La guerre était un concept habituel en Enfer. Les sept Cercles se livraient quotidiennement à des guerres intestinales et entre eux. Il fallait se rendre dans les plaines des Champs de la Colère pour voir les batailles interminables des Princes de la Colère, des batailles qui ne pouvaient que faire plaisir à Khorne. Car l’Enfer, comme tout domaine vivant, abritait un culte. Les démons vénéraient des Dieux maléfiques, les Dieux Noirs, et les oppositions cultuelles étaient des raisons supplémentaires de se faire la guerre. Mais c’était ici un affrontement bien différent qui était en train d’avoir lieu. Les Démons s’étaient jadis rebellés contre les Dieux, et avaient pris leur indépendance. Les anciens geôliers étaient devenus une race fière et indépendante, gérant toujours le monde des morts, mais sans avoir à recevoir d’ordres de divinités supérieures ne leur correspondant pas, comme Anubis, ou Hadès. Mais les Dieux extérieurs aux Enfers disposaient encore d’enclaves, de refuges, généralement laissés là pour leur permettre de garder sous cellule leurs propres monstres. Le
Palais d’Hadès faisait partie de ces exceptions, car il y avait, sous le Palais, les portes principales du
Tartare, une prison divine olympienne où les Olympiens avaient enfermé les
Titans.
Mais, jusqu’à présent, Hadès avait toujours agi en ignorant les démons, et réciproquement. De gigantesques hydres avaient jailli des gouffres entourant le Palais, ainsi que des flopées de monstres olympiens. Ils avaient attaqué dans toutes les directions, et le Cercle de la Luxure n’avait pas été épargné.
«
Repoussez-les !
-
Ces saloperies sont nombreuses ! »
Le Palais du clan Magoa, l’un des principaux clans de la Luxure, n’avait pas davantage été épargné. La Matriarche du clan,
Onyxian Magoa, aussi belle que fatale, organisait elle-même les défenses, repoussant les hydres. Bien que temple du sexe et de la Luxure, le palais disposait aussi de ses propres défenses. Construit à flanc de falaise, ses fondations se perdaient dans un lac volcanique. Les hydres avaient attaqué depuis cette position, et la bataille se déroulait donc à hauteur de la lave. Les succubes et les incubes ne valaient pas au combat les démons de la Colère, mais ils maîtrisaient la magie, et le Palais disposait de défenses archaïques, mais efficaces. Des réservoirs de feu bouillant étaient stockés tout autour du Palais, et les défendeurs du Palais libérèrent des jets de lave en fusion, venant faire brûler les hydres.
Une fois la première vague repoussée, Onyxian réunit ses démons dans le plus grand hall du Palais. Les palais de la Luxure étaient souvent les palais les plus agréables des Enfers, car ils étaient élégants, somptueux, arrogants, et imprégnés d’une aura magique qui donnait envie d’y rester. Mais ici, une agitation palpable secouait les démons. Tous avaient senti que cette attaque venait du Palais d’Hadès.
«
Cela n’a aucun sens, les Olympiens ne peuvent espérer gagner…
-
Leur intention n’est pas de vaincre les démons, mais de les retarder », signala une autre voix.
C’était l’une des sœurs d’Onyxian, mais également une prêtresse,
Onralia Magoa.
«
L’Olympe a fermé tous ses accès, et, pendant qu’Hadès nous attaque, les frères et les fils de Zeus mènent le siège sur Terra, et même sur Terre. »
Alastar Magoa, alias « Le Diablotin », se trouvait là. Il était en repos quand les hydres avaient attaqué… Ou plutôt attablé au lit avec quelques charmantes dames. Une hydre avait explosé le toit de sa chambre, coupant court à ses ébats. Depuis lors, il s’inquiétait pour ses nombreuses amantes éparpillées à la fois sur Terra et sur Terre, mais il n’était guère possible pour lui d’aller les aider, puisque son propre foyer était attaqué.
«
Hadès va ouvrir les portes du Tartare. Et il savait très bien que les Cercles auraient senti cela, et auraient réagi en conséquence. Hadès n’a pu conserver sa souveraineté sur son palais que parce qu’il est considéré comme étant le plus apte à empêcher le Tartare de s’ouvrir. »
Même les démons n’étaient pas suicidaires au point d’aller libérer les Titans. Certes, ils rêvaient de conquête et d’invasion, mais pas au prix de devenir eux-mêmes les esclaves d’autres puissances. Or, c’était précisément ce qui risquait d’arriver si on libérait les Titans. Onralia était comme à son habitude bien renseignée, sans aucun doute parce que sa Déesse, Lust, lui avait glissé toutes les informations dont elle avait besoin.
«
Les forces d’Hadès se confrontent principalement sur les Cercles les plus guerriers : la Colère, l’Orgueil… Avec les défenses naturelles du palais, je pense, Maîtresse, que nous pouvons diviser nos forces en deux, et attaquer le Palais d’Hadès, tout en défendant le palais.
-
Sauf que le Palais d’Hadès est très éloigné d’ici, objecta Onyxian.
Comment pouvons-nous le rejoindre ?
-
Ma Déesse a généré un Portail depuis le temple, qui nous permettra de rejoindre l’entrée du Palais. Ensuite, nous devrons nous frayer un passage jusqu’au Tartare, et stopper Hadès de la folie qu’il est en train de faire. »
L’idée ne déplaisait pas à Onyxian, qui confia à plusieurs de ses sœurs le soin d’assurer la défense du palais. Elle réunit ensuite plusieurs succubes et incubes pour mener à bien cette mission. Onralia se reposait sur l’idée qu’Hadès avait dû vider en grande partie son palais pour pouvoir envahir le reste des Enfers.
Alastar fut désigné par Onyxian pour la suivre, car la Matriarche ne voulait pas s’éloigner de son «
petit-frère adoré ».
C’est ainsi que, plus tard, derrière Perséphone, Karkinos et Opaline, un Portail apparut. Un vortex se forma, et une flopée de démons en émergea, menée par la sensuelle et terrible Onyxian, qui se posa devant le trio, accompagné de ses démons. Son regard se fronça en voyant une femme. Onralia n’eut aucun mal à la reconnaître.
«
Déesse Perséphone… Je suppose que vous ignorez les raisons conduisant votre époux à agir ainsi ? »
Les discussions allaient toutefois tourner court. Le sol se mit brusquement à vibrer, tremblant dangereusement. Le Palais d’Hadès était accessible par une série de ponts et d’arches naturels surplombant un précipice d’où luisait habituellement des rivières de feu. Les hydres avaient jailli de ces gouffres, et des hydres supplémentaires, plus grosses encore que les précédentes, s’élevèrent à nouveau, faisant trembler les murs.
Onyxian, qui avait une nature de fonceuse, grogna sur place :
«
On discutera plus tard ! Dégagez, les touristes, j’ai un Dieu à aller calmer, moi ! »
Onyxian s’envola alors avec les autres démons vers l’entrée du Palais, tandis que des gargouilles émergèrent des murs, fondant sur les démons pour les retenir et les défier…