Ashka retrouva Jordy, tandis qu’Alice, enroulée dans sa serviette, se réfugia derrière un buisson, et commença à se changer. Pendant ce temps, le dragonnet lui expliqua venir d’un territoire qui s’appelait la Terre des Dragons, et qu’il semblait totalement ignorer où il se trouvait.
*
Oui, alors, avec un nom pareil, ça ne va pas être évident de savoir d’où il vient, celui-là… Je n’arrive pas à croire qu’il m’ait vu nue ! Mais bon, je ne pouvais pas non plus le laisser être brûlé vivant.*
Alice avait voyagé léger. En montagne, les températures étaient souvent, soit très basses, soit très hautes. Et, comme il faisait bon en ce moment, elle avait
une tenue légère, une robe florale avec de légers collants blancs fins et semi-transparents. Elle les enfila donc, puis sortit finalement de son buisson.
«
C’est bon, tu peux te retourner. »
Elle l’avait laissé parler, et croisa ensuite son regard.
«
Tu n’as pas l’air de connaître beaucoup le monde extérieur, toi, hein, je me trompe ? La Terre des Dragons… Tu sais, il y a plus d’un endroit sur Terra où on trouve des dragons. »
Alice croisa les bras. Elle était tentée de lui dire qu’elle était la Reine de Sylvandell, mais Alice avait toujours un petit côté espiègle. Elle décida donc de laisser cela de côté, en estimant que ce serait sans doute bien plus amusant pour elle.
«
Ici, nous sommes à Sylvandell, et je m’appelle Alice. Comme je te l’ai dit, c’est un endroit interdit aux curieux, car les dragons sont plutôt agressifs. Mais moi, comme j’ai grandi ici, les dragons me protègent, et ne me font aucun mal. »
Techniquement, elle ne mentait pas. Elle omettait juste de dire que, si les dragons ne lui faisaient rien, c’est parce qu’elle était la descendante d’Erwan Korvander, le Premier Roi de Sylvandell. L’instinct d’Ashka l’avait sans doute poussé à venir ici… Ou alors, il s’agissait de l’une de ces coïncidences extraordinaires dont la nature avait le secret. Dans tous les cas, Alice se rapprocha de Jordy. Le cheval blanc avait eu la peur de sa vie, mais il n’avait pas abandonné sa cavalière, signe que le cheval lui était fidèle.
«
Je peux te trouver un endroit où dormir, oui… »
En un sens, c’était un peu de sa faute si Fanduin avait été si hargneux. En temps normal, elle doutait qu’un dragon doré en ait attaqué un autre, mais, comme il s’était approché d’elle. Elle se sentait donc un peu responsable. Et puis, c’était un paladin-dragon, elle se devait donc doublement de lui accorder hospitalité. Enfin, elle ne pouvait nier qu’il était mignon. Un paladin-dragon androgyne, elle n’avait encore jamais vu ça ! Naturellement, la jeune femme était donc curieuse d’en savoir davantage sur lui.
«
Comme Fanduin est parti, est-ce que tu ne vois pas d’inconvénient à ce que nous chevauchions ensemble ? Si Jordy accepte mon séant, bien sûr… »
Elle lui indiquerait le chemin à prendre, un sentier à flanc de montagne qui menait vers la Griffe, un petit fortin qui était la frontière officielle entre Sylvandell et le Territoire. Depuis la Griffe, on apercevait en contrebas l’ancien Château royal, une tour solitaire juchée au sommet d’une montagne. Sur la droite, c’était un paysage à couper le souffle, le massif montagneux qui s’étalait à perte de vue avec tout en bas une série de plaines rocailleuses et de cours d’eau. Enfin, sur la gauche, le nouveau Château royal apparaissait, bien plus grand que l’ancien, s’étalant sur le haut-plateau de Sylvandell, avec d’énormes remparts formant un large quadrilatère. Le pont qui menait à l’ancien Château royal reliait ainsi les deux structures, mais le sentier allait les mener sur le haut-plateau. Il y avait des maisons, des manoirs, toute une ville qui prospérait autour du château. En s’y dirigeant, Ashka pourrait également commencer à se poser des questions sur sa passagère, car tous les Sylvandins qu’ils croiseraient s’inclineraient devant elle, en l’affublant de plusieurs qualificatifs : «
Majesté ! » ; «
Le Joyau de Sylvandell ! » ; «
Dame Alice »…
Réaliserait-il qu’il chevauchait avec la Reine de Sylvandell ? Une Reine qui, par ailleurs, n’hésitait pas à se presser un peu contre lui, ses seins s’enfonçant dans le dos du jeune paladin…