The Multiversity

[Hosoo Ienaga]

Ce soir-là, Hosoo Ienaga avait trouvé son bonheur ! Une belle façon somptueusement ironique de présenter les choses sous un angle beaucoup moins sanglant qu'elles n'allaient vraiment pas tarder à le devenir. En effet, la kunoichi poursuivait un "objet" volant qu'elle avait été la seule, dans la ville de Yoake, à pouvoir identifier sans trop d'exagération. A savoir : une saloperie de démon aux écailles couleur d'hémoglobine ! Une crapule de passage qui se croyait maline en battant des ailes au-dessus des toits comme une satanée mouche à merde. Le monstre cornu - un Imp, pour faire plus court - transportait un vieux parchemin entre ses griffes. Un message cacheté, s'il vous plait ! Si Hosoo Ienaga en ignorait la provenance, elle brûlait d'une envie ô combien mortelle de le découvrir en se faisant, au passage, un infini plaisir de dépouiller le messager et de ses ailes membraneuse, et de sa queue à l'extrémité crochue, et de sa langue fourchue et - très certainement aussi - de ses yeux d'un bleu luminescent.



- Tu ne m'échapperas pas, freluquet volant !

La kunoichi était diablement persévérante. Plusieurs de ses étoiles ninja décoraient déjà le dos et les cuisses de cet Imp. Malheureusement, le fait d'avoir plusieurs bouts de ferrailles pointus coincés dans le corps ne l'avait pas motivé à ralentir sa course - bien au contraire !
Le démon mineur vivait toujours, et le simple fait de l'entendre respirer irritait méchamment la chasseuse nocturne.
Tu ne mérites pas de pomper notre air, maudit charognard !
Avec un tel adversaire (mineur dans la hiérarchie démoniaque, rappelons-le), Hosoo pouvait se permettre de s'emporter un peu. Le démon souffrait, et c'était tant mieux ! Elle aurait pu lui déchirer une aile avec un simple jet, mais à quoi bon expédier la chose ? Cet Imp crédule ne parviendrait jamais à destination. Pire encore : il amenait inconsciemment la chasseuse de démons à son lieu de rendez-vous en espérant peut-être que son congénère viendrait lui prêter main forte.
Une brochette de démons au menu ? Oh, c'est beaucoup trop généreux ! Il ne faut pas me faire autant plaisir, allons~
Derrière son masque, Hosoo Ienaga affichait un sourire de prédatrice. La nature ne l'avait certes pas pourvu d'ailes que pourtant la chasseuse de démons, surentrainée, sautait aisément d'un toit à l'autre sans jamais se laisser distancer par sa cible imbécile.
Et si je faisais en sorte qu'il se vide, en cours de route, de tout son ichor ?
Une fin qui ne conviendrait que trop bien à cette sale engeance ! Un Imp desséché sur lequel elle pourrait se pencher et aiguiser chacun de ses kunaïs.
Aaah ! Rien que cette idée la faisait frémir d'une excitation impie~
Tant de possibilités ! Comme il serait dommage de ne pas en appliquer au moins une à cette pauvre petite créature si disgracieuse, n'est-ce pas ?
Porter le coup de grâce cette chose ? Bien sûr qu'elle allait le faire !
Mais Hosoo Ienaga, en bonne vengeresse, se refusait fermement d'expédier cette affaire qui lui tenait tant à cœur.

[Leon Redgrave]

Des lanternes à moitié éteintes, pendues à des crochets rouillés, balançaient faiblement au gré du vent, leur lumière vacillante projetant des ombres dansantes sur les murs décolorés. Leurs lueurs déformées s’accrochaient aux parois, créant des motifs grotesques qui semblaient vivre leur propre vie dans l’obscurité.

Bordée de murs de briques usées, les pierres noircies par des siècles d'humidité et de pollution, elle semblait absorbée dans un éternel crépuscule. Le sol était pavé de vieux cailloux éparpillés, inégaux et couverts de débris, chaque pas résonnant d’un écho morbide dans l’étroitesse de l’espace
Des gouttières déversaient des filets d’eau sale le long des murs, leurs rigoles formant des petites cascades qui s’écrasaient bruyamment sur les pavés, ajoutant un bruit constant et angoissant au silence oppressant. Les murs étaient également ornés de graffitis effacés et de décalcomanies flétries, témoignant de la vie passée mais maintenant oubliée. Des affiches déchirées et des papiers gras traînaient dans les coins, emportés par le vent, et les restes de déchets jonchaient le sol, dégageant une odeur nauséabonde de moisissure et de décomposition.

Les toits des bâtiments adjacents se rapprochaient presque au-dessus de la ruelle, créant un tunnel d'ombre qui semblait déformer la réalité, rendant la lumière du jour encore plus inaccessible. Les fenêtres des étages supérieurs, souvent brisées ou obscurcies par des rideaux sales, ne laissaient filtrer que des éclats d’obscurité supplémentaire.

Au bout de la ruelle, où l’obscurité semblait se faire plus dense, une faible lueur d’un lampadaire grésillant émergeait comme un phare désespéré, éclairant à peine la sortie. Les coins étaient habités par une présence intangible, presque palpable, une essence d'oubli et de danger latent qui engourdissait l'air, rendant chaque mouvement ou bruit dans cette ruelle comme une intrusion dans un lieu hors du temps. Cette essence c’était moi.

Au bout de la ruelle, où l’obscurité semblait se faire plus dense, une faible lueur d’un lampadaire grésillant émergeait comme un phare désespéré, éclairant la scène : des cadavres, des dizaines, de démons abattus et lacérés par Shinato, mon instrument de mort principal. Ayant ressenti une présence démoniaque qui me suivait alors je parcourais le quartier industriel, je choisis de m’enfoncer volontairement dans une petite ruelle isolée du coin, avant que des dizaines de démons enragés ne fassent leur apparition.

« Et bien, vous en avez mis du temps, les gars ! ».

Le combat n’avait meme pas duré une minute, les diables ayant succombé face aux coups de Shinato et aux rafales de mes Desert Eagle de Léon. Du menu fretin, en somme.

*Dommage… y’a pas quelque chose de plus résistant ? *

Alors que j’étais en train de ranger Shinato dans son fourreau, je fus tout de suite attiré par un bruit dans les airs, visiblement un battement d’ailes.

*Il en reste un ? Ai-je fait une erreur ? *

Je leva les yeux au ciel pour constater la scène : un démon volant, ressemblant a une chauve-souris géante, volait par-dessus les bâtiments, semblant détenir quelque chose dans ses pâtess

*Un parchemin ? *

Avant de réagir, je constata une autre présence : apparemment notre freluquet ne faisait pas du tourisme, mais était en fuite, pourchassé par une silhouette svelte et élancé qui sautait de toit en toit tel un félin pour rattraper notre petit monstre volant.

*Un Devil Hunter ? *

Je ne perdis pas de temps : concentrant mon énergie dans mes jambes, j’effectuai un bond de plusieurs mètres histoire de me retrouver à hauteur de mon nouveau copain. Je scrutai rapidement les environnements avant de faire un inventaire de la situation.

*Une cible, seule, prise en chasse. Ok…*

Je dressa rapidement un plan : alors que la silhouette que j’avais aperçu le poursuivait en arrière, je décida de le prendre à revers, sautant sur les toits d’immeubles avoisinant et n’hésitant pas à user de mon pouvoir afin d’effectuer les bonds les plus périlleux. Je me rapprochais de plus en plus de ma cible. Puis, lorsque je jugeai que j’étais suffisamment proche, je passa à l’action.

BAM !

La détonation de mon Desert Eagle résonna dans le calme envoutant de la ville alors que la balle venait de transpercer son crâne, son cadavre s’écroulant sur le toit d’un immeuble résidentiel. Je surgis par la suite, telle une ombre sortit de nulle part, examinant le cadavre.

*Qu’est-ce que c’est… ? *

Mon attention se porta sur un objet que notre petit freluquet semblait transporter : un parchemin attaché à ses pates par le biais de quelques chaines. Je brisai les chaines avant de prendre possession de l’objet en question. J’étais sur le point de l’ouvrir quand elle surgit.

*Une femme ? *

Oui, c’en était bien une. Il fallait dire que récemment, le féminisme frappait aussi le domaine de la chasse de démons, et on commençait à voir pas mal de femmes dans le milieu. Celle-ci, cependant, était une femme bien particulière.

*Tenue de ninja, silhouette svelte, armé jusqu’aux dents, je ne pense pas qu’elle ait besoin de mon aide… *

« Bonsoir ! Alors, on chasse les moustiques ? »

Bref, c’était mon intro. Avec le temps, j'avais pris l'habitude d'imiter les interactions sociales des humains.

« Je me nomme Léon Redgrave, et je suis Devil Hunter. Je suppose que vous pourchassiez cette créature pour ça, je présume ? »

Je pointai du doigt le parchemin que j’avais récupéré.

« Malheureusement, je ne suis pas disposé à vous le donner… à moins que vous demandiez sagement, qui sait ? », dis-je avec un ton ironique.

[Hosoo Ienaga]

La kunoichi entendit un puissant coup de feu. L'instant d'après, elle vit sa proie, le crâne éclaté, dégringoler au-dessus d'un immeuble.
Ses sourcils se froncèrent.
Quelqu'un m'a piqué mon défouloir !
Un type armé qu'il ne faudrait sûrement pas prendre à la légère.
D'un énième saut, Hosoo atterrit souplement sur le toit du bâtiment en question. Le tireur était déjà là, penché sur la dépouille de l'Imp, avec le mot mystère entre les mains.
Et voilà qu'il me pique aussi mon indice, le gougnafier !
Sous son masque, la kunoichi gonfla les joues.
Sacrément culotté, le bonhomme !
Etait-il comme elle ? Avait-elle affaire à un confrère chasseur de démons ?
L'individu se montrait à la fois poli et blagueur.
De quoi la rendre sceptique.
Est-ce qu'il ne se foutrait pas un petit peu de ma gueule, celui-là ?
Toujours accroupie une main posée sur le sol entre ses genoux, Hosoo se renfrogna.
Il lui donna son nom ainsi que son corps de métier.
Devil Hunter, hein ? C'est plutôt classe, en anglais, je dois bien l'admettre. Une langue dont les mots glissent bien sur la langue, la plupart du temps. Et ils rendent aussi très bien avec l'accent japonais.
Mais là n'était pas le problème.

- Vous avez shooté mon moustique, Léon Redgrave. Je m'étais donné la peine de le décorer avec mes étoiles, comme vous pouvez le constater. (Son dos était effectivement criblé de projectiles ninjas.) C'était une réservation ! Dans mon jargon, ce que vous venez de faire, j'appelle ça : "griller la priorité". Et ça ne mérite pas de louange.

Elle n'avait pas quitté sa position. En cas de tir, Hosoo était en mesure de réagir à temps pour s'écarter prestement de la trajectoire. Elle avait confiance en sa réactivité ainsi qu'en son agilité, et pas spécialement peur de l'adresse du parti opposé.
Le Devil Hunter y allait avec ironie.
La kunoichi fit semblant de ne pas en avoir compris la nuance :

- Vous seriez suffisamment aimable pour partager avec moi les informations inscrites sur ce parchemin ? Vraiment ? Oooooh, mais quel ange tombé du ciel~

Elle inclina la tête de côté et cligna des yeux, comme émerveillée par cette possibilité. Cette comédie ne dura guère longtemps, ceci dit : l'expression qu'arborait la kunoichi changea du tout au tout, devenant assurément moins amène.

- Ça me fait une belle jambe, lâcha-t-elle en levant une main dans un geste évasif. Gardez-le votre torche-cul version papyrus, si cela vous fait plaisir d'être un gros égoïste ! Ce soir, je n'ai aucune envie d'être sage et attentionnée envers mon prochain. Parce que ce soir, je zigouille du démon, môsieur !

Elle se releva et s'approcha de lui non sans cesser de râler :

- Non mais qu'est-ce ce qu'il ne faut pas entendre ! "Que je lui demande sagement" ? Pff ! Et pourquoi pas une petite pipe pendant qu'on y est, hein ?

La kunoichi le dépassa et, tout en maugréant des insanités dans sa barbe, récupéra ses quelques projectiles fichés dans la chair de l'Imp. Ensuite, elle passa un petit coup sur les lames, rangea le tout dans ses sacoches, se redressa de toute sa hauteur et fit volte-face en direction du rebord.
Avant de plonger dans le vide, elle se tourna brièvement et lui lança :

- Et je vous interdis de me suivre, le tonton flingueur !

Ce que Léon Redgrave ne savait pas, c'est que le message inscrit sur le parchemin était crypté...
Qu'allait-il bien pouvoir en faire ? S'efforcer de le déchiffrer par lui-même ? Recourir à un joker ? Ou bien désobéir à la volonté de la kunoichi pour quérir son soutien ?
Soudain il faisait drôlement frisquet, sur les toits...

[Leon Redgrave]

Je me redressai lentement, ajustant mon manteau en cuir alors que j’observais la kunoichi, l'air soudain plus intéressé par son attitude que par le monstre étalé à nos pieds. Elle était rapide et précise, ça ne faisait aucun doute, mais sa façon de parler trahissait une impatience palpable, presque enfantine. Son regard vif, mêlé d'irritation et de défi, ne me laissait pas indifférent.

« Sacrément culotté, en effet, » répondis-je avec un léger sourire, mes bras croisés sur ma poitrine. « Mais tu sais, une bonne chasse au démon est souvent une question de timing. Je suppose que je suis juste meilleur dans l'art de capter les opportunités. »

Je la regardai s'agiter, gonflant ses joues comme une enfant à qui l’on aurait volé son jouet. Son sarcasme ne m’étonnait pas, mais je pouvais sentir une certaine tension dans l'air. Elle avait du potentiel, c'était évident, mais je ne pouvais pas lui laisser croire que sa technique était parfaite.

« Je suis désolé pour ton décor, » dis-je en levant les mains dans un geste désinvolte, comme pour apaiser la situation. « Mais si tu veux vraiment les informations sur ce parchemin, il va falloir que tu fasses preuve d’un peu plus de patience. Un vrai chasseur de démons sait que chaque indice a son prix. »

Je lui offris un clin d'œil, me moquant un peu de sa frustration. « En fait, si tu es prête à partager tes compétences de kunoichi, je pourrais envisager de te donner un coup de main pour ta chasse nocturne. Après tout, on pourrait être plus efficaces ensemble, non ? »

Je la vis se lever, prenant un moment pour récupérer ses projectiles. Son agilité était impressionnante, et je ne pouvais m'empêcher de l’admirer tout en gardant un air sérieux. Je n’allais pas sous-estimer une kunoichi, même si son attitude flamboyante me donnait envie de rire.

*tonton flingueur ? *

Je n’eus pas le temps de répondre qu’elle tourna les talons. Et je découvris trop tard que le message contenu a l’intérieur du parchemin était... illisible.

*un message crypté ? Bon sang, je n’aurais pas dû la laisser filer…*

Je la vis plonger dans le vide, sa silhouette disparaissant dans l’obscurité, mais je n'hésitai pas un instant. Avec un bond agile, je sautai à ma suite, le cœur battant et l’adrénaline pulsant dans mes veines. La nuit était fraîche et l'air vivifiant, me poussant à me concentrer sur chaque mouvement.

Je me laissai porter par la gravité, profitant de mes compétences acrobatiques pour glisser sur les toits. Les lumières de la ville brillaient en dessous, tandis que les bruits de la rue se mêlaient au souffle du vent. De par ses mouvements, elle semblait avoir une meilleure connaissance des lieux, mais je n'étais pas du genre à abandonner facilement.

À chaque saut, je me rapprochai d'elle, mes réflexes aiguisés me permettant de contourner les obstacles avec aisance. Je la vis atterrir avec agilité sur un toit voisin, puis s'engouffrer dans une ruelle étroite. Je décidai d’accélérer, m'approchant de plus en plus.

Alors qu'elle se faufilait entre les ombres, je la suivais de près, me glissant silencieusement derrière elle. Les bruits de ses mouvements étaient étouffés par le pavé, mais je pouvais sentir sa détermination. Elle était rapide, mais j’étais déterminé à ne pas la laisser filer.
Je profitai d'un moment d'inattention de sa part pour bondir sur le bord du toit d'un bâtiment adjacent. De là, j'avais une vue dégagée sur elle, et je m'élançai avec détermination, atterrissant avec un léger bruit, juste derrière elle.

« Je n’ai pas trop apprécié le fait que tu me fausses compagnie tout à l’heure, tu vois, j’aime pas la solitude » dis-je, le ton taquin sur les lèvres, la surprise et la satisfaction se mêlant dans ma voix. Elle se retourna brusquement, ses yeux s'écarquillant de surprise alors que je lui bloquais le chemin.

Je pris un instant pour la détailler, son expression de défi face à ma présence soudaine.

« Ecoute, contrairement à ce que tu crois, je ne suis pas là pour te voler la vedette »

Je sortis le parchemin de l’intérieur de mon manteau avant de le lui présenter.

« J’ai essayé de lire ce truc, c’est crypté. Ce n’était pas une langue démoniaque ni meme une des langues mortes que je connaissais. Alors peut-être que toi, tu peux décrypter le message ?»

Je fis une pause avant de reprendre :

« Que dirais-tu de mettre notre rivalité de coté et de faire équipe, le temps d’une chasse aux démons ? Et aussi, que dirais-tu de me donner ton nom ? Tu connais le mien alors que j’ignore le tien, ce n’est pas très équitable, tu ne penses pas ? »

[Hosoo Ienaga]

Le vide ne l'effrayait guère. Comment aurait-il pu en être autrement, avec une kunoichi de formation ? Hosoo interrompit sa descente au moment opportun, se réceptionna souplement et repartit de plus belle en poussant fort sur ses jambes dignes d'une sauterelle. La jeune femme souhaitait mettre de la distance entre ce bâtiment et elle avant de s'engouffrer dans une ruelle. Le moyen le plus rapide ? Bondir de toit en toit jusqu'à ce que l'édifice en question ne fusse pas plus grand que son pouce. Une tâche aisée, d'autant que la kunoichi ne se fatiguait pas à jeter fréquemment des regards dans son dos. A cette vitesse, trop peu de gens étaient capables de suivre le rythme. Et les démons, en cette fraîche soirée, limitaient leurs déplacements aériens.
M'est avis qu'ils ne vont pas se montrer avant un bon petit bout de temps.
Deux chasseurs de démons dans les parages, cela avait de quoi décourager leurs proies !
Alors peut-être valait-il mieux pour elle de réintégrer le plancher des vaches plus tôt que prévu ?
Soit ! Que les ténèbres m'accueillent à bras ouverts.
Dans cette ruelle pavée, moins de lampadaires et aucun néon.
Fidèle à son statut, Hosoo évitait astucieusement les rares halos de lumière qui éclaboussaient les lieux. Elle le fit sans bruit, bien entendu, et fut prompte à se retourner quand elle en entendit un, en hauteur, qu'elle n'avait pas pu produire. Elle y coula un regard désabusé.
Quoi, encore ?!
Il l'avait suivi. Le "tonton flingueur". Pourquoi ? A quoi jouait-il ? Qu'espérait-il obtenir en lui collant aux fesses ?
La kunoichi s'était immobilisée pour lui jeter un regard peu amène.

- Chez moi, la solitude, ça a du bon, répliqua-t-elle.

Une demi vérité ! Le jour, la lycéenne discutait avec beaucoup de monde. Et quand le soir elle ne chassait pas les cornus, Hosoo fricotait avec la même énergie. Son endurance n'était plus à prouver, et elle n'hésitait que trop rarement à ne pas en abuser/jouir.

- Qu'est-ce que vous me voulez, playboy ?

Il était vif et agile, ça la kunoichi était prête à le reconnaître - mais aussi à le garder pour elle.
Pour être parvenu à la filer, ce type n'était pas un chasseur du dimanche...
Il lui tendit le parchemin crypté. Elle le regarda sans réagir.

- Peut-être que je le pourrais, oui. Mais je ne suis pas sûre de le vouloir.

Parce qu'il lui avait piqué sa proie, le rustre ! Et avec elle, cet "indéchiffrable" parchemin.
Hosoo n'avait qu'une seule envie : lui faire la gueule.
Et pourtant... ?
Faire équipe avec cet énergumène ? Le temps d'une chasse ?
La kunoichi croisa les bras sur sa poitrine. Muette comme une tombe, elle le détailla de la tête aux pieds.
Léon Redgrave. Un autre chasseur de démons qui a pris ses aises sur mon territoire... vais-je réellement pouvoir tirer un quelconque profit de la situation ? Que peut-il faire que je ne suis pas déjà capable d'accomplir toute seule ? Je me le demande...
Autre problème : il lui avait demandé son nom.
Réaction spontanée, cette fois-ci :

- Nan ! Même pas en rêve.

Elle eut un mouvement de tête dédaigneux.
Pour bien marquer le coup, elle jugea nécessaire de renoncer au vouvoiement :

- Si tu veux mon avis, Devil Hunter, c'est très bien comme ça.

Sauf qu'elle ne s'en alla pas comme un courant d'air.

- Tu veux qu'on bosse ensemble pour cette nuit ? Ok. Tu m'as l'air d'être compétent, alors autant que je te prenne en période d'essai.

Comme si cela n'avait pas grande importance, elle haussa les épaules avant d'ajouter :

- Appelle moi "Nuit". Ou "Kunoichi", ça m'est parfaitement égal !

Elle s'avança et lui arracha le parchemin des mains.
...
...
...
Je n'y compris rien, à ce charabia.
Jetant un coup d'œil nerveux à son "partenaire", la kunoichi fit mine de se pencher davantage sur le papyrus avant de se retourner.
D'une main discrète, elle décrocha le petit pot en terre cuite accroché à sa ceinture.
Rien qu'une toute petite bouffée.
Du pouce, elle décolla l'un des sceaux qui empêchait l'essence démoniaque de sortir du vieux catalyseur. Un petit filet de vapeur rouge jaillit par l'ouverture aménagée. Hosoo inspira le produit. Elle rabattit le papier sur le rebord du pot juste avant d'éprouver cette soudaine raideur. La vapeur rouge avait pénétré dans ses poumons, les envahissant d'une désagréable odeur de souffre. La toxine s'étendit bien au-delà de sa cage thoracique, voyageant jusqu'au bout de ses doigts crispés. Les pupilles de la kunoichi avaient adopté une légère teinte rougeâtre. Ses veines, le long de ses avant-bras, s'assombrirent un instant avant de retrouver leur couleur humaine.

- Brrr... Eurk.

Hosoo, le timbre rauque, s'était retenue de tousser grassement. Elle porta un poing à ses lèvres sèches, ses yeux brillants posés sur le vieux parchemin. Les symboles complexes réagirent alors à son injection. Elle fut la seule à les voir se déplacer à même le papier. Ils se mélangèrent de sorte à produire un schéma précis, à former un itinéraire d'un point A vers un point B, avec comme base un plan plus ou moins fidèle aux configurations de la ville.

- Je vois... ces maudits parasites ont prévu de tenir un conciliabule dans un entrepôt, à proximité des quais.

Mais dans quel but ?
Alors qu'elle était en train de visualiser l'endroit exact, le parchemin démoniaque se referma d'un coup sur ses doigts ! La kunoichi le laissa tomber par terre, s'écarta et le regarda se... froisser ? se tordre ? se contorsionner ? convulser ? s'agiter comme un poisson arraché à son bocal ?
C'était difficilement explicable, avec cette fumée inquiétante qui se dégageait du papier.
Hosoo le contemplait avec de grands yeux ronds.
Qu'est-ce qui se passe ?
Poussé par une force impie, le vieux papelard s'éleva dans les airs en même temps que les panaches de fumée blanchâtres. Il se plia un nombre incalculable de fois sur lui-même, gagna en volume et, soudain, adopta la forme sinistre d'un grand démon ailé !



Il était question d'un piège destiné aux curieux. D'une invocation maléfique animée par le besoin irrépressible d'arracher ces yeux pervers qui le fixaient !

[Leon Redgrave]

Elle avait du caractère ; ça, il fallait l’avouer. Et surtout, elle ne semblait pas encline à arrêter de m’appeler « tonton flingueur ». Apparemment, il s’agissait d’un terme péjoratif pour désigner les individus à la gâchette facile. Comme quoi, les humains adoraient inventer ce genre de termes. Alors qu’elle tenait le parchemin dans ses mains, je la fixai, bras croisé, dans l’espoir qu’elle m’aide à y déchiffrer le contenu. Quand ce soudain, le parchemin se mit à trembler, puis à vibrer. Mon interlocutrice le laissa tomber au sol, et soudain, une vive lumière écarlate s’en échappa, suivi d’une puissante bourrasque qui m’aveugla l’espace d’un instant. Apparut alors un énorme écran de fumé, ou commença à se dessiner une gigantesque silhouette qui n’avait rien d’humain. Doucement, mais surement, cette dernière commença à s’approcher de notre direction, et notre ami se révéla enfin.

*un mécanisme de protection ? *

Ça devait être ça, un sortilège pour empêcher quiconque d’accéder au contenu du parchemin, signe qu’il devait y abriter quelque chose d’important. Notre bonhomme, quant à lui, ressemblait à un gigantesque monstre ailé prêt à en découdre. Une apparence assez commune pour un démon.

*enfin un peu d’action, je commençais à m’ennuyer…*

Ce dernier, poussant un long grognement, s’avança vers moi, sa main tentant d’attraper ma tête.

*SLASH ! *

Un éclair argenté fendit l’obscurité, arrachant le bras droit de la créature, alors que je restai stoïque, mes yeux fixant la créature, shinato dégainé dans ma main droite.

« Alors, c’est ça, les démons d’aujourd’hui ? Je vous avais connu plus résistant »

Le monstre poussa un cri de douleur avant d’abattre son poing sur le sol. Nous bondîmes en arriéré pour éviter le coup, qui créa un énorme cratère au sol.

« Apparemment, on l’a énervé »

Soudain, mes poils s’hérissèrent, sentant le danger. Le démon ouvra sa bouche, et une boule d’énergie rougeâtre commença à s’y former et celle-ci libéra un puissant rayon d’énergie en notre direction.

*mince, la ruelle est trop étroite pour esquiver ! *

Je n’avais pas le choix ; armé de mon katana, je le pointai sur le sol, et au moment de l’impact, je donnai un coup vertical, de haut en bas, comme pour couper la boule d’énergie en deux. La lame de mon fidèle compagnon se heurta à la chaleur crée par l’énergie astrale du démon, faisant notamment apparaitre des étincelles autour de Shinato, comme si j’essayais de bloquer une dent de scie. Mon corps commença à reculer en arrière, poussé par l’onde énergétique. Prenant mes appuis, je fis appel a chaque muscle de mon corps et découpa finalement l’onde énergétique en deux, qui se transforma en une nuée de particules étincelantes, gravitant autour de nous.

Le démon, insatisfait, réouvrit sa gueule afin de retenter le cou. Je tendis ma main en sa direction, et invoqua mes pouvoirs télékinétiques, ce qui eut pour effet de l’immobiliser. J’étais sur le point de le faire imploser, quand j’eus une idée. Je tournai la tête vers ma partenaire, un sourire aux lèvres :

« Et si tu le finissais, toi ? Je te laisse cet honneur »

[Hosoo Ienaga]

Sa première victime ? Leon Redgrave, qui s'avérait être le plus proche du démon, la kunoichi ayant prudemment reculé sur plusieurs pas le temps de son "éclosion origamique". Le monstre, en attaquant comme une brute dégénérée, fut intercepté par un coup de sabre et perdit son bras droit griffu.
Un tribut mérité !

- Joli coupe papier. Tu as déjà songé à une reconversion ?

De son poing restant, la créature artificielle frappa comme une sourde. Le sol s'ouvrit sur un cratère tandis que ses cibles avaient bondi souplement en arrière.

- Qu'ils soient faits de chair ou de papier, il n'en faut jamais beaucoup pour les exciter.

Ce monstre ne valait pas moins qu'un grouillot programmé pour détruire les curieux.
En considérant la distance qui les séparait, il modifia sensiblement son mode opératoire. Sa gueule s'ouvrit là où une lumière inquiétante s'était allumée. Hosoo vit une sphère d'énergie carmine prendre forme à même l'air avant qu'elle ne file droit sur eux !

- Vas-y, tonton flingueur ! C'est l'heure de te comporter en homme.

Si elle se servit de lui comme d'un bouclier ? Eh bien oui !
Brandi d'une main de maître, son katana rencontra l'étincelant projectile. Il y eut un duel de force entre le monstre qui poussait d'un côté et le bretteur qui tentait le tout pour le tout de l'autre. Ce fut le second qui parvint à ses fins, réduisant l'astre brûlant en une splendide nuée de lucioles inoffensives.

- Plutôt sympa comme feu d'artifices, jubila la kunoichi. C'est pourtant pas encore le Nouvel An.

Et son infortuné collègue ? Pas trop crevé ?
Alors que le démon de papier préparait un second assaut du même acabit, l'intéressé déploya un autre de ses pouvoirs. Une force invisible qui, sous la pression, immobilisa son ennemi.
La kunoichi croisa le regard mi-confiant mi-joueur du Devil Hunter.
Il lui laissait le coup de grâce ?
Ha ! Quel beau parleur, celui-là.

- C'est ainsi que tu comptes te faire pardonner de m'avoir piqué ma proie ? Charmante intention. Je prends !

Comme ils avaient affaire à une bête ailée cracheuse de feu, Hosoo renonça très à recourir à cet élément. Elle se déporta légèrement sur le côté, puis focalisa son attention sur un point dans le ciel, juste au-dessus de la cible. A cet endroit précis, alors qu'elle composait des signes complexes avec ses doigts, un amas noir et cotonneux apparut. Une toute petite forme qui ne tarda point à grossir, à gagner en volume, pour au final se gorger d'électricité.
Dressée sur ses jambes sveltes, la kunoichi avait un index ganté pointé dessus.

- Tu vas griller, mon cochon !

Elle baissa la main. La foudre s'abattit sur le démon, pulvérisant ses ailes avant de réduire le reste de sa silhouette en un nuage de poussière volatile carbonisée !
Lorsque les yeux de la fière jeune femme se tournèrent vers son collègue, celui-ci put entrapercevoir l'éclat du courant danser à travers ses prunelles éveillées.

- Et pouf ! l'envoyé du Malin, disparu en un tournemain.

Elle voulut lui tapoter l'épaule en un geste amical. L'électricité statique, devenue soudain bien plus forte en raison de l'utilisation récente de son pouvoir, la fit grimacer. Hosoo retira vivement sa main avant de la secouer d'un air vexé.

- Aïe ! C'est que ça pique, cette satanée connerie...

Fichue essence démoniaque recyclée ! La chasseuse de démons évacua un lourd soupir en se disant que cet effet secondaire était sans doute le premier d'une longue série, qui aurait vite fait de continuer à s'étendre sur son organisme en cas d'utilisation trop prolongée.
Elle se détourna de Léon Redgrave.

- Bon ! Pas de bobo à déplorer, et bla bla bla bla... alors en route pour la suite !

Il allait la suivre ? Bien sûr qu'il allait la suivre ! Elle savait alors que lui, non.

- Maintenant que j'ai pris connaissance du cloaque puant où se terrent les démons, il ne nous reste plus qu'à nous en débarrasser illico presto. Ensuite ? J'irai sans doute me coucher en entretenant l'idée infiniment délicieuse que nous avons fait de l'excellent travail, et que notre bonne vieille Terre se portera beaucoup mieux sans n'avoir plus à supporter une charge d'âmes aussi caustiques que la leur.

Elle était de mauvais poil ? Sans doute. Cela ne lui faisait jamais vraiment plaisir d'utiliser un pouvoir d'origine démoniaque. Sauf quand elle en abusait, et qu'elle finissait irrémédiablement par se purger de toute cette énergie malsaine en faisant du rodéo sur popaul. Un cercle étonnamment vicieux, oui.

[Leon Redgrave]

Immobilisant mon adversaire grâce à mon pouvoir, je décidai de faire preuve de galanterie en laissant ma mystérieuse partenaire le finir. Celle-ci commença d’ailleurs à composer une série de signes qui me parurent familier.

*Un sort élémentaire ? *

Mes doutes se confirmèrent quand une masse noirâtre se forma au-dessus de notre invité, avant de l’électrocuter d’un puissant coup de tonnerre, ce qui le fit griller sous le coup.

*décidément, elle est remplie de surprises…*

Je fronçai les sourcils : le sort en question ressemblait à un sortilège de nature démoniaque, et ma partenaire ne ressemblait en rien à un démon. Avec mon sixième sens, je pouvais facilement différencier les démons des humains, et celle-ci ne dégageait pas d’aura démoniaque à proprement parler, meme si son aura, restait tout de meme supérieure a celle d’un humain ordinaire.

*je dois en savoir plus sur elle*

« Et bien, bravo, jolie démonstration. Mais attention à ne pas te bruler », fis-je en l’applaudissant

Le sortilège avait été puissant, tuant le monstre sous le coup, dont le corps commença à se désintégrer sur place, se transformant en infimes particules qui s’évaporèrent dans l’air. Apparemment, la Kunoichi semblait presser d’en découdre avec le reste du menu démoniaque. Elle était forte, certes, mais elle est un peu trop impulsive. Contre les démons, il ne fallait jamais faire tomber sa garde, je l’avais appris à mes dépends plus d’une fois.

*Il faut que je prenne les choses en main, je ne peux pas la laisser commander, elle est trop imprudente. Ce démon-là n’était qu’un démon mineur ; si ça se trouve, des adversaires plus puissants nous attendent*

Je m’approchai d’elle, adoptant un air plus sérieux

« Tu as une idée ou se cachent les autres ? »

[Hosoo Ienaga]

Bien ! L'heure était venue de s'en prendre au(x) plus gros morceau(x). La kunoichi, sous l'influence du produit démoniaque, avait l'air chaud bouillante à cette idée ! Léon Redgrave, qui l'avait applaudie pour avoir su éliminer le démon piège de papier avec panache en usant de foudre, lui demanda si elle savait où le point de rendez-vous des vilains cornus avait lieu.

- J'ai eu le temps d'en prendre connaissance avec ce message qui a tenté de nous buter, oui. Mais ne compte pas sur moi pour te livrer cette information aussi facilement.

Caractère de chien ? Manque de confiance ? Sans doute un petit mélange des deux, oui !
Hosoo agissait comme si le temps jouait contre elle. Ce qui était peut-être bien le cas avec ce qu'elle avait inhalé...
Elle soutenait le regard sérieux du Devil Hunter. Ses yeux modérément rouges ne cillaient pas.

- Si tu veux te les farcir toi aussi, tu vas devoir me suivre sans broncher.

Elle leva la tête en direction des immeubles voisins.

- Etant donné que tout à l'heure tu as su me coller au train alors que je t'avais demandé de ne pas le faire, je serais étonnée d'apprendre que tu ne sois pas capable de répéter l'opération.

Sous son masque, la fille de l'ombre eut un sourire ironique.
Restait à savoir si l'homme qu'il était avant tout était capable d'obéir à l'impulsive jeune femme ?
Elle lui jeta un regard en coin avant de pousser un soupir et de secouer la tête.

- Bah ! Je ne sais même pas pourquoi je me fatigue à te dire ce que tu dois faire. Un grand garçon comme toi, plus âgé que moi...

Son expression laissait entendre la fin de sa phrase laissée en suspens, soit : "franchement !"
Puis la kunoichi se tourna dans une direction et, poussant sur ses jambes, se catapulta vers sa secrète destination. Cette fois-ci, son allié du moment allait sans doute rencontrer un peu plus de difficulté à la talonner. C'est qu'elle avait besoin de se dépenser en chemin, la belle acrobate !
Au bout de ce parcours urbain, à savoir dans un vieil entrepôt désaffecté près des quais, les monstres se rassemblaient...
Sous quel(s) motif(s) ? Dans le meilleur des cas, les deux protagonistes le découvriraient rapidement avant d'y mettre un terme. Dans le pire, ils apprendraient quand même la raison de ce conciliabule mais connaitraient une fin tragique, brûlés par le souffle des invités ou noyés dans l'eau salée. Voire les deux ?

[Leon Redgrave]

Je haussai un sourcil face à l’attitude provocatrice de la kunoichi. Un sacré caractère, clairement. J’en avais croisé des fortes têtes dans mon métier, et Hosoo semblait cocher toutes les cases.

Elle voulait que je la suive sans broncher ? Très bien. Je n’avais jamais été du genre à rester les bras croisés, et puis, elle semblait savoir où se rendaient ces démons. Pas question de cracher sur une piste aussi prometteuse.

Un souffle d’air, une impulsion. En un instant, je bondis à mon tour, mon manteau noir battant dans la nuit. Je n’étais peut-être pas aussi acrobatique qu’elle, mais je compensais par une maîtrise parfaite de mon environnement. Là où Hosoo filait comme une ombre rapide et imprévisible, j’évoluais avec une précision chirurgicale, choisissant les trajets les plus efficaces, les raccourcis que d’autres ignoraient.
Petit à petit, je me rapprochai, sentant l’air se charger d’une tension plus lourde. On approchait du point de rendez-vous. Un entrepôt désaffecté, près des quais. Un repaire parfait pour une bande de salopards aux cornes bien affûtées.

J’atterris en silence sur une poutrelle métallique, mon regard balayant les lieux. En bas, des silhouettes se mouvaient dans la pénombre. Je plissai les yeux. Des démons mineurs… et peut-être quelque chose de plus gros.

J’observai la scène avec attention, analysant la disposition des ennemis et les voies d’accès possibles. L’entrepôt était plongé dans une semi-obscurité, éclairé par quelques lampes vacillantes et les lueurs rougeoyantes émanant des démons rassemblés en contrebas. J’en comptai rapidement une dizaine, mais quelque chose clochait. Une tension palpable flottait dans l’air, une attente silencieuse qui laissait présager l’arrivée d’un invité bien plus dangereux.

Il y a quelque chose qui cloche…

Je tournai légèrement la tête vers Hosoo, restée en retrait, puis pointai du menton une passerelle en métal suspendue au-dessus de la salle principale.

— Je vais descendre là-dessous et me mêler à la fête. Toi, reste en hauteur et couvre-moi. Je vais d’abord essayer d’entendre ce qui se trame, le nombre de démons présents ici est anormal, ça n’augure rien de bon.


Je plongeai mon regard dans celui de la kunoichi, prenant un air plus sérieux.

— En aucun cas, je ne veux que tu interviennes sans avoir entendu mon signal, compris ? Tu restes là, et tu attends mon retour. Dorénavant, on fait les choses à ma manière… et tu arrêtes de m’appeler tonton flingueur, en passant.

Sans attendre sa réponse, je bondis de ma cachette et me laissai tomber dans l’ombre. J’atterris sans bruit derrière une pile de caisses abandonnées, puis avançai lentement, me fondant dans l’obscurité.

[Hosoo Ienaga]

Comme escompté, les démons étaient plutôt nombreux. Sous les yeux rouges de la kunoichi, ces derniers discutaient. Hosoo remarqua deux groupes plus ou moins différents. L'un paraissait moins fourni que l'autre. Et, effectivement, comme l'avait sans doute le Devil Hunter, la tension régnait parmi ceux-là...
Leon Redgrave, après avoir effectué sa petite analyse, confia sa stratégie à la lycéenne costumée. Elle se résumait à "faire les choses à sa manière". Et à ne plus l'appeler "tonton flingueur", accessoirement.

- Je ne sais pas. J'hésite...

En fin de compte, elle resta là, plongée dans les ombres du plafond, perchée sur cette poutre métallique. Le Chasseur professionnel, lui, était descendu dans les environs sous le couvert d'une piles de caisses malhabilement scellées.


Différents types de démons occupaient donc les lieux. Parmi eux, il y avait les onis ; une bonne poignée de sous-fifres courts sur pattes dirigés par un spécimen autrement plus grand et robuste. Le porte-parole de cette équipe peu orthodoxe, sans doute. En face, les autres ne semblaient guère plus rassurants. Ils possédaient des attributs marins. L'un d'eux, ses mâchoires encadrées de tentacules rosâtres, était même armé d'un trident ! Mais ce monstre musculeux ne comptait pas ouvrir sa gueule plus que de raison. Une sorte de prêtre des abysses l'accompagnait. Son énorme tête se résumait à une masse violette parsemée de globes oculaires aux iris fendus.

- Où en sont les préparatifs ? demanda ce dernier avec une voix mystique, qui semblait provenir de nulle part et de partout à la fois.

- Les Partisans de la Flamme ont fait le nécessaire, lui assura le Oni tatoué, au timbre plus grave. Mais l'un des nôtres est en retard, et je n'aime pas ça...

- Peu nous importe le sort de votre émissaire tant que les Pierres de la Voie ont été plantées aux quatre coins de la ville.

- Les portails ne tarderont plus à s'ouvrir. Vos forces pourront alors en émerger et se joindre aux nôtres pour soumettre la région entière ! Les humains ne sont pas prêts pour nous recevoir. Leur défaite est inéluctable ! Alors, ils deviendront nos chiens...

- Les Envoyés des Abysses vous apporteront leur soutien comme convenu. Nous occuperons les quais, pour commencer, puis vous nous céderez davantage des terres conquises une fois la lie humaine enchaînée par vos soins.

- Cela va de soi ! Donner l'assaut, c'est notre crédo. Une partie de nos captifs vous reviendra aussi. Une fois convertis par votre magie, ils rejoindront vos rangs qui, je l'espère, nous prêteront à leur tour main forte.

- Nos intentions n'ont pas changé d'un iota, affirma le démon marin.

Voilà qui en disait suffisamment long...

[Leon Redgrave]

e restais immobile derrière la pile de caisses, mes yeux fixés sur les démons qui se mouvaient dans l’obscurité de l’entrepôt. Je devais comprendre ce qui se tramait ici avant d'agir. La tension qui régnait dans l’air était palpable, plus lourde encore que la poussière qui flottait autour des démons.
Puis, Les paroles du prêtre des abysses résonnaient dans ma tête : "Les portails ne tarderont plus à s'ouvrir." Un frisson parcourut mon échine.

* Ils préparent une invasion, Pas question de les laisser faire. Mais avant de passer à l’action, je dois récolter le plus d’ informations possibles. *

Puis, je reportai mon attention sur les démons. Je scrutai le moindre de leurs gestes, écoutai attentivement leurs conversations. Un oni tatoué semblait préoccupé par un émissaire en retard, mais ce n’était pas ce qui m’intéressait le plus pour l’instant. C’était la mention des “Pierres de la Voie” et des portails.

*Les pierres de voie ? *

Les démons commencèrent à se disperser après leur discussion, leurs pas résonnant sourdement dans l’entrepôt. Le prêtre des abysses, lui, semblait plus préoccupé par la mise en place des rituels que par les autres membres de son groupe. C'était l'occasion idéale.
Je m'éclipsai dans l'ombre, en silence, observant les mouvements des créatures. Un oni tatoué s'éloigna un peu du groupe, s'aventurant à l'écart, comme pour inspecter une autre partie de l'entrepôt.

*Parfait, mon joli*

Je me déplaçai avec la précision d'un prédateur. Un léger cliquetis métallique, à peine perceptible, signala ma position à cet oni. Il se tourna trop tard, et mes mains se refermèrent autour de son cou, en un mouvement rapide, le projeta dans une zone sombre, ou personne ne pouvait nous voir.
__ Qui est-tu, sale connard ?! Tu vas me le p-
A peine voulut-il résister que j’invoqua mon pouvoir de dissuasion

Alteration :

Utilisé correctement, ma puissance me permet même de créer n'importe quoi à partir des atomes proches de moi, et ceci peut aller du simple mur à une épée des plus aiguisées. C'est de cette manière que je crée mes armes.

— Qu’est-ce que vous préparez ici ? lui murmurai-je d’une voix basse, mes yeux plantés dans les siens, l’air de ne pas vouloir perdre une seconde.
Il tenta de se dégager, mais je serrai ma prise, obligeant une des lames à égratiner son cou, ce qui eut pour effet d’ouvrir une légére plaie. Je n'avais pas de temps à perdre avec de l’esbroufe.
— Les Pierres de la Voie, les portails… Parles-moi un peu de ça, tu veux bien ?
Il bougea un peu, mais la menace dans son cou le fit se calmer.
— On les a plantées dans quatre coins de la ville, répondit-il d’une voix tremblante. L'ordre des Abysses veut ouvrir un passage pour faire débarquer les nôtres. Une fois que les portails seront ouverts, il sera trop tard pour vous. Vous êtes condamnés.
Je frémis en entendant ces mots. C'était bien plus grave que ce que j’avais imaginé. Ces portails étaient l’entrée pour une armée de démons. Je n'avais pas le droit de laisser ça se produire.
— Où sont les autres portails ? Et pourquoi tant de précautions avec ces Pierres de la Voie ?
Il hésita un instant, mais je sentis sa respiration se couper encore plus sous mon emprise. Ses yeux s'écarquillèrent alors qu’il me regardait, angoissé.
— L’un d’eux… près du vieux cimetière… l’autre à l’est de la ville… je ne sais pas où exactement, mais… le dernier, ils l’ont caché sous l’eau, dans un entrepôt secret… C’est tout ce que je sais !
Je relâchai un peu la pression sur sa gorge, juste assez pour qu'il respire à nouveau, mais il savait maintenant que j'avais ce dont j'avais besoin.
— Merci pour ton aide, dis-je d’un ton froid. Tu n’auras plus à t’inquiéter, pas pour longtemps en tout cas.

Avant qu'il ne puisse protester, mes lames fendirent l’air et le transpercèrent de tout part, en visant ses points vitaux. Au moins, il n’aura pas agonisé pendant longtemps.

Je sentis ensuite une présence derrière moi. Faisant disparaitre mes armes, je me retourna, conscient de qui s’était. Les mains sur les hanches, je soupira avant de déclarer :

__Je pensais t’avoir demandé d’attendre mon signal

[Hosoo Ienaga]

En écoutant non pas le conciliabule entre les démons de différentes espèces mais bel et bien celui, plus privé, entre Léon Redgrave et sa victime, la kunoichi s'était tenue au courant de tout ce qu'il y avait à savoir sur cette sombre affaire. Incapable de rester sage, elle l'avait fait dans le dos du Devil Hunter, cela allait de soi !
La réflexion paternelle de ce dernier ne se fit point attendre.

- Alors il faut croire que ton signal a trop tardé, lui lança-t-elle avec un soupçon d'ironie dans la voix. Parce que figure toi que je commençais à m'ennuyer, là-haut, perchée sur cette poutre glacée.

Elle s'assura que l'oni qu'il avait interrogé était bel et bien mort avant d'en revenir aux faits :

- Une Pierre près d'un vieux cimetière, la seconde dans un coin à l'est de la ville, et une troisième dans un entrepôt immergé. (Elle soupira et secouant la tête.) Ouaip ! Tout porte à croire qu'ils ont vraiment décidé de nous compliquer la vie, ces satanés couillons...

Une pause. Un instant de réflexion.

- Mais ça ne veut pas dire que nous sommes obligés de toutes les détruire, non ? Si leur alignement revêt de l'importance, en faire disparaître une devrait suffire à éteindre l'ensemble.

D'esprit éclairé par cette révélation, Hosoo vira brusquement sceptique. Ces saloperies d'artefacts mystiques fonctionnaient par dérivation ou bien en continu ?
Les yeux baissés au sol à fixer un point imaginaire, elle avait calé une main sous son menton masqué.

- Sauf si elles peuvent s'activer à l'unité. Dans ce cas là, un portail émergera sur chacun des points et nous ne serons pas du tout dans la mouise...

Cette pensée l'agaça. Elle tourna son regard vers Léon Redgrave, le gratifiant d'un froncement de sourcils qui n'augurait rien de bon. Une seconde plus tard, il la retrouva juste sous son nez, un index accusateur planté entre ses pectoraux saillants.

- Espèce d'idiot ! Tu l'as buté trop vite. Il aurait pu nous en dire plus si tu avais réfléchi avant de-

- Hé !? Qui va là !

Un autre affreux tatoué les avait surpris en plein milieu de la conversation. L'inopportun n'était pas bien grand mais paraissait suffisamment fort pour fendre des crânes avec cette massue qu'il avait dans les mains.
Sans daigner lui répondre, Hosoo réagit au quart de tour et lui décocha une salve de shurikens en pleine gorge ! L'oni, qui se confondait presque avec un diablotin du fait de son gabarit réduit, vacilla sur ses appuis mais ne tomba pas tout de suite. Il porta une main à son cou blessé avant que la kunoichi ne compose un signe avec ses mains. La foudre, qu'elle avait préalablement injecté dans ses accessoires ninjas, s'éveilla alors, court-circuitant mortellement le sujet démoniaque.
En s'effondrant lourdement sur le dos, ce dernier, tout fumant, attira l'attention d'une poignée de ses congénères.

- Tsss ! Ça suffit : on s'arrache.

Elle prit le Devil Hunter par la main, quittant avec lui ce maudit entrepôt.
En chemin, ils allaient sans doute pouvoir discuter plus tranquillement de la marche à suivre.

[Leon Redgrave]

Alors que nous nous éloignions de l’entrepôt, je ralentis volontairement le pas, laissant le temps à mes pensées de s’ordonner. L’air était toujours chargé de cette odeur métallique, un mélange de sang et d’ozone, vestige de la foudre qu’elle avait injectée dans ses armes. Derrière moi, je percevais encore son souffle légèrement irrégulier, sûrement dû à l’adrénaline.
Je m’arrêtai net, pivotant sur mes appuis.

— Ça suffit.

Ma voix était calme, posée, mais empreinte d’une certaine fermeté.

— Je t’ai dit d’attendre mon signal. Je t’ai dit de ne pas intervenir sans mon ordre. Pourtant, tu as fait exactement l’inverse.

Elle croisa les bras, prête à répliquer, mais j’enchaînai aussitôt.
— Tu crois que c’est un jeu ? Ces artefacts ne sont pas des jouets, et les démons qui les protègent ne sont pas de simples adversaires à abattre comme des mouches.
Je laissai passer un instant, la scrutant pour m’assurer qu’elle comprenait bien la gravité de la situation.

— Maintenant, écoute-moi attentivement. Trois Pierres, trois emplacements. Ils ont choisi ces lieux pour une raison, et si on se précipite sans réfléchir, on risque d’aggraver la situation au lieu de la régler.
Je marquai une pause, puis repris d’un ton plus mesuré.
— La clé, c’est le cimetière. Un endroit exposé, plus difficile à sécuriser. Si on veut frapper vite et bien, c’est là qu’on a nos meilleures chances.
Je soutins son regard, impassible.
— Mais cette fois, on fait ça à ma manière. Plus d’initiatives irréfléchies, plus d’actions impulsives. Je mène l’opération, et tu suis mes ordres.
J’inclinai légèrement la tête, mes yeux froids ancrés dans les siens.

Less humains, Incapables de maîtriser leurs impulsions, incapables de voir au-delà de l’instant, se jettaient dans la mêlée sans réfléchir, guidés par leurs émotions primitives, persuadés que leur volonté seule suffirait à vaincre. Et cette derniére semblait particuliérement bornée. Je la connaissais assez pour savoir qu’elle détestait qu’on lui donne des ordres. Mais j’avais besoin qu’elle comprenne une chose essentielle : ce n’était pas une question d’égo, c’était une question de survie.

[Hosoo Ienaga]

Ils se trouvaient suffisamment loin de l'entrepôt et notamment de leurs poursuivants qui, pour le coup, savaient que des étrangers comptaient leur mettre des bâtons dans les roues. Pour autant, Hosoo Ienaga n'était pas contre ralentir un peu le pas. L'essence démoniaque qu'elle avait inspirée tendait naturellement à se dissiper. Son organisme la digérait comme un aliment, mais les effets secondaires n'allaient pas tarder à apparaître. Il valait donc mieux laisser la foudre de côté pendant un petit moment.
Le Devil Hunter jugea le moment opportun pour avoir une sérieuse discussion avec elle.
L'air de ne souffrir de rien, la kunoichi répondit du tac au tac :

- Et qu'est-ce qui suffit, exactement ?

Probablement aussi têtu qu'elle, le professionnel ne se priva pas pour lui préciser sa pensée.
En l'écoutant aligner les remontrances, Hosoo croisa effectivement les bras sur sa poitrine.
J'ai le sentiment que ça va être long et chiant.
Ah bah tiens ! Voilà qu'il s'imaginait qu'elle ne prenait pas la chose au sérieux.
Noooooon, monsieur l'adjudant ! Allons, allons, allons ! Une invasion de démons depuis les quatre coins de la ville ? En bonne débutante, moi, je considère que c'est une sacrée mince affaire !
Oui, elle fronçait les sourcils. Oui, elle tapait impatiemment du pied. Et non, elle n'avait pas décroisé les bras.
Pourtant, elle ne commit pas l'erreur de l'interrompre dans sa presque diatribe qui devint une sorte de mise au point stratégique. Trois pierres, trois angles d'attaque possibles. Ils avaient un choix à faire, et Môsieur avait opté pour le cimetière.
J'ai connu mieux comme endroit, pour un rendez-vous galant.
Blagounette qu'elle préférait garder pour elle, bien au chaud derrière son masque. Pas question de donner une raison supplémentaire au tonton flingueur de lui faire la morale. Elle aussi était une Chasseuse de démons - qu'il la reconnaisse comme telle ou non, cela n'y changerait rien !
Quand il eut fini, Hosoo leva les mains à hauteur de hanches et haussa les épaules.

- D'accord ! Très bien. Puisque tu insistes, c'est toi l'chef !

Elle jouait d'ironie face à ce regard implacable et froid comme l'acier ?
Non. Pas cette fois-ci. La kunoichi avait déjà suffisamment donné en libérant des décharges. Mentalement, elle savait qu'elle finirait tôt ou tard par céder alors que son compagnon, lui, semblait être en mesure d'assurer le coup sur le long terme. En outre, n'était-ce pas son job ? Etant donné qu'il faisait partie d'une organisation, on devait sans doute le rémunérer pour risquer sa vie.
Chose dont Hosoo, "simple lycéenne de troisième année", ne pouvait pas se targuer.

- On va rejoindre le cimetière en respectant ton itinéraire. J'obéirai à tes ordres sans rechigner. J'éviterai de découper et de foudroyer de l'affreux à tout va. Et tu sais quoi, boss ? Cela vaut mieux ainsi...

Levant un poing devant son masque, elle toussota doucement. Continuer à abuser ainsi de son pouvoir d'emprunt ne lui rendrait point service. Hosoo savait déjà qu'elle allait passer une nuit d'enfer. Et sans doute même une matinée similaire, avec un peu de malchance.
Toute sourire derrière son masque, la kunoichi rompit la distance qui la séparait de Leon Redgrave pour lui soulever une main, paume tournée vers le ciel. Avant d'y déposer quelque chose, elle fit mine de toucher son propre cou.

- Comme tu m'as l'air d'être quelqu'un qui possède énormément d'imagination, je te cède mon invisible petite laisse.

Puis elle lui glissa à l'oreille.

- Tâche de ne pas tirer trop fort dessus, d'accord ?

Elle lui tapota affectueusement l'épaule.

- On ne dirait pas comme ça mais je suis une fille très sensible~

Tout en gloussant, Hosoo le dépassa. Sans aller bien loin. Puisqu'il tenait sa "laisse". Moitié sérieuse, moitié allumeuse. Elle jouait sur les deux tableaux.