Cirilla Riannon, Princesse, sorceleuse, magicienne, et Source [Valilouvée]
Posté : 28 oct. 2024 08:46
CIRILLA FIONA ELEN RIANNON
AVERTISSEMENT LIMINAIRE
Cette fiche spoile plusieurs œuvres littéraires et audiovisuelles, à savoir « La Saga du Sorceleur » d’Andrzej Sapkowski, et les évènements du jeu vidéo « The Witcher 3 », de CDProjekt, évènements eux-mêmes inspirés de ladite saga littéraire.
TOME I
CONTEXTE GÉNÉRAL
CONTEXTE GÉNÉRAL
Avant de pouvoir s’attaquer à l’histoire de Ciri’, il est nécessaire, pour ceux ne connaissant pas l’univers d’où elle est originaire, de faire un petit prélude, prélude qui vise également à intégrer l’univers du sorceleur avec celui de TM.
I – MIJAK ET LES ROYAUMES NORDIQUES
1°) Présentation générale des Royaumes nordiques
Au nord d’une partie de l’Empire de Mijak, il existe un regroupement d’États neutres et indépendants. Ces royaumes sont séparés de Mijak par un fleuve difficile à traverser, la Iaruga. On les désigne familièrement sous le vocable des « Royaumes nordiques ». Ces royaumes sont au nombre de plusieurs, et les principaux d’entre eux sont la Témérie, la Rédanie, Kaedwen, et Cintra.
Cintra est, de fait, la porte d’entrée vers les Royaumes nordiques, car elle se situe à l’embouchure de la Iaruga, là où les fonds profonds du fleuve diminuent un peu, et où d’antiques ponts permettent de rejoindre les Royaumes nordiques. Traverser la Iaruga est un exercice difficile, comme l’a indiqué un chroniqueur de Cintra :
Depuis plusieurs années, l’Empire de Mijak s’intéresse à ces Royaumes, qui sont riches, et ont noué des alliances économiques et parfois militaires avec la Confédération de Lumen. De fait, plusieurs des Royaumes nordiques, notamment la Témérie, envisagent de rejoindre la Confédération, ce qui reviendrait à rapprocher singulièrement la Confédération luméenne des frontières mijakiennes.« C'est un obstacle quasiment infranchissable. Elle n'est pratiquement jamais gelée et, durant la saison des pluies, son débit peut être tel que son lit atteint un mile de largeur. Sur une grande distance, heu... ici, elle coule entre des rives escarpées et inaccessibles, au cœur des rocs de Mahakam. »
C’est dans cette perspective que l’Empire de Mijak organisa une invasion, donnant lieu à la Première Guerre Nordique.
2°) La Première Guerre Nordique
Cintra était alors dirigée par la Reine Calanthe, et le royaume était un magnifique royaume. Sa capitale, Cintra, était une ville cosmopolite, à l’embouchure d’un fleuve ardent, mais aussi à l’entrée de la mer. On venait donc régulièrement commercer à Cintra, qui marquait de fait la frontière entre les rugueux Royaumes nordiques et des terres plus propices et plus fertiles au sud. Les Cintréens menaient une vie paisible, mais leur armée, aussi puissante puisse-t-elle, n’était rien face aux troupes mijakiennes, qui envahirent Cintra par les Marches de Marnadal en plein automne. La bataille de Marnadal sonna le début de ce premier conflit, une bataille qui fut particulièrement brève, ne durant que quelques semaines. Les forteresses de Cintra tombèrent l’une après l’autre, et les Mijakiens marchèrent ainsi vers Cintra.
Ils pénétrèrent dans la capitale, et la mirent à sac, dans un pogrom resté tristement légendaire, appelé le « Massacre de Cintra ». Plusieurs jours de massacres, de tortures, de viols, de tueries… Les chroniqueurs de l’époque racontent le désespoir d’un peuple connu pour sa bonté, face à un envahisseur ne respectant aucune des conventions internationales en matière de guerre. On arrachait les langues, on décapitait, on crucifiait, on brûlait, on pillait… Les femmes cintrasiennes, dit-on, tuèrent leurs enfants, plutôt que de les voir être asservis et devenir des esclaves mijakiens.
Devant ce spectacle de désolation, la Reine Calanthe se suicida, sautant de son balcon. Ainsi mourut la redoutable Calanthe Fiona Rennon, celle qu’on surnomma « La Lionne de Cintra », celle qui avait su s’imposer contre l’aristocratie locale pour se faire reconnaître comme Reine alors même qu’elle n’avait pas d’épouse, celle qui, à l’âge de quinze ans, avait vaincu le redoutable Nazair, un mercenaire mijakien qui commandait des hordes de pillards, de bandits, formés par les Mijakiens, pour semer le chaos dans les provinces sud de Cintra. Ainsi mourut Calanthe, donc, celle, qui avait voulu rejoindre la Confédération de Lumen, et dont le seul échec fut de ne pas réussir à investir davantage dans l’armée, car elle redoutait depuis son plus jeune âge la menace mijakienne.
Avec la chute de Cintra, les Mijakiens avaient un accès direct vers les Royaumes nordiques, et s’élancèrent donc vers la région de Sodden.
De leur côté, les Royaumes nordiques s’insurgèrent contre le pogrom de Cintra, contre cette invasion aussi brutale que cruelle. Dans une déclaration commune rare, les principaux Royaumes nordiques décrétèrent un front commun contre Mijak, et firent route vers Sodden, tandis que les armées mijakiennes se regroupaient au Mont Sodden.
C’est ainsi que commença la deuxième bataille du Mont Sodden, qui devint historiquement si connue que la première bataille fut oubliée.

La deuxième bataille du Mont Sodden
Malgré la volonté affichée des Rois du Nord de faire front, dans les faits, l’offensive mijakienne était largement en la faveur de l’Empire. La doctrine impériale, consistant à mener des attaques massives et rapides, leur avait permis d’annihiler et de vitrifier Cintra en quelques semaines. Chaque Roi devait convoquer ses bannerets, faire sonner l’ost, et, par la suite, chaque vassal devait lui-même regrouper ses vassaux, et regrouper des forces. Autant dire que cette organisation féodale n’était guère efficace face à la terrible armée mijakienne, disciplinée et bien entraînée.
Les forces nordiques qui se déployèrent au Mont Sodden étaient donc dans une infériorité numérique totale, et une défaite nordique ici aurait de terribles conséquences, car les Mijakiens pourraient ensuite déferler dans tous les autres royaumes. Mais les Nordiques n’avaient pas abattu leur dernière carte, et disposaient d’une arme terrible. Treize magiciens avaient fait le déplacement, car, quand les Mijakiens avaient ravagé Cintra, ils avaient également attaqué les magiciens, ils avaient enflammé l’académie magique de Cintra, et avaient crucifié, pendu, ou condamné au bûcher, les multiples apprentis et mages de Cintra. Les mages du Nord s’étaient réunis en conclave, et avaient décidé de s’allier aux Royaumes nordiques pour repousser les Mijakiens.
C’est ainsi que, quand les Mijakiens déferlèrent au Mont Sodden, les Treize unirent leur magie, et utilisèrent un sort particulièrement puissant. Le ciel s’obscurcit alors, et, tandis que le rituel les enveloppait, les treize firent pleuvoir le feu et la mort sur le champ de bataille. Un intense flux magique se fit ressentir jusqu’à Lumen, tandis que des astéroïdes déchiraient le ciel, et s’abattaient sur la plaine. Des explosions terribles envahissaient le Mont Sodden, chaque impact provoquant des centaines, si ce n’est des milliers, de morts. Peu à peu, la bataille, qui tournait alors largement en la faveur des Mijakiens, se transforma en un cauchemar indescriptible, un chaos de feu, d’hurlements, de métal fondu dans la chair, de corps déchiqueté, brûlé instantanément vif.
Mais le feu ne faisait aucune différence. Il s’abattit sur tout le monde, Mijakiens comme Nordiques. Les mages mijakiens ne purent rien faire, leurs boucliers magiques explosant au contact des flammes. Et même les Treize mages à l’origine de ce sortilège de haut niveau furent touchés par les flammes. Tous moururent dans les flammes… Sauf une, bien qu’on la crût morte. Triss Merigold, la mage aux cheveux de feu, réussit à se téléporter quelques secondes avant que l’enfer de feu ne la submerge, mais, le temps qu’elle se remette du choc, plusieurs semaines s’écoulèrent, pendant lesquelles elle fut réputée comme morte, les cadavres étant impossibles à authentifier.
Ce sortilège surpuissant mit fin à l’avancée mijakienne. La Première Guerre se termina de la plus sanglante des manières…
…Mais tous savaient que les Mijakiens reviendraient, encore et encore.
3°) La Deuxième Guerre Nordique
Quelques années passèrent après le sanglant échec des Mijakiens au Mont Sodden. L’Empire ne comptait toutefois pas abandonner aussi facilement. Les Royaumes nordiques étaient trop précieux, et trop dangereux. Leurs espions leur rapportaient que les Royaumes du Nord cherchaient, non seulement à s’allier, mais aussi à rejoindre la Confédération de Lumen. La perspective de voir des navires luméens rejoindre les Royaumes du Nord provoqua des cellules de crise jusqu’au Conseil Impérial lui-même, où il fut ordonné de préparer un nouveau conflit.
Pendant ce temps, dans les Royaumes du Nord, les tensions refaisaient surface. La Témérie, qui était l’un des plus puissants royaumes, souhaitait ardemment conclure une alliance militaire avec ses redoutables voisins. Hélas, les autres grands royaumes, comme la Rédanie et Kaedwen, se disputaient cette alliance, chacun voulant en être à la tête. Et chacun avait ses propres faiblesses. Le Roi Foltest, de Témérie, était mal vu, car il était connu que sa fille, la Princesse Aida, était le fruit d’une relation incestueuse entre Foltest et sa sœur. Le roi de Rédanie, Vizimir, était peu apprécié pour son intransigeance, et son fanatisme religieux. Quant au roi de Kaedwen, Henselt, sa cupidité, son avidité, et ses crises de colère, le disqualifiaient aussi. Rappelons-nous à son sujet les propos d’un chroniqueur ayant préféré garder l’anonymat :
Parallèlement, les magiciens des Royaumes se heurtaient eux aussi à des dissensions internes. Bien que les magiciens n’aient officiellement aucun intérêt politique, et ne doivent s’intéresser qu’à la magie, tout le monde savait que les mages étaient avant tout arrivistes, et ambitieux. Très souvent, ils formaient dès le plus jeune âge de jeunes souverains, de jeunes ducs, les manipulant dès leur plus tendre enfance pour gouverner étroitement à leur place. Et, surtout, plusieurs rumeurs agitaient la communauté des mages du Nord, comme quoi certains étaient prêts à s’allier avec les Mijakiens. Plus généralement, la question se posait de savoir s’il falait intégrer certaines mages mijakiens, eu égard aux exactions pratiquées par l’Empire à Cintra.« Connu pour son avidité et son impétuosité excessives, Henselt est le roi de Kaedwen, un vaste et puissant royaume du Nord. Il ne ressemble en rien à l'image que l'on se fait d'un roi. Il est barbu comme un voleur et doté de petits yeux perçants et chafouins. Henselt se querelle avec ses voisins pour des questions de frontières, de titres et de protectorats. Il est aussi connu pour sa haine farouche envers les non-humains. »
C’est pour trancher toutes ces questions que le Cercle des mages du Nord organisa une assemblée générale extraordinaire à l’île magique de Thanedd, y conviant de nombreux mages. Les magiciennes les plus impliquées dans le Cercle, comme Philippa Eilhart, soupçonnaient plusieurs d’entre eux d’avoir été soudoyés par les Mijakiens, comme Vilgefortz, ou encore la belle et puissante Fransesca Findabair.
Ce que tout le monde ignorait, c’est que l’assemblée de Thanedd allait se retrouver conjugué à plusieurs assauts différents menés par les Mijakiens. Car, pour mener à bien la seconde guerre, le Conseil Impérial avait confié à un jeune aristocrate extrêmement talentueux le soin de mener ce conflit à son terme : le redoutable Emhyr var Emreis. Emhyr, qui tenait là sa chance de rejoindre le Conseil Impérial, avait pris soin de se renseigner sur les Royaumes Nordiques, et savait que, dans ces royaumes, il existait de fortes tensions raciales entre les humains, les elfes, et les nains, les premiers méprisant les seconds, et réciproquement. Emhyr avait donc convaincu Fransesca Findabair de s’allier avec les Mijakiens, sous réserve qu’elle puisse fonder son propre royaume elfique, dont la souveraineté serait reconnue par les Mijakiens.
Parallèlement aux machinations des magiciens, des conflits frontaliers opposèrent les Mijakiens à deux petits Royaumes nordiques, la Lyrie et Aedirn. Ils assiégèrent une vallée frontalière, Dol Angra, qui, sans être un territoire mijakien, bénéficiait d’un protectorat mijakien. Leurs troupes se heurtèrent à Glevitzingen, une forteresse que les Lyriens et les Aedirnois prirent. Ils ne tombèrent que sur des soldats désabusés, âgés, des troupes de second rang qui opposèrent une faible résistance.
La prise de Glevitzingen ne dura que peu de temps, car, quelques jours après, les Mijakiens envahirent Dol Angra, reprirent le fort, et ne s’arrêtèrent pas là. Deux forteresses frontalières de la Lyrie, Spalla et Scala, furent prises dans la foulée, et les Mijakiens se rendirent ensuite vers un autre royaume limitrophe, la Rivie. Ce royaume marchand disposait de solides forteresses, mais Emhyr avait manœuvré. Il s’était rapproché des guildes marchandes et bourgeoises riviennes. La Rivie disposait d’un terrain naturel favorisant la défense, et un siège de la Rivie aurait enlisé les Mijakiens pendant plusieurs semaines, si ce n’est des mois, ce sur quoi la Lyrie et Aedirn avaient compté pour se regrouper. Mais c’était là sous-estimer Emhyr, qui avait donné sa parole aux Riviens que les Mijakiens ne pilleraient pas le royaume si les Riviens capitulaient et leur versaient une rançon. Le souverain rivien accepta les conditions mijakiennes, et la Seconde Guerre Nordique commença alors.
Emhyr avait confié à son jeune frère, un Maréchal talentueux, le soin de diriger l’invasion. C’était pour les Emreis l’occasion de briller.Coehoorn van Emreis, ou « Menno Coehoorn », menait donc les troupes mijakiennes, et, plutôt que de s’enliser dans des batailles contre les Lyriens et les Aedirnois, il fit marche jusqu’à Aldesberg, où les forces lyriennes et aedirnoises se regroupèrent pour faire face aux Mijakiens.
Après la capitulation de la Rivie, la bataille d’Aldesberg fut la première véritable bataille de la Seconde Guerre. Les troupes d’Aedirn et les forces lyriennes furent vaincues dans une bataille serrée. Mijak avait déployé 13 000 hommes, tandis que les Lyriens et les Aedirnois déployèrent également 3 000 cavaliers et 10 000 fantassins. Mais Coehoorn n’était pas un simple freluquet. On le prit pour un faible, un stratège parachuté là en raison de son lien de sang avec Emhyr. Il dispersa les forces aedirnoises en envoyant des commandos dans les terres d’Aedirn, semant le chaos dans les champs agricoles et les hameaux, et combattit les forces ennemies en faisant preuve d’une tactique militaire exceptionnelle. Les champs d’Aldesberg se transformèrent en un vaste charnier, et, après plusieurs jours d’affrontement, la bannière mijakienne s’élança fièrement.
L’armée d’Aedirn brisée, les Mijakiens pouvaient désormais marcher sur la capitale d’Aedirn, Vengerberg. En la prenant, ils disposeraient d’un accès direct vers la Témérie et la Rédanie. Les forces mijakiennes déferlèrent dans les campagnes et les villes, répandant le chaos et la mort, contraignant les civils à s’enfuir. Des cohortes de réfugiés remplirent les routes, s’amassant vers Vengerberg. Les Mijakiens arrivèrent ensuite, déployant d’innombrables armes de siège, des démons, et même des dragons, qui enflammèrent la ville depuis les cieux. La stratégie de Coehoorn reposait sur la terreur, et elle paya. Vengerberg tomba, et le Roi d’Aedirn, Demawend, ne put que capituler face aux Mijakiens, tandis que son peuple, des milliers de réfugiés affamés, malades, terrorisés, s’enfuyaient vers les frontières de la Rédanie et de la Témérie. Quiconque pouvait encore croire à un simple conflit frontalier ne pouvait désormais qu’admettre l’amère vérité : Mijak envahissait à nouveau les Royaumes du Nord !
Et, parallèlement aux incursions mijakiennes, à Thanedd, le plan d’Emhyr s’abattit. D’aucuns espéraient encore que, comme lors de la Première Guerre, les mages s’allieraient et feraient front commun contre les envahisseurs. Peine perdue. À Thanedd, Vilgefortz et Fandabair organisaient un soulèvement, se retournant contre leurs homologues mages. S’ils furent arrêtés par certains loyalistes avant d’avoir pu mettre leur plan à exécution, les nouvelles de la guerre surprirent les mages alors qu’ils délibéraient sur le fait de savoir si Fransesca Fandabair avait vraiment pu les trahir. Outre les progressions mijakiennes en Aedirn, ils apprirent également que le Roi de Rédanie, Vizimir, venait d’être assassiné par un terroriste. Un autre des plans d’Emhyr, une autre carte que celui-ci venait d’abattre, car il savait que l’autorité du roi Vizimir était contestée, et s’attendait à ce que ce meurtre plonge la Rédanie en situation de quasi guerre civile.
Mais, en ce qui concerne Thanedd, les évènements se précipitèrent. Tissaia de Vries, une magicienne neutre, incapable de choisir entre Philippa Eilhart, qui accusait Fandabair de trahison, et Fandabair, qui contestait les faits, leva le blocus magique séparant Thanedd du reste du monde. Tissaia avait fait l’erreur de croire Fandabair, car elle crut que Philippa était responsable de la mort de Vizimir, et ce afin de pouvoir placer son fils, Radovid, que Philippa avait éduqué, à la tête du pouvoir. En levant le blocus magique, Tissaia permit aux renforts mijakiens de faire irruption sur l’île, et de multiples guerriers entrèrent. La discussion juridique tourna alors au massacre, et le soulèvement de Thanedd transforma l’île en un cimetière, beaucoup de magiciens étant tués. Par ce biais, Emhyr avait ainsi pu se débarrasser d’une hypothétique alliance de mages, évitant ainsi de renouveler un second échec cuisant comme celui que les Mijakiens avaient subi au Mont Sodden.
En apprenant l’effondrement des mages, Coehoorn se retrouvait maintenant face à plusieurs options. Le siège de la Témérie s’annonçait d’emblée comme étant très difficile, et il se retrouva face à une difficulté supplémentaire, émanant de la Lyrie. Aedirn avait été vaincue, mais la Lyrie était toujours debout. Et, contre toute attente, la Reine de Lyrie avait réussi à s’emparer de la Rivie, et à devenir la Reine des deux royaumes. Les Riviens avaient en effet choisi de se soulever contre les Mijakiens, et la redoutable Reine Mève, double Reine de Lyrie et de Rivie, décida d’harceler les Mijakiens. Il était impossible pour elle d’affronter l’armée des Mijakiens en combat direct, alors elle choisit de les harceler, s’attaquant à leurs arrières-bases, se livrant à une guerre de guérilla pour retarder autant que possible la charge mijakienne.

La Double Reine de Lyrie et de Rivie, la Reine Mève
Mève était une femme charismatique. La Reine Blanche, ainsi qu’on la surnomma, sut rallier à elle des compagnies de mercenaires, des brigands, des renégats, et choisit de porter la bataille dans la province d’Angren, une région sauvage, fortement boisée et vallonnée, qui se prêtait pleinement à la guérilla. Angren était le point faible de Coehoorn, qui comprit vite ce que Mève cherchait à faire. Elle voulait séparer la tête de pont mijakienne du reste des renforts impériaux.
La bataille éclata le long de la Iaruga, navires et archers s’affrontant régulièrement sous des renforts de cavaleries. Coehoorn dut donc rapatrier ses troupes pour repousser les Lyriens, ce qui amena Mève à s’enfuir, et à contourner les troupes mijakiennes. Le plan de Mève avait réussi à aboutir, en ce sens qu’elle avait contraint les Mijakiens à s’arrêter, et à ne pas marcher directement vers la Témérie, qui avait eu le temps de se préparer.
Le temps que Coehoorn remette de l’ordre dans ses troupes, la situation s’était compliquée au Nord. Les forces témériennes avaient appuyé le Prince Radovid afin qu’il devienne le nouveau Roi de Rédanie, et les forces de Kaedwen avaient choisi de rejoindre les Témériens. Ensemble, les Rédaniens, les Témériens, et les Kaedwenois, parvinrent à une alliance militaire, et firent face aux troupes mijakiennes à Brenna.
La bataille de Brenna resta encore à ce jour l’une des défaites militaires les plus cuisantes de l’Empire. Les forces naines se joignirent aux troupes de la Coalition Nordique, qui réussit à mettre en pièces l’armée mijakienne. Alors que la guerre était en faveur des Mijakiens, la défaite à Brenna signa la fin du conflit. Les Mijakiens furent mis en déroute, et Coehoorn, vaincu, réussit péniblement à se replier.
La bataille de Brenna ne signa pas la fin de la guerre, mais elle sonna la fin des offensives mijakiennes. Les troupes de la Coalition parvinrent à reprendre les territoires tombés entre les mains des Mijakiens, et repoussèrent ceux-ci au sud de la Iaruga. Un traité de paix fut signé à Cintra, et les principaux artisans de la Coalition furent honorés : le Roi Foltest de Témérie, le Roi Henselt de Kaedwen, le jeune Roi Radovid de Rédanie, et la Reine Mève de Lyrie.
Ce fut ensuite que la Coalition échoua, car Mève était partante de contre-attaquer, et d’envahir les territoires mijakiens. Elle espérait ainsi obtenir l’aide des Luméens pour porter un coup sanglant dans les territoires au nord de Mijak, dont les défenses étaient désorganisées après l’échec de la Seconde Guerre. Mais, pour réussir cela, elle devait avoir l’assentiment de tous. Or, Radovid refusa, car il devait encore se faire respecter dans son royaume. Quant à Foltest et à Henselt, ils étaient peu favorables à cette idée, conscients que l’Empire de Mijak disposait encore de nombreuses troupes, et les deux se disputaient déjà pour se partager les restes d’Aedirn et des autres terres sinistrés par la guerre.
Mais Mève n’était pas dupe, et savait que Mijak reviendrait…
…Encore.
4°) La Troisième Guerre Nordique
Après les deux échecs successifs, la campagne du Nord commençait à devenir onéreuse pour les Mijakiens. La capitale impériale devait donc réfléchir à l’opportunité d’une nouvelle force de frappe. Emhyr avait alors pris du galon, et, malgré l’échec de son ost, avait réussi à devenir un Conseiller Impérial, soit le poste le plus prestigieux au sein de l’Empire, sous celui de l’Empereur. Il envoya son frère sur les campagnes luméennes, et planifia la suite.
Dans les Royaumes nordiques, la situation se stabilisa progressivement. La Témérie avait gagné de la superbe, mais les hostilités entre les différentes races continuaient à exploser. Les elfes étaient de plus en plus méprisés, et s’organisaient sous la forme d’organisations terroristes pour défendre leurs droits. La Scoia’tael était l’une de ces organisations, et elle était dédaignée par les forces étatiques, qui voyaient en elle un officine rebelle, terroriste, qui avait, pendant la Deuxième Guerre, soutenu les efforts de guerre mijakiens.
L’attention des Rois du Nord se tourna également vers le royaume de Dol Blathanna. Dirigé par Fransesca Findabair, ce royaume était une concession de la guerre, un royaume dirigé par des elfes, mais que les Nordiques avaient tendance à voir comme une épine dans leur pied, un avant-poste mijakien. Les tensions croissaient entre humains et non-humains, essentiellement en Témérie et en Rédanie.
En Témérie, le Roi Foltest avait besoin d’argent. Il avait perdu beaucoup de soldats lors de la Deuxième guerre nordique, et choisit de mettre à contribution les elfes et les nains, pour des motifs contestables et racistes, en avançant que le peuple elfique, en choisissant majoritairement de soutenir les Mijakiens, était redevable à l’égard des humains. Quant aux nains, Foltest avança le fait que la plupart des marchands riviens étaient nains, et avaient su convaincre l’ancien souverain rivien de s’allier avec Mijak. Ces prétextes un peu fallacieux firent singulièrement croître les tensions entre les communautés humaines et non-humaines en Témérie, plus particulièrement à Wyzima, capitale de la Témérie.
En Rédanie, le Roi Radovid II s’avéra être encore plus cruel et autoritaire que son père, Vizimir. Radovid avait été traumatisé par la mort de son père, et par le fait que l’assassin n’avait jamais été retrouvé. Paranoïaque, il soupçonnait les Mijakiens de chercher à attenter à sa vie, et seule Philippa Eilhart arrivait à le résonner. Eilhart abondait dans son sens, car elle était déchirée et dévorée par la haine contre Findabair et Vilgefortz, les deux mages renégats ayant trahi et massacré les leurs à Thanedd. Et, si Vilgefortz était mort, Findabair vivait encore. Eilhart souhaitait donc encourager Radovid à marcher sur Dol Blathanna.
Finalement, c’est à Wyzima que les évènements se précipitèrent. Les tensions entre humains et non-humains crurent encore, jusqu’à ce qu’un ordre religieux, l’Ordre de la Rose-Ardente, n’entre en guerre contre la Scoia’tael, après avoir démantelé un campement militaire de la Scoia’tael dans les marais à proximité de Wyzima. Une guerre civile éclata dans le royaume, et ravagea Wyzima. Cette guerre se termina quand Foltest apprit que le Grand-Maître de l’Ordre de la Rose-Ardente, Jacques d’Aldesberg, qui se présentait comme l’un de ses fidèles lieutenants, était en réalité un traître, qui avait créé une armée de soldats-mutants pour renverser la Témérie.
Jacques d’Aldesberg, qu’on disait être un orphelin de la Bataille d’Aldesberg, fut défait par un sorceleur, Géralt de Riv, bien connu de Foltest. La mort d’Aldesberg mit fin à cet évènement historique, qu’on appela le « soulèvement de Wyzima ». Alors que cet évènement semblait anodin, il était en réalité la première étape du nouveau plan d’Emhyr pour reprendre les offensives dans le Nord.
Car Emhyr avait patienté, et utilisa des tueurs spéciaux pour venir à bout des principaux Rois nordiques. En l’occurrence, Emhyr avait recruté plusieurs sorceleurs, et ceux-ci furent utilisés à bon escient. Peu de temps après le soulèvement de Wyzima, Foltest, qui avait perdu de son influence, dut faire face à un soulèvement mené par l’un de ses bannerets, la Baronne Maria-Louisa de la Valette. Foltest mena en personne le siège du château de la Valette, un fort redoutable, solidement défendu, sans se douter que Maria-Louisa avait accueilli en son sein l’un des tueurs d’Emhyr. Celui-ci abattit froidement Foltest, et plongea les Royaumes du Nord dans une situation très complexe.
Foltest ne fut pas le seul Roi à être tué. Emhyr ordonna également la mort du Roi Dormawend. Aedirn n’était pas le plus puissant royaume, mais sa position centrale au sein des Royaumes nordiques avait déjà prouvé son efficacité lors de la Seconde Guerre nordique, en piégeant les Mijakiens, et en laissant ainsi le temps aux Royaumes du Nord de se lier. Emhyr tenait à éviter la résurgence de la Coalition, et, après la mort de Dormawend et de Foltest, il ordonna à ses tueurs de faire marche vers Kaedwen, afin de tuer Henselt. Henselt, qui se trouvait alors hors de son château, menait un siège dans une vallée, un siège très particulier, car la plaine était maudite.
Le tueur envoyé par Emhyr, Letho, accomplit son forfait en tuant Henselt. Après ces meurtres, Radovid et les principaux nobles témériens et kaedwenois, ainsi que les autres Rois nordiques, décidèrent de se réunir à Loc Muinne, une ancienne cité elfique en état de ruines, afin de discuter du sort de la Témérie et de Kaedwen.

Loc Muinne
Les négociations à Loc Muinne se déroulèrent dans un climat particulièrement tendu. Radovid II s’illustra notamment en capturant Philippa Eilhart, lorsqu’il apprit que, après la Deuxième Guerre nordique, les mages du Nord avaient dissous le Cercle pour former une organisation plus secrète encore, la Loge des Magiciennes. Or, l’un des membres de la Loge, Sheala de Tancarville, s’avéra avoir aidé les tueurs d’Emhyr à abattre les souverains du Nord. Pour Radovid, Eilhart était une traîtresse potentielle, et, non content de la tuer, il lui infligea un châtiment encore plus terrible, lui arrachant lui-même les yeux avec ses gantelets en acier.
Radovid vit à Loc Muinne l’occasion de s’installer, et, très rapidement, les négociations tournèrent au carnage total quand les troupes rédaniennes annoncèrent que Radovid comptait s’emparer de la Témérie et de Kaedwen. En effet, alors que les souverains négociaient, Radovid avait, grâce à ses espions, appris que les Mijakiens venaient de nouveau de traverser la Iaruga. Il était temps qu’un grand État nordique se dresse contre Mijak, et Radovid se refusait de voir les Témériens et les Kaedwenois sombrer chacun dans la guerre civile. Ses hommes massacrèrent les aristocrates venus de la Témérie et de Kaedwen, avec l’aide inattendue des forces lyriennes. La Reine Blanche, Mève, avait choisi de faire alliance avec Radovid II, afin de former ensemble une grande nation du Nord, et pouvoir ainsi résister à Mijak.
Et c’est ainsi que la Troisième Guerre commença…
II – LES SORCELEURS
Les sorceleurs sont des mercenaires très particuliers, une ancienne organisation de tueurs dont les origines et les racines se perdent dans les méandres du temps. Ils sont communs à tout Terra, mais on dit que leur terre d’origine se trouve dans les Royaumes nordiques. Ces individus sont des mutants, des guerriers qui suivent une formation particulièrement difficile pendant leur jeunesse, et qui se termine par une épreuve fatidique, l’Épreuve des Herbes, à l’issue de laquelle ils ingurgitent les mutations propres aux sorceleurs pour achever leur formation.
1°) Brève histoire des sorceleurs
Il est plus que probable que les sorceleurs sont apparus historiquement dans les décennies qui suivirent la Bataille contre les Grands Anciens. L’Ordre Divin n’exerçait alors qu’une influence très résiduelle, les principaux panthéons divins étaient affaiblis, et Terra était encore souillée par la présence des Grands Anciens. Leur corruption avait transformé des monstres en terribles créatures, les forêts étaient plus dangereuses que jamais. Des guerriers chasseurs de monstres ont ainsi fait irruption, protégeant les villages, monnayant leurs services. Indépendants, neutres, ces premiers sorceleurs ont ensuite évolué, formant des castes, des écoles, suivant un certain code d’honneur.
Pour les décrire en quelques mots, on peut reprendre cette description d’Effenberg et Talbot, qui, dans le cadre de leur ouvrage monumental, « Encyclopaedia Maxima Mundi », ont résumé les propos de l’historien Flourens Delannoy, tels que relatés dans « Mythes et légendes des peuples du Nord » :
2°) La formation typique d’un sorceleur« Les Sourceliens, ou Sorceleurs chez les Nordling, sont une caste élitiste et secrète de prêtres-soldats, fraction de druides vraisemblablement. Dotés, dans l'imaginaire populaire, d'un pouvoir magique et d'aptitudes surhumaines, ils devaient prendre part à la lutte contre les mauvais esprits, les monstres et toutes les forces obscures. En réalité, maîtres dans le maniement des armes, les Sourceliens étaient utilisés par les souverains du Nord au cours des luttes tribales que se livraient ces derniers. Pendant le combat, les Sourceliens entraient en transe, transes qu'ils provoquaient, suppose-t-on, par l'auto hypnose ou des moyens enivrants. Ils luttaient avec une énergie aveugle, car ils étaient totalement insensibles à la douleur et même aux blessures sérieuses, ce qui confronta les exagérations quant à leur puissance surnaturelle. La théorie selon laquelle les Sourceliens seraient le résultat d'une mutation ou d'une ingénierie génétique n'a jamais été confirmée. Les Sourceliens sont les héros de nombreuses légendes chez les Nordling »
La formation d’un sorceleur est jalonnée par plusieurs épreuves :
- L’Épreuve du Choix. Cette rude épreuve désigne la préparation physique de l’apprenti sorceleur, qui dure de nombreuses années. Les entraînements des sorceleurs sont connus pour leur rigidité, leur dureté, leur sévérité. Beaucoup d’apprentis échouèrent, ou moururent lors de ces rudes entraînements, véhiculant progressivement l’image tenace, chez les sorceleurs, d’être des individus monstrueux, amoraux, et cruels,
- L’Épreuve des Herbes. La seconde Épreuve consiste à ingérer les élixirs des sorceleurs, des mutagènes dont la conception est tenue secrète, et a longtemps suscité l’appétit des dirigeants et de factions rivales. Cette épreuve est redoutable, car les élèves reçoivent une série d’élixirs à la très haute toxicité, jusqu’à ce que la mutation s’opère. La mutation affûte les sens du sorceleur, allonge son espérance de vie, leur permet de voir dans la nuit, mais au prix de leur fécondité. Seuls quatre enfants sur dix réussissent cette épreuve.
- L’Épreuve des Modifications. Dans la droite lignée de la deuxième Épreuve, l’Épreuve des Modifications désigne l’étape pour permettre à l’apprenti sorceleur de devenir pleinement sorceleur. Ceux qui ont réussi l’Épreuve des Herbes réussissent généralement sans difficulté cette dernière épreuve.
3°) La chute progressive des sorceleurs
Au fil des siècles, la réputation des sorceleurs se tarit. Stériles, inféconds, ils payaient cher leur prix, et s’effondraient devant la concurrence. Ces vagabonds étaient de plus en plus mal perçus par les États en développement. On les assimilait à des fauteurs de troubles, à des monstres dégénérés capturant des enfants pour les former à leurs sinistres rituels macabres. Car, quand un individu n’a pas de quoi payer un sorceleur, celui-ci peut exiger à son encontre qu’il lui remette ce qu’il n’a pas encore et qu’il aura à son retour… Autrement dit, son jeune enfant. Ce droit ancestral, appelé « droit de surprise », est au cœur de l’existence des sorceleurs, et c’est en exerçant le droit de surprise que les sorceleurs parviennent à obtenir de nouveaux disciples.
Alors que l’Ordre Divin se développait, les sorceleurs étaient de plus en plus perçus comme un anachronisme, comme des individus dangereux. Pour se convaincre de cette haine progressive, un pamphlet ne tarda pas à circuler parmi le bas peuple, « Monstrum, ou De la description d’un sorceleur ». Rédigé par un auteur anonyme, ce pamphlet a servi à véhiculer une haine populaire contre les sorceleurs, haine qui s’est mis à croître significativement dans les jours ayant suivi la Chute de l’Eld, et dont les quelques extraits sont sans appel :
Le rejet croissant des sorceleurs a sonné le déclin de cet ordre ancestral. Les sorceleurs, qui disposaient jadis de forteresses, et de plusieurs écoles, se sont significativement réduits.« En vérité, nul estre est plus vil que ces monstres contre nature, lesdicts sorceleurs, car ceux-cy sont le fruit d'abjectes sorcelerie et diablerie. Des vermines sans vertu, sans conscience ni scrupule, de veritables creatures desmoniaques, dont la seule faculté est d'occire. Il ne se peut trouver de place, parmi les honnestes gens, pour des estres tels que ceux-la.
Quant à Kaer Morhen, , où ces infames se tapissent pour s'adoner à leurs espouvantables pratiques, il devrait estre rasé de la surface de la terre, et ses vestiges, recourverts de sel et de salpestre. »
------
« Ils errent par les contrées, ces fascheux et eshontés qui se nomment eux-mesmes les chasseurs du mal, les bourreaux des loups-garous, les exterminateurs de vampires, et qui arrachent leur tribut aux hommes credules, puis, apres avoir perceus ce salaire infame, ils poursuivent leur chemin jusqu'à l'endroit le plus proche où ils pourront s'adonner à pareille fourberie. L'acces qui leur est le plus aisé est celuy qui attribuent fort facilement aux sortileges, aux estres contre nature, aux monstres, à l'action d'un esprit des airs ou à celle d'un mauvais esprit, tous leurs maux et leurs males fortunes. Au lieu de prier les dieux, et de présenter une riche offrande au temple, de tels rustauds sont prests à donner leur dernier sou à un vil sorceleur, car ils croient que cet apostat impie parviendra à changer leur sort et à mettre fin à leurs malheurs. »
------
« Il est de notoriété publique qu'au moment d'infliger la douleur, la souffrance et la mort, le sorceleur connaît une jouissance similissime qu'un homme pieux et normal ne connaît qu'en copulant ibidem cum eiaculatio avec son épouse légitime. De cette observations il découle que dans ce domaine également le sorceleur est un monstre contre nature, un pervers amoral et abject, né de l'enfer le plus noir et le plus pestilentiel, car de la souffrance et de la douleur seul le diable peut tirer de la jouissance. »
4°) Les pouvoirs des sorceleurs
Ils se battent traditionnellement avec deux épées, une épée en argent et une épée en acier, chacune ayant des propriétés différentes. Contrairement à une idée reçue, l’épée en argent n’est pas uniquement utilisée contre les monstres. L’épée en acier peut aussi s’avérer utile, car chacune des deux lames a des propriétés différentes. Fait notable, contrairement au bretteur standard, le sorceleur porte ses deux épées dans son dos.
Un sorceleur peut aussi recourir à la magie, par le biais de Signes. Les sortilèges magiques des sorceleurs sont redoutables, s’utilisent par la main, et les principaux sont les suivants :
- Aard. Le Signe d’Aard est un sortilège d’Air consistant à générer avec sa paume un déplacement d’Air,
- Igni. Signe de feu, Igni permet de faire jaillir des flammes de sa main,
- Axii. Plus ésotérique, Axii permet à un sorceleur de manipuler les esprits faibles, ainsi que les monstres faibles. C’est un signe psychique aux effets variables, que les sorceleurs utilisent principalement pour amener des monstres à se battre avec eux,
- Quen. Quen est un Signe de protection, qui permet de générer autour du sorceleur un bouclier magique, qui le protège des attaques… Tant que Quen n’explose pas !
- Yrden. Ce Signe est un Signe lançant un sort de zone, dont les effets sont multiples et variables. Yrden peut renforcer les pouvoirs de ceux qui s’y trouvent, ou, au contraire, affaiblir les ennemis. Ce sort de zone permet également de rendre tangibles les créatures intangibles, comme les spectres ou les fantômes.
5°) Quelques écoles de sorceleurs
Plusieurs écoles historiques composaient les sorceleurs, et, si certaines existent encore toujours, elles sont tombées en décrépitude. En voici quelques-unes :
- École du Loup.
Kaer Morhen était jadis une grande forteresse, qui embauchait même des ouvriers. Cependant, après la Chute, Kaer Morhen est devenue une cible. Des villageois furieux ont assiégé la forteresse, sans qu’on n’en connaisse encore vraiment les raisons .Avaient-ils été influencés par les inquisiteurs de l’Ordre Divin ? Par la lecture du Monstrum ? D’aucuns disent que le point déclencheur de ce siège fut quand plusieurs apprentis s’enfuirent de Kaer Morhen. Malingres, affaiblis, couverts de bleus et d’ecchymoses, la vue de leurs corps en loques acheva de convaincre les villageois de mettre fin à ces pratiques barbares. Kaer Morhen fut assiégée, mise à sac. De ce siège sinistre, il ne reste plus qu’un antique sorceleur, Vesemir.

Le vieux Vesemir
Vesemir, dit-on, est le sorceleur le plus âgé qui soit encore en vie. Certains se demandent même s’il ne serait pas plus vieux que Kaer Morhen même. Il a connu l’Eld avant la Chute, et est un sorceleur apaisé. Après le siège de Kaer Moren, il a formé tous les sorceleurs du Loup, et est le seul à résider presque toute l’année à Kaer Morhen.
Il existe aujourd’hui très peu de sorceleurs du Loup, et ceux-ci ont pour coutume de se réunir ensemble pour célébrer la fin de l’année. Lambert, Eskel, Geralt de Riv et Vesemir sont les quatre derniers membres de l’école du Loup. Il existe toutefois un cinquième sorceleur, un renégat qui a disparu il y a plusieurs années, Berengar.
- École de la Vipère.
Bien que l’école soit fermée, Emhyr utilise encore certains sorceleurs de la Vipère comme ses assassins personnels, dont le redoutable Letho de Guletta.

Letho de Guletta
III – LA LÉGENDE TRAGIQUE DE LARA DORREN ET DE CREGENNAN DE LOD
1°) Le mythe originel et ses interprétations multiples
Enfin, on ne peut terminer cette présentation générale sans évoquer une célèbre histoire de Terra, histoire qui, pour certains, tient du conte de fées… Ou, plutôt, du mythe tragique. Un mythe relatant la romance impossible entre Lara Dorren aep Shiadhal, une puissante magicienne elfique, fille de la Reine Shiadhal, et Cregennan de Lod, un mage humain. Les circonstances de leur rencontre évoluent selon les versions de l’histoire, mais il est acquis qu’ils se rencontrèrent en une période conflictuelle, cette époque où les elfes peinaient encore à accepter que la roue de l’Histoire avait tourné, et que l’Âge des Hommes venait de s’instaurer. Le royaume mené par Shiadhal était entré en conflit avec l’Eld, refusant la tutelle et la suprématie eldoise.
Dans ce contexte, la romance entre les deux était impossible, sorte de variante propre à Terra de ces contes romanesques opposant l’amour à la raison. Mais, entre Lara et Cregennan, il y avait plus que de simples oppositions politiques. Lara Dorren était une elfe unique, car elle avait hérité de propriétés génétiques elfiques très anciennes, qui faisaient que Shiadhal avait toujours eu un regard particulier sur elle. Dans le jargon elfique, Lara Dorren avait hérité de l’Hen Ichaer, le Sang Ancien
Hen Ichaer était un programme génétique lancé par les elfes, soutenu par Shiadhal, visant à développer, par le biais de croisements génétiques entre de puissants elfes, des magiciens elfiques très puissants. Lara Dorren était la dernière héritière du programme Hen Ichaer, mais ce programme génétique reposant sur le sang « pur » nécessitait uniquement de copuler avec des elfes, car le sang des autres espèces était jugé comme inférieur. Toutefois, Hen Ichaer n’était pas parfait, et ce programme génétique avait donné lieu à des aberrations, à des monstruosités magiques. Lara Dorren devint l’aboutissement de Hen Ichaer, et est historiquement connue pour être la première Source dont les historiens se souviennent. Une Source, autrement dit une personne dotée d’un potentiel magique potentiellement illimité, et capable de tordre les frontières de la réalité, de voyager à travers le temps, à travers l’espace, et même à travers les dimensions. Un pouvoir terrible, une malédiction.
Lara Dorren tomba amoureuse de Cregennan de Lod, déclenchant l’ire des deux camps :
- Shiadhal, en voyant sa fille s’éloigner, porteuse du Sang Ancien, haït Cregennan de Lod,
- Les humains voyaient en Lara Dorren une sorcière redoutable, hantée par les démons.
Toutes ces versions s’accordent néanmoins sur plusieurs points, à savoir que Lara Dorren avait renoncé à son héritage royal, et s’était rendue avec Cregennan de Lod à Lumen pour vivre. Cregennan, de son côté, est beaucoup plus mystérieux. D’aucuns disent qu’il était simplement un fils de marchand, un magicien de second rang. Comprendre pourquoi Lara Dorren était tombée éperdument amoureuse est un mystère auquel aucun chroniqueur ne peut répondre. Mais, à Lumen, les tensions entre les communautés elfiques et humaines avaient conduit l’Ordre Divin à se montrer plus dangereux, plus incisif. Et Lara Dorren, porteuse du Sang Ancien, était indéniablement sujette à des crises particulièrement violentes, des crises magiques et psychiques influant sur les personnes autour d’elle. Tous les efforts de Cregennan ne suffirent à la soigner.
Leur fin fut tragique, et, même si les versions divergent sur la fin, la version humaine est la plus répandue. Selon cette version, Lara Dorren fut condamnée à l’accusée d’un procès inquisitorial où elle fut reconnue coupable de sorcellerie, et condamnée au bûcher. Les humains insistent sur le fait que, alors que les flammes déchiraient la chair de Lara, celle-ci les maudit tous, et condamna les humains au malheur éternel, à la damnation. Les elfes, eux, retiennent une fin plus romantique, en disant que, suite à sa mort, la colline se recouvrit de feainnewedd, une fleur très particulière que les elfes disent imprégnés de la mémoire du Sang Ancien.
Quant à Cregennan de Lod… L’Histoire oublia son rôle après la mort de Lara Dorren… Et, bien des millénaires après, la lignée de Lara Dorren n’était toujours pas éteinte, propageant avec elle Her Ichaer, le Sang Ancien, et les Sources…
Officiellement, Lara Dorren eut trois enfants de son union avec Cregennan de Lod, tous les trois susceptibles de porter Her Ichaer. Des trois, seule l’identité de Riannon a, pour son malheur, su échapper aux affres de l’Histoire.
2°) Falka et Riannon
De tous les tyrans et de tous les bouchers cruels qui émergèrent de l’Histoire de Terra, peu sont aussi redoutés et craints que Falka-La-Noire. Fille du Roi de Rédanie, Vridank l’Elfe, elle mena une révolte contre son propre père, car celui-ci, en compagnie de sa femme, Cerro, choisit d’adopter Riannon. Or, tout laissait à penser que Vridank ne voudrait pas de sa fille comme héritière légitime, celle-ci étant bien trop instable à son goût. Cruelle, Falka l’avait été depuis l’enfance, où elle prenait plaisir à martyriser les animaux, et à torturer psychologiquement ses serviteurs. On disait que le démon avait pris possession d’elle à sa naissance, qu’elle était maudite, qu’elle se régalait du sang de ses victimes. Un esprit dérangé, à n’en point douter, qui ressentit envers Riannon une folle jalousie.
Falka versa dans les arts occultes pour mener à bien sa révolte, et réussit à tuer son père, sa mère, et ses frères, ne laissant plus que Riannon en vie. Les deux sœurs maudites s’affrontèrent dans une lutte qui est, pour l’essentiel, romancée. Il est difficile de dissocier la réalité historique des exagérations de l’époque tendant à diaboliser davantage Falka. La guerre entre les deux femmes plongea la Rédanie dans une situation de guerre civile durable et d’anarchie durable, les pouvoirs kovariites et témériens se joignant à la guerre civile, soit pour soutenir Falka, soit pour soutenir Riannon. Les premiers arguaient du fait qu’elle était l’héritière légitime, et donc devait récupérer le trône, là où la seconde était une bâtarde. Derrière ces arguments, ceux soutenant la première théorie voulaient surtout éviter un précédent regrettable, qui aurait pu amener, dans les conflits successoraux, un enfant adopté à avoir prédominance sur l’enfant légitime.
La guerre dégénéra rapidement en multiples tueries. C’est dans ce contexte que la lignée de Lara se perdit, car Falka et Riannon étaient toutes les deux enceinte quand elles se retrouvèrent enfermées au fort d’Hotbourg. Riannon était enceinte de jumeaux, et Falka d’un enfant. La guerre civile avait rendu les deux femmes folles à lier, Riannon comme Falka. Les deux avaient vu trop d’atrocités, avaient participé à trop de tueries… Ou peut-être était-ce le Sang Ancien qui avait fini par avoir raison de la santé mentale de Riannon. Les aristocrates rédaniens s’étaient réunis à Hotbourg pour trouver un nouveau souverain.
Falka, qui ne ressentait que dégoût pour son enfant, car né d’un honteux viol qui fut effacé des mémoires, le confia à Riannon, et celle-ci l’éduqua avec ses enfants, sans toutefois pouvoir distinguer lequel des trois était le sien. La guerre de Falka se termina avec elle condamnée au bûcher. La sorcière périt dans les flammes, en proférant une terrible malédiction, si terrible que certains chroniqueurs soupçonnent des historiens d’avoir porté dans la bouche de Lara Dorren les propres mots de Falka.
Quant aux enfants de Rionnen et de Falka, on confia à des mages et à des alchimistes le soin de déterminer qui était l’enfant de Falka, et qui étaient les deux enfants de Rionnen. Mais aucun mage ne parvint à trouver la vérité. La lignée de Lara Dorren croisa ainsi intimement celle de Falka, jusqu’à n’en faire plus qu’une…
--------------------------
TOME II
CIRILLA FIONA ELEN RIANNON
CIRILLA FIONA ELEN RIANNON
I – LES PARENTS DE CIRILLA

L’histoire de Cirilla était déjà particulière avant même sa naissance.
Sa mère est issue de la haute aristocratie de Cintra, puisqu’elle est la Princesse Pavetta, petite-fille de la Reine Adalia, et fille de Calanthe, la « Lionne de Cintra ». Pavetta était toutefois un enfant particulier, car elle était une Source. Plusieurs historiographes et généalogistes, en tentant de retracer les origines de la grande famille régnante, estimèrent que Lara Dorren, la Mage Maudite, était très probablement une ancêtre. Et ce fut finalement chez Pavetta que le Sang Ancien se manifesta. Née Source, Pavetta s’avéra dès sa naissance très particulière, et soumise à un traitement magique très particulier destiné à contrôler ses crises magiques.
L’histoire de Pavetta était scellée dès le début par le Destin… En raison de son sang, mais aussi en raison du fait que Pavetta avait été promise par son père, le Roi Roegner, à un chevalier errant, l’énigmatique « Duny ». Duny était un chevalier errant frappé d’une étonnante malédiction, semblable à la lycanthropie. La nuit, Duny ne se transformait toutefois pas en Lycan, mais en une espèce de monstre poilue avec une série d’épines osseuses jaillissant de son dos, lui donnant vaguement la forme d’un hérisson. Les origines de Duny étaient floues, mais il est acquis que Duny sauva une fois le Roi Roegner d’une chute dans un ravin. Une mauvaise chute qui tua son cheval, et brisa ses jambes. Condamné à mourir de faim dans une crevasse, il fut sauvé par la venue impromptue de Duny. Roegner n’avait rien à lui offrir, et Duny réclama donc son droit de surprise. Ce choix n’était pas anodin, car Duny avait entendu dire, par le biais de sorcières, que le seul moyen de lever sa malédiction serait d’avoir un « enfant-surprise ». Roegner, qui revenait d’une campagne, accepta cette proposition, et, quand il retourna chez lui, ce fut pour découvrir que sa femme, Calanthe, était tombée enceinte.
C’est ainsi que, dès sa naissance, Pavetta était destinée à épouser Duny. Duny avait sauvé Roegner alors qu’il était assez jeune, un simple écuyer, mais, en toute hypothèse, et conformément aux lois de Cintra, Pavetta ne pouvait être mariée avant d’avoir atteint l’âge de quinze ans. Secrètement toutefois, Duny s’était rendu à Cintra un an avant l’anniversaire de Pavetta, et avait entrepris de la courtiser. Lui qui n’avait aucune ascendance noble à Cintra ne voulait prendre aucun risque, car beaucoup de gens souhaitaient acquérir la main de Pavetta.
L’anniversaire de Pavetta arriva ainsi à la cour royale de Cintra. Une fête somptueuse, où les grandes familles du royaume se rendirent sur place, amenant avec eux leurs plus beaux enfants. Pavetta se devait d’avoir son fiancé à l’issue de cette soirée. Il y avait de tout, y compris un sorceleur, Geralt de Riv. Et, alors que les débats s’envenimaient, et qu’on cherchait le meilleur parti pour la jeune femme, Duny arriva. L’Hérisson Maudit rappela à Roegner son droit de surprise, ce qui fut le premier coup de théâtre de la soirée. Des convives s’énervèrent contre cet énergumène, et Duny réclama l’aide du sorceleur, arguant que le droit de surprise était une tradition ancestrale. Neutre en toute matière, le sorceleur acquiesça, et rappela aux jeunes nobliaux enivrés et enflammés par le décolleté mirifique de Pavetta que le droit de surprise était une coutume ancestrale, d’essence divine. À ce jour encore, on peut s’interroger sur la personne ayant convaincu Geralt de venir à une fête à laquelle le Loup Blanc ne goûtait d’habitude que peu. Était-ce là une manœuvre de Duny ?
Le second coup de théâtre vint ensuite quand Pavetta avoua à sa famille être amoureuse de Duny, et vouloir se marier avec lui. Roegner, furieux, s’enflamma contre sa fille, contre ce mariage inutile, ce mariage avec un va-nu-pieds, un gueux qu’on disait originaire d’Erlenwald, mais qui ne pouvait justifier de ses ascendances nobles. Duny affirma pourtant être le fils du Roi Akerspaark d’Erlenwald. On invoqua des jurisprudences interdisant ce type d’unions. Pavetta affirma être prête à renoncer à son titre, à son lignage, et ce fut le début d’une rixe. Les coups fusèrent, et c’est à ce moment que Pavetta connut sa crise. Car, dans la précipitation, un invité lui arracha son pendentif, un pendentif confié par sa mère, qui la tenait elle-même d’elfes, abritant un cristal magique restreignant ses pouvoirs magiques.
Sans ce pendentif, le médaillon du sorceleur se mit à vibrer, s’agitant et s’affolant comme jamais. Et Pavetta hurla alors. Un hurlement déchirant, provoquant une onde magique qui résonna à travers tout Terra. Le toit lui-même explosa quand une colonne d’énergie en fusa. Tout autour de Pavetta, la magie s’enflammait. Le chaos se déchaîna, des arcs électriques fusèrent tout autour d’elle, tandis qu’elle hurlait et psalmodiait dans une langue ancienne, ancestrale, aux sonorités gutturales et profondes, vicieuses et pernicieuses.
La crise de Pavetta fut stoppée grâce à Geralt et à Duny. Geralt sauva ce soir la vie de Duny, et, comme dans un conte de fées, lorsqu’il embrassa Pavetta, sa malédiction se leva. Duny, qui était un homme d’honneur, demanda à Geralt de lui offrir ce qu’il voulait. Geralt le prit au mot, et réclama son droit de surprise à l’encontre de Duny, demandant ce que Duny avait et qu’il ignorait.
Plus tard, Geralt devrait découvrir auprès de l’agence de Codringher et Fenn, agence d’avocats et de détectives privés luméens, que, si Aperskaark avait eu de nombreux enfants, il n’en eut aucun du nom de Duny.
Quant à Duny, son mariage avec Pavetta fut célébré, et il constata, quelques jours après la fête d’anniversaire, que celle-ci était enceinte.
II – L’ENFANCE DE CIRILLA
1°) La première rencontre entre Geralt de Riv et Cirilla
Cirilla est donc la fille de Pavetta et de l’énigmatique Duny. Elle passa son enfance à Cintra, mais aussi à Skellige, où elle allait voir sa grand-mère, la terrible Lionne de Cintra, qui profitait d’une retraite bien méritée. Cirilla se lia rapidement d’affection avec la terrible Calanthe.
Elle oublia pendant des années sa première rencontre avec Geralt, car lui ne la vit pas. Jeune bébé, elle observait sa mère depuis la fenêtre, et vit que celle-ci accueillait un visiteur aux longs cheveux blancs. Geralt était venu voir Pavetta plusieurs mois après l’anniversaire, pour s’assurer qu’il n’y ait aucune nouvelle crise, et aussi pour dire que, finalement, il renonçait à exercer son droit de surprise, indiquant qu’il refusait de croire à la Providence. La nouvelle soulagea Pavetta.
La jeune Cirilla eut l’occasion de rencontrer Geralt une seconde fois avant le massacre de Cintra, dans la forêt Brokilone. Sa mère n’était pas encore partie avec Duny pour Skellige lors de leur dernier voyage, et elles se rendirent à Brokilone pour une raison tout à fait particulière. Tout comme sa mère, Cirilla avait hérité du Sang Ancien, mais celui-ci semblait être encore plus fort chez elle que chez sa mère. Or, à Brokilone, forêt magique peuplée d’espèces anciennes, de dryades, de naïades, d’elfes et d’Alraunes, Pavetta espérait trouver l’aide nécessaire pour sa fille, pour qu’elle contrôle ses pouvoirs. Cirilla avait déjà eu droit à quelques redoutables crises, et elle reçut autour du cou un collier avec un pendentif similaire à celui que Pavetta avait. Si le Sang Ancien s’était tari en Pavetta suite à la naissance de Ciri’, il s’était affirmé plus fort encore chez elle.
Lors du séjour à Brokilone, Cirilla fut attirée par les voix enchanteresses de la forêt, et s’éloigna du village où se trouvait sa mère. Cependant, sa route l’amena face à un scolopendromorphe, sorte de mille-pattes géant. Elle fut sauvée d’un sort funeste par l’intervention de Geralt, l’un des rares humains autorisés à Brokilone. Geralt conduisit Cirilla à Eithné, la redoutable Reine de Brokilone, une dryade aussi belle que fatale, qui, en voyant le pouvoir de Cirilla, voulut en faire une dryade. Pour cela, Eithén faisait boire un élixir hypnotique assujettissant les futures dryades à sa volonté, mais cet élixir, à la grande surprise d’Eithné, se révéla sans efficacité sur Cirilla.
Geralt chargea ensuite le druide Sac-à-souris de ramener Cirilla auprès de sa mère.
2°) L’identité de Duny et la mort de Pavetta
Parallèlement, les relations entre Pavetta et Duny se compliquaient. Geralt se méfiait de l’homme, et invita Pavetta à en faire de même. C’est en le confrontant avant de partir à Skellige que Pavetta apprit finalement la vérité sur lui. Il n’était pas le fils d’Akerspaark, mais Emhyr var Emreis, descendant des Var Emreis, et destiné, selon lui, à devenir le futur Empereur de Mijak. Et il exhorta Pavetta à retourner avec lui à Mijak, car les Mijakiens avaient décidé d’envahir les Royaumes Nordiques, et comptaient raser Cintra au passage.
Emhyr lui expliqua que Cirilla était unique, et qu’elle mettrait fin à la guerre, et même à toutes les guerres. Car elle était L’Hirondelle. Emhyr croyait fermement à une vieille croyance elfique, aussi vieille que le monde, la Prophétie d’Ithlinne, racontant la venue du Froid Éternel, de Tedd Deireadh : « Le Blizzard du loup approche, l'ère de l'épée et de la hache, le temps de la Lumière Immaculée, le Temps du froid immaculé, le temps de la Folie, le temps du Mépris. Tedd Deireadh, l'Age Ultime. Le monde périra dans la glace et renaîtra sous un nouveau soleil. Né à nouveau du Sang Ancien, d'hen Ichaer, d'une graine plantée.. Une plante qui ne poussera pas : elle prendra feu ! ».
En tant qu’héritier des Var Emreis, et conformément à la tradition finale, Emhyr devait commencer sa vie d’homme par une itinérance à travers Terra. Cette itinérance l’avait amené à découvrir la Prophétie d’Ithlinne, et à comprendre qu’Ihtlinne, prophétesse elfique, avait vu, à travers cette vision, le retour des cauchemars ancestraux, des Grands Anciens. D’après la Prophétie, le Temps du Mépris annoncerait l’Âge Ultime, le Froid Immaculé, ou le réveil des Grands Anciens. Emhyr s’était convaincu de la réalité de cette fable, et aussi du fait que sa fille était destinée à régner sur la moitié du monde, à devenir l’Impératrice de Mijak, puis à conquérir le nouveau monde. Son petit-fils dominerait ainsi Terra, et parviendrait à sauver Terra de la Prophétie d’Ithlinne.
Tout ce que Pavetta vit, ce fut des mensonges, un homme qui n’avait cessé de mentir, et qui n’avait vu en elle qu’un faire-valoir. Leur dispute eut des conséquences importantes, car, secrètement, Pavetta refusa que Cirilla les suive sur le navire en partance pour Skellige… Car elle savait que « Duny » voulait conduire leur fille à Mijak. Et Pavetta, elle, était décidée à en finir avec son mari, à le tuer, et ainsi, l’espérait-elle, à empêcher l’invasion de son pays. Une fois sur le navire, quand Emhyr s’aperçut que sa fille n’était pas à bord, lui et sa femme se disputèrent. Pavetta tenta de le tuer avec un poignard, mais Emhyr s’avéra plus rapide, et la jeta par-dessus bord.
Officiellement, le navire des deux époux fut détruit dans une tempête, et leurs corps ne furent jamais retrouvés.
En réalité, Emhyr savait qu’il n’était désormais plus le bienvenu à Cintra, car il était convaincu que la Reine Calanthe avait été informée par sa fille de son identité réelle, et qu’elle le tuerait à première vue. Il retourna donc à Mijak, où il prit sa place en tant que dirigeant des Var Emreis, l’une des plus puissantes familles de Mijak, et autorisa l’invasion de Cintra, tout en confiant à l’un des meilleurs éléments, le soldat Cahir, de récupérer Cirilla.
III – CIRILLA, SORCELEUSE ET MAGICIENNE
1°) Le Massacre de Cintra
Les Mijakiens envahirent Cintra, et Emhyr y avait des intérêts très personnels. Il voulait récupérer sa fille. Pendant le Massacre de Cintra, Calanthe, la Reine régente, qui était revenue de Skellige pour régner sur ses terres natales. Mais la Lionne de Cintra ne pouvait lutter contre les Mijakiens. Elle ordonna qu’on évacue sa fille vers Skellige, et se suicida en se jetant du haut des remparts. De Cintra et du massacre, Cirilla se rappelle du feu omniprésent, des rues devenues rouges, des meurtres, des hurlements… Et du « Chevalier Noir ». Un homme avec un heaume hérissé de deux cornes qui jaillit au port, et qui, d’après ses souvenirs confus, venait pour l’emmener en Enfer.
En réalité, l’escorte de la Reine Calanthe, celle qui devait conduire Cirilla à Skellige, réussit à rejoindre le port. Les soldats furent trahis par l’équipage de Skellige. Calanthe était alors mariée à Eist Tuirseach, Roi de Skellige, après le décès de feu Roegner. Si Eist Tuirseach avait décidé de soutenir sa femme dans le conflit contre Mijak, sa flotte fut mise en pièces dans l’embouchure de Cintra, et le navire royal était en feu. Les guerriers de Skellige étaient décidés à prendre Cirilla pour leur propre compte, et à la vendre aux plus offrants. Les gardes qui l’accompagnaient furent tués, et, alors que les pirates allaient emmener Cirilla, Cahir intervint. Il n’avait pas oublié sa précieuse mission, et abattit les pirates, puis récupéra Cirilla. Grâce à lui, Cirilla survécut au chaos de Cirilla, Cahir allant jusqu’à affronter les siens pour la protéger, car la guerre rendait les hommes fous, et leur faisait oublier leurs serments.
Cirilla était désemparée, et, surtout, dans le tumulte de l’effondrement de Cintra, elle avait perdu son pendentif. Sa peur se cristallisa sur Cahir, et, alors qu’elle protestait, sa magie se manifesta subitement, déclenchant une onde de choc qui frappa de plein fouet le « Chevalier Noir ». Elle pensa alors l’avoir tué, et, paniquée, se mit à fuir. Cirilla était débrouillarde, elle était même un peu chapardeuse, s’amusant souvent, que ce soit au Palais ou à Skellige, à se glisser n’importe où. Mais là, elle ne voyait que la mort, les hurlements, et les blessés. Elle rejoignit des colonnes de réfugiés, voyant de nombreux orphelins comme elle, tandis que la capitale continuait à brûler.
Les pas de Cirilla la conduisirent jusqu’à des villages en amont. Les réfugiés fuyaient vers les Royaumes du Nord, et elle échoua dans une auberge, désemparée, effondrée, glacée, malade. Une pluie drue s’abattait, et le désespoir régnait partout. Tout le monde savait que les Mijakiens allaient remonter, que l’armée de Cintra était en miettes. On espérait l’aide de la Témérie, les renforts de Lumen… Mais ce fut finalement une autre aide qui entra dans l’auberge.
Cirilla le reconnut dès qu’il entra. Frigorifiée, elle vit l’homme entrer dans l’auberge, s’avançant lentement, et, à leur manière, tous les autres le reconnurent. Ses yeux jaunes brillaient dans l’obscurité, et, avec ses deux épées croisées dans son dos, Geralt de Riv n’était pas inconnu. Le sorceleur était là. Simple coïncidence ? Le sorceleur avait toujours refusé la Providence, mais sa route croisait à nouveau celle de Cirilla. Une enfant désemparée, désespérée, mais dont le feu brûlait encore dans ses yeux. Et elle savait. En son for intérieur, elle savait que, jadis, Geralt avait réclamé son droit de surprise, et y avait ensuite renoncé. Elle l’accusa, ordonna qu’il réclame à nouveau son droit, et l’éloigne d’ici. Ni Pavetta ni Calanthe n’avaient jamais parlé à Cirilla de ce droit de surprise. Mais la règle était la règle, et, même pour un sorceleur désabusé et cynique, il se devait de s’y plier.
Alors, Geralt accepta, et la conduisit dès l’aurore vers la lointaine Kaer Morhen. Ils traversèrent les Royaumes Nordiques, qui, tous, se préparaient à la guerre, et rejoignirent ainsi la légendaire forteresse des sorceleurs. Geralt n’était pas forcément un homme de bonne compagnie, mais, la nuit, il voyait que Cirilla cauchemardait. Régulièrement, son médaillon vibrait, et il la prenait dans ses bras, ou elle finissait alors par se calmer.
2°) L’entraînement de Cirilla à Kaer Morhen
La route vers Kaer Morhen prit plusieurs semaines. Elle était dangereuse, car Geralt évitait autant que possible les grands axes, par peur qu’on ne reconnaisse Cirilla, ou qu’ils ne se trouvent embarqués dans un quelconque conflit. Mais, plus que tout, Geralt craignait avant tout les espions mijakiens, dont il connaissait le talent. Dans la forêt, il lui parla des légendes sorceleurs, et elle le vit combattre, tuant des monstres, les noyeurs, les kikimorrhes, usant de ruse avec ses Signes pour repousser les brigands peu enclins à défier un sorceleur.
Et ils furent à Kaer Morhen. L’antique forteresse était toujours là, et, à l’annonce de la guerre, Vesemir, le noble Vesemir, avait réuni tous les sorceleurs de son école. Tous étaient déjà là quand Geralt entra dans la cour du château : Vesemir, Lambert, Eskel, et le jeune Coën. Lambert, fidèle à lui-même, nota que Loup-Blanc était en retard, ce qui fit sourire Vesemir, tandis qu’Eskel ôta les épaules, son visage défiguré par une cicatrice hideuse. Coën était un autre apprenti sorceleur, et Vesemir accepta que les sorceleurs éduquent Cirilla. Il était temps de rester à Kaer Morhen, le temps que le conflit s’amenuise, car Vesemir tenait à la neutralité politique des sorceleurs.
L’entraînement des sorceleurs était dur, exigeant, mais Cirilla s’avéra assez talentueuse. Et, très rapidement, elle retrouva son sourire, son caractère espiègle, ses provocations, ce côté chapardeur et aventurier, curieux de tout. Quand les sorceleurs s’absentaient, Vesemir veillait sur elle. L’ancestral sorceleur, qu’elle appela « Oncle Vesemir », essayait désespérément de lui enseigner la méditation, mais Cirilla trouvait juste que c’était une forme de sieste…
L’une des plus redoutables épreuves de Cirilla fut celle des roues. Il s’agissait d’avancer sur une planche en bois face à une série de mannequins en bois tournoyant comme des roues avec des poutres en bois, et de les esquiver. L’épreuve était particulièrement difficile, car il fallait, non seulement mémoriser les roues de devant, mais aussi celles de derrière. Cirilla tomba bien plusieurs centaines de fois pendant cette épreuve.
Mais, au-delà de ça, il y avait les nuits de Cirilla. À chaque fois que celle-ci dormait, tous les sorceleurs sentaient des vibrations. Ils percevaient sa terrible magie, une force terrible qui semblait dormir en elle. Elle se manifesta clairement une première fois après toute une journée à essayer de franchir les roues, et à essuyer les moqueries de Lambert. Cirilla s’énerva alors, et, dans un terrible hurlement, influa sur la météo. Un éclair déchira le ciel, et enflamma les mannequins de bois. Ce fut ce geste qui conduisit les sorceleurs à se réunir encore… Ça, ainsi que les étranges prédictions de Cirilla. Dans un rêve, elle avait ainsi vu Vesemir, plus jeune, dans une autre Kaer Morhen, resplendissante, saluant la foule, et portant assistance à une femme enceinte.
Ensemble, les sorceleurs se réunirent. Chacun avait noté les crises nocturnes de Cirilla, et avait essayé d’y résoudre. Eskel avait essayé de dormir avec elle, et le lit avait failli prendre feu. Lambert avait également essayé, et c’était tout le château qui aurait bien pu disparaître. Avec Vesemir, Cirilla s’était un peu calmée, mais il n’y avait qu’avec Geralt qu’elle dormait paisiblement. Pour Vesemir, c’était le signe que Geralt était lié à elle, ce à quoi l’intéressé répondait en haussant les épaules, n’ayant jamais cru à la destinée. Ceci étant dit, et au-delà des plaisanteries, les sorceleurs avouèrent leur impuissance. Ils avaient besoin d’une aide de pointe, mais, en ces moments de guerre, les magiciens étaient difficiles à réquisitionner. Eskel proposa d’appeler Yennefer, mais Geralt rejeta l’idée, n’osant pas l’appeler. Le choix se porta donc sur une autre magicienne, qui recueillit l’assentiment de tous, sauf de Lambert, comme de coutume : Triss Merigold.
Survivante de la Bataille de Sodden, Triss était une magicienne redoutable. Réputée morte à Sodden, elle était en train d’être réhabilitée, et Vesemir savait que Triss accepterait l’aide de Geralt. Elle était suffisamment amoureuse d’elle pour être devenue une rivale de Yennefer, et pour avoir été jusqu’à ensorceler le sorceleur avec un philtre d’amour. Instable selon Lambert. Triss accepta néanmoins l’invitation. Magicienne qui n’avait pas sa langue dans sa poche, Triss était redoutable, et forma avec Cirilla un duo fatal.
Triss aida Cirilla, à la fois en tant que magicienne, mais aussi en tant que femme. Alors âgée de 13 ans, Cirilla commençait à avoir ses premières floraisons. Triss tint l’une de ses colères légendaires devant Vesemir et le reste des sorceleurs quand elle apprit que personne n’avait parlé de ce genre de choses à Cirilla, qui l’indisposaient fortement. Triss veilla sur elle, et, magiquement parlant, elle confirma ce que les sorceleurs craignaient. Car ceux-ci n’avaient utilisé aucune herbe sur elle, et les pouvoirs magiques de Triss étaient trop importants pour une simple coïncidence.
« C’est une Source » décréta-t-elle.
À nouveau, les sorceleurs se réunirent. Triss avait noté que Cirilla aimait beaucoup être ici. Même Lambert avait fini par être appréciable à ses yeux. Elle aimait Geralt, et elle commençait à ressentir des sentiments pour Coën, qui riait avec elle, chose qui surprit d’ailleurs Triss, puisqu’elle n’avait jamais vu un sorceleur rire. Mais Triss était catégorique. Son propre savoir était insuffisant pour éduquer une Source, et, ici, à Kaer Morhen, manipuler des épées ne lui permettrait pas de contrôler son potentiel magique. Si on ne faisait rien, les crises allaient s’accentuer, et s’aggraver. Geralt en était témoin, lui qui avait assisté de très près à la crise de pavetta lors de ses quinze ans.
Les sorceleurs se résolurent donc à confier Cirilla à Triss, qui l’emmènera avec Geralt au temple de Melitele, dans la ville d’Ellander, en Témérie. Un endroit sûr, sous l’autorité de la puissante Nenneke, prêtresse-magicienne crainte et aimée. Pour Cirilla, ce fut un déchirement, mais le choix fut fait. Tous la saluèrent, à leur manière. Il lui semble même voir une larme dans l’œil d’Eskel, le meilleur ami de Geralt. Vesemir lui ébouriffa les cheveux, en l’encourageant à la méditation. Coën la prit dans ses bras, et Lambert l’observa depuis les remparts, remuant légèrement les doigts en lui souhaitant bon vent.
Sa formation de sorceleuse était inachevée, mais la vie de Cirilla ne faisait que commencer.
3°) Cirilla la magicienne
Nenneke avait connu Geralt quand il était un jeune enfant. On disait même qu’elle avait repoussé Jaskier de son temple à grand renforts de coups de balai, alors que celui-ci contait fleurette à l’une de ses élèves en vue de la culbuter. Elle était proche des mages, et même le duc local, Hereward, s’inclinait respectueusement devant elle. Maîtresse des Potions, elle confectionnait pour Ermelia, la Duchesse, des potions aphrodisiaques de renom. Sa pharmacie était réputée jusqu’à Lumen, et ses produits étaient vendus dans les marchées luméens. Potentiellement riche, Nenneke était aussi désintéressée, et investissait son argent dans son temple, qui faisait office d’orphelinat, ainsi que dans la ville. Femme ouverte d’esprit et tolérante, Nenneke avait lutté contre l’instauration de lois raciales en Témérie, elle avait soigné Geralt quand celui-ci avait défié la strige de Wyzima, et on disait que c’était sa potion qui avait permis de soigner la Princesse Adda, fille incestueuse du Roi Foltest, de la malédiction la transformant en strige.
Pour Triss, Nenneke s’imposait donc comme le choix le plus évident. En Témérie, on se préparait à la guerre, et, bien évidemment, on avait tenté de recruter Nenneke, qui avait refusé… Et personne n’avait insisté. La Vieille Dame reçut Cirilla, et sentit rapidement en elle un feu terrible, une force immense. Elle expliqua à Cirilla qu’elle était une funambule, suspendue au-dessus du vide, et qu’elle pouvait basculer, soit d’un côté, soit de l’autre. Nenneke, toutefois, n’était pas que Maîtresse des Potions, elle était aussi une magicienne de grand talent, et s’évertua à former Cirilla aux arts occultes. Un entraînement tout aussi rigoureux que celui des sorceleurs, nécessitant connaissances… Et méditation. Autant dire que ce fut difficile pour Cirilla, mais indispensable, car elle devait affûter son esprit. Nenneke essaya une fois de la former en entrant de force dans son esprit. Mais l’esprit d’une Source est inviolable aux intrusions, et elle déclencha une terrible crise qui déclencha un scandale politique majeur. L’esprit de Cirilla s’enflamma, et Nenneke sentit un pouvoir terrible, presque divin, émaner du corps de Cirilla. Le décor s’assombrit, des éclairs jaillirent du ciel, enflammant le moulin de la ville, plusieurs bâtiments, tandis qu’une tempête régnait à l’intérieur du temple. La Vieille Dame réussit tant bien que mal à stopper Cirilla, mais arriva vite à la conclusion qu’elle était également dépassée par Cirilla. Nenneke avait pourtant jadis réussi à dompter Pavella à l’aide d’un pendentif magique, mais, lors de cette fameuse crise, le pendentif magique se brisa, libérant le potentiel terrible de la jeune femme.
Car, surtout, Nenneke avait entendu Cirilla parler pendant sa crise. Et ce qu’elle avait dit… Les mots employés… C’était une langue morte, une langue noire, une langue que même les mages noirs n’utilisaient pas. Il était impossible que quiconque ait jamais pu enseigner à cette jeune enfant de tels mots. Et, dans sa litanie, elle avait répété un nom, un nom qui avait failli déclencher chez elle une crise cardiaque.
Yog-Sothoth.
Nenneke appela à elle une magicienne expérimentée, talentueuse, reconnue, qui avait aussi étudié sur le phénomène des Sources et sur les Grands Anciens : Yennefer de Vengerberg.
Reconnaissable à ses vêtements noirs et à son parfum de lilas et de groseilles à maquereau, elle avait fait partie des vingt-deux magiciens ayant participé à la Bataille de Sodden, bataille où elle avait été aveuglée par une magicienne rivale, Fringilla Vigo. Un mal pour un bien, car cela lui épargna de mourir en se sacrifiant sur le Mont Sodden. Yennefer était aussi une magicienne très particulière aux yeux de Geralt, suite à une aventure confuse les ayant amenés à croiser un génie. Depuis lors, leur relation était compliquée, mais elle avait évidemment entendu parler de Cirilla. Triss Merigold, malgré la rivalité liant les deux femmes, restait son amie, et elle lui avait écrit. Yennefer fut donc ravie de se rendre à Ellander, et enseigna à Cirilla, face à une Nenneke qui était anxieuse.
Yennefer constata, elle aussi, que Cirilla était puissante. Elle n’avait encore jamais vu de près une Source, et elle entreprit de la former, elle aussi. Touteofis, Yennefer constata vite qu’elle était en train d’arriver à ses limites. On ne pouvait pas enseigner à Cirilla la magie de manière conventionnelle. Peut-être fallait-il la conduire auprès des mages luméens… Yennefer décida de l’amener avec elle à l’île de Thanedd, où un grand rassemblement de mages avait lieu pour discuter de la guerre entre Mijak et les Royaumes Nordiques. Le projet de Yennefer était de rejoindre l’académie d’Aretuza, située à Thanedd, afin d’obtenir des informations sur les Sources.
4°) Retrouvailles à Thanedd
L’île de Thanedd était une île magique accessible depuis un pont suspendu, et comprenant quatre localités :
- Loxia était une ville humaine située aux pieds de l’île, abritant un port, et des humains travaillant pour le compte des magiciens locaux,
- Aretuza était une académie magique abritant de nombreux élèves. C’était une académie réputée, puissante et influente,
- Garstang est un ancestral palais très particulier, car ses murs ont été ensorcelés il y a des éons par la magicienne Nina Fioravanti. Les murs de Garstang retiennent la magie, empêchent celle-ci de se diffuser, ce qui en fait un lieu idéal pour réunir les magiciens,
- Tor Lara, enfin, était la « Tour de la Mouette ». On disait que Tor Lara était la tour du mage ayant jadis créé Thanedd. Depuis lors, Tor Lara était avant tout une attraction locale, faisant presque office de phare, car la tour était vide, sans pouvoir magique.
Thanedd présentait une géographie très particulière. C’était une île spéciale, ressemblant à une sorte de gros pilier de terre plantée dans l’eau, une sorte de ziggourat avec un long sentier faisant tout le tour de l’île, en spirales. C’était le lieu idéal pour le regroupement des mages, et c’est donc là que Yennefer se rendait, en compagnie de Cirilla. Le hasard du destin voulait aussi que Geralt de Riv, pour d’autres raisons, se rende lui aussi à Thanedd.
Sur place, Cirilla rencontra beaucoup de mages, dont un certain Vilgefortz. Ce magicien avait jadis été d’une grande beauté, mais avait été profondément défiguré suite à la Bataille de Sodden, et avait depuis la moitié du visage ravagée, avec un œil de verre. Face à lui, Cirilla sentit des sentiments confus la traverser. Même Yennefer, qui n’avait pas sa langue dans sa poche, semblait le traiter avec déférence. Comme elle l’expliqua ensuite à Cirilla, Vilgefortz était terriblement puissant.
C’est à Garstang, dans l’enceinte du palais, que Yennefer et Cirilla retrouvèrent Geralt. Les retrouvailles furent particulièrement heureuses, et très sensuelles pour Yennefer et Geralt, qui réagirent comme le feraient de vieux amants se retrouvant enfin après des mois de séparation : en faisant l’amour. Cirilla, de son côté, peinait à dormir, sentant des voix dans sa tête. Thanedd était alors sur le point de sombrer, car Vilgefortz et d’autres magiciens avaient rejoint la cause de Mijak. Tout autour de l’île, les navires de guerre mijakiens se rapprochaient. Cirilla, ayant un mauvais pressentiment, fut surprise en pleine nuit par des tueurs armés, et par le visage de cauchemar de son enfance : le Chevalier Noir ! L’homme l’attrapa, et la traîna, bien décidé à la ramener à Emhyr. Partout, le chaos régnait, car les magiciens étaient sans défense ici. Cahir traîna la jeune femme, mais celle-ci se libéra… Et, malgré les murs de Thanedd, la magie pulsa alors en elle. Dans un hurlement, elle repoussa encore Cahir, et les murs de Garstang explosèrent violemment.
Retrouvant leur pouvoir, les mages se déchirèrent alors, Mijakiens contre Nordiques. Cirilla, elle, pouvait également voir que toute l’île était en feu. Loxia était assiégée par les Mijakiens, tout comme l’académie d’Aretuza. Et, tandis qu’elle paniquait, elle put voir Vilgefortz. Celui-ci marchait vers elle, un sourire hideux sur les lèvres, ses pas laissant des rideaux de flammes derrière lui. Paniquée, Cirilla s’enfuit. Elle grimpa encore, jusqu’à rejoindre Tor Lara, quand un sortilège la frappa dans le dos. À terre, elle vit Vilgefortz se rapprocher d’elle. Il était assuré de sa victoire sur elle… Quand Geralt s’interposa.
« Va-t-en, Ciri’ ! Va-t-en !
- Geralt ! hurla-t-elle alors.
- Pars ! Vite ! »
Tandis qu’elle se réfugiait dans Tor Lara, Vilgefortz brandit son bâton magique.
« Cela fait des mois que je la traque, sorceleur. J’étais même prêt à affronter la Vieille Dame pour la récupérer. Comprends bien que je ne vais pas t’affronter, Geralt. Non, ceci ne sera pas un combat. Ce sera une leçon, une leçon que tu n’es pas prêt d’oublier de si tôt. »
Vilgefortz attaqua ensuite. Tout ce qu’il lui prit fut deux coups. Deux coups qui mirent Geralt au sol, dans un état proche de la mort. Se désintéressant du sorceleur, Vilgefortz vit alors Tor Lara s’éclairer, scintillant de mille feux, et, quand il rentra à l’intérieur, il ne put que constater, très amèrement, que Cirilla avait disparu.
IV – LA MARCHE VERS LA TOUR DE L’HIRONDELLE
1°) Le Désert de Korath
À Tor Lara, et dans la panique, Cirilla avait généré un Portail qui l’emmena loin des Royaumes Nordiques, puisqu’elle atterrit au beau milieu du désert de Korath, un désert aride et sauvage, inhospitalier et violent. Désemparée, affaiblie, et encore blesse, Cirilla se mit à errer dans ce désert sauvage, où son esprit ne tarda pas à délirer. Affamée, épuisée, assoiffée, elle vit plusieurs mirages, et, tout en se réfugiant dans des grottes, elle eut des visions de la redoutable Falka, qui se moquait d’elle, qui assurait qu’il était temps pour elle de grandir, que tout ce qu’elle croyait savoir sur sa lignée était fausse, qu’elle était sa descendante, et non celle de Lara Dorren, et qu’elle était venue au monde pour porter la vengeance de Falka.
Cirilla continua à errer. Difficile de croire qu’elle ait pu survivre aussi longtemps, sans aucune expérience du désert. N’importe qui serait mort à sa place. N’importe qui. Mais il fallait croire qu’une force supérieure se refusait à la laisser mourir. La colère de Falka ? Ou le fait qu’elle était une Source ? Alors que Cirilla pensait sa dernière heure venue, et qu’elle s’effondrait dans le sable, des sabots la surprirent. Une licorne venait de la trouver ici ! Une licorne en plein milieu d’un désert… N’en croyant pas ses yeux, Cirilla décida de l’appeler Petit-Cheval.
En compagnie de Petit-Cheval, Cirilla s’aida des sens de la licorne pour trouver une source d’eau, ce qui les conduisit dans une grotte. Hélas, celle-ci abritait un scorpion géant, qui les attaqua. Sa queue transperça le flanc de Petit-Cheval, et Cirilla, en voyant son compagnon d’infortune s’effondrer, puisa dans ses ultimes ressources, et parvint à tuer le scorpion. Elle entreprit ensuite de guérir Petit-Cheval, la magie pulsant tout autour de son corps, formant des éclairs blanchâtres et noirâtres. Le venin fut drainé, et Petit-Cheval put revivre…
…Un répit qui fut hélas de courte durée, car, quelques heures après, la licorne s’effondra finalement. Cirilla s’écroula contre elle, et, après des années de sècheresse, la pluie se mit à tomber dans le Désert de Korath. Semblant enfin à bout de souffle, Cirilla tomba de fatigue contre le corps de la licorne.
Elle se réveilla plus tard, dans une cage traînée dans le désert. Une caravane de mercenaires mijakiens venait de la retrouver, les Attrappeurs, menés par Sweers, un officier mijakien. Il ramenait la dépouille de la licorne, une bestiole magique que Sweers et ses hommes traquaient dans le désert depuis des semaines. Cirilla, elle, serait vendue comme esclave. Sweers était alors loin de se douter que la jeune Cirilla était loin d’être une simple souillonne, et que sa tête était mise à prix dans tout l’Empire.
2°) Cirilla la Ratte

Cirilla et Mistle
En compagnie de Sweers et des Attrappeurs, Cirilla se retrouva dans un ranch à la sortie du désert. Sweers y retrouva une autre partie de sa bande. Las, son autorité était assez fluctuante, et il fut abordé par son second, qui s’intéressa à sa prisonnière, et reconnut, à ses cheveux argentés, celle qui était recherchée par l’Empire. Le reste de la bande avait capturé une bande de petits forbans, de vauriens, de vas-nu-pieds, les « Rats ». Ils étaient menés par Kaylaigh. Les Rats vivaient dans la région, regroupement d’enfants orphelins, abandonnés, victimes de la guerre, et condamnés à la servitude et à l’asservissement.
Tandis que Sweers et les siens, les autres hommes de la bande de Kaylaigh intervinrent, menés par une femme aux cheveux argentés courts, Mistle. D’origine noble, elle avait fait partie d’une ville mijakienne ayant fait l’objet d’un pogrom, Thurn. La cité fortifiée avait été assiégée par les Légtions impériales, et elle s’était enfuie avec sa famille, avant de les perdre sur la route. Devenue une Ratte, elle aida à libérer Kaylaigh, et Cirilla. Celle-ci défia alors Sweers, mais se refusa de le tuer, jusqu’à ce que Mistle n’exécute Sweers elle-même. Les Rats choisirent alors de conserver Cirilla près d’eux, car, pendant le combat, elle avait fait parler sa magie, de sorte qu’elle était une alliée idéale.
Rejoignant les Rats, Cirilla mena pendant un certain temps une vie de voleuse. Les Rats vivaient dans une province impériale située le long d’une grande mer intérieure. À l’autre bout, il y avait Papua, le Royaume aux Merveilles. Entre les deux, le shogunat Tao-Bong, et d’autres provinces. Eux se situaient dans une province où les pauvres étaient nombreux, une province minière avec quelques grandes plaines, à la sortie du désert. Réfugiés dans un entrepôt, ils y amassaient leur maigre butin. Le soir, Cirilla aimait se tenir à l’étage de l’entrepôt, observant le soleil se coucher sur les reflets du lac, admirant les multiples bateaux qui voyageaient par ici.
C’est dans cet entrepôt que Cirilla perdit sa virginité, en compagnie de Mistle. Celle-ci prit rapidement la jeune fille sous son aile, lui apprenant à être une voleuse. Éduquée par les sorceleurs et les magiciens, Cirilla n’avait jamais appris à être discrète, à savoir se fondre dans l’obscurité.
La destinée, toutefois, ne l’oubliait pas. Vilgefortz continuait à traquer Cirilla, et avait appris, en étudiant la Tour de la Mouette, que celle-ci s’était retrouvée dans une région province. Informé de cette situation, Emhyr chargea Stefan Skellen, gouverneur de la région, de retrouver Cirilla, et de la ramener vivante. La missive étant d’importance, et nécessitant de la discrétion, Skellen confia cette mission au mercenaire le plus redoutable qu’il connaisse : Leo Bonhart. Bonhart était une légende vivante, et se baladait avec trois médaillons de sorceleurs, émanant de trois écoles différentes : loup, chat, et griffon. Il affirmait avoir tué leurs précédents propriétaires, et personne n’osait remettre en cause ses affirmations.
Se mettant à la traque, Bonhart ne tarda pas à trouver une piste avec les Rats, une bande de vauriens sévissant dans la région. Rien n’échappait jamais longtemps à Leo Bonhart, et il retrouva finalement les Rats à un petit village s’appelant La Jalousie, où ceux-ci avaient réussi à s’emparer de nourritures dans un vide-greniers. Bonhart se dressa devant toute la bande, et comprit rapidement que sa cible était là. À aucun moment, il ne chercha à négocier. Il se contenta juste de leur dire qu’il était temps pour eux de faire le vide dans leur tête, car la Grande Roue venait de s’arrêter de tourner pour eux.
En infériorité numérique, face à une dizaine d’adolescents armés de coutelas, de dagues, de hachettes, Bonhart n’avait même pas d’armure, et ils chargèrent. Un par un, Bonhart les tua. Tous succombèrent, et, quand Cirilla se joignit à la bataille, il la neutralisa. Kaylaigh, Mistle… Bonhart n’en épargna pas un, et les décapita. Aucun villageois ne vint le remercier, car nul n’avait envie de saluer l’incarnation de la Mort quand elle venait devant votre porte. S’emparant de sa proie, Bonhart fit ensuite route vers le palais de Skellen, où ce dernier l’attendait en compagnie d’un apprenti de Vilgefortz, Rience.
En chemin, Bonhart s’avéra être un homme sadique, cruel. Il empêchait Cirilla de dormir, la torturant mentalement, et se permit même de faire d’elle une tueuse en la jetant dans l’amphithéâtre de Claremont, où son cousin, Houvenaghel, propriétaire de l’amphithéâtre, organisait des combats de gladiateurs. Paniquée, Cirilla se retrouva à affronter des gladiateurs, Bonhart ayant assuré que celui qui la tuerait deviendrait libre. Cirilla tua ainsi pour la première fois de sa vie, mais ne retrouva toujours pas la liberté.
Elle fut conduite chez Skellen, en se demandant si ses pouvoirs magiques ne s’étaient pas éteints. Yennefer l’avait averti de cette possibilité. Plus une personne grandissait, et plus ses pouvoirs magiques s’amenuisaient, au fur et à mesure que l’esprit se construisait, et instaurait des barrières mentales. Et, dans le désert de Korath, Cirilla avait perdu ses pouvoirs. Après tout, ne disait-on pas que les licornes pouvaient absorber la magie ? Dans son esprit, elle avait donné ses pouvoirs à Petit-Cheval pour le soigner…
3°) Face à Stefan Skellen et à Leo Bonhart
Aussi surnommé « Chat-Huant », fils de Bertram Skellen, Stefan Skellen était officiellement gouverneur impérial, spécialiste des mariages et du droit familial. Mais, secrètement, il était aussi le bras droit d’Emhyr var Emreis, un homme influent, et dangereux. Grâce à Emhyr, grâce aux bons et loyaux services que Stefan avait rendu pour lui, il était devenu gouverneur impérial. Et le cas de Cirilla l’ennuyait prodigieusement. Stefan connaissait les ambitions politiques d’Emhyr, il savait qu’il voulait que sa fille devienne l’Impératrice, et Stefan était partagé à cette idée. En réalité, l’homme appartenait secrètement à un groupe mijakien, des penseurs, des intellectuels, et même certains aristocrates et marchands, souhaitant libéraliser Mijak, et faire de l’Empire une démocratie. Originaire des bas-fonds de Mijak, Stefan souhaitait changer le système, mais, s’il remettait Cirilla à Emhyr, et que celui-ci se mariait avec elle comme il en avait l’intention, les aspirations de Stefan seraient sévèrement compromises.
Quand Leo Bonhart ramena Cirilla, Stefan était en compagnie de Rience. Homme peu fiable et peu recommandable, Rience était un magicien qui avait été congédié de l’académie où il étudiait en raison de pratiques occultes rigoureusement interdites par la déontologie des mages. Amateur de jeux, il s’était retrouvé emprisonné après être fortement endetté. Vilgefortz l’avait sauvé de cette mauvaise passe en payant ses dettes. Magicien renégat sans scrupules, Rience était aussi un tueur, accomplissant les basses besognes de Vilgefortz.
Cirilla se retrouva donc face aux deux hommes, mais Rience voulait s’assurer que ce soit bien Cirilla. Pour le compte de Vilgefortz, il l’avait traqué depuis Thanedd. Et il avait rencontré bon nombre de fausses Cirilla le long de sa route. Cirilla, elle, était tout simplement épuisée. Elle avait perdu Geralt, elle avait perdu Yennefer, elle avait perdu les Rats, et même Mistle… Rience l’examina alors à l’aide de la magie, déclenchant des sortilèges qui la firent hurler de douleur. Sadique, Rience l’était suffisamment pour apprécier cela, pour apprécier ses hurlements, tandis qu’il lacérait son esprit, flétrissait ses pensées, recherchant la vérité, recherchant la magie… Et il comprit alors que la jeune femme avait été hypnotisée il y a des mois, que Nenneke avait implanté en elle une sorte de blocage inconscient destiné à restreindre sa magie, limitant ainsi ses crises. L’appât du gain fut trop fort pour Rience, qui brisa ce sceau… Et déclencha alors une terrible crise.
L’onde de choc le repoussa contre le mur, et les chaînes retenant Cirilla se brisèrent, tandis que la magie noire explosa en elle. Les quelques gardes de son cachot furent vaporisés sur place en entrant, et Rience ne dut sa survie qu’à un bouclier de protection, bouclier qui explosa au passage. Il se téléporta alors, les mains en feu, mais Cirilla le poursuivit, remontant à travers tout le château. Le chaos se déchaînait autour d’elle, faisant trembler tout le château. Elle semblait tuer instantanément, du seul regard, du seul geste de la main. Là, elle tendit un doigt, et le corps d’un chevalier se tordit sur place dans tous les sens, les muscles se tordant, les os éclatant, la chair se ravageant sous une épaisse armure noirâtre.
Blessé, et incapable de repousser une telle femme, Rience réussit à se réfugier dans le bureau de Stefan, qui accueillit la jeune femme avec un cristal en dimeritium, un minerai très particulier capable d’absorber la magie alentour. Cirilla sentit alors sa magie l’abandonner, et tomba à terre. Stefan se rapprocha alors d’elle, tenant une dague à la main, le cristal de dimeritium dans l’autre.
« Tu es trop dangereuse pour qu’on te laisse vivre ! Qu’Emhyr aille se faire foutre, les monstres comme toi sont étouffés au berceau ! »
Il se rapprocha encore, gifla Cirilla, dont les yeux noircirent alors, tandis que la voix cauchemardesque, d’outre-tombe, de Falka, jaillit de sa bouche. Elle se moqua de lui, et il la frappa au visage avec sa dague, faisant couler le sang, blessant Cirilla. Stefan leva encore sa lame… Quand le cristal de dimeritium se mit à chauffer dans sa main, avant de se fissurer… Et d’exploser. Jamais de mémoire d’homme quelqu’un n’avait réussi à outrepasser le dimeritium. Stefan vit ensuite une lame magique le frapper de plein fouet, et l’envoyer s’écraser contre le mur. De la main, Cirilla explosa un mur, puis sauta dans le vide. Elle atterrit en contrebas. Partout, le chaos s’abattait. Des Portails s’ouvraient, libérant des monstres, d’horribles abominations, et des éclairs terribles déchiraient le ciel, ainsi que des astéroïdes, rappelant aux vétérans le cauchemar de Sodden.
Cirilla s’empara d’un jument, Kelpie, mais, alors qu’elle partait, Leo Bonhart, qui la traquait, lui tira dessus avec un carreau d’arbalète, le plantant entre ses omoplates. Le coup manqua bien la tuer, et elle s’effondra sur Kelpie, tandis que la jument filait à bride abattue, s’enfonçant dans la forêt.
Mortellement blessée, Cirilla finit par chuter de Kelpie, et tomba dans la forêt, sous une pluie battante. Kelpie hennit autour d’elle, et ses hennissements furent perçus par un vieil homme, qui trouva la jeune femme, et l’emmena chez lui, dans sa tante, où il entreprit de la soigner. Ce vieil homme n’était pas n’importe qui. C’était un érudit venant de Lumen, un médecin, chirurgien, alchimiste, historien, philosophe, chercheur, éthicien, et professeur : le vénérable et sage Vysogota de Corvo.
4°) Le Vénérable Vysogota de Corvo
On l’appelait « le Sage », « le Vénérable », ou encore « l’Instruit ». Vysogota n’avait aucun pouvoir magique, aucun talent guerrier quelconque, mais il était plus redouté et plus apprécié que cinq Archimages réunis. Il aurait pu finir ses vieux jours comme conseiller royal des Ivory, mais Vysogota était trop humble pour cela. Comme Socrate, il estimait que toute la somme de ces connaissances n’était rien. Il s’était rendu dans cette forêt, car on disait qu’on pouvait y trouver des fleurs très rares qu’il souhaitait analyser. L’homme soigna patiemment Cirilla, mais celle-ci avait besoin de repos… De beaucoup de repos. Elle était affaiblie, amaigrie, physiquement, mais aussi psychiquement.
Vysogota parvint à enseigner à Cirilla ce que Vesemir avait toujours été incapable de faire : méditer. Méditer pour entendre les gazouillis des oiseaux, calmer ses tremblements nerveux pour réussir des points de suture. Vysogota écouta l’histoire de Cirilla, ce qui ne fut pas facile au début. Elle se méfiait de lui, de ce vieil excentrique. Et lui raconta la sienne.
« L’Histoire n’est qu’une grande roue, Cirilla, une roue qui tourne et ne cesse de tourner, broyant quantité de vies sur passage. Mais elle revient toujours à sa position initiale. Tout tourne, tout évolue, mais rien n’est fondamentalement neuf. Tout a déjà eu lieu, tout a déjà existé, tout a déjà été décrit. »
L’homme aimait fumer la pipe, parachevant ainsi l’archétype qu’il se tenait. Il avait aussi avec lui un chat. Habillé sommairement, il amusa Cirilla en avouant que lui-même ignorait si Nenneke était plus vieux que lui. Quand elle l’interrogea sur Kaer Morhen, il lui raconta tout ce qu’il savait. Il avait déjà vu Kaer Morhen, oui, il s’était entretenu avec Vesemir, et indiqua même avoir vu Geralt enfant. La nouvelle surprit au plus haut point Cirilla, surtout quand Vysogota lui assura qu’il n’avait pas eu les cheveux blancs, au début, et qu’il avait été un enfant turbulent et difficile… Lui ressemblant beaucoup.
Vysogota n’avait pas peur de la magie de Cirilla, du fait qu’elle était une Source. Il lui indiqua ce qu’il savait sur les Sources, et lui parla alors des Manni.

Les Manni
Les Manni formaient un groupe de nomades très particuliers, car ils ne voyageaient pas dans un seul espace, mais à travers les espaces. Des rescapés de ce que certains appelaient le « Multivers », l’ensemble infini de toutes les réalités. Et, en tant que Source, Cirilla était reliée à ce grand Multivers. La magie était le nom donné à une force physique ancestrale, issue de la matrice même du Multivers. Tout s’expliquait, tout avait un sens, et les Manni étaient les maîtres de la magie. Et ils avaient confié à Vysogota leur bien le plus précieux : un exemple de leur livre, un livre vierge, mais qui répondait à n’importe quelle question qu’on écrivait dessus. Le Livre des Manni était son ouvrage le plus inestimable, mais aussi celui à qui personne ne s’intéressait.
Il lui parla également des Tours. La Tour de la Mouette, que Cirilla avait vu à Thanedd, appartenait à un ensemble d’antiques tours pensées comme des répliques de la Grande Tour, celle qui se trouvait au-delà de l’Empire, la Tour des Elfes. Les elfes avaient construit chaque tour comme des siphons magiques, comme pour égaler la Grande Tour. La Tour de la Mouette était l’une de ces tours, et une autre tour les attendait… La Tour de l’Hirondelle. Cirilla, elle, avait juste envie de revoir Geralt, mais Vysogota lui assura que sa destinée était de se rendre à cette tour, d’accepter enfin ce qu’elle était.
Ses crises ? Les manifestations de Falka ? Elles étaient elles aussi liées à ses pouvoirs magiques. Vysogota lui parla de Lara Dorren, de Cregennan de Lod, et de Falka. Falka avait donné son enfant à la fille de Lara Dorren, Riannon, car cet enfant portait en elle un morceau de son âme, de sa malédiction. Le fantôme de Falka hantait encore l’esprit de Cirilla, cherchant à s’emparer d’elle pour déclencher sa terrible vendetta sur le monde. Seul le mage de la Tour de l’Hirondelle pourrait la soigner.
Le duo se mit donc en route, même si Vysogota semblait fatigué. Il éternuait fréquemment, et peinait le soir à marcher. Pourtant, le temps pressait, car Emhyr et Vilgefortz voulaient toujours Cirilla. Stefan Skellen avait été profondément humilié lors de la crise de Cirilla, Rience ne pouvait se permettre de revenir les mains vides, et Leo Bonhart devait également la retrouver. Ensemble, les trois avancèrent avec une garnison impériale, et s’élancèrent sur ses traces.
Vysogota et Cirilla voyagèrent pendant des semaines, mais Cirilla termina ce voyage seule. Le Vieux Sage mourut, et demanda à Cirilla, alors qu’il s’abandonnait sur une souche d’arbre, de ne porter qu’une seule chose avec elle, et de la ramener à la Reine de Lumen quand le temps viendrait : le Livre des Manni. Cirilla accepta, et Vysogota s’éteignit. L’hiver avait eu raison de lui, un froid mordant s’abattait, et il sollicita une dernière chose de Cirilla avant sa mort : qu’elle lui sourie.
Désormais seule, Cirilla poursuivit sa marche, et traversa la forêt. Elle savait que Bonhart était désormais proche…
…Mais même lui arriva trop tard. Car Cirilla quitta enfin la forêt elfique, et l’aperçut, juchée au sommet d’une montagne.
Tor Zireael. La Tour de l’Hirondelle.
5°) Tir nà Lia

La Tour de l’Hirondelle
Cirilla atteignit finalement la Tour de l’Hirondelle, et sentit quelque chose d’inhabituel l’envahir. Vysogota avait déjà vu cette tour, mais n’y avait rien noté de particulier, comme si celle-ci était scellée. Mais, à son approche, celle-ci s’ouvrit. Un souvenir lui revint à l’esprit, Thanedd et la Tour de la Mouette… Mais, contrairement à Thanedd, Tor Zireael était en bon état. La Tour se chargea alors, et Cirilla emprunta un Portail qui l’amena… Ailleurs. Très loin. Elle émergea dans un temple elfique, où un homme l’attendait : Avallac’h.
« Cirilla. Enfin nous nous rencontrons. Je me demande vraiment ce qui t’a pris si longtemps. »
Cirilla avait de nombreuses questions en tête, et Avallac’h s’efforça d’y répondre. Il lui expliqua qu’il était un elfe très particulier, un Aen Elle, et plus précisément un Aén Saevherne, comme le fut en son temps Lara Dorren.
« Tu as été téléporté dans notre monde d’origine, Cirilla. Le monde des elfes. Jadis, les elfes ont émigré vers Terra pour retrouver Can-‘Ka No Rey, pour défendre la Tour. Nous les appelâmes Aén Seidhe, Ceux-Qui-Sont-Partis. Moi, je suis resté, comme les autres elfes. Ceux-Qui-Sont-Restés, les Aén Elle. Mais je suis plus que ça. Je suis considéré par mes pairs comme un érudit, comme le fut Lara Dorren… Un Aén Saevherne. »
Vysogota lui avait parlé de cela, de la légende des elfes. Ils étaient convaincus de venir d’un autre monde, et étaient venus depuis de grands navires d’albâtre à l’est, où ils avaient accosté autour de la Grande Tour, dans le champ de roses rouges, pour étudier la Grande Tour, et pour la protéger, car les prophètes elfes avaient senti la menace des Grands Anciens, et ils étaient venus la défendre. Mais les Aén Elle étaient restés.
Avallac’h fit signe à Cirilla de la suivre, et lui montra la citadelle des elfes, la cité légendaire de Tir nà Lia.

Tir nà Lia
Une magnifique cité, féérique, faite d’immenses tours au-dessus de longues étendues d’eau, de cascades, de forêts majestueuses, de balcons… Avallac’h présenta alors à Cirilla une vieille amie… Une licorne enchanteresse dont la présence raviva les flammes dans le cœur de la jeune fille. Car c’était bien lui…
« Petit-Cheval ! »
Cirilla se précipita contre sa licorne, heureuse de la revoir.
« Quand tu as utilisé le Portail de Tor Lara, j’ai essayé de t’amener ici, Cirilla, mais le Portail était trop instable. Alors, j’ai envoyé cette licorne pour te retrouver sur Terra, mais elle s’est également perdue. »
Avallac’h avait beaucoup à dire, et lui expliqua surtout qu’il était lié à Lara Dorren. Il devait jadis l’épouser, mais celle-ci avait jeté son dévolu sur Cregennan de Lod, à sa grande frustration. Ceci étant dit, Avallac’h l’avait accepté, et, quand Lara Dorren avait refusé de venir sur Tir nà Lia, il avait juré de veiller sur sa descendance, de veiller sur celle qui porterait en elle l’âme de Lara Dorren. Et cette personne, à en croire Avallac’h, était arrivée en la présence de Cirilla.
Son rôle était tout avéré : revenir à Tir nà Lia.
« Car c’est ta famille, Cirilla. Tu as traversé la moitié de Terra à toi toute seule, et tu n’as jamais vraiment trouvé un endroit te convenant. Kaer Morhen, le Temple de Melitele… Même ton aventure avec les Rats, et ton voyage avec Vysogota… Tout cela n’avait que pour but de te conduire ici, en ce lieu. Là où plus personne ne voudra te chasser pour ton pouvoir. Nenneke n’a pas trouvé d’autres solutions que de sceller ton pouvoir, car ta magie est trop importante pour de simples humains. Mais nous, les Aén Elle, nous vivons dans la magie, nous baignons dans celle-ci. Avec nous, tu n’as rien à craindre, et tu pourras enfin t’épanouir. »
Cirilla ne pouvait que le croire, car… Elle se sentait effectivement bien. Avallac’h lui présenta ensuite sa chambre, et elle passa l’une des meilleures nuits de son existence.
Le lendemain, Avallac’h alla la présenter au Roi des Aulnes, un elfe à la beauté légendaire, Auberon Muircetach, un autre Aén Saevherne. Auberon était comme on pouvait s’imaginer tous les elfes des contes : beau, sage, et déterminé. Il salua Cirilla, et ne tarda pas à lui expliquer ce que les Aén Elle attendaient d’elle. Elle était indéniablement la porteuse du Sang Ancien, et son rôle était indispensable pour accomplir la prophétie d’Ithlinne.
« Tedd Deireath approche, Cirilla. La Convergence sera bientôt achevée, et engendrera de grands bouleversements climatiques. Comme tu le sais sûrement, depuis que l’Eld a chuté sur Terra, les différents Rayons de l’Arc-En-Ciel se rapprochent inexorablement les uns des autres. Et, quand ils se seront tous rejoints, et auront tous convergé, les réalités s’enchevêtreront. Ce sera Tedd Deireath, l’Âge Ultime, et l’avènement des Grands Anciens. Nous ne pouvons tolérer cela, Cirilla, et seul le Sang Ancien peut venir à bout de cela. C’était la destinée de Lara Dorren, mais Cregennan de Lod nous l’a enlevé. »
Elle pouvait sentir le ressentiment dans la voix du Roi des Aulnes. Ils avaient perdu du temps, bien trop de temps. La vie d’un humain était courte, mais, aux yeux d’un elfe, Tedd Deireath était maintenant imminente. Il allait falloir se retrousser les manches avant que l’inévitable se produise. Cirilla n’était pas prête, d’autant que le Sang Ancien s’était manifesté dans le corps d’une humaine. Avallac’h aurait donc pour mission de la former.
En compagnie d’Auberon, Cirilla vit également son frère, Eredin Bréacc Glas. Un elfe-soldat, ce qui surprit quelque peu Cirilla, car Tir nà La était supposé être un royaume enchanté. Cependant, Auberon expliqua à Cirilla que leur monde magique était, tout comme Terra, la proie d’invasions de monstres, et que le rôle d’Eredin et de sa cavalerie, les Dearg Rudhri, étaient de protéger les frontières du royaume. Cirilla comprit vite qu’Eredin disposait dans le royaume d’un important pouvoir, et était en réalité plus connu qu’Auberon, Roi reclus et solitaire, triste, maugréant sur le temps perdu, et terrorisé par Tedd Deireath.
En compagnie d’Avallac’h, Cirilla s’entraîna donc. Avallac’h était indéniablement un très grand magicien, et, même si Yennefer n’aurait pas aimé l’entendre, beaucoup plus puissant qu’elle. Son pouvoir semblait à vrai dire sans fin, et, un beau jour, Cirilla lui demanda s’il connaissait les Manni.
« Bien sûr. Il leur arrive parfois de nous rendre visite. J’ignore en réalité qui ils sont vraiment, Cirilla… Des nomades, à n’en point douter, qui préfèrent errer, et n’aiment que peu la sédentarisation. »
Cirilla était également heureuse de retrouver Petit-Cheval, et, chaque soir, elle s’essayait à ses nouveaux pouvoirs. Elle étendait ses cercles de perception dans tout Tir nà La. Il y avait bien des noms pour décrire cette faculté. Certains parlaient du don du zoman, d’un « troisième œil » permettant de voir au-delà des cinq sens, de communier avec les animaux, et de s’éveiller. L’Éveil… Oui, c’était bien de cela qu’il s’agissait. Cirilla s’éveillait, et parvint à se rapprocher des esprits des Aén Elle. Seuls deux esprits lui restaient fermés : Avallac’h, car il était après tout son mentor… Et Eredin.
En revanche, elle finit un jour par céder à sa curiosité, et sonda l’esprit d’Aubelon. Elle découvrit alors, avec consternation, qu’Aubelon était un Roi triste, déchu, qui haïssait profondément les humains, et qui avait, semble-t-il, été amoureux de Lara Dorren. Que le Sang Ancien se soit matérialisé chez une humaine, une dh’oine, lui était insupportable. Son projet était de l’épouser, de la marier, afin qu’elle ait un enfant.
Cirilla en fut assez confuse, et Avallac’h continuait à la rassurer.
« Comptes-tu toujours rester une enfant, Cirilla ? Il est temps que tu songes à ton avenir, car la vie des humains ne dure qu’un battement de cils. Pardonne à Aubelon les noirceurs de son cœur, car elles sont le fruit de ses passions déchues, de sa trop grande compassion envers les nôtres qui sont opprimés, les Aén Seidhe. »
Et, au fur et à mesure qu’elle s’éveillait, Cirilla commença à avoir des visions venant des autres mondes… Et de Terra. Elle vit alors Yennefer et Geralt, en train d’affronter Vilgefortz et Bonhart, dans une forteresse… Et mourir. Et, chaque soir, ce cauchemar revenait. Cirilla comprit qu’elle ne pouvait plus rester à Tir nà La, qu’il lui fallait partir. Elle commença donc à se promener le long des frontières, là où on lui avait déconseillé d’aller, en compagnie de Petit-Cheval.
Continuant sa route, Cirilla finit par découvrir l’envers du décor, et par comprendre qu’elle ne pouvait plus rester. Elle s’étonna de l’absence d’Alraunes, de dryades, de naïades, ou même de fées, dans un monde enchanté, et, en fouillant dans les grottes, finit par tomber sur des ossements.
Des cadavres décomposés s’étalant à perte de vue, formant d’immenses montagnes de crânes. Des milliers, des centaines de milliers, de toutes les tailles.
Et, quand elle sortit de la grotte, Eredin se tint face à elle, en compagnie de ses cavaliers, et lui annonça que le Roi était mort. Aubelon avait été empoisonné, et Eredin accusa Cirilla.
« C’est une humaine ! Aubelon se méfiait d’elle, et à juste titre ! Nous aurions dû la sacrifier, extraire l’essence de Lara Dorren de son corps, plutôt que de vouloir l’enfanter ! Elle est souillée par le sang humain ! »
Mortifiée, Cirilla s’enfuit désespérément, tandis qu’Eredin et ses tueurs la poursuivaient, et généra un Portail, qui l’envoya à travers les dimensions.
V – L’ASSAUT FINAL AU CHÂTEAU STYGG
1°) Rencontre avec les Manni
En fuyant les Aén Elle, Cirilla utilisa de ses pouvoirs spéciaux, de l’Éveil… Et elle se perdit dans les lignes du Multivers, dans les constances et les variables. Rejoindre Terra n’était pas aussi simple que ça. Elle atterrit notamment en Angleterre, en l’an de grâce 1906, où elle s’entretint avec le pêcheur Guthrie à Loch Glascarnoch, en Écosse. Elle voyagea dans des mondes futuristes, mais ne faisait que de brefs sauts, jusqu’à ce que ses voyages ne la conduisent dans une plaine, où elle atterrit à côté de plusieurs chariots et roulottes.
C’était la fin de son voyage initiatique. Elle avait enfin trouvé ceux dont Vysogota lui avait parlé, et dont l’existence avait été confirmée par Avalac’h… Les Manni. Elle arriva dans leur village itinérant, Manni Calla, et apprit d’eux qu’ils savaient déjà tout sur elle.
Les Manni étaient indéniablement une bien étrange communauté. Ils expliquèrent à Cirilla qu’elle était une Éveillée, et qu’elle n’arriverait jamais à retourner sur Terra si elle ne comprenait pas l’essence même de son pouvoir.
« Tu réfléchis encore de manière unidimensionnelle, Cirilla, c’est-à-dire en considérant que ton temps et ton espace sont les valeurs de référence universelles. »
Les explications des Manni étaient des plus cryptiques, à n’en pas douter.
« Le temps est linéaire, Cirilla. Tu ne peux modifier ce qui est déjà fait, et c’est ainsi. Mais, quand tu t’éveilles à tes autres consciences, tu dois admettre que le temps est fluctuant selon les dimensions. Tu dois penser de manière multidimensionnelle, en considérant que le temps ne s’écoule pas différemment d’une dimension à l’autre. Si tu veux un exemple, tu as le sentiment que nous nous parlons dans ton présent. Or, mon présent est ton passé, car, par rapport à la propre chronologie temporelle de ta dimension, ce qui se passe en ce moment, notre conversation, a lieu bien longtemps avant.
- Si je vous comprends bien, il est toujours possible pour moi de remonter dans mon passé… En rebondissant d’une dimension à l’autre, non ?
- Si fait, Cirilla, mais tu comprendras vite que la réalité a ses propres règles, et ses propres constances. Et le temps se corrige de lui-même quand on cherche à le détruire. C’est ainsi. »
Cirilla avait conservé le Livre des Manni, ce qui ne fut pas sans déplaire aux Manni, heureux de voir que cet ouvrage existait toujours. Cirilla savait la richesse de ce livre. L’Empereur de Mijak lui-même aurait renié son Empire pour avoir la chance de récupérer cet exemplaire.
« Ce n’est que comme ça que tu y arriveras, Cirilla. C’est aussi simple que ça. La Tour a choisi de porter sur tes maigres épaules un rôle qui te dépasse, qui nous dépasse tous.
- Mais je ne comprends toujours pas mon rôle… plaida-t-elle. Je croyais être destinée à épouser le Roi des Aulnes, mais…
- Geralt de Riv t’a expliqué qu’il n’y avait aucun destinée, n’est-ce pas ? Que rien n’est écrit à l’avance ? »
Cirilla avait lentement acquiescé de la tête.
« Son analyse est juste, et fondée. Il n’y a rien d’absolu, Cirilla, il n’y a que des voies à franchir, des choix à faire… Mais il y a toujours des raisons prédéterminées, des causes qui sont déjà acquises avant la naissance. Tu étais destinée à hériter de tes pouvoirs. Ce n’est pas le fruit du hasard. Tu dois retourner sur Terra, et tu dois choisir quel est ton rôle. Car il te faudra bientôt choisir, Cirilla. »
Les Manni étaient sages, et, avec eux, Cirilla ne sentait aucune animosité. Rien à voir avec ce sentiment de fuite qu’elle ressentait chez les Aén Elle.
« Les personnes comme toi seront toujours recherchées, Cirilla. Tu as le Don, tu es une Source… On vous désigne sous bien des appellations, mais Vilgefortz, et même les Aén Elle, ne sont que des faire-valoir. Ton véritable ennemi se dissimule derrière eux, et, face à lui, tu auras besoin de l’aide de tes proches.
- De qui parlez-vous ?
- De ceux qui te traquent, Cirilla. De ceux qui te veulent pour ouvrir les Portails Interdits, pour ramener dans nos réalités les immondices des temps reculés. Du Roi Cramoisi et du Magicien. Eredin, le Roi des Aén Elle, a depuis longtemps prêté allégeance au Roi Cramoisi. Falka lui offrit son âme jadis, et c’est à travers cette âme que le Roi Cramoisi chercha à prendre possession de toi. Vilgefortz lui-même ne rêve que de t’offrir à son maître, le Seigneur des Araignées… Il a détruit l’Eld, il a brisé la lignée d’Arthur l’Aîné, et il souhaite en finir avec toi… »
Cirilla ne comprenait pas tout cela. Vysogota lui avait déjà parlé des Grands Anciens, de la bataille mythique entre les Dieux et les Grands Anciens, ce qu’on appelait parfois la « Conjonction des Sphères ». Tout cela, toute cette mythologie lointaine, serait donc liée à la situation actuelle ? Confuse, Cirilla laissa les Manni lui expliquer.
« Les tours que tu as déjà traversés ne sont que des répliques de la Tour… Ces tours sont des vecteurs magiques, mais aussi, comme tu l’as vu, des vortex dimensionnels. C’est la Tour de l’Hirondelle qui t’a conduite à Tir nà Lia. Mais, au-delà de Tir nà Lia, il existe encore d’autres mondes, d’autres dimensions. La Tour est le pivot de toutes ces réalités, et le Roi Cramoisi cherche à s’en emparer. C’est la seule porte qui lui permettra enfin de libérer ses maîtres, les Grands Anciens.
- Alors… Tedd Deireadh, c’est cela ?
- Le Froid Immaculé n’est qu’une partie de Tedd Deireadh. Le Dernier Âge, la Grande Convergence… C’est le moment où les Grands Anciens reviendront, et détruiront ce Multivers.
- Alors, c’est cela qu’il faut empêcher…
- Peut-être bien, oui… Ou pas. Si vous n’y arrivez pas, c’est que ce Multivers-ci n’était pas prêt, et un autre verra probablement le jour.
- Probablement ? »
Le Manni haussa les épaules. Ainsi allaient les conversations avec les Manni, par énigmes, par mots entrecoupés. Aucune réponse n’était claire, aucune affirmation n’était donnée.
« Mais tu ne dois pas te méfier que du Roi Cramoisi. Car, s’il s’occupe de toi, c’est uniquement par l’intermédiaire du Magicien… Son bras droit, et, par bien des côtés, une menace encore plus terrible que le Roi lui-même.
- Vous parlez de… De Vilgefortz ?
- Si seulement… Tu ignores encore beaucoup de choses, ma petite, mais Vilgefortz n’est qu’un apprenti du Magicien. Leo Bonhart, celui qui te hante chaque nuit, travaille indirectement pour lui, car c’est le magicien qui a convaincu Stefan Skellen de rompre son serment envers Emhyr, et de te tuer. Et même les Aén Elle… C’est encore le Magicien qui a convaincu Eredin d’assassiner son propre frère pour devenir le nouveau Roi.
- Mais qui est-ce ? »
Le Manni secoua la tête.
« Même moi, je ne peux répondre à cette question. Nous débattons sur cette question. Pour certains, il est Tzeentch, le Dieu Noir du changement, le Grand Instigateur. Pour d’autres, il est Nyarlathotep, le Grand Ancien messager d’Azathoth, dont le Roi Cramoisi serait l’une des représentations. »
Aucun de ces noms n’était inconnu à Cirilla, car Vysogota lui en avait parlé. Il estimait que le savoir n’était pas une menace en lui-même, et que tout dépendait de la façon dont on essayait de l’appréhender, car certains savoirs étaient plus dangereux que d’autres, bien plus dangereux.
« Mais il existe aussi une autre hypothèse… Plus terrible, selon moi. Celle selon laquelle le Magicien ne serait… Personne en particulier. Les Manni ont essayé de l’identifier, tu sais, mais… Il a été plus fort que nous.
- Comment ça ? demanda-t-elle, tout en redoutant la réponse à cette question.
- Parce que nous sommes tous morts, Cirilla. Le Magicien nous a exterminé.
- C’est… C’est impossible !
- Parce que tu me vois, et parce que nous discutons ensemble ? Mais tu te souviens de ce que je t’ai dit, non ? Ton présent n’est pas mon présent. Tu as voyagé d’une ligne de réalité à une autre ligne de réalité, et la ligne dans laquelle nous nous croisons, et où nous parlons en ce moment, se situe dans le passé de ta ligne de réalité. Dans le présent actuel de ta réalité, les Manni ne sont plus. »
Elle déglutit doucement.
« Il doit y avoir un moyen d’empêcher ça !
- Ce n’est pas une prophétie, Cirilla, ce n’est pas une vision d’un futur éventuel… C’est un fait qui a déjà eu lieu dans ta temporalité. Tu comprendras ce que cela signifie, Cirilla, et, quand tu le comprendras, c’est que tu seras prête. »
Et ainsi allèrent les conversations avec les Manni. Finalement, à force de s’entraîner, Cirilla réussit à retrouver Terra, et généra un Portail vers ce monde. Elle était prête à revenir, prête à retrouver Geralt, Yennefer… Et, dans sa tête, prête aussi à retrouver les Manni, à perfectionner ses talents. Mais, dans l’absolu, elle savait qu’elle ne reverrait jamais les Manni. Tout au plus emportait-elle avec elle le Livre des Manni, et, dans l’absolu, cet ouvrage mystique était bien plus important que tout le reste.
2°) Le siège de Château Stygg
Cirilla retourna sur Terra, et retrouva avec soulagement sa jument, celle qui l’avait accompagné depuis sa fuite du château de Stefan Skellen, et qui l’avait accompagné jusqu’à la Tour de l’Hirondelle. Cirilla était heureuse de revoir sa jument, et la chevaucha, tout en se demandant où aller. Vers Kaer Morhen ? Elle se concentra alors, et ouvrit un Portail, qui s’afficha devant elle. Elle vit la forêt entourant Kaer Morhen, puis les murs abîmés du fort. Vesemir était là, assis en tailleur, et tourna doucement la tête en percevant le Portail… Que Cirilla ferma alors.
Geralt n’était pas à Kaer Morhen. Elle s’éloigna ensuite de la Tour de l’Hirondelle… Quand une onde de choc explosa à côté d’elle. Le temps que Cirilla se rétablisse, elle put voir de multiples Mijakiens en armure noire se rapprocher, ainsi que Stefan Skellen, Rience, qui venait d’utiliser un sortilège… Et Leo Bonhart. Le temps que Cirilla se redressa, Bonhart posa son pied sur son torse, et lui sourit cruellement.
« Nous savions que tu reviendrais, petite… »
Et elle sombra ensuite.
Cirilla se réveilla bien plus tard, dans les entrailles d’une puissante citadelle située sur une falaise le long d’une plage abritant des carcasses de bateaux abandonnés, le Château Stygg. Cette forteresse était une citadelle magique, et était le refuge de Vilgefortz. Cirilla émergea, nue, dans un laboratoire magique, avec des glyphes nombreux autour d’elle, et Vilgefortz qui se tenait face à elle.
Après tant de temps, le mage avait finalement réussi à récupérer la Source. Cirilla savait toutefois qu’il n’était que le serviteur du magicien, ce qui amusa Vilgefortz. Celui-ci confirma s’être rapproché jadis de la Monarchie de la Rose, une organisation criminelle dirigée par le Magicien, mais s’en était éloigné. Il avait failli mourir à Sodden, lui aussi, et n’avait survécu qu’en passant un contrat avec Tzeentch, le Dieu Noir des magiciens. Grâce à cela, Vilgefortz avait acquis bien plus de pouvoirs, mais souhaitait désormais s’échapper de l’influence de Tzeentch. Pour cela, il lui fallait plus de pouvoir.
« J’ai appris à extraire l’essence magique de mes confrères et de mes consœurs, Cirilla. J’augmente ainsi mes pouvoirs, et je serai ainsi en mesure de m’extraire de Tzeentch, de rompre le contrat. »
Le projet du mage noir était de l’enfanter, et d’absorber ensuite le placenta de Cirilla, afin de pouvoir hériter en lui du Sang Ancien, et ainsi, espérait-il, pouvoir enfin devenir une Source. Un projet sinistre et délirant, mais Vilgefortz avait depuis longtemps perdu la raison, et dissimulait sa folie sous une couche de faux-semblants et d’apparente raison.
Vilgefortz avait été traumatisé à Sodden. Cirilla aurait pu le plaindre… Mais elle apprit également, en sondant son esprit, que celui-ci avait capturé Yennefer. Elle se trouvait là, dans les prisons de la citadelle, et Vilgefortz, après l’avoir torturé pour obtenir des informations sur Cirilla, comptait la libérer… En absorbant également son essence magique. Cirilla chercha alors à se débattre, à se libérer, mais les glyphes la retenaient.
Stefan Skellen restait toutefois assez nerveux. Son alliance avec Vilgefortz était délicate, car Emhyr savait que Skellen l’avait trahi, et craignait que les Mijakiens ne marchent vers Stygg. Vilgefortz n’avait cure de cela. Leo Bonhart, de son côté, attendait de toucher sa récompense.
Vilgefortz avait mis en place une installation alchimique et magique décidée à drainer l’essence de Cirilla, sans se douter que, pendant ce temps, Geralt de Riv approchait de Stygg.
Geralt avait longuement voyagé pour retrouver Cirilla. Jamais il n’avait abandonné, et il amenait avec lui sa hanse, des personnages haut-en-couleur : Régis, un vampire œnophile, chirurgien-barbier, Angoulême, la sauvageonne de Cintra à qui Geralt s’était toujours demandé si elle n’était pas une sœur cachée de Cirilla, Milva, la terrible archère humaine haïssant sa propre race, et, bien sûr, l’inénarrable Jaskier, poète, barde de son état, et coureur de jupons dont la réputation était connue, disait-on, jusqu’à la Reine de Lumen en personne.
Ensemble, ces improbables aventuriers avaient tous rejoint la cause de Geralt : retrouver Cirilla. Et l’acte final de cette longue quête aurait lieu à Stygg. La place toute entière était gardée par les hommes de Skellen. Ils seraient en infériorité numérique totale. Geralt avait appris la position de Vilgefortz au château de Toussaint, une forteresse mijakienne, où il s’était dit qu’Emhyr préparait un raid massif sur Stygg pour tuer Vilgefortz, un mage qui avait choisi de le trahir. Geralt venait toutefois initialement pour sauver Yennefer, mais, en approchant de Stygg, il sut que Cirilla était là. Il la vit dans ses rêves, et sans aucun doute la vit-elle parce que Cirilla, torturée par les horribles machines de Vilgefortz, appelait à l’aide celui qui avait toujours été son père de substitution.
La hanse s’occupa des sentinelles à l’entrée, le long de la plage. Milva, qui était proche des elfes de Brokilone, connaissait une entrée secrète, Stygg ayant jadis été une citadelle elfique. Le groupe se sépara en deux. Geralt partit avec Milva et Angoulême, et Régis de son côté. Jaskier, de son côté, ne pouvait que rester derrière. Régis n’avait besoin de l’aide de personne, et, à la vérité, Geralt ne pouvait que plaindre ceux qui chercheraient à le stopper.
En cherchant Yennefer, Geralt, Milva et Angoulême tombèrent sur la garde. Ce fut là que Milva mourut, en défiant à l’arc les soldats de Skellen, jusqu’à ce que plusieurs flèches ne la transpercent. Geralt, de son côté, se rendait vers les cachots avec Angoulême, mais fut séparé de celle-ci. Angoulême fut ensuite grièvement blessée, et, tandis que Geralt affrontait les tueurs de Skellen, elle se rendit vers Régis.
Régis, de son côté, était un vampire supérieur redoutable, qui ne laissait derrière lui que des cadavres. Attiré par le sang de Cirilla, il parvint à la trouver. Il arrêta les machines, et, grièvement blessé suite à ses affrontements, but du sang humain pour la première fois depuis des siècles. Cirilla réussit ensuite à se rétablir, et comprit rapidement qui était qui… Mais, au même moment, Stygg se mit à trembler sur ses fondations.
Geralt venait de libérer Yennefer, et, alors que le duo tentait de fuir, ils tombèrent finalement sur Vilgefortz.
« Geralt ! s’exclama-t-il. Je croyais pourtant que ma leçon sur Thanedd aurait suffi, mais il faut croire que tu es aussi têtu qu’on le dit. Et tu viens même libérer ma prisonnière… Ah, Geralt, tu es vraiment incorrigible, mais laisse-moi te confier une bonne chose. En me défiant pour la dernière fois, tu n’as pissé contre le vent… Tu viens de pisser contre une putain de tempête ! »
La magie de Vilgefortz explosa alors, et cloua Geralt. Yennefer s’interposa, mais, aussi puissante soit-elle, même elle semblait succomber face à Vilgefortz. Geralt avait tiré les leçons de son combat contre Thanedd. Ce combat, il l’avait retourné dans sa tête pendant de nombreuses semaines à cicatriser, et il était arrivé, à chaque fois, à la même conclusion… Celle selon laquelle il n’avait fait aucune erreur. Vilgefortz était juste plus puissant que lui, et cette surpuissance se confirmait encore en ce moment. Yennefer n’était également pas de taille, et leurs espoirs que leur force combinée parvienne à ébranler le mage noir s’effondrèrent devant les attaques terrifiantes du mage noir.
Yennefer faillit bien perdre la vie, lorsqu’elle sentit une force magique nouvelle l’envahir. Elle comprit alors que Cirillia était là, qu’elle les aidait à distance. Ses forces magiques s’amplifièrent, surprenant Vilgefortz, et la bataille prit une tournure dantesque. Des éclairs lacéraient le hall, et toute la citadelle tremblait sur ses fondations.
Cirillia, de son côté, se précipita avec Angoulême sur les lieux de l’affrontement. Régis en faisait de même, mais prenait des chemins plus rapides. Le passage les amena près d’une aile de la citadelle en reconstruction, où Angoulême s’effondra à côté de Cirillia… Et, avant que celle-ci ne puisse la soigner, Leo Bonhart lui fit face. Cirillia comprit alors que le moment était venu. Plus d’échappatoires, plus de faux-semblants, plus de tours de passe-passe. Elle avait confié la majorité de ses réserves magiques à Yennefer, et leva son épée devant Bonhart, qui sourit à nouveau, cruellement.
« Petite fille… Cette fois, nous en terminons, toi et moi. »
Bonhart était une légende, un guerrier impitoyable, qui, disait-on, tuait même les sorceleurs. Le combat entre lui et Cirilla signifiait bien plus qu’un simple affrontement. Il avait torturé Cirilla, il avait tué ses amis, il avait tué et décapité Mistle sous ses yeux, il l’avait forcé à tuer dans des arènes sinistres. Face à lui, Cirilla avait appris la haine, la fureur, la rage. Elle avait maudit sa propre impuissance, et, face à Bonhart, elle fit face.
Bonhart constata rapidement que Cirilla était plus forte que ce qu’il pensait. Elle esquiva ses attaques, et étudia surtout le terrain. Même elle savait qu’elle n’avait aucune chance face à Bonhart, mais ils étaient dans une partie de la citadelle en reconstruction. Plutôt que de l’affronter, elle l’esquivait, et jouait de son petit gabarit face à lui. Elle tenta même d’user de sa magie, mais en vain. Ses sorts, Bonhart les esquivait, ou les déviait avec sa lame, et continua à l’acculer.
Le combat fut somme toute, chronologiquement parlant, assez court. Mais il s’inscrivit dans la chair de Cirilla, qui réussit à remporter le coup final. Elle l’affronta encore, jusqu’à ce que les planches en bois sur lesquelles ils avançaient ne s’effondre sous le poids de Bonhart. L’immonde chasseur de primes se fracassa en contrebas. Cirilla récupéra de lui les médaillons des trois sorceleurs que Bonhart affirmait avoir tué, puis se rua ensuite dans la salle principale.
Face à Vilgefortz, Geralt et Yennefer étaient totalement dépassés. Ses sorts magiques étaient surpuissants, faisant trembler la voûte même de la citadelle. Vilgefortz voulait en finir avec eux, et il aurait bien pu y arriver… Si Regis n’accourut pas pour les aider. Le vampire supérieur frappa Vilgefortz dans son angle mort, près de l’œil carbonisé de Vilgefortz, et planta ses griffes en lui. La douleur explosa dans le corps du magicien, qui repoussa Regis, et, furieux, tourna sa fureur vers lui. Geralt vit, impuissant, le vieux vampire mourir en étant réduit en cendres.
« C’en est assez ! Finissons-en, infâmes vermines ! Tu aurais dû rester à Kaer Morhen, sorceleur ! Ces choses te dépassent ! »
Geralt avait vu le point faible de Vilgefortz. Yennefer était inanimée, et il ne restait plus que lui. Il se rua encore sur le mage, et utilisa un médaillon magique qu’il avait reçu des mains de Fringilla Vigo, une magicienne mijakienne, ce qui lui permit d’absorber les assauts de Vilgefortz. Blessé par Régis, Vilgefortz restait encore redoutable, mais Geralt usa de son angle mort pour que plusieurs éclairs rebondissent contre sa lame, un sihill runique de Makaham offert à Geralt par son ami Zoltan, un nain. Les runes dévièrent les éclairs, et les repoussèrent sur Vilgefortz, frappant sa cicatrice au visage, l’ouvrant sur place. Blessé, Vilgefortz perdit le contrôle pendant quelques secondes, et, alors que sa magie s’apprêtait de nouveau à exploser, Geralt l’embrocha avec son épée.
Le sihill transperça le corps de Vilgefortz. Le mage noir se mit à vomir du sang, et, quand Geralt retira sa lame, le mage noir tomba au sol. Il mourut sur le sol, dans son propre sang, et vit sans doute le sourire grimaçant de Tzeentch avant que son âme ne retourne au néant. Épuisé, Geralt boîtait également, et récupéra Yennefer. Celle-ci se réveilla quand ils sortirent de la citadelle. Cirilla était enfin là, à l’entrée de la citadelle, et annonça à Geralt que personne ne reviendrait. En apprenant la mort de ses compagnoons de route, Geralt sentit quelque chose se briser en lui, mais n’eut guère le temps de songer à cela.
Stefan Skellen avait fui pendant le combat, et avait sans doute été bien inspiré de le faire, car la plage de Stygg était désormais remplie d’une armée de Mijakiens. Ils s’avancèrent lentement, jusqu’à ce que plusieurs cavaliers n’émergent. Geralt reconnut alors Duny, et comprit, à sa grande stupéfaction, que Duny était Emhyr var Emreis.
« Loup Blanc… Nous nous retrouvons enfin. »
Emhyr venait de perdre le poste d’Empereur. L’armée de Moijak venait d’être brisée à Brenna, une défaite historique pour l’Empire, qui fragilisait fortement la position d’Emhyr au sein du Conseil Impérial. Il voulait au moins revenir avec un trophée, les corps de Stefan Skellen et de Vilgefortz. Mais, surtout, avec sa propre fille, Cirilla, qu’il souhaitait épouser, et enfanter, afin que, conformément à la prophétie, son fils devienne l’Empereur de tout Terra.
Magnanime, Emhyr offrit à Geralt et à Yennefer un dernier bain, et leur remit une dague, afin que ceux-ci se suicident, leur évitant ainsi l’affront d’être mis à mort. Ils pouvaient ainsi passer un dernier moment ensemble, tandis qu’Emhyr reprenait Cirilla. Geralt accepta ce geste, conscient que la grande roue de Terra se désintéressait de gens comme lui. Lui et Yennefer se rendirent donc dans une salle de bains, alors qu’Emhyr repartait avec Cirilla, qui le fixa lentement.
Difficile de dire ce qui passa dans l’esprit d’Emhyr à ce moment.
Toujours est-il que, au moment où Geralt et Yennefer s’apprêtèrent à se trancher les veines dans la baignoire, Cirilla vint les rejoindre. Emhyr venait de partir, et n’avait même pas emmené le corps de Vilgefortz. Toute son armée faisait demi-tour. Quand Yennefer lui demanda pourquoi Emhyr l’avait laissé, Cirilla répondit ce qu’elle put.
« Il n’a rien dit. Rien. »
3°) La Loge des Magiciennes
La guerre était finie. Les Mijakiens avaient essuyé une très lourde défaite en s’attaquant pour la deuxième fois aux Royaumes Nordiques. Une défaite véritablement historique au vu des ambitions expansionnistes impériales. La guerre était donc finie, mais il n’y avait que dans les contes de fées qu’une paix prospère y faisait suite. Les Royaumes Nordiques avaient perdu beaucoup, de nombreux royaumes avaient été ravagés, et, d’ores et déjà, les plus grands royaumes, tournoyant autour des royaumes affaiblis, se disputaient les parts de marchés. Quant aux magiciens, après Thanedd, ils étaient désormais tournés en discrédit. L’une des dernières décisions de la coalition du Nord, cette alliance improbable qui avait réussi à repousser Mijak, fut d’ailleurs de mettre un terme aux assemblées de mages dans le Nord. Une décision unique, qui fut d’ailleurs désapprouvée par les autres grandes puissances mondiales, mais les Rois n’avaient plus confiance dans les Cercles corrompus. Les Cercles furent donc bannis, les académies magiques restèrent, mais toute nouvelle organisation de mages passerait désormais par un contrôle accru des pouvoirs publics.
Dans ces jours d’après-guerre, la famille recomposée de Cirilla se sépara encore. Le trio commença par se rendre à La Jalousie, et ils rejoignirent le cimetière, où on avait enterré les Rats dans une fosse commune. Yennefer dut ensuite quitter Geralt et Cirilla, et retourna à Vengerberg, promettant au duo de revenir vite. Seuls, Geralt et Cirilla filèrent vers Toussaint, où ils retrouvèrent Jaskier. Celui-ci, qui avait disparu à Stygg, était en fâcheuse posture, car la famille Henrietta comptait le mettre à mort, Jaskier étant accusé d’avoir trompé la Duchesse Anna Henrietta en couchant avec une autre femme. Geralt intercéda en faveur de son ami, et ils décidèrent de partir rapidement.
C’est à une auberge qu’ils reçurent une missive de Yennefer, demandant à ce que Cirilla la rejoigne à Vengerberg. Geralt lui conseilla d’y aller, lui-même comptant faire route pour sa ville natale supposée, Rivia, et invita Cirilla à la rejoindre là-bas dans six jours. Cirilla, de son côté, alla rejoindre Yennefer à Vengerberg, où elle apprit qu’elles avaient un rendez-vous très important.
Les magiciennes avaient promis de ne plus former d’organisations occultes, et, à peine avaient-elles fait cette promesse qu’elles s’empressèrent de fonder une nouvelle organisation secrète. La Loge des Magiciennes fut fondée par quelques magiciennes influentes comme Philippa Eilhart, qui était devenue le leader de la Loge. La philosophie officielle de la Loge reposait sur la préservation de la magie, et la protection des flux magiques. Un vœu pieux auquel seul les dupes croiraient, car les magiciennes avaient depuis longtemps goûté à la pomme du pouvoir, et, à travers la Loge, prévoyaient surtout de s’unir à nouveau, de former une grande alliance qui leur permettrait de s’allier avec les mages luméens.
Le cas de Cirilla fut le premier sujet de réunion de la Loge au château de Montecalvo. La redoutable Philippa s’y trouvait depuis le soulèvement de Thanedd, et avait plusieurs ambitions pour Cirilla, notamment celle de l’épouser au Prince de Kovir, Tankred Thyssen, fils unique d’Esterad Thyssen. D’autres prévoyaient de l’envoyer à Lumen, afin de former une solide alliance avec la jeune Reine de Lumen. Il était évident que, si les Ivory avaient accouché d’un fils, les magiciennes auraient voté à l’unanimité pour que Cirilla aille l’épouser.
Tandis que les magiciennes débattaient, Cirilla avoua à Yennefer qu’elle disposait avec elle du Livre des Manni. La nouvelle surprit Yennefer au plus haut point, qui exhorta Cirilla à dissimuler cet ouvrage. Le Roi Esterad Thyssen aurait vendu tout son royaume pour pouvoir récupérer ce livre, et, ici, malgré les sourires enjoliveurs et doucereux de sorcières comme Keira Metz ou Sabrina Glevissig, Cirilla ne devait pas être dupe : ses harpies étaient pires que quinze Vilgefortz réunis. La preuve en est qu’elle s’était empressée de se rendre au Château Stygg, dans l’espoir de récupérer Cirilla, ou les recherches de Vilgefortz sur les Sources.
L’autorité de Filippa Eilhart étant vacillante, celle-ci dut soumettre à un vote le choix de maintenir Cirilla à Montecalvo ou non, celle-ci ayant indiqué qu’elle devait aller à Rivia. La voir partir, c’était le risque de la perdre. Filippa Eilhart, Sheala de Tancarville, Sabrina Glevissig, Keira Metz, et Assir avr Anahid votèrent pour son maintien à Montecalvo, mais d’autres sorcières votèrent contre… Parmi lesquelles Triss Merigold. La majorité l’emporta, et Cirilla fut autorisée à quitter Montecalvo, et les projets politiques des magiciennes.
4°) La dernière danse du sorceleur
Le voyage vers Rivia ne fut pas de tout repos. Les Royaumes Nordiques avaient été durement éprouvés par la guerre. Des villages entiers avaient été rasés, ravagés, hantés de monstres, et les bandits se multipliaient sur la route. Malgré tout cela, Cirilla passa plusieurs soirées en compagnie de Triss et de Yennefer, à écouter leurs histoires, et à parler des siennes. Une rivalité tacite existait entre les deux femmes, mais elles se respectaient mutuellement. Les deux avaient formé Cirilla, Triss lui avait appris à comprendre son corps, à connaître ses limites. Et Cirilla leur parla des Manni, des Aén Elle, et du fait que, selon elle, cette histoire était encore loin d’être finie.
Puis le trio rejoignit Rivia, la capitale de la Rivie… En proie à un pogrom violent. Un banal incident de marché entre des nains et Nadia Esposito, une orpheline de guerre, issue de la noblesse locale, et ouvertement raciste. Les affres de la guerre avaient profondément ébranlé la Rivie, et l’incident donna lieu à un pogrom particulièrement violent, un soulèvement qui opposa les communautés non-humaines aux communautés humaines. Geralt, lui, se trouvait en plein milieu, dans une auberge en compagnie de ses amis de voyage, Jaskier et le nain Zoltan, attendant la venue de Cirilla.
Un épais brouillard commença à s’élever de la capitale, et les magiciennes, en approchant, se ruèrent dans la ville. Un affreux pressentiment la traversait tandis que le chaos régnait dans la ville, et, quand elle rejoignit l’auberge, il était trop tard. Le cœur de Cirilla lui donna l’impression de se briser en entendant la voix scandalisée de Jaskier, et le corps de Geralt, au sol. Il avait traversé le monde pour retrouver Cirilla, il avait triomphé de Vilgefortz, et, par un funeste tour du destin, avait été tué par un fermier, qui l’avait embroché avec sa fourche.
Se vidant de son sang, Geralt gisait sur le sol. Cirilla se précipita vers lui, et usa de tous les sorts possibles pour le soigner, se refusant à admettre l’impensable. Yennefer repoussa les badauds en déclenchant un véritable orage autour d’eux, dispersant ces derniers. Ce fut peut-être la première fois que, de mémoire d’homme, on vit Triss Merigold pleurer. Mais aucun sort de magie blanche ne pouvait lutter contre la mort. Cirilla hurla alors, et son cri déclencha une nouvelle onde magique, perçant les frontières de l’espace-temps.
Une brèche s’ouvrit devant eux, et, tandis que Triss était occupée à repousser d’autres badauds, Yennefer et Cirilla aperçurent la licorne de Cirilla, cette licorne qu’elle avait sauvé dans le désert de Korhal, et qu’elle pensait morte. La licorne leur fit signe de venir, les accueillant depuis un bateau. Cirilla et Yennefer partirent dessus, et le vortex se referma, tandis que le tumulte de la ville emporta les compagnons de Geralt.
Yennefer sombra également dans l’inconscience, tandis que le bateau les emmena, tous les trois, ailleurs.
Geralt se réveilla avec Yennefer plus tard, sur une sorte d’île légendaire, paradisiaque, loin de tout… Malus Island. Yennefer était là, avec lui, et, quand Geralt lui demanda où était Cirilla, celle-ci lui informa qu’elle était partie.
V – STEAMPUNK CIRI
1°) Faux-départ à Lumen
Le choix de Cirilla de laisser Geralt et Yennefer fut décidé sur un coup de tête, mais qui était la conséquence d’une réflexion inconsciente et profonde. Tedd Deireadh approchait, et elle savait que tous ceux qui la traquaient n’abandonneraient pas si facilement. Eredin, la Loge des Magiciennes, et même Emhyr… Cirilla savait que les Manni avaient été vaincus, mais elle espérait toujours pouvoir les revoir, et compléter sa formation. Surtout, son impossibilité à soigner Geralt avait remis en cause ce qu’elle pensait savoir, ainsi que ses difficultés à Stygg. Malgré ses talents, Cirilla restait encore trop faible.
Toutefois, avant de partir, Cirilla avait encore une chose à faire, la dernière volonté des Manni à accomplir. Elle se rendit à Lumen, en possession du Livre des Manni, mais apprit que la Reine de Lumen, Elena Ivory, n’était pas dans la capitale. Elle savait que les souverains de Lumen avaient péri en mer il y a des années, et, depuis lors, la jeune Reine était éduquée par les Mélisains, déclenchant chaque jour des vagues d’hostilité croissante au sein de la Confédération de Lumen. Cirilla hésita sur la conduite à tenir, et décida de se rapprocher d’une agence d’avocats et de détectives privés dont Geralt lui avait vanté le plus bien, Codringher et Fenn. Une agence internationale de juristes et de détectives privés qui disposait d’antennes dans les Royaumes Nordiques, mais aussi d’un siège à Lumen. C’est là que Cirilla entreposa le Livre des Manni, dans un coffre inviolable, accessible uniquement par elle, et qu’elle comptait bien destiner à la Reine de Lumen quand celle-ci reviendrait.
Cirilla sortit ensuite dans la rue, et se dirigea dans une ruelle. Elle jeta un bref regard derrière elle, avisant les passants, et un sourire triste éclaira ses lèvres.
« Adieu, Geralt… »
Elle ne pensait jamais revenir.
Comme elle se trompait.
2°) La Dernière Révélation

Cirilla avait appris l’Éveil. Elle était une Source, et elle pouvait utiliser ce pouvoir pour voyager à travers les dimensions, pour se rapprocher d’autres versions d’elle-même. C’est ce qu’elle entreprit de faire. Elle voyagea à travers l’espace et le temps. Elle arriva sur Terre, elle continua sa progression, et vit bien d’autres mondes, bien d’autres contrées, des technologies incroyables… Des voitures, l’apport de l’électricité, des cités féériques faites de lumière artificielle, où il faisait jour la nuit ! Elle vit bien bien des mondes, oui, et bien des mondes sinistres.
Elle n’était pas une Singularité, au sens multiversel du terme, et croisa à plusieurs reprises ses doubles dimensionnels, ses Convergents. Elle vit ainsi une Cirilla Reine de Cintra, une Cirilla sorceleuse, une Cirilla magicienne… Une Cirilla aliénée. Le Multivers était infini, un ensemble infini de possibilités, et elle comprit que le pouvoir qu’elle détenait était bien plus puissant que tout ce qu’on avait pu lui enseigner. Hors du temps et de l’espace, elle ne faisait plus qu’un avec le Grand-Tout… Mais elle ne retrouva jamais les Manni.
Cirilla apprit l’existence d’entités cosmiques. Elle apprit que le Multivers était un ensemble aussi vaste que le concept même de réalités. Certaines réalités n’étaient que des mondes de poches, et elle constata que l’île où elle avait conduit Geralt et Yennefer faisait partie de ces univers miniatures. Elle les observa souvent, de l’extérieur, à travers le miroir, et vit que ceux-ci menaient une vie simple. Ils pêchaient, ils faisaient du cheval, buvaient, et faisaient fréquemment l’amour. Ils avaient quitté un monde qui n’avait plus rien à leur offrir, et, si elle aurait pu les rejoindre, Cirilla avait encore envie d’explorer.
Elle vit également les recoins noirs, les dimensions brisées, les plans astraux entre les mondes… Le Warp, le refuge des Dieux Noirs. Curieuse, elle s’y rendit, et faillit bien s’y perdre définitivement. Car les Deiux Noirs n’aimaient pas qu’on les dérange en vain. Et, tandis qu’elle voyageait, elle essayait de comprendre la signification de ce Grand-Tout, l’architecture cosmique d’un ensemble qui dépassait la compréhension humaine, une toile d’énergie céleste sans fin, s’articulant tout autour de la Grande Tour. Cette tour qu’on disait noire s’avérait être, aux yeux des êtres célestes qu’elle côtoyait, un pylône d’énergie flamboyant, la racine de ce grand arbre cosmique et éthéré qu’était l’ensemble des possibles. Elle vit tout, elle pouvait avoir accès à tout… Et, peu à peu, une voix l’attira. Un appel lointain, diffus, qui lui donna l’impression de remonter jusqu’aux tréfonds de la Création…
…Où elle le rencontra.
Dans une explosion immaculée, elle atterrit dans ce qui semblait être le nexus de toute création, et se demanda même si l’être lui faisant face n’était pas le Créateur en personne. Elle sut toutefois que ce n’était pas le cas. Il était la Source, et elle semblait être intimement liée à lui.
« Qui êtes-vous ? »
L’homme ouvrit alors ses yeux éthérés vers elle.
« J’ai bien des appellations, Cirilla. Et tu m’as finalement retrouvé. »
Elle avait une impression très familière en le voyant, le sentiment de l’avoir déjà vu.
« Connais-tu l’histoire d’Ozymandias, jeune Cirilla ? L’histoire d’un homme indubitablement brillant, le Roi des rois, dont la simple œuvre amenait les mortels à désespérer en constatant qu’ils n’égaleraient jamais l’échelle de son talent. Quand il fut plus jeune, Ozymandias constata vite que ses résultats parfaits auprès de ses enseignants attirèrent l’attention sur elle, aussi se débrouilla-t-il pour n’avoir que des résultats moyens. Car, vois-tu, le véritable génie ne cherche pas à épater, il se développe naturellement, et, quand il s’impose à vous, il vous broie avec une implacable vérité. »
Cet être éthéré était-il un être positif ? Cirilla commençait à en douter.
« De tels concepts n’ont plus cours parmi nous, Cirilla. Tu as dû te rendre compte comme tout cela était relatif, non ? Ce qu’est le ‘‘bien’’ à une période donnée ne l’est plus à une autre. Tout est relatif, et tout tourne finalement autour de la même problématique : l’individu face à la société. La morale n’a été développée par la société que pour brimer l’individu, pour instaurer un semblant de vivre-ensemble.
- Qui êtes-vous ?
- Je te le dis, mais tu n’écoutes pas. Tu te raccroches aux évidences, aux platitudes qui définissent ton moi, sans tenir compte du fait que tu viens d’entrer dans un plus grand univers, un univers où ces considérations d’ego n’ont plus vocation à être. Qui je suis ? Mon enfant, je ne peux répondre à cela. Ce que j’ai été à un moment, ce fut un formateur pour Lara Dorren. Mon sang coule indirectement dans tes veines. Car, comme je te l’ai dit, on s’intéresse toujours à celui qui est dans la brillance ou dans la noirceur, jamais à ceux qui sont dans la zone grisâtre. »
Et Cirilla comprit… Et constata qu’elle ne savait toujours rien. Rien sur ses origines, rien sur ses pouvoirs, qu’elle pensait détenir du Sang Ancien de Lara Dorren. Et elle commença surtout à comprendre qui lui faisait face. L’ancien amant de Lara Dorren, celui qui avait provoqué la fin de la lignée du Sang Ancien, et avait empêché l’ancien Roi des Aulnes d’épouser Lara Dorren.
« Cregennan de Lod…
- C’est ainsi qu’ils m’appelèrent, oui. »
Cregennan de Lod, le mage humain amoureux d’une elfe, à une époque où les royaumes elfiques commençaient à péricliter. Les questions se bousculaient dans l’esprit de Cirilla.
« Vous êtes mort… Tués par les humains en défendant Lara Dorren.
- Toi et moi sommes bien placés pour savoir que la mort est un concept sujet à interprétation. Tu as à peine commencé à t’Éveiller, Cirilla, et à sentir autour de toi les autres Convergents. Moi, j’ai appris depuis bien plus longtemps à transférer ma conscience, et à la partager avec mes autres Convergents. Ce que tu vois devant toi n’est qu’une représentation d’un conglomérat de pensées et d’émotions. Cregennan de Lod n’était qu’un ersatz d’un individu qui le dépasse entièrement. »
L’humilité ne semblait pas être la qualité première de cette apparition qui lui faisait face.
« Quelles sont vos intentions ? Que me voulez-vous ?
- Je voulais te rencontrer, Cirilla. Tu es ma descendante, après tout, et, à ce titre, tu portes mon pouvoir. Croyais-tu vraiment que tes pouvoirs venaient d’Hen Ichaer ? De ce programme génétique délirant conçu par une race acariâtre et nostalgique, aux relents incestueux ?
- C’est impossible…
- Lara Dorren fut mon élève, Cirilla, tout comme le fut Vilgefortz, Avallac’h, ou plus récemment encore Eredin.
- Non, non…
- Il y a bien eu un programme génétique, mais il n’a jamais abouti. Les elfes ont toujours voulu s’accaparer le pouvoir de la Tour, et ont cru que la bénédiction que la Tour leur avait donnée était suffisante pour espérer en demander plus. Lara Dorren était bien une Source, oui, mais pas en raison d’Hen Ichaer. Mais moi, je fus son formateur, Cirilla. Je suis une Source… Une Source Éveillée. »
C’était comme dans un puzzle géant. Petit à petit, les différentes pièces que Cirilla tenait dans le creux de ses mains s’imbriquaient les unes aux autres pour former une toile d’ensemble .Cregennan de Lod, Eredin, Vilgefortz…
« Tu es le Magicien… » comprit-elle alors.
Cette évidence la frappa, la heurta avec la puissance d’un iceberg sur lequel un navire viendrait se fracasser. Et l’être astral n’infirma pas. Le subalterne du Roi Cramoisi, son bras droit, celui dont les Manni se méfiaient plus que tout… Un individu dangereux et puissant, et Cirilla commença à se reculer, son dos heurtant un mur… Un mur invisible au milieu de cette bulle astrale, flottant en-dehors de l’espace et du temps. Comment sortir de là ?
« C’est l’un des noms qu’on me donne, oui…
- Tu as tué les Manni !
- Un sacrifice bien nécessaire.
- Tu es un monstre !
- Que t’ai-je déjà dit au sujet des jugements moraux ? Nous sommes au-delà de ça, Cirilla. C’est ce que les Manni t’ont enseigné, non ? Ne pas te contenter d’une vision unidimensionnelle des choses. La réalité ne se limite pas qu’à la conception sensorielle, et…
- Assez ! Laisse-moi sortir ! Que me veux-tu ?
- Tu me prends pour le ‘‘méchant’’, car tu ne réalises pas encore que tout ceci nous dépasse. »
Cirilla frappait les parois. Elles ondulaient sous ses mains, mais sans se rompre.
« Il nous faut briser le cycle… Un cycle entamé bien avant ma naissance. Ce que les elfes appellent l’Âge Ultime, c’est un phénomène cyclique, naturel, de destruction et de reconstruction. L’Univers est condamné à mourir dès qu’il voit le jour, et il en va ainsi pour le Multivers. Ceci n’est pas le premier Multivers, ni le dernier… Mais le dernier peut être perfectionné, si nous brisons le cycle.
- Tes paroles n’ont aucun sens, tu n’es qu’un sbire du Roi Cramoisi…
- Je travaille avec le Roi Cramoisi, mais sûrement pas pour lui. Tâche de saisir cette nuance, jeune fille, et de comprendre… Comprendre que tout cela nous dépasse, et que tu dois enfin t’Éveiller.
- Je ne veux pas ! Pas de toi, pas de toi ! »
La magie vibrait autour d’eux, et le décor étoilé changea, évolua, montrant un décor que Cirilla connaissait bien… L’île où elle avait déposé Geralt et Yennefer. Les deux étaient là, Geralt torse nu, massant les pieds de Yennefer sur la plage.
« Non ! Laisse-les !
- Tes liens affectifs t’ont ramené vers eux… Mais il nous faut nous en détacher. Tu es destinée à un plus grand office, Cirilla.
- Tu as provoqué la Chute, tu n’es qu’un fou, et je n’écoute pas tes paroles ! Mais, si tu t’en prends à Geralt ou à Yennefer… »
Le Magicien s’illumina alors, brûlant d’une flamme incandescente qui repoussa Cirilla.
« On ne me menace pas impunément, jeune insolente ! Vois-tu, depuis l’aube des temps, l’Homme lève les yeux vers les étoiles, et se demande si quelqu’un veille sur lui… Si quelqu’un, là-haut, écoute, et juge… L’Homme aspire à la grandeur, et c’est ce que je compte lui offrir. Je vais ouvrir la Grande Tour, Cirilla, et je siégerai à son sommet. Alors, je remodèlerai la Création selon un hymne de perfection dont je serai le garant silencieux, le protecteur discret…
- Tu te prends pour Dieu ? LAISSE-MOI SORTIR ! »
Elle les vit. Les cavaliers brumeux, apportant le froid avec eux. Eredin et ses tueurs, lâchés à travers le Multivers pour tuer Geralt et Yennefer. Les yeux de Cirilla s’illuminèrent alors, et la bulle dimensionnelle explosa violemment, tandis qu’elle s’envola dans les couloirs infinis du Multivers.
« Tu ne peux me fuir, Cirilla… »
Une première explosion retentit, et la projeta dans un monde chaotique, où elle s’affala au milieu d’une marée de Xénos, de monstres abominables dans un paysage violet et gluant. Le Magicien se dressait face à elle, créature arachnéenne aux yeux violets brandissant un doigt meurtrier et vengeur vers elle.
« Tuez-là ! »
Les horribles bestioles se ruèrent vers Cirilla, qui fit exploser la magie autour d’elle, et se téléporta encore.
« C’est ta destinée, Cirilla. Me rejoindre, comme toutes les Sources Éveillées… »
Nouveau choc. Cirilla explosa une vitre, et roula dans un long couloir futuriste, où elle se retrouva face à une armée de robots. Dans un magnifique costume blanc, le Magicien l’observait encore, ses yeux s’illuminant, tandis qu’elle se mit à affronter les robots, envoyant des slaves magiques, puis passa à travers une porte l’amenant dans une remise, un local technique d’où elle se volatilisa encore.
Les ondes magiques la rattrapèrent encore, tandis qu’elle se mit à chuter de nouveau, heurtant une série d’arbres, roulant près de dinosaures. Le Magicien flottait dans les airs, et déclencha une pluie d’astéroïdes, enflammant la jungle, provoquant l’effondrement des montagnes.
« JE SUIS INÉLUCTABLE !! »
Cirilla vit l’astéroïde fondre sur elle, et tendit ses mains. La magie fusa, telle une lance, et transperça le météore, l’explosant en l’air, dispersant des gravats tout autour. Elle s’envola encore, continuant cette course-poursuite cosmique, et, tout en filant, aperçut les cavaliers d’Eredin, remontant les couloirs qu’elle-même empruntait, ces vortex dimensionnels filant à travers le temps et la matière. Elle essaya de se rapprocher, mais le Magicien la rattrapa encore.
Son dos heurta le flanc d’une voiture sur un périphérique urbain. Le temps qu’elle se relève, elle vit les phares gigantesques d’un bus, et se téléporta à proximité, sur un pont autoroutier d’où elle pouvait voir, dans l’obscurité de la nuit, une immense tour de lumière en forme de pointe métallique se dressant au loin. La bataille déferla à travers Paris, jusqu’à ce qu’elle se téléporte encore…
…Et ne heurte brusquement la surface d’un bâtiment abandonné, roulant au sol.
Elle était revenue dans les Mondes de l’Arc-En-Ciel, mais, le temps de reprendre son souffle, un cavalier en cheval émergea devant elle, tenant une lance. Elle l’évita de justesse en sautant sur le côté, et un autre guerrier émergea, un mage noir qui manipula son bâton. Tout autour de lui, le décor gelait, et il la repoussa en arrière. Elle tomba en contrebas, et atterrit au milieu d’une avenue ensablée, en ruines, dans ce qui ressemblait à une ville complètement détruite faite d’anciennes tours de béton ravagées.
« Tu croyais pouvoir nous échapper, Cirilla ? Personne n’échappe au Roi Eredin, personne n’échappe aux Dearg Ruadhri. »
Cirilla se redressa, et sa magie fit encore feu, déclenchant autour d’elle un cercle de flammes étincelantes, éblouissantes, repoussant les Cavaliers Rouges. Le mage, depuis les hauteurs de l’immeuble, orienta son bâton vers les flammes. Des éclairs mêlés de jets de glace en jaillirent, frappant les flammes, provoquant de violentes ondes de choc. Cirilla maintint la pression, et repoussa le rayon dans une violente explosion magique qui fractura le sol en une myriade de fissures tout autour d’elle.
Elle se téléporta alors, et rejoignit Malus Island.
3°) Retour sur Terra
L’île était en feu, et les Cavaliers étaient là. Elle apparut à proximité de Geralt et de Yennefer, alors qu’un coup avait envoyé Geralt au sol. Elle apparut au milieu du chaos, avec Yennefer, blessée. La Chasse Sauvage était là, et elle les combattit en vain, avant de générer un vortex pour Geralt et Yennefer, les envoyant de l’autre côté, les ramenant sur Terra. Elle tenta également de les rejoindre, mais, alors que les trois fuyaient à travers le vortex, les Cavaliers Rouges les poursuivirent. Geralt fut blessé à la tête, et échoua dans la forêt de Kaer Morhen, Yennefer fut repoussée à Mijak, et Cirilla atterrit violemment à Terra, dans l’île de Skellige.
Le temps de reprendre ses esprits, la jeune femme fut à nouveau attaquée par la Chasse Sauvage. Elle avait alors été hospitalisée dans un petit village, car elle était lourdement blessée. Fort heureusement, son corps cicatrisait très bien, mais, le temps qu’elle reprenne ses esprits, la Traque Sauvage l’attaqua encore. Épuisée, Cirilla était également blessée, et se téléporta du côté de Velen, où elle échoua dans des marais putrides.
Eredin avait confié à l’un de ses plus redoutables officiers le soin de la traquer, Imlerith. Ce général d’Eredin était un elfe redoutable, proche des milieux occultes et magiques de Terra. Cirilla échoua dans les terres de trois sorcières redoutables, les Moires, qui envisagèrent de l’offrir à Imlerith. Cirilla leur échappa, s’enfuyant des marais. Elle défia ensuite un basilic en rencontrant le baron de la région, Philip Strenger. Progressivement, Cirilla réalisa que, si la Traque Sauvage la pistait si facilement, c’était parce que le Magicien l’avait marqué.
Recherchant de l’aide, elle se rendit à la cité-État de Novigrad, où elle demanda de l’aide à Jaskier afin de retrouver un artefact capable de l’aider à briser le marquage du Magicien. Jaskier l’embarqua dans une intrigue complexe à Novigrad, où elle fit affaire avec des révolutionnaires. Novigrad était une cité alliée de Lumen, économiquement parlant, mais elle venait d’arriver à une époque où l’Empire de Mijak attaquait pour la troisième fois les Royaumes nordiques. Et les royaumes se regroupaient sous l’autorité du Roi Radovid, individu cruel, fanatique, qui haïssait les sorcières, et qui s’appuyait sur l’aide d’ordres religieux violents et hostiles, qui étaient en train de prendre le pouvoir à Novigrad, cité habituellement gouvernée par un conseil de marchands. Cirilla se retrouva embarquée dans une guerre civile locale.
Cirilla se téléporta encore, fuyant le conflit, et atterrit à nouveau à Skellige, où elle se réfugia dans une île proche, une île magique entourée par des brouillards magiques perturbant le marquage du Magicien, l’Île des Brumes. Et ce fut là que Cirilla parvint à affaiblir le marquage, suffisamment pour permettre à Geralt de la retrouver.
En retrouvant Geralt, Cirilla s’effondra dans ses bras. Leurs retrouvailles furent toutefois de courte durée, car l’Île des Brumes se remplit rapidement des cavaliers de la Chasse Sauvage, qui firent irruption. Geralt sortit le premier, et vit enfin le Roi de la Chasse Sauvage s’approcher.

Eredin
« Loup Blanc… Enfin nous nous rencontrons ! »
Eredin s’avança vers Geralt. Méconnaissable derrière son armure lourde, un feu magique avait enflammé tous les arbres de l’île, et il porta son regard vers la petite maison abandonnée.
« Je suis venu pour elle, Geralt… L’Enfant de la Prophétie. »
Mais Geralt n’était pas prête à l’abandonner, et brandit son épée. Il avait défié bien trop d’ennemis pour arriver jusque-là. Eredin sourit sous son armure, et fit signe à ses hommes de rester en retrait. Et, alors que les deux hommes s’apprêtaient à se battre, Cirilla se manifesta, et se téléporta avec Geralt sur Kaer Morhen.
C’est là que Yennefer revint les voir. Enfin réunis, la famille put profiter de quelques jours ensemble. Yennefer aida Cirilla à se débarrasser du marquage du Magicien, mais Cirilla ne voulait plus fuir. Elle n’oubliait pas ce que les Manni lui avaient dit. La Traque Sauvage, comme Vilgefortz en son temps, n’était que les multiples poupées d’un même marionnettiste, un marionnettiste qui n’osait pas intervenir en personne au sein de l’Arc-En-Ciel, mais qui les manipulait. Tout ce qu’elle demanda à Yennefer et à Geralt, quand elle alla mieux, ce fut de savoir si Lumen avait enfin récupéré sa Reine… Car elle devait la voir, et elle devait lui remettre le Livre des Manni.
Tedd Deireadh approchait, mais Cirilla n’allait plus fuir. Désormais, elle se battrait, car elle avait retrouvé sa famille.
RPs
1°) Le Culte de la Harfreuse [Luria Flowashield]
2°) À la recherche de la reine Elsa [Anna Angarr]
3°) Une mission chez les Warren [Vanillia Warren]
4°) La Traque du Mage Noir [Ombre]
5°) Le Prince au bois dormant [Nowe] [Imaginarium]
6°) Love at Corvo Bianco [Chloé Faure] [Imaginarium]
7°) J'ai joué à The Witcher mais... Voilà quoi [La Taverne]