The Multiversity

[Ouroboros]

D'amusantes allusions. De bien creuses paroles.

« Le savoir est le poison de l'âme. »

C'est la rhétorique qu'elle sort à cet homme inquisiteur, bien trop intéressé par sa personne. Ne connait-il donc pas ce fameux proverbe clâmant que plus on en sait, moins bien on se porte? Ce ne sont pas des paroles en l'air, elle pense véritablement que la connaissance érode l'esprit. Mais elle est tel le ratel se laissant mordre par les plus venimeux serpents pour s'accoutumer aux poisons. Impossible à contenir, impossible à satisfaire. Les choses sont pourtant bien pires dans son cas, ces grimoires qu'elle persiste à dévorer dans son antre ont fini par avoir raison de sa nature même, ont fini par abimer la teneur profonde de son âme. Au croisement de la folie et du désespoir, elle existe. Perchée sur un fil telle une équilibriste, prête à tomber dans les ténèbres après avoir consumé le maléfice de trop. Elle aime ça.

D'un geste gracile de la main, la Dame fait flotter son châle contre le visage de son détracteur. L'humain n’éprouve cependant pas de colère devant ce taquin refus, s'amusant au contraire de cette parade qu'il considère comme un jeu. Il décide de la laisser vaquer à ses occupations littéraires pour l'heure, prêt à retenter sa chance ultérieurement pour briller dans les émeraudes de cette étrange créature. La femme glisse entre les étagères de cette immense bibliothèque, aussi curieuse envers son environnement qu'envers les livres entreposés. Elle peine à masquer son intérêt pour les lieux, aussi instigatrice qu'une diplomate venue d'une lointaine contrée. Sa longue robe ornementée de décorations dorées lui donne cet air de Dame distinguée, presque royale, perchée aux sommets d'une noblesse que rares sont capables d'atteindre. Une grande prestance, une grande beauté, une étrange malice et un voile de mystère.

Trompeuse apparence. Déception et illusion. Le serpent marche parmi les autres pour camoufler le bruit de ses pas. Effacées, ces ailes accrochées à sa tête. Absente, cette interminable queue serpentine. Un simple regard ne saurait confondre l'humanité dont elle s'est si savamment parée. Tout n'est pourtant qu'une amusante supercherie, un masque visuel pour ces vilains regards alentours. Ce n'est pas une magie compliquée, n'importe qui pourrait s'en défaire. Ce n'est qu'une douce suggestion pour son public, la demande d'être vue comme une humaine et non comme une femme-serpent. Seuls des êtres dominés par leurs plus intenses émotions, et non par ce calme ambiant pourraient être réfractaires à cette succulente magie démoniaque. Ne ressemble t-elle pas à ces pouvoirs de suggestions utilisés par les succubes? Quel mage-sorcier a été assez fou pour fabriquer un sortilège aussi similaire à ces engeances infernales? La serpent ne saurait dire mais elle est reconnaissante.

Ce qu'elle cherche aujourd'hui, c'est un savoir différence de celui qui trône dans sa librairie. Elle s'intéresse non pas à la magie interdite mais à l'histoire de cette dernière. A l'histoire de ces maléfices à travers les âges, leurs impacts sur les civilisations et leurs déboires. Il y a tant de choses que la serpentine ignore, elle doit s'abreuver de connaissances pour mieux comprendre son univers. L'idée de récolter ce savoir sur papier est cependant dérangeant à ses yeux, en plus d'être terriblement ennuyant. N'y a-t-il pas un conteur pour lui chanter d'amusants récits? Une personne capable d'égayer ses heures en dehors des ignares qui ne s'intéressent uniquement qu'à son apparence physique? Se faire passer pour une dignitaire est à double tranchant. Seuls les plus téméraires osent lui adresser la parole, les autres tentent d'échapper à ses yeux curieux. C'est bien dommage, elle n'a pourtant pas l'intention de manger qui que ce soit. Pas encore, en tout cas.

Il y a un temps pour tout~

[Pyrrha Alexandra]

J'apprends doucement à lire, que ce soit grâce à Patroklos, grâce à Dame Warren, ou d'autres personnes qui n'hésitent pas à m'aider au besoin. D'ailleurs, on dit que j'ai surtout hérité de mon père Rothion, pour mon côté artiste plus que mon côté guerrière, bien que je sache me battre, parce que je le devais pour survivre. Aujourd'hui, je suis plus une conteuse qu'une guerrière, alors que Patroklos s'entraîne dur pour affronter les vampires. Bien sûr, pas Dame Warren, mais plutôt son beau-père qui est prêt à tout détruire.

De mon côté, je suis sur mon mur, en train de lire un livre… et ce n'est pas n'importe lequel. Je suis plongée dans le livre, dans ma bulle, n'entendant personne pour l'instant. J'ai tellement à rattraper, après toutes ces années à vivre une vie aussi misérable à cause de Tira. J'ai des difficultés en lecture, ça peut se sentir, mais il me faut bien un moyen de penser à autre chose que mon passé tumultueux.

Doucement, je commence à sentir… comme un aura malfaisant. C'est ce que je ressens sur mon cœur, où se trouve l'éclat de Soul Edge qui me permet de vivre. Doucement, je baisse mes mains, et donc mon livre, et commence à regarder dans la direction de cette personne dont je ressens cet aura malfaisant. Une femme aux cheveux gris sans pour autant faire âgée, au vu de ses traits fins. Ces cheveux ont aussi un côté turquoise, comme ses yeux. De prime abord, elle n'a pas l'air si mauvaise que ça… mais j'ai peur de retomber dans mes travers à cause de ça. Alors je commence à cacher mon visage derrière le livre, tremblotant, ayant peur d'elle sans qu'elle ne puisse savoir pourquoi.

"Non… s'il vous plait… pas encore…"

C'est ce que je dis à voix basse. Je sais que Soul Edge est une épée corrompue par un Grand Ancien… et ce lien potentiel me fait peur, car j'ai aussi ce lien indirect, et c'est ce qui a fait que j'ai tué beaucoup de personnes, que ce soit pour ma survie ou parce que je servais Soul Edge. Je ne veux pas que ça recommence… non… je ne veux pas…

[Ouroboros]

Un livre glisse entre ses mains alors qu'elle se perds entre les étagères de cette simple, quoique cossue bibliothèque. Propre, ordonnée, bien agencée. Incomparable à l'enfer que représente sa divine demeure. Cet amas de papier qu'elle feuillette ne lui offre aucune saveur, aucun plaisir. Oui, l'onctueux savoir dont elle se délecte est bénéfique à ses propres desseins, bien qu'il est loin d'être aussi captivant que ses plus intimes grimoires. Quelques minutes à feuilleter ces pages manuscrites et la Dame perçoit une grisante sensation courir sur sa peau. Étrange, se dit-elle. Même les plumes de ses ailettes masquées frémissent face à cet inconnu frisson.

Son instinct de prédatrice aurait réagit si sa vie était en danger. Non, ici c'est quelque chose de différent, quelque chose de plus... intime. Ne dirait-elle pas plus familier ? Elle perçoit cette bien intrigante aura flotter dans les airs, attiser ses sens comme l'on agiterait une brindille sous le nez d'un chat joueur. C'est quelque chose qui l'appelle, qui l'attire tel un papillon appelé par une flamme. Son livre d'histoire à la main, elle rôde lentement entre ces meubles aux innombrables écrits, cherchant de ses émeraudes bleutées l'origine de cette grisante sensation. Ses pas l'amènent vers un proche mur où a trouvé résidence une jeune personne, cachée derrière son livre. Se croit-elle invisible en agissant ainsi ? Pense t-elle pouvoir effacer l'étrange saveur de son âme d'humaine ?

« Se cacher derrière un livre est le propre des savants, parait-il~ »

La serpent offre un malicieux sourire à l'inconnue tremblante, bien qu'elle reste éloignée de quelques pas. Sans doute par peur de la faire fuir ? Ou tout simplement parce qu'elle encore en train de la jauger, de savoir quel genre de menace elle représente. La maléfique libraire s'intéresse à ses traits, à sa petite carrure, à son adorable chevelure blonde. Quel danger pourrait représenter une si frêle créature, se dirait le premier venu. Pourtant les apparences peuvent être terriblement trompeuses, la serpentine en est l'exemple le plus concret. Cachée derrière son masque d'humaine mais aussi cachée derrière sa figure de femme-serpent, n'est-elle pas une bien chaotique entité ? Le rictus qui marque ses lèvres s'adoucit, se fait moins prédateur à l'encontre de cette petite personne. Inutile de l'effrayer davantage, il serait dommage qu'elle lui file entre les doigts.

« Allons allons, je ne suis qu'une simple curieuse. Je ne vais pas te manger~ »

Elle tâte l'air de sa langue de serpent, goûtant l'atmosphère et les phéromones environnants à la recherche de réponses. Elle ignore si son sortilège fait encore office sur la prétendue humaine, mais dans tous les cas la Dame s'installera sur un proche banc, ses jambes se croisant avec une infime sensualité dont elle ne cesse de s'amuser. La petite blonde n'a aucunement l'obligation de rejoindre ses côtés, qu'elle reste sur son mur si cela lui chante. L'important n'est-il pas que leurs regards puissent se croiser dans cette future discussion ?

« Il n'y a pas de honte à avoir peur de l'inconnu. La véritable honte n'est-elle pas l'acceptation de notre ignorance ? Qu'est-ce que tu en penses~? »

C'est une invitation à la discussion. C'est une invitation à l'échange. La blondinette peut continuer à trembler comme une feuille ou choisir de s'enfuir, mais elle restera esclave de ses terreurs. La serpent ose croire qu'elle ne fuira pas, pas face à l'étrange réaction de leurs auras respectives. Il existe quelque chose de subtilement familier dans cette substance, cette sensation grisante n'est pas anodine. Deux humaines qui ne sont pas humaines, deux créatures si différentes et pourtant si similaires. La serpentine jubile de cette étonnante rencontre, elle se délecte d'avance de ce qu'elle va apprendre prochainement. Les mystères sont fait pour être dévorés après tout~

[Pyrrha Alexandra]

Moi ? Savante ? Mais je suis loin d'être savante. Ma culture est très limitée alors qu'elle aurait pu l'être beaucoup moins si Tira ne m'avait pas kidnappée. Alors ce n'est pas mon cas. Je suis cachée derrière mon livre parce que j'ai peur d'elle, ou plutôt de ce qu'elle peut être, de par nos natures qui peuvent être semblables.

Je ne veux pas éveiller mon côté Malfested... je ne veux pas. Je ne veux pas faire couler le sang, je ne veux pas causer d'autres morts, je ne veux pas que mon côté Malfested ne se manifeste… et pourtant elle en est peut-être capable… Je n'ai étrangement pas peur de me faire manger. Je ne sais même pas si j'ai envie de rester en vie, pour tout le mal que j'ai causé.

Elle a l'air d'une prédatrice… mais étrangement, ce n'est pas ça qui me fait peur plus qu'autre chose. Elle serait peut-être plus une proie devant mon côté Malfested... je ne sais pas. Avoir peur de l'inconnu… et n'est pas vraiment ce genre d'inconnu qui me fait peur. J'ai tué des inconnus, parce qu'ils voulaient me tuer, alors qu'ils ne me connaissaient pas vraiment, à part pour mes actes que j'étais obligée de faire. Je ne sais pas beaucoup de choses…

"Ce n'est pas l'inconnu qui me fait peur… c'est ma propre nature. Je suis loin d'être une savante, je ne connais que peu de choses, même comparé au commun des mortels."

Je continue de trembler. Je ne sais pas quoi faire. Je suis presque paralysée par la peur qu'elle puisse éveiller mon côté Malfested. Je commence à être à bord des larmes, à cause de nos natures communes qui pourraient finir par réveiller mon côté Malfested.

"Je ne veux pas recommencer… je ne veux pas porter d'autres malheurs… pas après un an de paix et de tranquillité… plus jamais…"

[Ouroboros]

La serpent n'a aucune difficulté à sentir le trouble, l'inquiétude, la peur qui émane de cette jeune femme. Dans des heures plus communes, elle s'en délecterait avec malice, s'abreuvant de cette terreur telle une prédatrice gourmande se nourrissant d'émotions négatives. Ce n'est pas le cas ici, son attention est attirée ailleurs. Ce que ressens la libraire est aussi étrange qu'inexplicable et elle désire des réponses. Malheureusement son interlocutrice semble peu encline à lui offrir ce qu'elle désire tant. Non pas par malice, mais par la menace d'un effondrement émotionnel.

La blondinette s'exprime avec difficulté, attisant l'impatience d'une serpentine désireuse de réponses faciles. Pour autant, la libraire n'a pas l'intention de se jeter sur sa nouvelle rencontre, elle désire juste satisfaire sa dévorante curiosité. Et pour cela, faut-il pousser à bout cette petite créature ou au contraire, tenter de la calmer ? La serpent est indécise, elle jauge de son regard reptilien l'humaine si proche de fondre en larmes, si proche d'un silencieux désastre.

« C'est donc ta nature qui t'indispose ? Comme c'est amusant, que nous ayons un bien similaire problème. »

Sagement assise sur son banc, la serpent ne bouge pas. Elle se contente de porter un oeil attentif sur la pauvre humaine qui profère de biens apocalyptiques paroles. Tout porte à croire que sa nature risque de lui faire commettre l'irréparable et la serpent ne doute pas de ses avertissements. Bien au contraire, il lui suffit de sentir la nature de cette familiarité qui les unit pour se convaincre du danger latent. Son visage soutenu d'une main gracile reste rivé sur la jeune femme, étrange créature qu'elle toise de ses émeraudes bleutées.

« Tu as l'air d'être une âme terriblement tourmentée. Je te l'ai dis, je ne suis qu'une curieuse. Si ma présence t'indispose, alors pourquoi ne pas simplement me révéler ton secret ? Si ta réponse me plaît, je te laisserais à ton sort ou devrais-je dire, à ton livre~ »

N'est-ce donc pas là un bien facile échange ? Elle n'a qu'à parler de sa nature viciée pour faire partir la femme-serpent, dont la curiosité sera contentée. Ni violence, ni morts, ni drames. Un dénouement probablement bien ennuyant pour la libraire, mais cela lui permettrait de retourner vaquer à ses occupations littéraires l'esprit libre. N'est t-elle pas venue initialement pour se renseigner sur l'histoire de ces terres ? Pour abreuver son savoir de connaissances nouvelles ? Il serait bien dommage que cet endroit ne devienne un enfer de feu et de sang.

[Pyrrha Alexandra]

C'est bien ma nature qui m'indispose, comme elle dit. Si j'étais une simple humaine, rien de tout ça ne serait arrivé, et je serais avec ma famille. Mais il s'est avéré que je suis une Malfested, que j'ai hérité des effets de l'éclat de Soul Edge que Mère portait près de son cœur, si près que la retirer signait son arrêt de mort. Alors pour elle, sa propre nature est problématique ? Ca ne fait un point commun… mais j'ai tellement peur de ce qu'elle est capable de faire.

Tremblant et au bord des larmes, je commence à faire découvrir mes yeux vers elle, assise sur le banc, avec la peur au ventre de cause l'appel de mon côté Malfested. Lui révéler mon secret ? Je risque de lui faire poser des questions pour assouvir sa curiosité. Je la regarde, toujours avec cette même crainte.

"Vraiment ? Vous êtes sûre que vous ne poseriez pas plus de questions sur moi, même après que je vous aie dévoilé mon secret ? Et si par curiosité vous voulez appeler cette forme qui causerait des morts ?"

Je ne sais pas si elle en est capable. Je ne veux juste pas qu'elle le fasse. Mais si ça permet aux autres d'être un peu épargnés, je peux essayer de lui dire ce qu'elle veut connaître. J'essaie de reprendre ma respiration, mais je n'arrive pas vraiment.

"Est-ce que vous avez déjà entendu parler de Soul Edge, l'épée maudite que portait Arthur Eld ?"

Parce que j'ai lu que Soul Edge, qui est dans mon monde, vient de Terra, et qu'il a été en quelque sorte exilé. Des livres en ont parlé, ainsi que Soul Calibur, l'épée des esprits qui a pour objectif de détruire Soul Edge.

"Je suis née avec son influence, et je ne peux pas vivre sans, au point d'avoir un éclat en moi, près de mon cœur. Ces personnes qui ont une influence de Soul Edge en eux, on les appelle les Malfested. Soul Edge demande à dévorer des âmes en permanence, et donc à tuer. C'est à cause de ça que j'ai dû tuer beaucoup de monde, y compris des personnes qui n'ont rien à se reprocher."

Mes larmes ont déjà fini par couler. J'ai tué pour survivre, mais Soul Edge en a profité car c'est Tira qui a causé tout ça.

"Heureusement que Soul Edge semble banni de Terra, mais je ne peux pas oublier tous les dégâts que j'ai causé dans mon monde !"

[Ouroboros]

La serpent porte une bien sérieuse attention à la prétendue humaine qui semble toujours aussi fébrile. Adorable, vraiment, même si une certaine forme d'impatience rôde dans la chair de la libraire. Sans doute à cause de cette proie presque-larmoyante qui ne cesse de retenir ses sanglots. Ô pauvre créature, si elle savait à quel point la reptile raffole outrageusement des petites choses mignonnes prêtes à croquer... C'est probablement son côté prédateur qui la titille à ce point mais comme toujours, le désir de connaissance est bien plus fort qu'une sordide gourmandise. La serpentine est d'ailleurs bien curieuse de savoir ce qu'est cette mortelle apparence capable d'ôter si aisément des vies. Quand bien même sa propre sécurité serait mise en jeu, cela ne l'inquiète pas outre mesure.

« Allons, pourquoi ferais-je une telle chose ? Ne trouverais-tu pas cela dommage de gâcher ce délicat paysage par le sang et la mort~? »

Enfin, la blondinette s'exprime, gratifiant la libraire d'un savoir assez curieux. Soul Edge ? Oh, elle a bien entendu cela quelque part, n'y a t-il pas quelques grimoires faisant mention d'une telle entité ? La mention d'Arthur Eld aide la serpent à s'aiguiller dans la bonne direction, elle consulte ses pensées dans une distraite absente, à la fois présente et à la fois absente. Temporairement rêveuse, ses songes ne sont pourtant que d'innombrables bouquins qu'elle tâte du bout des doigts, qu'elle feuillette rapidement en effleurant simplement la surface de leur couverture. Cette marée de savoir qui est le sien n'est point visible à l’œil nu, aux yeux du monde elle n'est qu'une rêveuse invétérée, rien d'autre.

« Intéressant, cette fameuse épée maudite semble nourrir l'obsession de bon nombre d'auteurs... C'est amusant de croire qu'une simple âme humaine puisse contrôler un tel artefact. »

Surtout pour une épée capable de dévorer les âmes constamment. Mais la serpent ne s'amuse pas à juger quiconque, c'est grâce aux sacrifices d'hommes avides qu'elle possède ce savoir aujourd'hui. Si personne n'avait tenté de posséder cette arme, jamais les grimoires n'auraient pu conter leur déchéance. Elle cligne des yeux et se targue d'un sourire amusé, friande de ce savoir bien croustillant. Ainsi donc elle fait face à une jeune femme animée d'un mortel éclat de cette légendaire épée... N'a t-elle pas une extraordinaire chance de vivre une telle rencontre ?

« Si tu devais dévorer constamment des âmes, tu ne serais pas là en train de sagement lire un livre. J'en déduis donc que tu as passé un marché avec ton colocataire ? Oh, et parle-moi un peu de ton monde, tu veux ? J'éprouve un immense intérêt pour ce genre de sujet~ »

D'autres mondes... N'est-ce pas une perspective qui ravit la libraire ? Elle a hâte d'en savoir plus sur la question, hâte de satisfaire son insatiable curiosité. Visiter d'autres univers ne serait-il pas aussi absolument exquis ? Ce serait comme redécouvrir le monde encore, telle une ignorante enfant partant à l'aventure.

[Pyrrha Alexandra]

Dommage... ce serait surtout marquant dans le mauvais sens du terme, partout. Elle dit qu'elle ne voudrait pas causer cette catastrophe. Je ne sais pas si je peux la croire... mais peut-être que pour la sécurité, je devrais atteindre ses exigences. J'espère que personne n'oserait tout détruire.

Même dans mon monde, beaucoup sont intéressés par Soul Edge, sans même connaître la véritable nature de l'épée maudite. Je la connais, mon frère la connait, notre mère la connait, mais peu de monde ne la connait. Beaucoup pensaient qu'il s'agit de l'épée ultime, qui rend puissant toute personne le possédant... mais c'est pas le porteur qui possède l'épée, mais tout l'inverse. La monstre a rapidement compris ce que ça implique. L'épée ne peut pas être contrôlée par une simple âme humaine, mais elle peut être résistée par cette âme pour peu qu'elle soit particulièrement solide.

Cette question est compréhensible. Si chaque éclat possédait la puissance de Soul Edge, elle me demanderait de dévorer des âmes en permanence, à tout moment de la journée. Mais on parle d'éclat de Soul Edge. Je ne porte pas l'épée entière. L'éclat est trop faible pour me manipuler, mais pas assez pour me tuer.

Elle veut aussi que je décrive mon monde. Je ne sais pas si elle connait les mondes principaux. Peut-être qu'elle est assez cultivée pour comprendre comment le Multivers fonctionne.

"Vous connaissez la Terre… mon monde en est un dérivé. Dans mon monde, on est en 1608, et c'est dans ce monde que se trouve Soul Edge. On le connait depuis des siècles, et à chaque fois il faisait des ravages avant de se faire arrêter par Soul Calibur, l'épée des esprits. Il y a plus de vingt ans, Soul Edge a réapparu, en possession d'un pirate du nom de Cervantes, et ma mère, Sophitia Alexandra, a reçu une mission d'Héphaïstos qui est d'arrêter Soul Edge. Pour pouvoir s'adapter à son porteur, Soul Edge a dû se diviser en deux épées. Ma mère a affronté Cervantes, et a brisé une des épées, la transperçant de ses éclats au passage. Cervantes allait l'achever, mais si je suis là aujourd'hui, c'est parce qu'elle a été sauvée. Soul Edge s'est retrouvé avec la moitié de sa puissance détruite, ce qui, lorsqu'il a pu prendre possession d'un chevalier, a causé une colonne de lumière qui répand une énergie maléfique sur tout le monde : la Graine du Mal."

Il faut qu'elle connaisse ce monde en particulier pour réellement le comprendre. La Graine du Mal y est réellement spécifique, et on ne peut pas se dire qu'on connait cet évènement sans avoir entendu parler de mon monde.

"Cette Graine du Mal a changé mon monde à tout jamais. C'est une véritable catastrophe qui cause une véritable terreur au moins dans toute l'Europe, avec Nightmare, le Chevalier Azur portant Soul Edge, qui tue tout humain pour son épée. Je suis née quelques années après la Graine du Mal, avec cet influence de Soul Edge en moi car ma mère a été obligée de garder un éclat de Soul Edge qui s'est logé près de son cœur pour pouvoir vivre. Et non, ce n'est pas un marché que j'ai eu avec cette influence. Mon éclat près mon cœur a une puissance trop petite pour me demander de tuer. Il n'est là que pour que je puisse vivre."

[Ouroboros]

Les autres mondes ont toujours représenté quelque chose de fascinant pour la reptile. Dans son extraordinaire curiosité, elle s'est passionnée pour ce sujet, a dévoré en priorité nombre de grimoires traitant de ces univers inconnus. Oh à bien des reprises, elle a souhaité voyager, traverser les lignes pour découvrir d'autres lieux. S'abreuver d’intriguant savoirs et de rencontres nouvelles. Mais il s'avère que ce genre de sortilège gourmand en énergie n'est pas encore à sa portée, sa psyché n'est pas assez conceptuelle pour se permettre ce type de fantaisie. Elle aurait trop peur de perdre substance, de se diluer dans sa propre magie quitte à oublier qui elle est, ce qu'elle est. Elle ne possède pas encore cette maitrise d'elle-même. Qui plus est, ne méconnait-elle pas suffisamment son propre monde ?

La Terre... La reptile connait cette appellation, tout comme elle ignore de quoi il s'agit. Dualité de l'âme, dualité d'un savoir étriqué. Aussi elle écoute attentivement les paroles de l'adorable blondinette, toujours avec ce même enjôleur sourire. Une histoire viciée, une épée maléfique, des prénoms qu'elle parvient à trouver dans ses archives mentales, d'autres non. La Graine du mal... Une appellation aussi amusante qu'inappropriée. Malheureusement, il lui faudrait plonger pleinement dans ses grimoires pour comprendre ce qu'il en est, pour s'abreuver des quelques connaissances que de sombres mages ont rapportés de cet univers lointain. La femme-serpent ne peut pas se permettre d'être dans sa bibliothèque et ici en même temps.

« C'est une bien passionnante histoire, qui aurait entièrement sa place sur le panthéon des mythologies. Je comprends pourquoi tu étais réticente à m'en parler, j'imagine qu'il existe quelques âmes folles désireuses de reconstituer l'épée brisée ? »

Son visage posé entre ses griffes, la reptile a bien compris que retirer l'éclat situé près du cœur de la blondinette signerait sa fin.

« Mais tu n'as pas à t'en faire, ô pauvre créature tourmentée. Je n'éprouve aucun intérêt pour cette lame maudite qui habite en toi, mon amour n'a de substance que pour les livres et autres grimoires reliés~ »

La libraire montre machinalement son livre d'histoire emprunté à la proche bibliothèque, même si ce n'est rien d'extraordinaire en comparaison à ses innombrables revues magiques. Ses précieux grimoires qui résident dans son antre, loin de tous les soupçons, loin de toutes les mains baladeuses. Dans une séductrice souplesse, elle quitte ce banc pour se relever, réajustant au passage sa robe à peine froissée par sa posture.

« Tes paroles sont étranges. Tu prétends que ton éclat est trop faible pour te demander de tuer, mais n'ai-je pas sentit tout à l'heure une aura bien viciée émanant de toi ? Cette terrible envie gourmande de dévorer les âmes et d'apporter la destruction, j'aurais presque pu la goûter du bout de ma langue. »

Ses lèvres s'ouvrent, dévoilant ses longs crocs reptiliens qu'elle lèche de son organe pour marquer son verbe. Elle lève les bras avec amusement, comme pour montrer ce monde qui les entoure, cet environnement qui est le leur.

« Le bien, le mal, ne sont-elles pas des notions abstraites ? Ne vivons-nous pas pour nous mêmes avant tout, dans notre plus égoïste amusement ? Si tu as envie de détruire alors détruis. Si tu as envie de tuer alors tue. Si tu as envie de lire paisiblement ton livre, assise sur ton mur alors lis. Il n'y a qu'en suivant ses désirs que nous existons réellement, qu'ils soient purs ou viciés ! »

Aux yeux de la reptile, tel est le vrai sens de l'existence. Il y a de la beauté dans l'ordre, il y a de la beauté dans le chaos. Création et destruction, vie et mort. Chacun est libre d'expérimenter ce qu'il désire, au plus profond de lui. Nombre d'êtres diraient que la libraire est folle, qu'elle est une créature dérangée qui ne devrait pas continuer à exister. Mais jamais elle n'a été malhonnête avec elle-même, en symbiose parfaite avec ses envies profondes, ses désirs opportunistes et sa démence latente. Cette petite blonde timorée est-elle au moins capable de comprendre un tel courant de pensée ?

[Pyrrha Alexandra]

D'autres personnes qui voudraient reconstruire l'épée, oui. Cependant, les Malfested comme moi n'en ont pas vraiment besoin, tant que les éclats se réunissent. Ces éclats rendent la puissance à Soul Edge, et en les récupérant, elle peut redevenir aussi effrayant qu'il y a 20 ans. Je hoche donc la tête en réponse.

Elle veut me rassurer par ailleurs en disant qu'elle veut surtout les livres. Je ne sais pas si elle compte écrire son propre livre et que pour cela elle serait prête à faire appel à mon côté Malfested. Je ne sais pas… ces histoires sont affreuses pour moi car j'y ai participé en faisant des atrocités. Je ne veux plus jamais en faire. Je ne veux plus tuer qui que ce soit. Plus jamais.

Elle ne comprend pas par rapport à l'effet de mon éclat. Je ne peux pas m'empêcher de regarder ma main droite, celle qui peut devenir monstrueuse quand mon côté Malfested agit. Quand je me transforme, j'y prend plaisir. En fait, c'est comme si j'assistais à ce que faisait mon corps. Il se souvient de ce que j'ai vécu, et c'est une moi qui aimait tuer et détruire. C'est mon alter ego, mais ça reste… moi. Mon âme est viciée. Elle a ressenti mon côté Malfested, qui ne fait que dormir, et qui n'attend qu'une chose pour se réveiller. Un ressentiment, une colère… une énergie maléfique… il ne suffit de pas grand-chose.

Je n'ai plus la notion de bien ou de mal. Quand Tira m'a kidnappée et ordonnée de tuer, cette notion m'est inconnue. Je voulais juste vivre et être heureuse… mais elle m'en a empêchée. Elle voulait que mon côté Malfested s'exprime avant tout, en passant par des moments horribles. J'ai été adoptée, j'ai été esclave, j'ai perdu la personne que j'aimais plus que tout au monde, j'ai été en prison… et c'est dans cette prison qu'elle s'est montrée.

Je ne connais que peu l'amusement. Je ne veux pas détruire, et pourtant j'ai détruit. Je ne veux pas tuer, et pourtant j'ai tué. Même quand mon côté Malfested ne s'est pas exprimé, je l'ai fait. Alors je secoue la tête.

"Si seulement… je devais tuer et détruire, non pas parce que je voulais tuer et détruire, mais parce que si je ne le faisais pas, je serais morte. D'un côté une autre Malfested me le forçait, et de l'autre on m'a traquée pour ce que j'ai fait, et on voulait ma mort. C'était un cercle vicieux que je ne pouvais pas sortir… jusqu'à ce qu'on s'en prenne à mon petit frère… et je me suis transformée… cette forme, c'est tout l'aura viciée qui s'exprime pleinement, et sous cette forme, je prenais plaisir à tuer et à détruire. Je ne veux plus jamais reprendre cette forme… plus jamais…"

Mais je sais que je risquerai de le reprendre. Ca fait partie de moi et je dois prier pour que personne ne voudrait l'exprimer.

[Ouroboros]

Sans un mot de plus, la reptile patiente, la reptile observe. La petite blondinette semble aussi confuse que perdue face à ses paroles, face à sa façon de voir le monde. Pourquoi en serait-il autrement ? La libraire n'est qu'un monstre aux envies chaotiques, un élément libre qui ne désire qu'assouvir ses pulsions les plus opportunistes. Poussée par son instinct, poussée par ses désirs, poussée par ses caprices. Son infinie curiosité s'abreuve du savoir offert par l'inconnue, ses pupilles reptiliennes toisant constamment l'infortunée créature qui lui fait face. Le sourire de la serpent s'efface peu à peu, perdant l'entrain qui avait pourtant nourrit sa chair quand elle avait quitté son banc. Ce qu'elle entends ne lui plaît pas réellement, cela l'irrite même.

« C'est une histoire bien tragique que la tienne, ô pauvre âme torturée. Je devrais te plaindre, je devrais faire preuve d'empathie envers toi mais la vérité... C'est qu'il n'y a rien qui ne m'agace davantage que les êtres incapables d'être eux mêmes. »

D'un pas léger, la libraire s'avance, ses talons résonnants jusqu'à pouvoir faire face à cette fausse humaine plus petite qu'elle. Son regard prédateur la toise et elle porte la main à son menton, le redressant pour fixer ces yeux troublés. Cette apparence si fragile, cette psyché si faible, si vulnérable à ses démons, attise autant son insatiable faim qu'elle n'irrite son âme. La serpent pourrait la croquer, telle la proie qu'elle représente devant sa nature viciée, elle n'en ferait qu'une seule bouchée et pourtant... par ce contact, elle sent une connexion. Elle sent une familiarité. Cet éclat d'épée maudit ancré dans les chairs de la pauvre humaine semble résonner avec la libraire. Il y a quelque chose de profond, quelque chose d'étrange. Tel un appel, une sonorité résonnant dans les abysses.

« Cette voix... Je l'ai déjà entendue... »

Ses phalanges se crispent sur les jolies joues de l'humaine, alors qu'elle puise dans ses souvenirs pour se remémorer l'origine de ce timbre impie. Un utilisateur passé, un mage disparu, le créateur de la lame ? A moins qu'il ne s'agit simplement de l'appel vicié de cette arme maudite, ce cri atroce qui a résonné d'une façon comme d'une autre dans l'enceinte de la librairie interdite ? Quel est donc cet étrange lien qui fait vibrer l'âme de la reptile ? N'est-ce pas elle qui parvient simplement à communiquer avec cet éclat infâme, de part sa nature maudite ? Non, il y a plus que cela, elle le sait. Bien qu'elle est incapable de mettre le doigt dessus, incapable de définir l'origine de cette familiarité. Voila quelque chose qui l'intrigue, quelque chose qui titille son intime curiosité. Aux dépends de la blondinette, à n'en pas douter~