Zumarr et Simsy avaient eu raison de battre en retraite. La femme à queue de singe, restée sur place, s'était gardé de toute réponse à cet encouragement télépathique. Gine n'avait pas cherché à réfléchir, n'avait pas cherché à être brave non plus. La peur ne l'avait guère paralysée, non ; en sentant le danger mortel arriver, la Saïyajin s'était projetée en arrière, à bonne distance du sol. Une sage décision, car la retombée de Wyald généra une onde de choc absolument monstrueuse - à son image. La femme à queue de singe fut soufflée, envoyée balloter à travers les airs. Le sol en avait été martyrisé, les arbres renversés. Mais le pire dans tout ça ? c'est que le capitaine des Chiens Noirs était retombé sur le cheval de Sophitia et Alice !
Cette dernière mourut sur le coup, son corps aussi dévasté que le paysage qui l'entourait.
Mon dieu !
Gine, qui avait cessé de vriller dans les airs, la voyait de ses propres yeux humides.
Un spectacle effroyable qui faisait les sinistres affaires du titan simiesque. Ce dernier ramassa le cheval et ce qu'il restait de sa cavalière avant de balancer négligemment le tout contre un arbre. Ce faisant, Wyald avait le sourire aux lèvres. A ses quatre lèvres, oui.
Mais l'horreur ne pouvait pas s'achever sur cette note pitoyable.
Il voyait que deux femmes avaient survécu à son attaque, et que le seul mâle du groupe semblait hypnotisé par la mort de la poupée disloquée.
- Pfah ! Tu vas te mettre à chialer, morveux ? Alors qu'il te reste encore six trous à boucher ! Bah ha ha ! Tu es insatiable, ma parole !
Il détailla la blonde qui s'était mise en position de combat. Ouh, celle-là, il avait bien envie de lui arracher son tissu léger, de l'agripper par sa grosse tresse et de lui enfourner sa plus grosse langue entre les jambons ! Wyald envisageait de la ravager par l'entrejambe, quitte à forcer le passage en lui disloquant les hanches. Il se moquait bien de ses états d'âme, de sa robustesse ou de tout autre détail emmerdant du genre.
Même dans sa forme de titan démoniaque, Wyald restait un infâme fornicateur et un violeur en puissance !
Il ne regarda même pas Gine. Que cette femme puisse voler ne le surprenait pas outre mesure. Elle n'était pas humaine, après tout. Une fois brisée et désespérée comme les précédentes, elle saurait le divertir... pendant un temps.
- Bien ! On relance la machine. Wyald va vous faire gémir jusqu'au trépas et vous allez toutes le sentir pass-
Courroux hurla ! Il produisit un son si puissant et déchirant que cela obligea Gine à se couvrir les oreilles des deux mains. Ce cri rappela des images à sa mémoire. Celles où les Oozarus s'époumonaient à la face des mondes qu'ils avaient pour mission de ravager avant de conquérir ! La Saïyajin, sous le choc, dut fermer les yeux et renoncer à son vol stationnaire.
*Splartch !*
Wyald eut un mouvement incontrôlé. Comme si quelqu'un venait de le pousser. Quelqu'un qui, en l'occurrence, s'y était pris par devant.
Mais qui pouvait avoir suffisamment de force pour perturber une silhouette aussi imposante que celle de ce monstre de six mètres de hauteur ?
La réponse se trouvait derrière le titan démoniaque. Cette réponse sanglante portait le nom de Courroux, et elle lui avait transpercé le cœur au passage !
Wyald, muet de stupéfaction, baissa les yeux sur sa large poitrine. Sur le côté gauche, entre son plexus solaire et son épaule, il n'y avait plus qu'un trou qui donnait sur le néant de la sylve.
Du sang jaillit de ses gueules entrouvertes.
Tué ? Lui ? Comme ça ? En un coup ?
C'était complètement absurde ! Pire que tout à l'heure, au cours de son échange musclé avec le gringalet, sous sa forme humaine...
Le Capitaine des Chiens Noirs s'écrasa lourdement sur le dos.
Le tremblement de terre eut un tel impact sur Gine qu'il la fit sursauter et rouvrir les yeux.
- ...Hein ?
Pour le meilleur et pour le pire, elle n'avait - strictement - rien eu le temps de voir.
La guerrière blonde s'était approchée d'un corps atrophié. Celui de Wyald, qui avait soudainement rapetissé pour ressembler finalement à celui d'un
vieillard décharné. Puis, après quelques paroles sentencieuses, elle s'en était détournée, s'en allant prendre soin du fulgurant vainqueur. Courroux, qui n'était peut-être plus tout à fait lui-même. Il avait dévoré le corps désarticulé d'Alice avant de s'effondrer à son tour, toute aura éteinte.
Gine ne parvenait plus à comprendre ce qu'elle voyait.
La mort expédiée de Wyald ? Son retour à la "normale" ? L'épuisement de Courroux ?
Le combat avait pris fin, mais elle n'arrivait toujours pas à y croire...
Et elle avait bien raison.
Soudain, la dépouille de Wyald fut prise de mouvements erratiques ! Ses membres s'agitaient violemment. Ils se tordirent dans tous les sens comme ceux d'une vulgaire marionnette jetée entre les mains d'un enfant trop malhabile pour jouer avec. La chair entra en ébullition ! Une fumée noire se dégageait d'elle. Elle bouillonna furieusement, éclatant en bulles sanglantes et fumantes avant de ronger la terre et d'y percer un trou plus sûrement que de l'acide. Si le corps avait fondu comme neige au soleil, ce ne fut pas le cas de l'âme de Wyald et de toutes celles dont il s'était nourries. De cet orifice dans le sol qui paraissait sans fond jaillit une brume opaque, épaisse, d'un blanc spectral ! La température avait drastiquement chuté. Les arbres commençaient à se défeuiller plus sûrement qu'en automne.
La mort de Wyald, un meurtrier en série, avait-elle invoqué la damnation sur ces terres ?
Ça en avait tout l'air !
Gine, qui se frictionnait nerveusement les épaules, posa son regard angoissé sur Sophitia et dit :
- Il faut qu'on s'en aille...
Blême de visage, elle tremblait. De partout, oui ; que ce fusse sa voix ou son corps, le tout avait du mal à rester en place.
- Il faut partir d'ici à tout prix !
Une énergie profondément maléfique était à l'œuvre - elle le sentait jusque dans la moëlle de ses os. Cette force obscure et démoniaque contaminait son environnement, le dévorait comme un monstre insatiable et avide ! La Forêt se mourrait, remplacée par quelque chose d'irrécupérable qu'aucun esprit éclairé n'aurait pu qualifier de biome. On entendit des cris déchirants de femmes et d'hommes. Des voix désincarnées. Ce n'était jamais les mêmes qui s'exprimaient dans la peine et la souffrance. Des murmures assourdissants qui se rapprochaient. Dans l'air, sous les branches craquantes d'une végétation mourante, des visages tordus et ridés s'étaient matérialisés. Les
gueules squelettiques s'ouvrirent, dévoilant des dents jaunâtres aussi longues que des dagues.
Plus aucun doute possible : l'endroit, désormais hanté, avait été frappé par à une puissante malédiction !
La Saïyajin, qui n'avait encore jamais eu affaire à ce genre de phénomène paranormal, poussa un cri à la hauteur de sa surprise. La peur lui fit tendre les mains et balancer un vague de ki ! Cette énergie, pourtant lumineuse et destructrice, traversa les faciès démoniaques comme s'ils n'existaient pas.
Pourtant, la Mort était bel et bien sur le point de faucher ces trois vies... et peut-être même celles qui étaient en train de fuir la forêt.