« Bonjour mademoiselle Alma. Merci encore pour ce que vous faites. »
Encore aujourd’hui, Alma est gênée. Cet homme qui a ralenti dans sa voiture pour la remercier : elle croit toujours que ça va être la prochaine agression. Ou la manœuvre des flics qui viendrait « enfin » l’arrêter. Parce que, à part un léger entretien, c’est tout ce qu’elle a eu en conséquence de ces actes. Une part d’elle-même n’arrive pas à accepter qu’elle ne sera pas violenter/emprisonner pour ces deux meurtres.
« Euh. Merci. »
« Non, vraiment merci, mademoiselle Alma. Cette zone était morte. Aujourd’hui, on voit les arbres et les fleurs revenir. C’est vraiment une chose très agréable à observer. »
Après l’expérience de la réalité virtuelle, Alma s’était ouverte à son environnement. Finalement, elle avait décidé de reporter son voyage et était restée dans son hangar pour continuer son apprentissage. Sur son temps libre, elle marchait aux alentours. Au début, elle s’était seulement préoccupée des plantes courant sur les murs de son propre hangar. Puis elle avait aidé la nature à repartir parmi les cendres et les décombres du lieu de bataille. Ensuite, elle n’avait pas supporté de voir de petits arbres mourir de déshydratation dans de gros pots colorés pour égayer la devanture d’un site industriel.
Petit à petit, elle était devenue la « Sainte aux Plantes ».
« Enfin je te trouve, toi ! Viens par-là faut que tu me donnes une info. Hey ! C’est à toi que je parle la gothique. »
Alma se relève alors que sa paume était en contact avec le sol, pour une conversation avec des coquelicots rouges. Debout, elle toise le motard et découvre que ce n’est pas un humain normal. Ses deux avant-bras ainsi que ses mains sont recouverts d’acier. Ça ne ressemble pas à une armure mais plutôt à des prothèses.
*Un humain amélioré par la technologie ? *
« J’ai besoin du numéro de la nana qui était avec toi. L’espèce de punk qui se balade quasi à poils. Je veux sortir avec elle. L’emmener en ville. Lui payer à bouffer et… bon, je vais pas te faire un dessin, hein ! Mais tu t’imagines bien que je suis pas à la recherche d’une aventure romantique : ah ah ! »
Une petite veine palpite au niveau de la tempe d’Alma. Elle commence à se rapprocher de l’inconnu aux prothèses.
« Je pensais que ce serait plus compliqué de chopper son numéro. Je suis content de voir que tu as tout de suite compris que c’était la meilleure des solutions. Ca m’aurait quand même embêté, disons un peu, de te briser un os ou deux. Faut dire que je ne contrôle pas vraiment la puissance de ses bébés. »
L’homme exhibe ses prothèses. Il en prend soin comme une voiture. Il doit les lustrer étant donné la façon dont la lumière glisse sur les courbes froides de l’acier.
« J’ai du mal comprendre… »
« Quoi, mon chou ? »
« J’ai cru que tu avais manqué de respect à Shayne… »
La voix est grave. La colère gronde dans la gorge d’Alma. Mais l’homme aux prothèses ne semble pas posséder d’instinct de survie pour le mettre en garde. Tant pis pour lui.
« Au contraire, mon chou. Je vais tellement respecter son corps nu quand elle aura les jambes écartées : ah ah ! Euh… Hein ?... Pourquoi ça fait mal ?... PUTAIN ! C’est quoi le bordel, là ?!! »
Une liane verte au tranchant aiguisé de gris se trouve de part en part de la cuisse de l’homme aux prothèses.
« Dès que je retire cette liane, tu vas pisser le sang. J’ai visé l’artère. »
« Mais c’est quoi ton problème, grosse conne ?! Putain mais merde ! Pourquoi tu m’attaques ?! »
« Tu as manqué de respect à Shayne… »
« Tu vas crever, SALOPE !! »
Une liane s’enroule autour du poing qui s’élance vers le visage d’Alma. La pression écrase et détruit la prothèse. L’homme souffre. Les larmes coulent sur ses joues. Le pantalon boit le sang qui s’écoule de sa cuisse.
« CREèèèVEeee !!! »
La deuxième prothèse finit dans le même état que la première. Alma récupère ensuite la liane qui se trouvait logé dans la cuisse. L’homme aux prothèses s’écoule par terre. Il est manchot des deux mains. Il n’a plus aucune possibilité de compresser la plaie mortelle à sa cuisse.
La bouche de l’homme s’ouvre et… la boots d’Alma détruit ses dents !
Le moteur de la moto rugit tandis qu’elle tourne la poignée d’accélérateur. Elle est énervée. La rage provoque un boucan entre ses oreilles. L’homme aux prothèses a fait ressurgir quelque chose. Tout ce qu’elle avait accumulé en elle ces dernières semaines suite à l’échange dans la réalité virtuelle… Tout est en train de ressurgir. Tout ce qui a été intériorisé a enfin trouvé une brèche par laquelle s’immiscer et ressortir au grand jour !
Alma arrive dans son hangar. Elle souffle fort. La veine bat à sa tempe. Elle a besoin de se défouler. Elle voudrait crier. Frapper, cogner, exorciser ce qui bousille l’équilibre de son corps et de son esprit !