Qu'il fusse question d'une journée ordinaire ou non, Chizuru avait passé un temps fou à se préparer dans la salle de bain ! Elle s'était réveillée un petit plus tôt que prévu afin de ne pas être un (trop gros) frein pour ses parents, qui savaient parfaitement à quoi s'attendre de la part de leur coquette progéniture.
Première mission accomplie sans anicroche pour l'idol en formation ! Particulièrement fière de ce qu'elle avait contemplé dans le miroir, elle avait quitté la maison bien avant sa petite famille - en prenant tout de même le temps d'inonder ses proches de son éternelle joie de vivre.
- Donnez-vous à deux cent pourcent ! Moi ? Je vais faire pareil de mon côté, ha, ha ! Allez ! On se revoit ce soir ♥
Le chemin n'était pas bien long jusqu'au lycée. La troisième année le connaissait par cœur, à tel point qu'elle était à même de le parcourir les yeux fermés tout en sautillant. Elle le fit seule, tout en fredonnant un air joyeux qui ne pouvait guère mieux lui convenir qu'en ce début de journée ensoleillée.
Arrivée devant son établissement, l'idol se calma tout de même un peu. Sans pour autant, bien sûr, se donner des grands airs que certains concurrentes, qui avaient trop souvent tendance à se sentir menacées, avaient pris l'habitude d'arborer quand elles croisaient son chemin.
Un aléa de la société que Chizuru avait appris à encaisser sans jamais se rider !
Cela fait partie de mon quotidien. A certains endroits, il y a de magnifiques fleurs qui s'épanouissent en paix ; dans d'autres parcelles plus exotiques et sauvages, on y trouve de vicieuses plantes carnivores qui préfèrent gober les mouches.
Ou, pour en revenir à sa personne, les papillons ?
Pourtant, ce matin-là, la rayonnante lycéenne ne tomba point sur ces spécimens. Une autre espèce lui tomba dessus. Trois filles du Club social, qu'elle savait sérieuses et puissantes de réputation, vinrent l'aborder. Une seule d'entre-elles prit la parole. Une grande femme brune à lunettes, très bien faite de sa personne, qui respirait l'autorité et la confiance en elle. La meneuse de ce trio, sans doute, qui n'avait rien à envier à Chizuru en terme d'intelligence.
Cette dernière avait cligné des yeux rien qu'en entendant le nom de...
"Leona-sama" !
Il n'en existait pas trente-six à Atarashï Yoake. Et encore moins qui mériterait d'être appelée avec autant de respect !
Leona Morimoto ? Du Club social ? Bon dieu ! Et à quel moment suis-je supposée me réveiller ?
Elle eut la retenue de ne pas se pincer la joue en public. Même quand on lui fit part de cette invitation, le soir-même, à l'Arcadie...
La Sainte-Arcadie ! La gigantesque demeure des Morimoto. Presque un palais ! C'est incroyable de pouvoir y mettre les pieds ! Complètement fou, même ! Pitié : que l'on ne me réveille pas.
Droite comme un "i" sur sa chaise, Chizuru avait hoché plusieurs fois la tête. L'émotion était forte, si bien que la contenir exigeait de son hôte toute sa concentration. Le trio avait déjà commencé à s'éloigner quand elle répondit :
- Entendu ! Je n'y manquerai pas~
L'instant d'après, elle avait bondi sur son smartphone pour en informer ses parents :
Je vais sans doute rentrer tard, ce soir. Peut-être même que je passerai la nuit ailleurs - vous ne devinerez jamais où ! Ne vous faites pas de bile : c'est un rendez-vous de la plus haute importance en rapport avec mon grand rêve ! Alors surtout, ne m'attendez pas. ★★★
Sans toutefois se montrer trop transparente. Avec bon nombre de ses activités, elle aimait entretenir une part de mystère.
- Dieu que c'est excitaaant~
A la fin des cours - que son esprit trépignant d'impatience n'avait fait que survoler - Chizuru ne s'était toujours pas "réveillée". Parce que la voiture, une limousine flambant neuve, justement, était bel et bien venue la chercher pour la conduire, dans le plus grand confort, à l'Arcadie.
Encore une fois, l'idol avait dû contrôler ses pulsions pour ne pas se retrouver le visage collé à la vitre.
C'est bien la première fois qu'elle voyait d'aussi près un manoir pareil.
Je me sens minuscule à côté de ce monument historique !
Avant de descendre de la voiture, Chizuru s'adonna à un discret petit exercice de respiration. Son trac retomba presque instantanément. On l'escorta fièrement jusqu'à la richissime demeure des Morimoto. Elle atterrit dans un salon ou l'y attendait la très fameuse Leona. La dirigeante en personne du Club social, tranquillement assise dans un coûteux fauteuil, grignotait une viennoiserie dont la couleur était en parfait accord avec le rouge qu'elle arborait. L'idol déglutit en douce. En plus d'être incroyablement belle, la blonde disposait d'un charisme naturel à couper le souffle !
Chizuru n'eut pas du tout à se forcer pour se coller les bras le loin du corps et se fendre d'une grande courbette.
- Bonjour, Léona... sama ?
L'idol s'était mordue la langue. Elle ne se voyait pas ajouter "chan" derrière son prénom. Cette femme était beaucoup trop importante que les familiarités aillent dans les deux sens.
Elle poursuivit donc sur sa lancée :
- Votre invitation me va droit au cœur et, très honnêtement, il me tardait de l'honorer !
Une inspiration. Ses mains moites rangées dans le dos. Et enfin ce grand sourire tout mignon à faire chavirer les cœurs !
L'idol en devenir reprenait tout doucement le contrôle.
Après qu'elle eu l'autorisation de son hôte, ses yeux daignèrent enfin caresser les viennoiseries disposées sur la table.
- La journée m'a paru beaucoup plus longue que d'habitude, lui avoua-t-elle en essayant de ne pas loucher sur un appétissant choux à la crème dont la taille équivalait bien à celle de sa main. Si longue que j'en ai oublié de manger ce midi ! L'attente est une chose terrible. Au milieu, elle vous accapare l'esprit ; à la fin, elle vous creuse l'estomac.
La modeste invitée s'assit à l'endroit prévu pour son popotin et, cessant de lutter intérieurement pour retenir sa main, s'empara de cette gâterie qui lui faisait de l'œil. Néanmoins, elle ne la porta pas tout de suite à sa bouche, préférant plutôt se servir de cette dernière pour ajouter à l'adresse de sa bienfaitrice :
- Vous êtes resplendissante dans cette tenue ! Je trouve que le rouge vous va à ravir. Mais j'ai quand même un peu de mal à discerner ce qu'il fait ressortir le plus chez vous : entre le riche éclat de vos yeux ou la majesté de vos boucles dorées. ♥
Flatteuse, la coquine ! Reste qu'elle s'exprimait à cœur ouverte, ses prunelles noires suspendues à la beauté de cette redoutable figure de pouvoir et d'autorité.