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La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:16
par Ombre
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Sharis Skyleia Sabina, princesse de Nétheril


Les énergies cosmiques s'intensifiaient alors que les flux s'approchaient du cœur du multivers. Là, Terra, le noyau de cette incroyable création, recelait des artefacts les plus puissants qu'il ait pu été donné de concevoir. Ce monde centralisait et canalisait toutes les forces, projet infini et continuel du Grand Créateur, et cette grandeur attirait fatalement les convoitises de créatures du Mal et de la Destruction. Terra maintenait l'équilibre du multivers et l'union des forces du Bien œuvrait à ce que rien ne vienne perturber l'harmonie existante.

Avant les origines de la naissance de Terra, il y avait eu plusieurs tentatives, plusieurs essais, par le Grand Créateur pour la mise en œuvre de son idéal. De ces échecs, il ne demeurait rien aujourd'hui sauf ... la base, l'idée première, la fondation de la mémoire de Terra: le plan des Ombres. Canevas oublié, volonté inachevée, ce plan supportait à présent le monde réel et vivant. S'il disparaissait, Terra serait aspirée dans un vide qui s'étendrait jusqu'à réduire le multivers en un souvenir effacé. S'étant rendu compte trop tard de cet accroc dans sa perfection, le Grand Créateur avait préféré supprimer l'existence de ce plan de la connaissance des êtres vivants plutôt que de recommencer la planification complète de son projet.

Seulement c'était sans compter sur la curiosité et le besoin de Savoir de l'espèce des Hommes car tout ne pouvait pas être parfait. L'évolution de Terra avait vu naitre des peuples, des races, des espèces, d'intelligences diverses et d'utilité parfois discutable. Parmi eux, un groupe d'humains fragiles s'unit. Il prospéra et apprit à se défendre face aux menaces des débuts; car si le Créateur créait, la suite ne l'intéressait plus. Son esprit omniscient avançait plus vite que le temps lui-même. Ce groupe des Premiers Hommes forgea des armes, bâtit des villes et bien plus tard, découvrit les arcanes profondes de la magie. Son essor fut phénoménal et des millénaires plus tard, l'empire de Nétheril dominait Terra. Ses armées étaient invincibles, sa culture raffinée, et sa maitrise de l'Art Sacré, totale. Les mages nétherisses, au faîte de leur puissance, parvinrent à extraire, scellés dans des grottes prévues inviolables, les Parchemins de la Création. Ces écrits antiques en langage originel qu'ils purent traduire leur apprit une forme de magie encore plus puissante en terme de créativité et de possibilité. Prévus initialement pour la formation des premiers dieux, ces textes allaient contribuer à la Chute de l'Empire. Car s'il prospéra encore longtemps, Nétheril, fier et arrogant, ne se rendait pas compte que les humains devaient rester à leur place, et les dieux à la leur. Les archimages représentaient l'élite du monde thaumaturgique. Les plus habiles arrachèrent des montagnes au sol de Terra et les retournèrent pour bâtir sur les plateaux renversés des cités fabuleuses, lévitant haut dans le ciel. La plus belle de toutes, la capitale, Aquila, abritait le palais impérial, symbole de la toute puissance de Nétheril. Ces merveilles volantes accueillaient les Nétherisses de souche, les Purs, les Parfaits, alors qu'au sol, des peuples soumis cultivaient les terres et extrayaient des minerais indispensables et des pierres précieuses de mines profondes.

Cette expansion impériale prit fin sous le règne de Skuld Skyleia Sabina II. L'archimage Karsus, puissant surpassant les puissants et frappé d'une avidité sans égale, parvint à voler l'énergie vitale de la déesse de la magie pour se l'approprier. Il voulait être dieu mais Terra ne l'entendit pas ainsi. L'équilibre fut rompu, la toile magique universelle fendue et le monde sombra. Une à une, les cités nétherisses s'écrasèrent, provoquant d'immenses cataclysmes. C'est lors de cette période sombre que les archimages d'Aquila découvrirent le plan des Ombres et que sur ordre de l'impératrice, ils y exilèrent les trois dernières cités de l'empire. Le processus fut complexe et irréversible car ils usèrent des dernières parcelles de magie encore présentes sur Terra. L'exil dura trois mille ans dans cet antre de l'oubli, hors du temps et des mémoires. Les nétherisses souffrirent mais s'adaptèrent et réussirent à contrer les affres du Chaos. Car ce plan n'était que Chaos, tromperie et cruauté. Ce qui y vivait avait faim de vengeance, furieux d'avoir été délaissé par le Gand Créateur. On ne mourrait pas de vieillesse dans ce plan, l'immortalité n'en était pas une non plus.Les phénomènes défiaient toutes les lois connues. Des enfants naissaient, certains grandissaient pour se stabiliser à un certain stade, d'autres restaient à l'état de nourrisson ...

Pour survivre dans l'ombre, il fallait être ombre et force fut d'accepter de se lier à ce lieu de perdition. Chaque nétherisse accepta en lui un fragment éthéré de ce plan. Cette symbiose permit une nouvelle phase d'adaptation et surtout, surtout, la maitrise de la magie primaire ambiante, la magie de l'ombre, tellement différente de la magie des éléments, sournoise, tendancieuse ... chaotique.

L'histoire de Nétheril perdura donc ainsi tandis qu'à Terra, le temps passait et de nouvelles icônes divines s'assurait que l'empire glorieux fut oublié de tous afin que le crime commis par Karsus ne soit pas renouvelé.

Les humains sont coriaces. Trois mille ans après ce drame, l'impératrice Skuld trouva le moyen de revenir enfin dans le monde des vivants, seule. Elle serait la balise qui permettrait à son empire de retrouver sa place. Elle y parvint, avec l'aide d'Elena de Lumen, et de Sha, la nouvelle déesse de l'ombre.

Le retour de Nétheril claqua comme un coup de Tonnerre dans le ciel de Terra. Les trois formidables cités firent leur apparition, lévitant haut, au dessus de nouveaux royaumes. Sha avait été généreuse, contre rétribution, et Nétheril conservait sa magie sombre, en plus de récupérer sa maitrise des magies terranes ancestrales. L'empire avait faim, faim de vie et de renouveau. Si Skuld était l'amie d'Elena, elle n'en restait pas moins une souveraine responsable devant son peuple. Les royaumes affaiblis par l'Olympomachie ne purent lutter contre la volonté nétherisse de reprendre ses territoires. Heureusement, il n'y eu presque pas de conflits armés. Les légions de l'empire dépassait la normalité, appuyées par d'effrayants dragons de l'ombre et un affrontement direct aurait été meurtrier. Des accords diplomatiques et commerciaux furent passés, ou imposés. Aujourd'hui, sans toutefois avoir repris la totalité de son héritage, Nétheril s'étendait au Nord de la Confédération de Lumen, bordé à l'ouest par la grande mer et à l'Est par la mer intérieure, traversant le continent en s'appropriant une partie de la forêt de Brokilone. Les trois grandes cités s'étaient répartis ce territoire et Aquila au centre, avait repris sa place de joyau antique.


OoOoOoOoO

"Qu'avons nous là?"

Sirius s'inclina devant la princesse de Nétheril qui venait de faire irruption dans la Tour du Souvenir. Sharis Skyleia Sabina était bien la fille de sa mère, l'impératrice. Même port altier, même aura de pouvoir, même traits typiquement nétherisses. La jeune fille de dix sept ans aux origines très particulières venait à la demande du Premier Cercle des Archimages, le cœur du pouvoir thaumaturgique de Nétheril. L'archimage Sirius invita la jeune fille à avancer dans l'unique salle gigantesque qui soutenait le reste de toute la structure. Avec le palais impérial, la Tour du Souvenir était l'endroit où étaient concentrées toutes les énergies captées. Vêtue d'une simple robe aussi blanche que ses cheveux courts, Sharis observa la circonférence de la salle sombre. Au centre, un cercle, gravé au sol, constitué de millions de runes. Autour, les sièges des vingt archimages de l'empire, presque tous occupés. Les pupilles orangées des hommes présents brillaient dans la pénombre, signe d'une intense activité psionique.

"Nous venons de capturer un inconnu qui utilisait notre flux magique pour se déplacer dans l'espace-temps terran. Nous l'avons détecté et intercepté difficilement. Il semblerait qu'une divinité que nous ne connaissons pas le soutient. Il pourrait être un homme, nous n'en savons rien. Il était poussière cosmique et nous terminons de le reconstituer."

Au centre du cercle, un miroitement mauve apparut, tournoyant sur lui-même. Une silhouette s'y formait. Aussitôt, la salle frémit magiquement tandis que des sorts de contrôle et de protection s'activaient. Personne n'avait bouger. Les nétherisses n'avaient pas besoin d'incantations ni de gesticulations pour exprimer la magie, l'esprit et la volonté s'en chargeaient. Sharis s'approcha du miroitement et en fit le tour. Sirius ne lui recommanda pas la prudence; l'enfant de l'ombre était bien plus forte que n'importe lequel de ces puissants érudits. Et sa mère, absente et en visite officielle à Lumen, l'était encore plus.

"M'entends-tu Étranger?"

S'il était un trait que les nétherisses avaient gardé, c'était bien la confiance en soi, frisant l'arrogance.

Sharis tendit la main pour toucher le nouvel arrivant. Des filets d'ombre voletèrent du bout de ses doigts pour s'insérer dans l'existence de l'homme qui terminait de se constituer. Ils prélevèrent de son corps, de son âme, des particules infimes, porteuses de pouvoirs divins. Sharis les retira une à une pour les emprisonner dans une sphère d'ombre qu'elle fit apparaitre sans remuer un cil. Ses iris orangés flamboyaient. Elle ne le montrait pas mais elle luttait contre une force divine hostile à son intrusion. Seulement, elle aussi s'appuyait sur une divinité pour agir, et en ces lieux, rien ne résistait à l'ombre.

"Ne résistes pas, tu n'en souffriras que plus..."

Elle distinguait bien ses traits à présent. Le voyageur était illuminé d'énergie cosmique qui le nimbait d'un halo qui rehaussait sa beauté. Sans crainte, elle lui caressa la joue.

"Tu ne pouvais rien y faire, nous sommes Nétheril."

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:26
par Grayle le Marchemonde
Un picotement.

Ce fut la première sensation que ressentit Grayle.

D'ordinaire, les voyages inter ou intra-dimensionnels étaient instantanés. Il n'en gardait presque aucun souvenir, à peine un flash. Mais, perdu dans le néant primordial, immobilisé dans une nano-seconde, son être sentit que quelque chose, ou quelqu'un, était en train de l'attirer à lui, avec douceur, comme un enfant tirant legèrement votre pantalon pour attirer votre attention.

Aveugle, sourd et muet, il regardait pourtant autour de lui, voulant identifier le responsable de cet étrange phénomène. Flottant entre l'espace et le temps, il se vidait peu à peu de sa consistance, comme un petit tas de sable s'écoulant doucement par l'interstice d'un sablier. Naturellement, il résista. S'il n'avait aucune maîtrise de sa propre magie et n'agissait que comme un simple humain, Grayle restait l'avatar d'un Dieu. Il résista, alors l'attraction se fit plus déterminée, plus forte, avant que d'autres viennent à sa rescousse. La chaleur agréable devint une douleur froide, tandis qu'il se retrouvait déchiqueté, disparaissant dans les Brumes.

----

" Faites attention Princesse ! "

La voix de Sirius était grave, écorchée, comme s'il avait de la peine à respirer. Des gouttes de sueur perlaient de son front, et de ceux des autres archimages. L'un d'entre eux toussa, crachant du sang. Le liquide carmin se mit à fumer lorsqu'il toucha le sol, tellement les énergies magiques étaient fortes.

L'étranger ne luttait pas. Mais la magie en lui se rebellait. Puissante et vorace, elle n'était pourtant pas agressive. Alors que les archimages, qui peinaient en silence, travaillaient à la contenir, la magie se renouvelait. Ce supplice de Sisyphe affectait les archimages. L'un d'entre eux poussa un râle, avant de s'évanouir. Une autre tomba de son siège, se redressant péniblement avant de s'y installer. Le silence fut peu à peu remplacé par des gémissements.

Au centre de la pièce, l’Étranger se renforçait. Ses yeux étaient entièrement blancs, invisibles, sans pupille ni Iris, mais il fixait Sharis. Son corps, entièrement nu, gagnait en définition. Cheveux et sourcils poussaient, mais le reste du corps restait entièrement glabre. Les jambes gonflaient, grossissaient, alors que les doigts, mous et flasques, devenaient peu à peu solide. La puissante magie orangée de l’Étranger continuait de s'agiter, sans pour autant frapper Sharis, qui restait de marbre alors que les archimages luttaient de toutes leurs forces.

L'Etranger essaya de toucher le bras tendu de la jeune fille. Encore mal définis, ses doigts passèrent au travers de sa chair. Ils étaient chauds, chauds comme un ciel d'été réchauffant les champs de blé. Il ouvrit sa main, fit un second essai. Sans haine, ni agressivité, il agrippa le bras fin de Sharis, glissant lentement le long de ce dernier, pour se poser sur la main qui caressait sa propre joue.

Impossible de deviner ce que l'entité encore cosmique pensait. Elle même ne saurait le dire. Grayle agissait par pur instinct. Il avait peur, peur de cette soudaine irruption, de ce kidnapping, de toutes ces énergies essayant de le reconstituer mais aussi de l'emprisonner.

Dans ce chaos complet, aigu et déchirant l'âme, les paroles de Sharis furent tel un fanal dans l'obscurité, aidant sa conscience à se reconstituer à partir de quelque chose. Un appel, une parole, qu'il fallait comprendre, déchiffrer, forçant son être à se concentrer, à devenir quelque chose. La curiosité apparu, et, à partir de là, le reste de la personnalité du Marchemonde se reconstitua à toute vitesse. Ses cheveux blancs devinrent gris, puis dorés, avant de virer au châtain habituel, encerclant deux yeux d'un bleu encore plus vif que le ciel. A la surprise de plusieurs archimages, trop exténués pour en parler, un sac apparu aux côtés de Grayle, alors que l'énergie divine, sans pour autant disparaître, se rétractait en lui, cessant de se défendre.

Planté dans les iris orangés de Sharis. L'Etranger prit la parole pour la première fois. Sa voix était chaude, teintée de méfiance et de curiosité, mais également douce et rassurante, rappelant aux archivages un frère, un fils, un neveu.

Il prononça un seul mot, que personne ne compris. Puis un autre. Et un autre. Encore et encore. Il enchaîna plusieurs centaines de mots, tous appartenant à une langue différente, jusqu'à arriver sur celui qu'ils pouvaient tous comprendre.

- Bonjour.

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:27
par Ombre
Au dessus de la Tour du Souvenir, les cieux s'étaient fracturés en une tempête d'une intensité effrayante. Des éclairs étincelants claquaient, chargés de toute la colère d'une divinité à qui l'on venait impunément de voler son bien. L'entité perdait le Voyageur et prise pour la première fois de sa longue existence d'une panique sourde, elle en réclamait le retour. Mais elle n'était pas de ce monde et ne disposait pas de la toute puissance dont elle avait besoin. De plus, Sha, l'insondable maitresse de Nétheril, s'opposait à cette résistance. Elle aussi était curieuse de savoir ce que les archimages avaient repéré et elle obscurcit la vision de sa concurrente avant de la renvoyer dans son lointain domaine, celui des champs de blé et de la tranquillité de Grayle. L'Ombre l'emportait sur la lumière jusqu'au prochain affrontement.

Et puis, les cieux se calmèrent aussi rapidement qu'ils s'étaient déchainés et les renforts venus en périphérie de la Tour furent rassurés par un héraut. Il s'agissait d'une expérience des archimages et tout rentrait dans l'ordre, ou presque ...

Le mital de la Tour du Souvenir avait souffert. Ce voile magique protecteur et générateur de pouvoirs infinis était fêlé et il faudrait une longue période avant qu'on puisse y puiser l'énergie nécessaire à produire des sorts dépassant l'entendement. Le Premier Cercle aussi se remettait péniblement de cette épreuve. Si la capture de la cible avait été un succès, alors sa réalisation avait laissé des meurtrissures chez les archimages. Heureusement, tous s'en remettraient, leur titre n'était pas honorifique, loin de là.

Du chaos naquit un homme, rayonnant comme l'été mais avec un air de printemps. Sharis lui sourit, consciente qu'il venait d'être arraché à un écrin précieux. Son apparition était désormais complète et les runes gravées dans l'obsidienne de la grande salle pulsaient sans variations de rythme. Elles veillaient, prêtes à agir pour le bien de la princesse.

L'homme parla et Sharis attendit. Elle ne le comprenait pas et il s'essaya à d'autres langues. La princesse notait les accents, les sonorités et tentait des rapprochements étymologiques. Elle secouait la tête négativement et il recommençait. Elle fut patiente jusqu'au moment ou elle leva un doigt.

Gõoan Dãginn – Bonjour ... On ne retrouvait cette formule que dans les écrits anciens, relatant les origines de Nétheril, du temps de Maerlyn. La langue nétherisse avait évolué depuis cette époque là mais c'était un bon premier pas. Elle gardait cette sonorité un peu dure, tranchante, abrupte sur les préfixes, surtout mise en avant par les hommes. C'était une langue de conquérants, une langue de maitre.

"Bonjour Voyageur. Tu es à Terra. Je suis Sharis, princesse de Nétheril. Libre à toi de choisir si tu préfères être prisonnier ou invité mais tu es seul ici. Ta divinité a perdu face à la mienne, quant à moi ..." Elle fit léviter sa sphère d'ombre, mortellement noire et veinée de pouvoirs encore plus chaotiques. "... j'ai là ce qui fait ton tout et qui te manques à présent."

Ils se tenaient toujours dans le cercle gravé au sol. Sharis ne ressentait pas de danger émanant de l'homme néanmoins il fallait encore que certaines choses soient dites avant de l'autoriser éventuellement à survivre.

"La magie n'appartient pas à tout le monde et celle de Nétheril est sacrée. Tu as parcouru nos flux, enfin je veux dire que ta conscience l'a fait, surement involontairement, donc nous attendons rétribution. C'est intéressant, nous n'avons jamais reçu de voyageur comme toi, et encore moins soutenu par une divinité aimante."

Sharis pensa lumière et la salle gigantesque s'illumina de prismes multicolores amenant un éclairage apaisant.

"Vous pouvez prendre vos quartiers."

Elle s'adressait aux thaumaturges qui un par un s'évaporèrent pour finalement les laisser seuls. Son expression se durcit légèrement avant de se dérider.

"Est-ce la température fraiche de la pièce qui te met dans cet état? Tu as de la chance que ce soit moi qui soit là, et pas ma mère."

D'un bref mouvement de tête, elle désigna l'entrejambe de l'homme qui semblait lui rendre gloire...

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:30
par Grayle le Marchemonde
Le marchemonde était encore à demi-allongé sur le sol, groggy. Ses yeux clairs regardaient autour de lui, intrigué et apeuré des nombreuses silhouettes se trouvant autour de lui. Quelque chose ne tournait pas rond, et ce n'était pas son manque de vêtement, ni son arrivée dans un lieu inconnu qui lui donnait ce sentiment -il avait l'habitude de ces deux états-. Non, c'était la sensation d'un manque, d'une fragilité, une insoupçonnée fatigue qui étranglait son corps.

Un frisson parcourut son corps lorsque son phare, son îlot de chaleur, celle qui se présentait comme une princesse, lui révéla la sinistre vérité : il n'était pas un naufragé perdu, mais un prisonnier, un otage, kidnappé contre sa volonté. Son cœur se serra, et il se replia sur lui-même, envahi par un sentiment de stress intense, auquel il était rarement confronté : habitué à sa propre immortalité, la peur de mourir ne le frappait que rarement.

Disait-elle la vérité ? Ou mentait-elle ? Ses yeux océans se posèrent sur la fine silhouette de la jeune fille à l'apparence fragile. Elle pouvait être beaucoup de choses, mais il ne la sentait pas malhonnête. Alors que les autres archimages sortaient de la pièce, disparaissant dans de successives vagues de brume, il restait muet, encore sous le choc, incapable de s'arrêter sur une décision : l'attaquer ? Contre une magicienne, il n'avait aucune chance. La supplier ? Les yeux orangés de la belle ne semblaient pas du genre à accorder une pitié facile. Il essaya de respirer, afin de calmer son cœur qui battait à tout rompre. Il allait faire comme toujours : rester serein, calme, ne pas montrer sa peur, faire le dos rond, et trouver une opportunité.

Sans le savoir, la jeune fille lui en donna une. Moqueuse, elle rappela à Grayle un état dont il n'avait pas conscience : une avait gratifié toute l'assistance d'une monstrueuse érection. Sa verge, épaisse et noueuse comme un pied de vigne, à l'image de la vitalité confiée par sa déesse, était fièrement dressée, brillante et pulsante de chaleur. Pourtant, Grayle ne sentit aucune excitation en son sein. C'était comme si les dernières parcelles de vitalité lui restant, qui n'avaient pas été volées, s'étaient réfugiées là où la vie est la plus active : au sein de son organe reproducteur.

Avec lenteur, Grayle se redressa. Debout, il était clairement plus grand que la dénommée Sharis, qui ne lui arrivait même pas au menton. Nullement impressionnée, elle le fixait avec un petit sourire. Elle ne s'était même pas reculée pour lui laisser l'espace de se lever, et ils étaient si proches que la verge tendue de Grayle frôlait presque le fin tissu de la royale robe. Elle était belle, et ça le crevait de le constater. Un visage fin et sans défaut, de courts cheveux lui rappelant les champs d'arcadIa, un regard orange pénétrant et charismatique. Elle avait parlé de sa mère. Il se demandait à quoi la génitrice d'une telle jeune femme, encore adolescente, devait ressembler.

- Je vous prie de me pardonner. Je ne suis pas très en forme en ce moment.
Une fausse arrogance, pour masquer sa peur et sa méfiance, mais également née de l'ambiance de Néthéril. A peine arrivé, il était déjà en train d'être influencé par ce lieu de pouvoir et d'intrigue, où seuls celles et ceux avec un ego aussi vaste qu'un continent peuvent survivre et prospérer.

Sans se cacher, il la détailla, de ses deux petits pieds nus à ses hanches fines, sa petite poitrine tendue, ses clavicules visibles, ses lèvres charnues construisant une bouche fine que son instinct d'homme crevait d'envie de remplir.

- En effet, j'ai beaucoup de chance que vous soyez ici devant moi...
mais, bien vite, il reprit son sérieux, et s'exprima d'une voix étrange.

- J'ai besoin de cette magie pour vivre. Vous devez me la rendre.

Ce n'était ni une demande, ni une exigence.

C'était une prédiction.

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:30
par Ombre
"Je n'en ai ni l'intention, ni le droit!"

La réplique claqua comme un coup de fouet. Irritée, Sharis tiqua et son Ombre, le monstre de chaos tapit en elle, s'éveilla et se superposa une fraction de seconde à son beau visage. Chaque nétherisse avait ramené de l'Exil une parcelle du plan des ombres, enfouie dans son corps, parallèle à son âme, traduite par l'apparence d'une Horreur cruelle et affamée. Une Ombre se contrôlait, mais plus l'Humain était puissant, plus la Chose l'était aussi. En terme de pouvoirs, Sharis arrivait en deuxième place derrière sa mère. La créature revint à la charge et une silhouette sombre et éthérée, au visage hideux, aux yeux jaunes et aux crocs proéminents, émergea du corps de la princesse avant d'y être réintégré par un claquement de langue autoritaire.

"Tu nous irrites voyageur. Je t'ai fait l'honneur de me présenter. J'attendais au moins que tu me rendes la pareille."

L'Ombre de Sharis s'appelait Izz et provenait du noyau inachevé du plan des ombres. Soumise à la volonté de la princesse, elle n'en restait pas moins un être incomplet et empli de haine. Cet humain qui se tenait devant son hôte respirait ce que le monstre avait toujours voulu devenir. Il sentait en lui les vestiges d'un accomplissement divin et la perspective d'une vie longue et favorable à l'épanouissement. L'Ombre en voulait à Grayle, elle voulait lui faire mal, le dépecer et se repaitre de ses chairs. A nouveau confinée, elle se promit de tout tenter pour l'étriper.

"Si tu as besoin de cette magie pour vivre, c'est que tu étais esclave avant même de me rencontrer, alors ne me perce pas de ce regard qui est beaucoup plus ancien qu'il n'en parait. Qui es tu?"

Il était évidemment normal que l'homme hésite à répondre. Il recelait l'instant d'avant d'un pouvoir divin, preuve qu'il n'était pas n'importe qui. Il avait des secrets à protéger mais Nétheril ne manquait jamais une occasion de remplir sa bibliothèque des connaissances.

"Ta vie t'es précieuse? Regarde ..."

De la sphère d'ombre lévitant toujours à ses côtés, cage noire et impénétrable des pouvoirs de Grayle, Sharis tira une fibre lumineuse qui se mua en une sorte de petit papillon magique, tellement gracieux, tellement fragile.

"Regarde ... ce n'est rien, cela ne pèse rien, un courant d'air pourrait l'emporter et le déliter pour le faire disparaitre ... définitivement, à tout jamais. Ce que tu contemples là, c'est ta vie Voyageur."

Le papillon minuscule voleta autour de la main de Sharis et se posa au bout d'un doigt qu'elle tendit.

"... Tellement fragile ..."

De l'index, avec d'infinies précautions, elle toucha l'abdomen de la manifestation de la Création, agissant directement sur l'état de santé de Grayle.

"Tu es passé dans le flux des énergies de notre empire. Jusqu'à ce que l'impératrice en décide autrement, tu es à nous!"

Elle renvoya le papillon dans sa sphère.

"Tu es à moi."

Elle virevolta et se dirigea d'un pas décidé vers l'unique porte donnant sur l'extérieur de la Tour. Les vantaux paraissaient démesurément gigantesques alors qu'elle s'en approchait. Un observateur attentif aurait remarqué qu'elle ne se déplaçait pas vraiment en réalité. Si l'homme voulait la suivre, il pourrait la rattraper.

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:31
par Grayle le Marchemonde
Grayle était resté pétrifié, son cœur battant à tout rompre alors qu'une ombre avait brutalement émergée du corps de la jeune fille, à deux doigts de le découper en morceaux. Son visage, toutefois, n'avait pas exprimé la moindre crainte. Il faut dire que Grayle avait rencontré plus terrifiant, et savait reconnaître l'agression réelle de l'intimidation, qui, au fil des siècles, avait perdu de son efficacité sur lui. Toutefois, la conscience de sa mortalité nouvelle débouchait sur une double réaction contradictoire : son corps, paralysé par la peur, instinctivement certain de la menace, et son cerveau, encore habitué à ses réactions ordinaires.

Lorsqu'elle pressa le papillon qui le représentait -un totem qu'il appréciait au fond de lui-, il sentit sa cage thoracique grincer, ses muscles plier, le souffle lui manquant alors qu'elle écrasait physiquement son torse. Impossible de faire le fier dans cette situation. Il s'était accroupi, un poing au sol, reprenant son souffle, ressemblant à un serviteur se prosternant devant sa maîtresse.

Il se doutait que cette scène devait plaire à la belle.

Ce n'est que lorsque Sharis s'éloigna de lui, tournant le dos pour sortir de la pièce, qu'il se mit à comprendre qu'il était passé à deux doigts de la mort, la vraie. Et qu'il allait devoir rester à carreau. Car Grayle mourrait d'envie d'être sarcastique. Mentalement, il répété ce qu'il avait envie de lui dire, de balancer à son petit visage parfait et trop fier.

*L'honneur de vous présenter ? Si un bandit de grand chemin se présente,fait-il un quelconque honneur ? Entre un criminel prenant d'assaut un voyageur ereinté sur la route, et vous qui me kidnappez pour voler mon être, il n'y a aucune différence*

Mais il resta muet. Avant de remarquer quelque chose.

Elle était toujours près de lui. Quand bien même elle s'était éloignée, ou du moins, marchait vers la sortie. Il renifla l'air autour de lui. Il n'y avait aucune odeur particulière. Mais il compris bien vite que de la magie était à l’œuvre.

*Je ne peux pas m'éloigner d'elle* La princesse, d'ailleurs, s'était arrêté un moment, comme si elle l'attendait, avant de reprendre sa route. Il soupira. Aussi désagréable soient ses paroles, elle avait raison : il était leur prisonnier, et seule une bonne conduite lui permettrait de trouver une opportunité.

Avisant son sac magique, il leva la main vers ce dernier. Aucune réaction. Il pesta, et fut obligé de marcher jusqu'au conteneur pour s'en saisir. Il l'ouvrit, et, encore une fois, son cœur s'alourdit lorsqu'il constata que le conteneur était vide. Aucune arme, aucun objet, aucun vêtement ne s'y trouvait. Il était réellement seul au monde, sans le sou, sans rien, avec comme seule possession son âme et sa mémoire.

- Merde.

D'un air dépité, toujours nu comme un ver, il marcha à la suite de Sharis, arrivant à sa hauteur.

- Je m'appelle Grayle. G-R-A-Y-L-E. Lorsque j'avais votre âge et était encore un humain normal, mon nom était Gardair.

- Et dépendre de cette magie ne fait pas de moi un esclave. Pas plus que n'importe quel humain ayant besoin d'air à respirer pour vivre.

Il lui lança un regard acerbe.

- Pourquoi me prendre comme prisonnier ? Qu'avez vous à gagner ? Je n'ai aucune vérité cosmique à vous révéler, aucune arme magique propre à satisfaire des ambitions impérialistes. Et vous savez quoi ? Ce que j'ai, je n'ai aucun problème à le donner si on me le demande gentiment.

Ils étaient sortis de la pièce circulaire. Devant eux s'étendait un couloir, qui semblait infini. Les murs, tapis, vitraux et rideaux richement décorés changeaient subtilement de formes et de couleurs. Il compris que la magie imprégnant cette forteresse était si puissante que lui, non-initié aux arts, était tout simplement incapable de voir au-delà des illusions. Sharis en semblait capable. Etait-ce une manière de s'assurer que tout intrus soit automatiquement perdu ? Quoi qu'il en soit, au milieu de ce cadre austère mais luxueux, il détonnait, toujours nu aux côtés de l'adolescente. Il remarquait que personne autre ne semblait être présent. Ils étaient seuls. Pour de vrai ?

- Vous auriez pu m’accueillir normalement, sans me prendre en otage. Pourquoi faire de moi votre ennemi quand je peux être un ami ?

La question était sincère. On aurait pu croire que l'immortel parlait par pure naïveté, mais derrière son regard, il était évident qu'il parlait d'expérience. Le comportement de Sharis le mettait en colère et le peinait. Il le comprenait, et détestait le comprendre. Celles et ceux qui utilisent la violence par défaut, avant toute option, étaient malades. La maladie de Sharis l'attristait. Il se souvint de la sensation qu'il avait ressenti lorsqu'elle avait posé sa main contre sa joue. Elle était douce, chaude et rassurante. Amicale. Il refusait de croire qu'il ne s'agissait que d'une façade, et que cette jeune femme ne soit rien de plus qu'un dirigeant autoritaire, pragmatique et froid.

Il pensa à Revy. Il pensait souvent à elle. Qu'aurais-t-elle fait dans cette situation ?

*Hum, elle aurait probablement essayée de flinguer Sharis...*

Il n'en avait pas l'option, ni l'envie. Quoi qu'il en soit, Sharis, à sa grande surprise, ne l'interrompait pas. Elle le regardait avec attention, peut-être curieuse de ce qu'il avait à dire ? Ou l'écoutait-il seulement ? Il repensa à ses derniers mots.

- Vous dites être une princesse, mais de toute évidence, ce n'est pas vous qui dirigez ici. C'est l'impératrice. Votre mère. Pourquoi n'est-elle pas là ? Ce que vous venez de faire est-il commun, ou...

Ou...

- Ou vous faites ça dans le dos de votre mère ?

Il se demandait s'il n'était pas en train d'agiter un nid de frelons avec un baton. Il prenait des risques, face à quelqu'un pouvant instantanément le tuer. Mais voilà. S'il devait crever, alors autant que ce soit en refusant de se soumettre à plus puissant que lui. Quitte à ce que ce soit à poil et la bite dressée.

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:31
par Ombre
Grayle, c'était donc son nom, avait toutes les raisons du monde de la haïr. Ou plutôt de concentrer sur elle toute la colère qu'il ressentait pour les malheurs qui le frappait. L'injustice était toujours du côté des perdants et Sharis n'avait pas de temps à perdre en explications ou en longs échanges philosophiques. Elle ajouta néanmoins car elle devait le faire:

"Je ne suis pas certaine que tout ce que tu exprimes soit vrai Grayle. Et toi? Qui es tu pour décider ce que doit être le Bien ou le Mal? Parfois, le bandit l'est parce qu'il n'est pas né aussi chanceux que le voyageur. Ou le criminel a le cœur noir d'avoir trop souffert de manques que d'autres n'ont pas eu à subir. Ne sois pas narquois avec moi. Le tribunal de ton esprit est trop prompt à juger, tu vaux bien mieux que ça."

Elle se retourna vivement alors qu'il la suivait, n'ayant pas vraiment le choix.

"Je te l'avais demandé poliment."

Elle lui prit le visage entre ses mains et l'attira à elle jusqu'à ce que leurs fronts se touchent. L'intrusion fut brutale, totale et aussi douloureuse qu'efficace. Sharis naviguait dans un esprit âgé, frôla une âme antique et fut spectatrice de souvenirs anciens. Elle s'imprégna de l'odeur des blés fraichement coupés, des rires d'une jeune fille espiègle qui ressemblait à Grayle, de l'image éthérée d'une déesse à l'apparence douce et de milliers de paysages et destinations différents. Il y avait des rois, des reines, des dieux, de simples personnes, des monstres terrifiants et même la présence omniprésente d'une mort en sursis. L'univers de Grayle était bien plus vaste que l'histoire de bien des mondes.

Quand elle le libéra et se détacha de lui, seule une minute s'était passée. Mais cela avait semblé être interminable. Quand Nétheril n'obtenait pas ce qu'il voulait, il le prenait de force. C'était une leçon à retenir.

"Ne me regarde pas ainsi. Tu n'hésiterais pas non plus à te plier aux extrêmes si ton monde était menacé de destruction. Tes souvenirs me montrent que tu as rendu des jugements toi aussi, et décidé de destinées qui n'étaient pas les tiennes. Tu es un serviteur, mais pas de la Vie. Tu voyages pour quelqu'un et la Mort t'effraie."

Alors seulement, elle reprit son chemin.

"Moi aussi elle m'effraie."

L'immense illusion qui les entourait s'évapora. L'un comme l'autre se tenaient au bord d'un vide absolu. Quatre kilomètres les séparait du sol de Terra. Un temps superbe d'été dominait. Le promontoire où elle l'avait emmené était taillé dans le marbre blanc, tout comme la gigantesque cité d'Aquila, la capitale nétherisse, qui s'étendait derrière eux. La Tour du Souvenir et le palais impérial étaient les points les plus hauts de l'antique cité volante. Aquila représentait la toute puissance de l'empire et reposait sur la base d'une montagne arrachée aux racines de Terra et retournée pour accueillir la puissante nation. Tout n'était que démesure en termes de luxe, d'architecture, de beauté et de domination.

"Habille toi!"

Grayle fut gratifié d'un justaucorps noir brodé d'or,  de braies et bottes en noble matière et d'une cape toute aussi sombre.

"En vieux Nétheril, gray-le signifie Champs Gris. Tu te souviens de tes véritables origines? J'ai vu des champs de blé dans tes souvenirs."

Elle soupira en regardant aussi bien sa cité que les provinces loin en contrebas.

"C'est si beau."

Et puis tout s'embrasa, la cité sombra dans un déluge de mort et de flammes, s'écrasant sur une terre sèche et aride, marquant la fin d'une civilisation. Dans des cieux noirs striés d'éclairs, les armées de Nétheril, chevauchant dragons et wyvernes, s'opposaient à des légions de monstres tous plus horribles les uns que les autres. Une créature semblable à un kraken cosmique déployait ses tentacules et rasait des cohortes entières de guerriers humains. C'était glaçant de réalisme et terrifiant d'horreur. La scène suivante invitait à parcourir des ruines fumantes où des créatures se nourrissaient des corps des morts. Putréfaction, vestiges carbonisés, vies broyées, rien n'avait survécu à la chute.

La chaleur du soleil d'été revint quand Sharis balaya l'illusion.

"Moi aussi je suis une Voyageuse. Tu as vu l'endroit d'où je viens. C'est celui-ci mais dans douze ans. Tu comprendras donc que dans la guerre que nous menons contre le Roi Cramoisi et les Grands Anciens, nous sommes prudents avec les nouveaux venus. Leurs espions peuvent prendre toutes les formes mais ... heureusement, tu n'en ais pas un."

Elle se tourna vers lui, légèrement penchée, les mains croisées derrière ses fesses, l'expression d'une jeune fille guillerette de son âge affichée sur son beau visage.

Faisant fi des dernières remarques de Grayle qui obtiendrait bientôt des réponses à ses questions, elle se fendit juste d'un joyeux:

"Bienvenue à Aquila! Je suis très contente de t'avoir trouvé!"

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:31
par Grayle le Marchemonde
Grayle ferma les yeux lorsque l'air frais vint caresser sa peau. Il ouvrit grand ses bras, inspirant alors que le vent fouettait son corps, se délectant du soleil sur sa peau.

Sharis ne le savait pas, mais du monde où il venait avant de traverser le portail, il n'y avait ni ciel, ni soleil. Juste le vide de l'espace, entourant une planète tellement terraformée qu'elle était cubique, avec sa population vivant dans d'infinis tunnels. Il resta silencieux quelques instants, avant de poser son regard sur la superbe cité en contrebas, toute de blanc et d'or, tel un paradis citadin. De là, il pouvait deviner une vie de luxe et sans soucis.

En parlant de luxe, La jeune princesse lui avait donné des vêtements, sombres et dorés, presque royaux. Grayle ne s'y sentait pas à l'aise : il avait toujours préféré la simplicité et le sobre à l'extravagant, mais il n'était pas en position de se plaindre. Il la remercia, mais refusa la cape. Il plia proprement cette dernière dans un carré absolument parfait, la déposant au sol auprès d'eux, avant de reporter son attention sur la ville.

Sharis lui montra l'avenir de ce monde, ou du moins, de ce qui l'intéressait elle : Aquila. Dans douze ans, démons et monstruosités viendraient la détruire.

Il s'en voulait. Car, devant cette scène de destruction et de massacre, il n'arrivait à pas à être triste ou empathique. Etait-ce le fait qu'elle s'était introduite de force dans son esprit, lui dérobant plus que son essence, mais son intimité ultime, sa propre mémoire ? Ou était-ce le fait que pour Grayle, la destruction de masse, d'une ville, d'une civilisation, d'une planète, ne le touchait plus. Les drames personnels l'émouvaient, le faisaient réagir, mais une destruction à une échelle aussi massive le laissait indifférent, à force de l'avoir vue et vécue. Il allait reprendre la parole, mais encore une fois, la princesse s'en saisit.

"Bienvenue à Aquila! Je suis très contente de t'avoir trouvé!"

Penchée ainsi, souriante et guillerette, elle semblait adorable. Oublié son port altier, sa discipline royale, son autorité régalienne, sa puissance étouffante. Elle semblait être devenue ce qu'elle devait être : une douce et belle jeune fille et fleurs. Il n'avait que peu de raison de lui rendre la politesse, enlevé de force, privé de sa propre essence, son esprit pillé.

Un être pragmatique aurait rendu sa politesse à Sharis, étant donné leur différence de statut, et la nécessité d'entrer dans ses bonnes grâces s'il voulait survivre. Mais Grayle ne réfléchissait pas ainsi. Il refoula ses sentiments. A la salutation de Sharis, il fit une belle révérence, un doux sourire sur son visage, ses yeux perçants cette fois joueurs et insouciants.

- Le plaisir est partagé, Sharis.

Un refoulement, non pas de fierté, mais de rancune.

Il se redressa, recoiffant ses cheveux courts, qui étaient soufflés par le vent, ses yeux glissants sur Sharis, pour revenir sur Aquila.

- J'ai vu beaucoup de villes détruites. Il marcha lentement vers le rebord de la falaise. J'ai vu l'univers s'éteindre. Les étoiles, planètes et lunes soudainement converger dans le ciel, au même endroit. Les êtres autour de moi et leurs pays, leurs histoires, leurs cultures millénaires soudainement réduits en bouillies primordiales, en un clignement de paupière. Ma chair, mes os et mes organes exploser et s'incinérer.

Il cligna d'un œil, essuyant une larme singulière, avant de se retourner vers Sharis.

- Lorsque je revins à la vie, j'étais au milieu de nulle part, dans une autre réalité. Personne n'avait jamais entendu parler des pays, planètes et espèces de l'univers que j'avais quitté. Peut-être en faisiez vous partie.

- Je ne pense pas vous être utile de quelque manière que ce soit. Mais je veux bien essayer de vous aider. Vous. Pour vous. Pas pour Aquila, ou je ne sais quelle autre considération supérieure.

Coupé de sa déesse, avec seulement une magie résiduelle encore refugiée dans ses entrailles, il ne voyait pas comment il pouvait aider une magicienne aussi puissante. Peut-être espérait-elle que ses souvenirs, son passé, ses origines puissent être la clé de leur avenir ? La curiosité qu'elle avait exprimée envers Arcadia n'était pas tombé dans les oreilles d'un sourd. Il pensa au passé et à l'histoire de sa propre civilisation. Et ne put s'empêcher de penser qu'elle serait décue de ce qu'il lui dirait.

Voir en colère.

- Alors, quel est notre programme ? J'espère qu'il est serré. Car, dans mon état actuel, je n'en ai que pour une dizaine de jours avant de mourir de vieillesse chez vous.

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:31
par Ombre
Bien entendu que certains droits ne s'octroyaient pas, bien entendu que la capture de Grayle relevait de l'ignominie, bien entendu que l'arrachement forcé à sa déesse était un crime impardonnable. Et donc ? L'intérêt de la nation passait avant l'individualité et dans ce cas très particulier, le voyageur s'était retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Sharis pouvait bien reconnaître que les griefs de Grayle étaient justifiés mais sa captation avait été un acte d'opportunité, exécuté dans l'instant et sans préparation. Une seconde plus tôt, ou une seconde plus tard, il serait passé dans le flux des énergies cosmiques sans que personne ne le sache. Une seconde contre toute une éternité, il  y avait là un signe du destin.

Ainsi, alors qu'il s'exprime, Sharis l'écoute attentivement. Lui aussi est donc un enfant de la destruction, dont le cours de la vie est rythmé par la mort et l'effacement des gens qui lui sont proches. Sharis y est sensible car que l'on perde un monde ou plusieurs mondes, la peine est la même.

"Je compatis, Grayle des Étoiles, et ton cynisme mal dissimulé ne cache ni ta bonté d'âme, ni ton grand cœur. Nous sommes différents mais as tu jamais cesser de te battre même quand tout était perdu ? As tu jamais baissé les bras ? As tu jamais abandonné un être dans le besoin  même si tu le savais condamné ? Je ne crois pas. Il en est de même pour moi. Ta vie est un sacrifice et je l'utilise pour sauver mon peuple car le combat qui approche sera l'un de ceux qui définira les futurs de tous les mondes, que ce soit ici ou ailleurs. Tu es la victime malheureuse de ma détermination à faire le Bien, j'en suis désolée."

Le regard de la princesse se détache de l'homme pour suivre les lignes majestueuses de la capitale nétherisse.

"Toute personne qui accepte de nous aider est utile ; de l'apprenti forgeron qui active le souffle de la forge, jusqu'au dieu qui se tiendra à nos côté pour insuffler son pouvoir dans nos âmes. L'un est aussi important que l'autre. Sans petits, pas de grands. Mais toi ... " Sharis revient vers Grayle et lui prend à nouveau son visage entre ses mains. "… toi, tu n'es ni l'un ni l'autre, tu es indépendant et libre, sauf de ta seule volonté. C'est pour cela que tu es fort. Ta détermination face à l'éternité est aussi puissante que le pouvoir de la Création. Tu dis ne pas pouvoir mourir, c'est pour moi une excellente nouvelle !"

Sharis appose à nouveau son front contre celui de Grayle, ouvrant une connexion qui joue en sens inverse de la précédente. Elle ouvre ses propres portes à Grayle sans rien dissimuler de sa personne. En elle, on lit l'horreur, la souffrance et la Mort, le désespoir et l'incompréhension. Mais on y trouve aussi la Vie, un incroyable désir de faire le Bien, l'espoir de vaincre les démons de la destruction. En furetant plus loin, on découvre l'amour, les amours, les déviances de l'amour, la frénésie pour les sucreries et le chocolat et la joie de monter les dragons. L'amitié est représentée par les rires et la joie des rencontres, et l'insolence de la jeunesse rayonne malgré tout dans les recoins les plus sombres. Sharis livre ses secrets, c'est la seule manière qu'elle peut avoir de s'excuser parce qu'elle ne laissera pas Grayle s'en aller. L'impératrice Skuld est mise en avant, comme un bouclier incassable capable d'arrêter tous les maux. Et à ses côtés, Sha, la déesse de l'ombre, dont Sharis est issue, étend ses voiles ténébreux pour renforcer les pouvoirs de sa fille.

Quand Sharis rompt le contact, ce ne sont que de brèves secondes qui se sont écoulées.

"J'aimerais sincèrement que tu adhères de tout ton cœur à notre combat. Tu es puissant certes, mais tu connais aussi des personnes aussi bonnes que toi, des guerriers, des mages, des alchimistes, des empereurs, des reines, des créatures du Bien dont je ne soupçonne même pas l'existence, peut être même d'autres divinités. Tu peux les rallier à notre cause. J'ai vu dans ton esprit un immense guerrier avec une hache, et tant d'autres héros encore...  Tu peux nous apporter bien plus que n'importe qui d'autre ..."

Elle lui prend la main et l'emmène.

"Viens. Allons manger une pâtisserie !"

Il leur faut un moment pour quitter les enceintes fortifiées du palais et descendre dans les rues animés de la cité. Sharis se faufile entre les passants qui présentent tous les mêmes caractéristiques physiques qu'elle. Depuis son retour, Nétheril inspire encore de la méfiance aux autres peuples, même si l'impératrice et la reine Elena de Lumen sont excessivement liées. Son capuchon sur la tête , Sharis est bien différente d'une princesse d'apparat. Elle privilégie la discrétion même si le teint de Grayle attire forcement les regards. Ils s'installent sur des tabourets autour d'un petit tonnelet qui fait office de table à la terrasse d'une boutique dont il s'échappe des effluves qui émoustillent les papilles. Au commerçant qui vient s'enquérir de sa commande, elle demande : deux verres de lait, deux gâteaux aux amandes, une cruche de sirop de pin, des macarons aux amandes, des pralines à la framboise, une portion de brootch (c'est le mot que Grayle comprend) et un pot de miel (pour le brootch).

"Tu mourras un jour Grayle, mais pas aujourd'hui, ni dans dix jours, je te l'assure. Si nous gagnons et que tu m'aimes bien, tu pourras même venir à mes funérailles."

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 12 oct. 2024 18:32
par Grayle le Marchemonde
- mais as tu jamais cesser de te battre même quand tout était perdu ? As tu jamais baissé les bras ? As tu jamais abandonné un être dans le besoin même si tu le savais condamné ? Je ne crois pas.

*Elle crois beaucoup en toi* chuchota une voix coupable à l'esprit de Grayle. *Elle sera aussi déçue que les autres*

Aussi immortel soit-on, dans des univers aussi dangereux, on survit car on sait faire preuve de lâcheté et de fuite. Oui, il avait déjà baissé les bras, abandonner ceux demandant son aide, se transformant parfois en bourreau. C'était aussi pour cette raison que la Déesse l'avait choisi. Car Grayle, comme tout humain, était aussi prompt à l'échec et aux vices qu'aux victoires et actes de bravoure.

Les douces mains de la Princesse l'arrachent à sa mélancolie, et le monde disparaît, alors qu'elle le fait plonger dans ses souvenirs. Une suite de scènes se succèdent, sans ordre logique, sautant d'une peine à un anniversaire, d'un orgasme à une mélancolie. Elle joue un instrument de musique, échange des regards embrasés à un jeune homme dans une bibliothèque, furète dans un jardin la nuit, s'entraîne à l'épée avec une professeure, vomit après avoir dévoré un gateau trop grand pour elle... des scènes du quotidien, certaines familières à l'immortel, d'autres moins.

Lorsqu'elle le relâche, un frisson parcourt le corps du jeune homme. Dans de nombreux souvenirs, une femme était présente. Grande, musclée, belle et terrifiante et sublime. Une antithèse de Mahadevi, et de tout ce que lui-même était. Et, quand bien même Grayle n'était pas présent, et observait les souvenirs d'une autre, à chaque fois, cette existence obscure l'avait fixé, comme si elle devinait la manifestation de son esprit qui n'avait jamais été là.

Instantanément, il ne pouvait s'empêcher de craindre et de haïr cette personne. Aussi, lorsque Sharis retire ses mains, Grayle ne peut s'empêcher d'avoir un mouvement de recul, le regard perturbé. Cette personne faite de ténèbres ne peut pas être une bonne chose. Qu'espèrent-ils en s'alliant avec ce genre de... chose ? A-t-il affaire à un peuple dont les dirigeants sont prêts à vendre leur âme en espérant la sauver ? Comment adhérer à leur combat, dans ce cas ? Il a vu les conséquences de tels pactes. Peut-il se tromper ? Leur salut viendrait-il vraiment de cette entitée ?

C'est l'esprit troublé et le regard dans le vague que Grayle marmonne une réponse légèrement déprimée à Sharis.

- La plupart sont probablement morts depuis longtemps. Et je n'ai pas de quoi créer le moindre portail ou communiquer avec eux. Je n'ai plus de pouvoir. Vous m'avez tout pris...

Ni elle, ni lui ne se démontent pour autant. Avec douceur, elle lui prend la main, et il apprécie l'attention, serrant ses doigts fins plus qu'il ne le devrait. Trottinant dans les rues de la ville, il se rassure en se rendant compte qu'il n'a rien perdu de son agilité, et il n'a aucun mal à suivre Sharis dans la foule, esquivant passants et badauds sans difficulté. Le brouhaha autour de lui lui vrille le crâne, tant la population est dense et les ruelles animées. Mais, au fur et à mesure que les mots, les phrases et les discussions passent dans ses oreilles, la langue locale commence vaguement à faire sens, et, plus compréhensible, elle en devient petit à petit moins pénible.

Lorsqu'ils arrivent à la boutique choisie par son hôte/kidnappeuse, il s’assoit avec lourdeur.

- Par la déesse.... je suis... fatigué. Son cœur battait vite, et il essuya un peu de sueur d'un revers de la manche. Je ne connaissais plus cette sensation. D'ordinaire, je suis pratiquement infatigable. Une fois, j'ai du courir d'une ville à l'autre pour amener un message, sur _à kilomètres, et j'étais juste essoufflé à l'arrivée...

Il dévora ses macarons avec l'avidité du voyageur en pleine fringale, léchant ses doigts pour ne pas en perdre une miette.

- J'ai assisté à bien trop de funérailles, hélas. J'aimerais ne pas assister aux tiennes. Elles finissent par se confondre les unes les autres dans mon esprit. Quand j'ai commencé mon voyage, j'ai été choqué de voir que cette coutume était aussi commune dans les univers.

Il se saisit de sa paille, et commence à dessiner une carte dans l'assiette de crème blanche qui se trouvait entre eux deux.

- Voilà mon chez moi, tel que je m'en souviens. Un disque-monde. Tu vois les extremités ? dit-il en brouillant la crème à la périphérie du cercle. Elles sont saturées de magie sauvage. Seuls les élémentaires y vivent. Un humain qui marche là bas se retrouve calciné, ou réduit en poussière, changé en statue, ou se retrouve enceint et donne la vie à répétition. Plus nous sommes proches du centre, plus le monde est stable, et plus on s'approche des extrémités, plus la faune et la flore sont dangereuses.

Image

- Au centre se trouve le continent Mahadevia, où vit notre déesse. Autour, les 8 continents, Helon, Azyr, Lerolch, Sanbid, Fofniru, Gaitrec, Metrycos et Xantol dit-il en désignant chacun des continents tour à tour. Notre monde est entièrement symétrique, les continents opposés étant parfaitement similaires l'un à l'autre, et il faut 10 ans de marche ininterrompue en partant du centre pour rejoindre un des bords. J'ai vécu ma courte vie en Gaitrec, mais j'ai voyagé une fois à Metrycos, puisque je faisais partie de l'équipe de BalledeGuilde de ma région. Probablement la pire rouste de ma vie. Je crois qu'on avait perdu 8-2, et 4 blessés à 3.

Il anticipa la question de Sharis.

- Notre monde n'était pas comme ca avant. Il était... normal ? Nos ancêtres avaient bâtis de puissantes civilisations, avec un pouvoir magique sans précédent. Mais à force de jouer avec ce qu'ils ne maîtrisaient pas et de faire des pactes hasardeux, ils ont attiré l'attention de créatures d'une autre dimension sont venues, et on massacré et réduit en esclavage les civilisations qui s'y trouvaient. Nous nous sommes cachés pendant des siècles, voir des millénaires, avant que les querelles intestines des démons les affaiblissent et qu'ils finissent par dépérir peu à peu, avant de disparaître. Leur évanouissement a coïncide avec le retour de la magie, et sa concentration au centre, dont Mahadevi s'est emparée pour recréer le monde de manière égale, afin qu'il n'y ait plus la compétition et la soif de progrès qui a causé la chute de nos ancêtres

Il reprit un peu plus de sucrerie, prenant sans faire attention une part de celles de Sharis.

- Bien sûr, ce n'est qu'un sommaire grossier. Je n'ai jamais vu ces démons. A mon époque, la paix était revenue il y a... 300 ans ? Notre civilisation est jeune et nous sommes peu nombreux. Quelques millions tout au plus, je pense ? La plus grande ville que j'ai visité avait quelque chose comme 20 à 25 000 habitants...

Il s'arrêta, remarquant le silence concentré de Sharis. Il se mit à sourire, appuyant son menton contre sa main, la fixant dans les yeux.

- Pardon, tu ne voulais sans doute pas d'un cours barbant sur un monde qui n'existe peut-être même plus.

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 16 févr. 2025 16:05
par Ombre
Sharis n'avait pas touché à ses sucreries. Son regard orangé était rivé sur la démonstration ... crémière ... de Grayle. La princesse de Nétheril n'était pas un monstre, enfin, pas dans le sens commun du terme. D'une certaine manière, elle en était un, une créature avide de connaissance et capable de mémoriser tout sur tout. Pas un rat de bibliothèque mais plutôt une encyclopédie universelle, constamment en quête de remplir ses pages de cultures, d'idées, de théories et théorèmes.

"Un disque-monde ..." Elle réfléchit un bref instant. "L'histoire des disques-mondes que je pourrais connaitre indique que tous avaient une forme sphérique aux origines et que la concentration de magie et d'énergie développée avec le temps les as écrasé pour en faire un disque à la structure éternelle. Il est dit qu'ils représentent les puits néguentropiques les plus stables de l'univers. Ce n'est pas une mince information que tu viens de m'offrir Grayle, merci."

Elle s'autorisa enfin à creuser dans son brootch un creux dans lequel elle versa de ce délicieux miel directement importé de la forêt de Brokilone.

"Les disques-mondes attirent bien des convoitises. Imagine si quelqu'un arrivait à y puiser l'énergie qu'ils recèlent, quelque qu'en soit l'utilisation voulue ... Assurément, cela signifierait la fin de ce monde en contrepartie de la création d'artefacts surpuissants ou le développement d'une magie inégalable."

Elle porta sa cuillère à sa bouche et sourit en absorbant le mélange très légèrement aigre du brootch mélangé à l'explosion de saveur sucrée du miel.

"Ne mange pas mes pâtisseries! Tu as les tiennes de ton côté!!"

Elle croqua ensuite dans un macaron et s'émerveilla de ce raffinement alliant fondant et croustillant.

"Je suis certaine que ton monde existe encore et que ta divinité partagerai ma vision qui consiste à tout faire pour assurer la survie du mien. Je suis sûre que tu as en toi un secret, que tu n'imagines pas, qui pourrait être l'une des clés de notre succès face à l'extinction. Je refuse de croire que tu sois insensible, désabusé ou fataliste. Je pense que tes échecs sont le résultat d'un déni: le tien, te concernant. Tu as les pouvoirs d'un dieu, la vie d'un immortel, et les souvenirs de l'éternité. Ne me regarde pas ainsi, je ne suis pas une rêveuse. Je me battrai pour la vie, toujours, et je ne baisserai jamais les bras. Et ma mère non plus, elle a suivi un chemin plus obscur que le tien et elle a réussi à sauver mon peuple envers et contre tout. Tu l'aimerais beaucoup ... Non, en fait tu la détesterais mais qu'importe. Elle est la preuve qu'on peut tout réussir."

Sharis engloutit le reste de son macaron comme pour clore sa tirade et se rinça ensuite la gorge en buvant du lait. En vérité, elle n'avait aucun plan immédiat concernant Grayle. Le voyageur était une énigme dont il fallait éplucher les contours pour découvrir son cœur. Cela viendrait, cela aurait pu être fait dès sa capture par les archimages, dans la douleur et par la contrainte mais elle avait refusé ce traitement. Elle comptait sur leur humanité réciproque pour trouver une orientation à explorer.

"Ces pâtisseries te plaisent? C'est bien. Aquila va te faire découvrir de bien agréables divertissements que même ton expérience de la vie ne soupçonne pas."

Le tenancier de l'établissement vint débarrasser leur table et s'inclina profondément devant sa princesse qu'il avait bien entendu reconnue. Sharis le gratifia d'un mot aimable, sa main posée sur l'avant-bras du nétherisse, puis ils quittèrent l'endroit, continuant leur ... promenade dans les rues peuplées de la cité volante. Aquila et l'art ne faisaient qu'un. L'architecture générale était une ode à la beauté et au gigantisme tandis qu'artisans, artistes, conteurs et musiciens animaient les rues de leur talent. La population croquait à pleines dents dans la vie depuis le retour de l'exil. Aucun peuple à Terra n'était plus heureux de bénéficier de la chaleur et de la lumière de son étoile.

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 24 févr. 2025 18:07
par Grayle le Marchemonde
Les connaissances de la princesse étaient de toute évidence supérieures à celle du marchemonde. Il ne s'en vexa pas. Un des grands dictons de son monde était que les ignorants sont les plus heureux. La recherche avide de savoir a toujours été vue comme suspicieuse, voir dangereuse. L'éducation de Grayle avait été, hélas, confirmée lors de ses voyages : celles et ceux cherchant à s'éduquer, à apprendre et connaître plus, finissaient toujours par être corrompus par ce savoir et le pouvoir qu'il leur apportait. Aussi, quand bien même son immortalité aurait pu lui permettre, Grayle n'avait jamais recherché le savoir. Les secrets des univers, les arcanes de la magie, l'accumulation de pouvoir ne l'intéressaient plus. Seuls comptaient, pour lui, l'acquisition d'expériences utiles dans la vie de tous les jours.

Résultat, il se méfiait de la Princesse, qui en savait beaucoup trop pour son bien à elle et celui de Grayle.

- Les disques-mondes attirent bien des convoitises. Imagine si quelqu'un arrivait à y puiser l'énergie qu'ils recèlent, quelque qu'en soit l'utilisation voulue ... Assurément, cela signifierait la fin de ce monde en contrepartie de la création d'artefacts surpuissants ou le développement d'une magie inégalable.

- Ne bave pas trop Sharis. Tu as des étoiles dans les yeux
dit-il avec une voix relativement neutre. Elle ne sembla pas lui en vouloir, concentrée plutôt sur le fait qu'il lui avait volé quelques pâtisseries.

- Je pense les avoir bien méritées !
Se défendit l'ex-immortel en en mangeant une devant ses yeux, savourant de manière exagérée l'onctuosité du dessert. Quel hôte refuserait à son captif un dernier repas, Hm ? Ses sourcils se froncèrent lorsqu'elle parla de ses échecs. Il resta silencieux, alors que la tavernier s'inclinait devant eux, et qu'ils sortaient, bras dessus, bras dessous, comme un couple de jeunes amoureux.

Arpentant les rues, ils restèrent silencieux, un silence partagé et apaisé, alors que leurs pas claquaient doucement sur le parvis en pierre des rues impeccablement propres malgré la foule. Les rayons du soleil faisaient brillaient les briques dorées des bâtiments, dont les vitres polies donnaient un écrasant sentiment de puissance et de réussite. La foule colorée des riches et des pauvres, mélangés sans apparent mépris de classe, et la musique d'un petit groupe de rue, semblaient faire d'Aquila un décor de comédie musicale. Malgré leur taille, les immeubles étaient construits en courbe, qui se mouvait magiquement à chaque minute, de manière à ce que les rayons du soleil ne soient jamais masqués. C'est de superbes pins-parasols qui servaient d'ombres contre l'astre solaire, sous lesquels des petits bancs permettaient aux enfants et aux vieillards de se reposer un instant, buvant aux fontaines astucieusement placées pour que personne ne puisse manque d'eau.

Cette dernière était bonne. Penché en avant devant la princesse -qui avait tout le loisir de contempler les jambes musclées et la croupe de Grayle-, l'immortel se lavait le visage et abreuvait sa gorge et sa langue sucrée d'eau fraîche. Le vent qui faisait voler ses cheveux lui rappela que quelque chose lui manquait.

- J'aimerais m'acheter un vêtement, dit-il en pointant un stand alors qu'ils étaient arrivés sur une large plazza circulaire, où plusieurs étals de marchands se disputaient l'attention des curieux. Au bout du doigt de Grayle, un petit magasin vendant de longues écharpes, tenu par une vieille dame aux cheveux gris et au visage aimable. Elle coiffa Grayle d'un sourire gentillet lorsqu'il vint.

- Bonjour les amoureux ! Que puis-je pour vous ?
- J'aimerais une écharpe s'il vous plaît. Il aurait normalement pris une orangée, sa couleur favorite. Son symbole. Mais il l'avait laissée à Revy, sur Terre, et il avait le sentiment qu'en acheter une similaire pour lui serait égoïste et diminuerait la symbolique de son cadeau. Son regard s'arrêta sur cette alternative bordeaux — une pièce imposante de plusieurs mètres, assez généreuse pour faire office de cape ou même de poncho.

Après l'avoir achetée "aux frais de la princesse", Grayle déploya l'étoffe avec dextérité. Il l'ajusta méticuleusement autour de ses épaules, laissant les pans retomber harmonieusement devant et derrière lui. La métamorphose fut immédiate — l'ancien paysan se tenait maintenant avec une prestance nouvelle, presque régalienne, le riche tissu bordeaux accentuant sa silhouette et lui conférant une dignité inattendue. Il lui restait encore quelques pièces. Au lieu de les rendre à Sharis, Grayle se dirigea vers un fleuriste à quelques pas. Ses yeux s'arrêtèrent sur une délicate orchidée ambrée, dont les pétales semblaient capturer la lumière comme des fragments de soleil couchant. Cette couleur, symbole de respect et de royauté dans sa culture locale, était parfaite — sa teinte rappelait subtilement l'or envoûtant des yeux de Sharis.

- Laisses-toi faire murmura-t-il avec une douceur inhabituelle en revenant vers elle. Ses doigts, malgré leurs années de labeur, effleurèrent à peine sa nuque tandis qu'il plaçait délicatement une moitié de la fleur dans son chignon.

- Tu es plus belle ainsi. Il faut plus de fantaisie lorsqu'on est jeune comme toi.

Il lui rendit les pièces.

- Merci pour ce cadeau. Tu vis dans une magnifique ville, je le reconnais. Cela dit, j'ai quand même un reproche à te faire, gronda-t-il avec toute l'assurance qu'un simple mortel pouvait avoir envers quelqu'un qui avait un contrôle total sur sa vie.

- Tu as parlé de mes échecs. Je n'ai aucun échec dont je pourrais me plaindre. Quels échecs ? Je mène une vie idéale, pleine d'aventures, épargné par les pires conséquences, avec plus de liberté que quiconque peut rêver. Ma vie est une réussite.

Sa voix devint plus froide. Accusatrice.

- Et si elle se termine, ce sera à cause d'autres personnes plus puissantes et moins bien attentionnées que moi. Alors ne me parle pas d'échecs quand, de ce que j'ai compris, la raison même de ta présence ici est due à votre échec collectif. Notre monde et nos cultures ont réussi à survivre sans que ce soit aux dépend d'une autre. Je veux bien vous aider à sauver votre monde. Je ne le ferais pas aux sacrifice d'un autre, et encore moins du mien. Je ne pense pas que ta mère serait d'accord pour tous vous sacrifier pour sauver des inconnus.

Sa voix et ses yeux s'adoucirent.

- Et en parlant du loup, j'aimerais beaucoup la rencontrer, ta Mère. de toute façon, je n'y couperais pas, n'est-ce pas ?

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 27 févr. 2025 09:23
par Ombre
Sharis était restée en retrait le temps que Grayle choisisse son écharpe. Elle vit bien qu'il ne s'agissait pas d'une envie soudaine mais plutôt de la nécessité de se rattacher à quelque chose de réconfortant.La sélection du voyageur n'était pas due au hasard, elle le devina en observant son visage de profil, en captant sa concentration et la profondeur rêveuse de son regard. Ce n'était pas de la nostalgie que celui-ci reflétait mais bien un lien intime et vrai avec un élément que la princesse ne pouvait que trop bien deviner. Elle s'abstint de tout commentaire et paya malgré le refus de l'ancienne qui elle aussi, l'avait reconnue. Qui à Aquila, pourrait ne pas reconnaitre la fille de l'impératrice, le prodige qui surpasserait les capacités de sa mère bien assez tôt? Personne ... Personne ... Pour un citoyen commun, la princesse était la grâce personnifiée, la beauté froide aux traits si typiques de leur race. Pour un adepte de la magie, Sharis brillait comme un phare au milieu d'une nuit d'encre. Son aura assommait, écrasait, broyait toute forme de lien thaumaturgique.

La petite princesse de Nétheril offrit un sourire radieux à l'homme qui lui offrit une fleur. Ici c'était une tradition qui ne se faisait pas. Les nétherisses avaient d'autres moyens d'exprimer leurs sentiments ou de complimenter.

"Merci Grayle des Étoiles."


Elle fut touchée car Grayle touchait une corde sensible. Elle était jeune oui, mais tellement responsable devant un peuple qu'il lui arrivait de se réveiller en sursaut, trempée de sueur, un cri d'angoisse bloqué dans sa gorge. Elle n'avait que peu de temps pour penser à des "fantaisies".

Elle leva la tête pour l'écouter. Les "amoureux" étaient proches l'un de l'autre. Elle fut reconnaissante que Grayle ne se fourvoie pas et reste lui-même. Il exprimait ce qu'il pensait et restait honnête, ne se trahissait pas. Quelles que soient leurs positions respectives, elle ne pourrait pas le lui reprocher.

Elle le laissa terminer, attendant sagement qu'il conclut pour répondre.

"Les miens se sont opposés à la force de destruction ultime de l'univers. Il n'y a rien de plus puissant , rien de plus terrifiant que ces entités là. Si tu es là devant moi, c'est que tu ne les as pas affrontées."

Elle frissonna.

"C'était indescriptible ... Mais des hommes et des femmes se sont dressés et les ont combattu. Des hommes et des femmes dont tu ne devrais pas offenser la mémoire Grayle."

Et d'évoquer aussi ...

"Tu devrais être prudent. Ne parle pas de ma mère."

En écho à cet avertissement, bien que le ton de Grayle se soit radouci, un creux sous forme de trombe noire remontant des profondeurs d'Aquila, s'ouvrit sous les pieds du Marchemonde. La trombe se mua en spirale grondante et une gueule monstrueuse en remonta, dardée de crocs terrifiants. L'impact visuel était à défaillir et Sharis plia la nuque pour baisser la tête. La gueule fut suivie de l'énorme tête d'un dragon d'ombre. La crevasse s'élargit et l'environnement immédiat se changea en volutes noires tournoyantes qui avalèrent la lumière de l'astre solaire. Le corps de la Bête suivit, gigantesque, et le dragon s'extirpa des entrailles de la cité. Il ne rappelait en rien les splendides créatures de Sylvandell mais bien le chaos inqualifiable du plan des ombres. Sa lourde patte fusa et ses griffes déchiquetèrent Grayle en poussière de chair et d'os. Quand le Péregrin ouvrit les yeux, une femme le tenait à la gorge, bras tendu ... Une femme belle et terrifiante, s'il était possible que quiconque égale son port et la dangerosité qui émanait d'elle. L'impératrice de Nétheril fixait l'individu de son regard de mort, celui dont on ne pouvait se détacher et qui carbonisait les âmes au moindre battement de cils, celui dont on disait qu'il soumettait quiconque s'y abandonnait ou s'y perdait. La maitresse de la magie de l'ombre, souveraine incontestée d'un empire défiant les lois divines et aussi ancien que les jours anciens, venait recueillir les dernières tourmentes d'un insolent.

"Mère..."

Sharis s'était inclinée, signe évident de son allégeance bien que fille adorée de la guerrière noire. Car noire, sombre, obscure, sa mère l'était. Son armure absorbait les reflets et jusqu' au moindre éclat survivant de lumière. Son aura, bien visible, rappelait les noirceurs les plus profondes de l'univers, l'expression qui barrait son visage magnifique n'augurait que ravages et destructions. Et mêmes sa peau pâle et sa crinière blanche hypnotisaient le vivant, prompt à y voir le linceul blanc de la Mort.

L'impératrice était grande, sa poigne aussi cruelle que l'apparence qu'elle rendait.

Le chaos magique se dispersa enfin et Aquila et son ciel bleu reprirent leurs droits. Bras tendu, la maitresse de Nétheril tenait Grayle comme un titan aurait tenu un brin de paille. Elle parla et il fut évident que son ton correspondait à son entrée spectaculaire. Il ne lui était pas nécessaire de parler haut, elle n'avait qu'à être elle même pour que son opposant fane.

"Je ne me souviens pas avoir autoriser quiconque à penser pour moi."

Elle dévisageait Grayle.

"Petite chose éphémère ... si fragile, si insignifiante ... Sharis? Ton nouveau jouet ne me plait pas."

Dans le dos de l'impératrice, trois formes émergèrent de colonnes noires éthérées qui apparurent aussi vite qu'elles disparurent. Une partie de la Garde de l'impératrice l'accompagnait. Sharis les salua aussi.

"Dame Neela, Sire Theodoric, Dame Tymora."

Neela aux mille visages avait la particularité d'être ... indéfinissable. Son visage semblait flou, semblait défiler, présentant traits et particularités différentes à chaque seconde. Elle était l'assassin de l'empire et sa capacité à prendre toute forme effrayait jusqu'aux plus nobles. Theodoric de Wulfina était un géant. Sa force terrifiante s'opposait à celle de grands dragons disait-on. Et Tymora du Serpent avait tout de la mortelle danse de l'animal dont elle portait le nom, vive, foudroyante, agile, et douée dans la maitrise des poisons.

Ils hochèrent la tête à Sharis. On interrompait pas l'impératrice. Celle-ci reprit, sans avoir fait mine de sonder le voyageur.

"Sharis t'a pris quelque chose. Elle a été clémente. As tu obtenu ce que tu voulais ma fille?"

"Grayle ... Il s'appelle Grayle. Il ... s'apprêtait à me confier des secrets."

Une vie se jouait.

"Vraiment? Dans ce cas, je devrais te souhaiter la bienvenue, voyageur des étoiles."

A cet instant, Sharis était impuissante. L'illusion accompagnant l'arrivée de sa mère s'était totalement dissipée mais elle n'enlevait en rien la démesure du pouvoir de Skuld.

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 31 mars 2025 00:00
par Grayle le Marchemonde
Telle une sentence irrévocable, la Reine était apparue de nulle part et avait empoigné le marchemonde, le soulevant comme s'il ne pesait pas plus lourd qu'un nourrisson, meurtrissant son âme affaiblie par sa magie.

- Aides moi...

Etranglé par le bras puissant de l'amazone qui était apparue, Grayle tendait le sien vers Sharis, comme s'il essayait de l'attraper. Ses yeux bleus étaient exorbités d'une terreur pure. Les siècles défilaient dans son regard un millénaire d'existence condensé en un instant de pure conscience.

Grayle avait traversé les âges. Il avait vu s'élever et s'effondrer des empires, assisté à la fin d'un univers, avait aimé des centaines de personnes dont les noms s'étaient effacés de la mémoire du monde. Il avait été témoin des premiers pas d'une humanité vers les étoiles. Et pourtant, à cet instant, tout ce temps lui semblait soudain tragiquement insuffisant.

Lui, l'immortel qui était mort tant de fois, avait vu et senti sa propre mort. Mais là, la sensation était différente. Alors que, dans un flash, son corps se retrouvait désagrégé, son âme capturée dans un vortex de magie noire, c'est l'aspect définitif de son décès qui avait zébré son esprit d'un effroi existentiel.

La fin d'une existence, de centaines d'années de souvenirs, d'actions et d'amour, pour quoi ? Une plus grande cause ?

Non, juste l'arrogance d'une Reine, préférant se livrer à une lutte perdue d'avance à travers le temps et l'espace, alors qu'elle et son peuple pouvait fuir et se cacher comme celui de Grayle l'avait fait.

La pensée de tout perdre — non pas pour un temps, mais pour l'éternité — le déchirait d'une douleur pire que l'étranglement lui-même. Être effacé, définitivement, après avoir survécu à tous ceux qu'il avait connus. Ne plus exister. Ne plus se souvenir. Une fin absolue, la perte cruelle de tout ce qu'il était et aurait pu être encore.

Il ne voulait pas mourir. Il avait encore tant à faire. Tant de gens à connaître, pensa-t-il en fixant Sharis.

Mais Sharis ne l'aida pas.

*Elle ne t'aidera jamais* lui chuchota une voix, alors que, devant les yeux de Grayle, elle se prosternait devant sa mère.

Il sentit sa gorge craquer alors que la poigne s'intensifiait sur son cou. Pendant un bref instant, il soutint le regard de la Reine, n'y voyant que mort, désolation et carnage. Juste derrière elle, c'est une montagne de cadavres qu'il visualisait, le ciel rougit par la mort, les corps transpercés par des bannières de guerre. Il ne pouvait pas détourner le regard. Il se sentait comme un animal pris dans les phares d'une voiture.

Il n'avait jamais connu cette sensation, de vulnérabilité totale. Il était à deux doigts de se pisser dessus, mais l'arrivée de trois autres personnes parvinrent à l'arracher de sa fascination pour la terrifiante souveraine. L'une était... il ne pouvait pas la voir. Lorsqu'il essayait de concentrer son regard affaibli vers elle, il ne voyait qu'un mirage, une vague ébauche de visage, comme si elle était en permanence dans un recoin de sa vision. Le second était un homme âgé et massif, résultat d'un croisement entre une force irrésistible et un obstacle insurmontable. La troisième fut celle qui attira le plus son attention. Même étouffé, il pouvait sentir ses yeux ardents en train de le percer à vif. Il poussa un grognement, crachant du sang.

Ses mains avaient agrippé le bras de la reine, les ongles enfoncés dans sa peau sans qu'elle ne semble s'en rendre compte. L'homme se mit à rire avec fracas lorsqu'il vit le balancement des jambes de Grayle. Le guerrier avait compris que le jeune homme, malgré son manque de force évident, essayait de faire une clé de bras à la Reine. Il n'y avait pas l'ombre d'un abandon dans le corps ou l'esprit de Grayle, quand bien même une terreur sourde l'habitait.

En vain. Satisfaite par la réponse de sa fille, Ombre laissa Grayle tomber au sol, lui souhaitant la bienvenue alors que, la gorge violette et la bouche en sang, l'immortel essayait désespérément de retrouver son souffle. Il cracha du liquide carmin, le corps agité de convulsions. Il ressemblait à l'incarnation même de la faiblesse et de la défaite, impuissant face à la Reine.

Et pourtant. Étalé sur le sol, les jambes contractées, les muscles tendus, les mains agrippant les pavés, il lança un regard plein de haine et de vitalité à la Reine, qui l'aurait tué sur le champs pour le simple prétexte d'avoir entendu des paroles déplaisantes.

Le pouvoir corrompt, et elle en était la preuve.

*Tu ne peux pas leur faire confiance* lui chuchota une voix. *Ils ne méritent pas la petite aide que tu peux leur apporter*

Ombre était tout ce que Grayle détestait. La puissance au servir du pouvoir suprême, l'oppression de chacun et chacune, la privation de liberté. Une cage dorée pour ses habitants, et une épée de damocles pour tout esprit libre. Si c'était ca le seigneur de ces terres, alors ces terres ne méritaient pas d'être sauvée.

Ses yeux bleus avaient la couleur du ciel montagneux, au-delà de ces sommets enneigés qu'il avait parcouru, seul et sans aide, posant ses pieds sur la roche et la neige réservées aux dieux, trop haut pour que de simples humains puissent les atteindre.

Sans prévenir, Tymora agit. Elle se déplaça si vite qu'elle ne fut guère qu'une vague silhouette blanche et, un battement de cœur plus tard, la pointe de son cimeterre se retrouva sous le menton de Grayle, soulevant doucement son visage, qu'elle fixait avec froideur. Elle avait vu son regard, et n'en avait pas aimé la menace qu'il recélait. Et pourtant, sans pouvoir, le jeune homme n'était pas une menace pour la Reine.

Mais son corps avait réagit par réflexe. Forgé par des années d'expérience et de vigilance, il l'avait lancé par réflexe vers le marchemonde, identifiant pourtant un danger invisible aux yeux dorés de la guerrière, qui fixaient la mer agitée qu'étaient ceux de Grayle.

- Je n'aime pas ce regard. Ne t'avise pas de fixer la Reine ainsi.

- Si vous ne l'aimez pas, alors renvoyez-moi chez moi, cracha Grayle. Je n'ai pas demandé à être ici, répondit-il d'un air froid.

Elle lâcha un grognement de mépris, avant de rengainer son arme et de se retourner dans un mouvement fluide, se positionnant aux côtés de la Reine. Neela était restée immobile et silencieuse, tandis que Theodoric, amusé par et impressionné par la volonté du marchemonde, l'aida à se remettre sur pied, aidé par Sharis. Il chuchota d'une voix douce, malgré sa stature titanesque.

- Ne fais pas de bêtise, garçon.


Grayle lâcha un merci, tant à lui qu'à Sharis.

- Je vais bien dit-il avant même qu'elle ne puisse s'enquérir de son état, alors que le sang coulait de sa bouche et de son menton, la peau légèrement ouverte par le pointe du cimeterre de Tymora, la gorge violette. Ses yeux étaient également injecté de sang, dont des larmes coulaient sur sa joue, peignant son visage comme un barbare des temps anciens.

- J'ai connu pire
, dit-il en fixant Ombre, avec un regard apparemment moins menaçant, puisque Tymora, la main sur la garde de ses armes, n'était pas revenue à la charge. Il reprit la parole.

- Que comptez-vous faire de moi ?

Re: La séparation des Pouvoirs [PV]

Posté : 22 avr. 2025 20:22
par Ombre
Ombre. Un surnom longtemps utilisé et gardé dans les mémoires comme étant celui d'une guerrière juste et passionnée, protectrice des faibles et garante des valeurs humaines si chères à son cœur.
Skuld. L'impératrice. Héritière d'une lignée de souverains immenses et puissants; responsable pour et devant son peuple de la destinée d'une nation.
Entre les deux, bien que ce soit la même personne, le fossé était gigantesque, infranchissable. Diriger n'était pas accompagner. L'exercice du Pouvoir ne laissait aucune place aux sentiments et à la générosité quand les défis qui survenaient défiaient les lois de la nature, de l'espace et du temps. Prendre des décisions brutales et injustes pour certains prenait le pas sur le partage de la compassion et les gages d'amour et d'amitié bien plus faciles à distribuer.

Sharis regardait sa mère impassible, et Grayle se débattre face à l'impossible. La princesse ne pouvait rien faire. La maitresse de Nétheril n'était pas cruelle ni mauvaise, ni aussi horrible qu'elle en avait l'air à cet instant. Non, Skuld dirigeait pour réussir. La terreur n'était pas l'une de ses armes. Elle n'était que la source que l'impératrice inspirait au voyageur bien qu'un autre terme pu être utilisé. Chaque nation avait son identité et celle de Sharis n'était pas représentée par la douceur et la tendresse. Nétheril était un empire magnifique, glorifié par des artisans reconnus dans tous les domaines, dominant les magies comme un potier maniant son tour, et croulant sous des trésors faramineux. Mais, Nétheril était dur dans sa composante humaine car son sang était froid et son histoire tragique. Un seul homme avait suffit à le détruire une fois, par faiblesse, avidité et égoïsme. Cela ne se reproduirait pas. La nation passerait avant tout.

C'est cet état d'esprit qui animait l'impératrice et c'est pour cela que Sharis n'intervint pas. Cela aurait été vain et aurait encore plus porter préjudice à Grayle. Skuld ne le tuerait pas et il fallait juste laisser l'orage passer. Avant de juger un peuple, il fallait le comprendre et le voyageur n'avait pas encore validé cette étape. Sa colère était légitime mais ... qu'importait.

Skuld ne bougea pas d'un iota quand il se débattit. Son bras était aussi dur qu'une tige d'acier. Elle le regarda s'agiter jusqu'à ce que Tymora intervienne.

"Merci Tymora. Tu viens de lui sauver la vie. Tu es bien généreuse aujourd'hui."

Elle relâcha le voyageur et sa fille se précipita, accompagnée plus majestueusement par le seigneur de Wulfina pour relever Grayle.

"S'il te plait ..." implora t'elle doucement, usant de ce ton avec lui pour la première fois.

Qu'il ne fasse pas d'impair, qu'il ravale ce qui pourrait irriter l'impératrice, qu'il ... attende et réfléchisse avant de commettre l'irréparable. La supplication était aussi sincère que l'avertissement du grand guerrier.
Ils le redressèrent, pathétiquement faible face au démesurément puissant.

"J'ai déjà obtenu ce que je voulais de toi Grayle de Mahadevi: ta mémoire et ta participation à un effort collectif amené à sauver d'innombrables vies."

L'impératrice se rapprocha de lui.

"Je te donne un conseil: ne te demande pas pourquoi tu es dans cette situation, questionne toi seulement sur le sens de la destinée."

Se rapprochant plus encore, elle prit l'écharpe bordeaux de Grayle et la palpa entre ses doigts.

"Une écharpe de la boutique de Maeva ... Prends en soin. Elle met beaucoup d'amour dans sa confection."

Skuld fit brutalement volte face et se dissipa dans une vapeur d'ombre, son regard de braise s'éteignant en dernier.

"A très vite Grayle ..."

Neela et Tymora l'accompagnèrent. Theodoric posa sa grosse main sur l'épaule du voyageur.

"Imagine une cage, juste une cage. Sans lumière, tu es aveugle. Sans bruit, tu es sourd. Sans odeur, tu n'as plus le bénéfice de tes sens. Tu cries sans écho et toi seul entend tes supplications. Tu meurs, et tu ne peux pas périr... Nous avons vécu cela durant 3000 ans. On ne survit pas sans se forger une armure immunisée aux sentiments. Notre impératrice n'a rien contre toi, elle fait ce qu'elle a à faire. Ne juge pas, ce serait te consumer. Tu feras l'effort de nous comprendre et ... tu es bien accompagné pour cela."

Aussi surprenant que cela puisse être, Theodoric de Wulfina préférait la paix à la guerre. Il était l'exemple parfait quand on disait ne pas devoir se fier aux apparences.

"Princesse, notre invité est encore un peu secoué, prends soin de lui."

L'homme immense disparut à son tour, laissant le petit couple à nouveau seul. Sharis se devait de s'excuser. Elle savait que sa mère serait telle qu'elle avait été. En vérité, Skuld et Sharis partageait tout sans avoir besoin de se voir. L'ombre était un puissant transmetteur. L'impératrice avait vu ce que sa fille avait exploré dans les souvenirs de Grayle.

"Je te prie de bien vouloir m'excuser Grayle. Je n'aurais rien pu faire. Je ne suis qu'une toute petite chose ici, et loin d'être la plus puissante."

C'était un peu faux.

Elle épousseta un peu la tunique du voyageur.

"Je n'imagine pas ce que tu dois penser de nous ... Enfin ... si mais, ce n'est pas vrai. Je veux dire ..."

Elle allait dire "Nous n'avons pas le choix" mais cela serait incompréhensible pour lui à cet instant. Elle se tut, se retourna et fit quelques pas vers une margelle de marbre surplombant un vide effrayant. Au lin, bien plus bas, les fôrets de terra la fertile vibraient de vie. Elle ne regarda pas l'homme.

"Me croiras tu misérable si je te dis que je ne veux pas mourir?"