la Déesse de la Magie et d’une sorcière dont les capacités n’avaient pas à rougir de celles de sa Déesse.

Sortant de ses pensées, Sha se racla la gorge, et se redressa un peu.

« Je te parlerai plus tard de Fulron, ma chérie. Pour l’instant… Je dois m’assurer que tu vas bien. »

Sha se concentra un peu, et entoura le temple d’une bulle temporelle. Elle déplaça ensuite sa main sur la joue de Mélisandre, et la caressa affectueusement, tout en l’amenant à se coucher. Usant de sa magie, Sha modifia ensuite les lieux. Le lit s’élargit, passant du lit médical à un lit plus sensuel, en forme de gros cœur rouge, tandis que la pièce s’assombrit, et se recouvrit d’encens. L’éclairage venait d’une cheminée murale avec une peau de bête d’ours blanc qui se forma également. En résumé, une ambiance plus sensuelle et ésotérique, et où Mélisandre se retrouva allongée au-dessus de la couverture.

« J’ai ralenti le temps ici… Nous avons plus de six siècles à rattraper, mon aimée, et les mots, aussi beaux soient-ils, ne suffisent pas à rallumer une passion… »

Sha se tenait désormais devant le lit, et se concentra un peu. De la fumée s’échappa de son corps, et Sha apparut également sous sa forme astrale. Les deux Sha se déplacèrent ensuite à gauche et à droite du lit, leurs mains caressant les jambes de Mélisandre pour remonter jusqu’à ses seins, qu’elles empoignèrent.

« Il n’est de meilleure médecine que le sexe, mon amour… Je compte te faire l’amour, et te faire l’amour longuement, pour que tu m’aimes davantage que tu ne hais Héra. Ce programme te semble-t-il intéressant ? »

Fulron, un nom qu'elle ne connaissait pas, et qui n'était sans doute que l'un des nombreux à ajouter à cette liste de personnalités et d'évenements à côté desquels elle était passé pendant son emprisonnement. Elle note la nécessité de s'intéresser à son cas quand elle en serait capable, mais pour le moment, elle voulait surtout qu'Héra parte. Les dégâts qu'elle avait fait à la chambre se réparèrent par sa magie, puis elle s'éclipsa enfin, ce qui lui permit enfin à Mélisandre de commencer à se décrisper.

Pardonne moi. Tu as sans doute eu le temps de t'y habituer, mais la façon dont Héra semble se dédouaner de tout ce que nous avons subi par sa faute...

Elle se mordit les lèvres tout en détournant le regard. Sa colère et sa haine brûlaient tel un intense brasier qu'elle avait du mal à contrôler, et ce n'était pas ce qu'elle avait envie de ressentir en la présence de Sha, surtout pas maintenant. Il lui faudrait sans aucun doute du temps avant de pouvoir mieux se contrôler, et sans doute, le fait de savoir l'âme de sa fille enfin libre, pour la remettre sur la roue du cycle des réincarnations. Tout ça faisait beaucoup à encaisser en peu de temps, et il semblait plutôt normal que Mélisandre se sente submergée par tout ça, ce fut sans doute ce qui précipita Sha à agir. Mélisandre sentit une puissante magie à l'oeuvre autour d'elles, tandis que Sha se rapprocha à nouveau d'elle, posant une de ses mains sur l'une de ses joues pour l'inviter à prendre une position couchée. Elle voyait la magie divine de Sha se mettre à altérer la réalité et le temps autour d'elles, apportant des modifications au décors, mais aussi et surtout au temps qui passait. La sorcière se retrouva donc allongée sur un lit qui se changea sous elle, pour un modèle bien plus grand, et bien plus sensuel. Un des effets de ce changement fut la disparition de la légère couverture que Mélisandre avait utilisée jusque là pour masquer sa nudité, ce qui n'était désormais plus le cas.

Sha...

Elle sentit une délicieuse boule d'excitation se former au niveau de son ventre, alors qu'elle se redressa légèrement en prenant appui sur ses avant-bras pour mieux contempler sa Déesse. Cette dernière utilisa un de ses tours favoris, à savoir d'utiliser à la fois sa forme humaine et astrale, pour effectivement se dédoubler, même si les formes étaient physiquement bien différentes, chacune était bel et bien Sha. cette dernière se plaça donc de part et d'autre du lit, pour venir chacune glisser une de leurs mains sur les jambes de Mélisandre, et remonter sensuellement jusqu'à sa poitrine. la sorcière frissonna sur place, profitant en silence de ce délicieux contact, jusqu'à ce qu'elle ne puisse s'empêcher de laisser échapper un léger rire lorsque Sha lui demanda si son programme lui semblait intéressant.

Intéressant ? Six siècles que je n'ai pas pu te sentir et tu me demandes si je trouve la perspective qu'on fasse l'amour "intéressante" ?

Mélisandre se laissa retomber complètement sur le matelas, et avec ses mains libres, saisit Sha sous chacune de ses apparitions par le poignet, et tira vivement dans sa direction afin qu'elles se rapprochent. Puis, elle posa respectivement ses mains à l'arrière de leurs nuques pour à nouveau les guider, et les rapprocher de son visage. Mélisandre se tourna en première vers l'apparition astrale, qui était des deux celle avec laquelle elle était la plus familière, et alla l'embrasser. Ce baiser n'avait rien à voir avec le bref, et "timide" échange qu'elles avaient eu tantôt, oh que non, Mélisandre écarta ses lèvres pour partir à l'assaut de Sha avec sa langue, dans un vrai baiser passionné et sulfureux. Elle resta ainsi quelques temps, ondulant sa tête au rythme de celles de sa langue qui dansait avec celle de Sha, avant qu'elle ne se retire pour ensuite tourner sa tête en direction de l'autre en forme humaine.

Hmmm...

Ce baiser fut tout aussi intense, mais dura un peu plus longtemps que l'autre, car Mélisandre goûtait pour la première fois à ces lèvres là, cette forme humaine de Sha étant pour elle une nouveauté. Ce baiser là dura donc une solide minute, à l'issue de laquelle Mélisandre se retira en lui mordant la lèvre inférieure avec amusement.

C'est drôle, tes lèvres ont un goût différent sous cette forme...plus doux, mais je dois dire que ta nouvelle forme me plaît mon amour...et j'espère que ces baisers ont répondu à ta question ?

Sha sourit doucement en sentant la colère de Mélisandre se dissiper, sa passion se réorientant vers une autre forme d’émotion, qu’elle préférait largement. Oui, elles auraient le temps de parler, Sha lui dirait tout ce qu’elle voulait… Mais, pour l’heure, il y avait quelque chose d’infiniment plus important, de plus urgent, qui s’exprima par le baiser intense que Mélisandre offrit à la forme astrale de Shad. Son euphémisme n’avait pas échappé à Mélisandre, et Sha perçut rapidement sa force, son désir, qui était en train de remonter en elle. Des siècles de refoulement qui étaient en train de ressortir. Tandis que la Sha astrale était penchée sur Mélisandre pour l’embrasser, son corps humain s’installa à côté de Mélisandre, s’allongeant dans le lit. Elle avait retiré ses vêtements sous cette forme, exhibant un corps magnifique. Sha avait été au début dans l’incapacité de conserver son contrôle sur son corps physique, mais ce n’était plus le cas maintenant. Elle pouvait manipuler volontiers les deux, et s’en servait volontiers.

« Hmmm… »

L’Ombre embrassa Mélisandre avec passion, faisant autant durer le plaisir que sa partenaire. Ce n’était pas qu’un simple baiser, c’était une marque d’amour, d’envie, de désir… La vie revenait à chaque seconde où leurs lèvres se pressaient, et où leurs langues roulaient et se titillaient ensemble. Mélisandre crispait ses doigts sur les cheveux de Sha, qui frémit lentement. Elle sentit les seins de Mélisandre durcir, elle sentit son corps frémir, et elle la sentait crisper ses doigts quand Sha faisait mine de se retirer. Ce baiser devait être incroyable pour elle. Elle avait été enfermée pendant tant d’années, tant d’années à perdre la raison, à souhaiter mourir, à tirer sur les chaînes, à se mutiler… Sha se refusa à y penser, préférant savourer les lèvres de Mélisandre. Leur baiser dura ainsi plus d’une minute, pendant que la Sha humaine caressait le ventre de Mélisandre, glissant sur sa peau, remontant jusqu’à l’un de ses seins, qu’elle pressait, le malaxant.

Quand Mélisandre rompit ce baiser, elle se retourna vers l’autre Sha, qui remonta sa main pour caresser son visage. Son pouce effleura ses lèvres, glissant dessus, et elle l’embrassa à son tour. Pendant ce temps, la Sha astrale s’amusa à descendre sa main, et vint rapidement caresser l’intimité de sa sorcière, tout en lui léchant le creux du cou. Leur baiser fut un peu plus intense, Mélisandre mordillant la lèvre inférieure de Sha quand son corps astral titillait son sexe. Elle pinça même son clitoris, le tirant entre deux doigts, et le corps de Mélisandre sursauta. Elle sourit ensuite, après ce deuxième baiser qui fut encore plus long que le premier.

« Hmmm… Entièrement, oui… Et je suis ravie que ma forme te plaise, car tu ne sortiras pas de cette chambre avant de l’avoir léché et embrassé partout, mon aimée. »

Le sexe avec une Déesse pouvait être très long, et ce n’était pas pour rien si Sha avait entouré cette pièce d’une boucle temporelle. Elle sourit encore à sa belle, et la Sha astrale alla alors se glisser entre les cuisses de la sorcière, et enfonça sa langue dans son sexe. Elle caressait également ses cuisses, les griffant légèrement, tandis que la Sha humaine venait suçoter l’un de ses seins, et mordilla son téton, tirant dessus.

« Régale-nous de tes soupirs, mon amour, ils m’ont tellement manqué… Tu as passé 600 ans dans ta prison infernale, 600 ans loin de moi. Je ne te ferai pas sortir d’ici avant que tu aies 600 orgasmes. »

Le chiffre semblait délirant… Mais, tandis que Sha disait ça, une seconde langue jaillit de la base de sa langue astrale. Deux langues reptiliennes, fourchues. La deuxième s’enroula autour du clitoris de Mélisandre, et le pressa, tandis que son autre langue léchait tendrement et passionnément son intimité. Cette première langue se mit à gonfler, durcir, devenant plus féline, plus râpeuse… Et, comme pour achever la belle sorcière, la langue reptilienne pressée contre son sexe se mit à… Chaudement vibrer.

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